Les entreprises ont été largement plus épargnées par l’augmentation de la fiscalité, selon une étude de l’OFCE dévoilée jeudi 22 octobre dans LE MONDE, le 22.10.2015 par Patrick Roger
Qui, depuis 2010, a payé le prix fort des politiques d’ajustement structurel et de réduction des déficits ? La réponse est, sans ambiguïté, les ménages, en dépit des lamentations des responsables patronaux. Le pacte de responsabilité et de solidarité mis en œuvre depuis 2014 est loin d’inverser cette tendance, malgré les baisses d’impôt sur le revenu annoncées pour les ménages modestes. Bien au contraire, comme le démontre l’étude mise en ligne jeudi 22 octobre par deux économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane et Raul Sampognaro.
Sur la période 2010-2016, les prélèvements obligatoires (PO) sur les ménages, intégrant les mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2016, auront augmenté de 66 milliards d’euros (+3,1 points de PIB), et ceux sur les entreprises de 8 milliards (+0,4). Ainsi, le taux de PO sur les ménages atteindra en 2016 un plus haut historique, à 28,2 % du PIB, tandis que les prélèvements sur les entreprises retrouveront un niveau de 16,4 %, inférieur à celui d’avant la crise de 2008.
Mieux encore, avec la mise en œuvre, en 2017, de la dernière phase du pacte de responsabilité, qui prévoit la suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés et la réduction de l'impôt sur les sociétés, auxquelles s'ajoutent les remboursements liés au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la fiscalité des entreprises devrait baisser de 10 milliards d'euros, ce qui ramènera leur taux de Prélèvement Obligatoire à un plus bas historique depuis le début des années 2000. Rarement, dans l'histoire récente, les entreprises auront enregistré une telle décrue de leurs charges alors que les ménages, eux, auront été très largement mis à contribution.
L'étude de l'OFCE procède à un découpage précis des prélèvements sur les ménages et sur les entreprises. Elle regroupe, pour les premiers, les prélèvements directs (impôts, sur le revenu, CSG, CRDS, taxe d'habitation), les impôts indirects (TVA, TICPE...), les impôts sur le capital (ISF, taxe foncière...) et les cotisations sociales. Sont considérés comme prélèvements pour les entreprises les impôts sur la production, les impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre, les impôts sur les sociétés et les cotisations sociales patronales.
Choc fiscal
Globalement, les taux de prélèvements obligatoires ont fortement augmenté sur la période 2010-2013 : de 3,7% de PIB (2,4 % pour les ménages et 1,3 % pour les entreprises). C'est après que les choses se gâtent. En 2014, sous l'effet de la mise en place du CICE (6,4 milliards d'€), les PO des entreprises se sont réduits de 0,2 % de PIB tandis que ceux des ménages, en raison de la hausse de la TVA (5,4 milliards), de l'augmentation de la fiscalité écologique (0,3 milliards) et de la hausse de la contribution au service public de l'électricité (1,1 milliards) ainsi que de l'accroissement des cotisations sociales (2,4 milliards) ont continué à augmenter de 0,4 % de PIB.
La tendance s'accélère en 2015. Grâce à la montée en charge du CICE (6 milliards), aux premières mesures du pacte de responsabilité (5,9 milliards), même si d'autres mesures comme celles issues de la réforme des retraites pèsent en sens inverse pour 1,7 milliards au total, les prélèvements sur les entreprises baisseront de 9,7 milliards d'€. A l'inverse, ceux des ménages augmenteront de 4,5 milliards d'euros, soit 0,2 % de PIB, malgré la suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu.
Et cela devrait se poursuivre en 2016, avec une baisse des PO de 5,9 milliards pour les entreprises et une hausse de 4,1 milliards pour les ménages, malgré une nouvelle baisse de 2 milliards sur l'impôt sur le revenu, qui ne permet pas de compenser la hausse des autres mesures fiscales. Car ces mesures d'allègement des impôts tant vantées par le gouvernement paraissent finalement bien faibles au regard du choc fiscal encaissé par les ménages.