La robotisation propulse l’humanité dans une ère d’abondance où l’emploi deviendra accessoire, assure le philosophe Raphaël Liogier, défenseur d’un « revenu universel de haut niveau ». Par Erwan Mana'ch le 21 décembre 2016 pour Politis à lire sur www.politis.fr.
L’intelligence artificielle, -Internet et le big data ouvrent une ère de progrès exponentiels de la robotique. Ce qui est en jeu, selon le philosophe Raphaël Liogier, dépasse largement le cadre d’une révolution industrielle. L’humanité connaît un changement radical qui doit affranchir l’homme de son obligation de travailler. Connu notamment pour ses analyses sur l’islam, Raphaël Liogier analyse en anthropologue le mythe de l’emploi, pierre angulaire de tous les discours politiques [1]. Il dessine un modèle nouveau, qu’il espère capable de convaincre dans tous les camps idéologiques.
La « fin du travail » est au cœur d’une importante controverse. La robotisation détruirait 52 % des emplois en vingt ans en Europe, selon l’université d’Oxford. Mais seulement 10 % selon une autre étude de l’OCDE… Quelle est votre position ?
Raphaël Liogier : Nous avons passé un cap dans la progression de la technoscience. Aujourd’hui, les robots dépassent l’humain dans l’accomplissement des tâches complexes. Et non seulement les machines sont capables de calculer plus vite que nous, mais elles peuvent désormais choisir quel calcul il faut effectuer, grâce aux algorithmes branchés sur Internet qui permettent aux machines de faire ce qu’on pensait réservé aux humains : apprendre. (...)
Pouvons-nous devenir les esclaves des machines, comme l’imaginent les pires scénarios de science-fiction ?
Vous estimez que nous sommes entrés dans « la dernière phase du capitalisme ». Pourquoi ?
Comment en arrivez-vous à la déduction qu’il faut tendre vers un revenu universel ?
Comment répondez-vous à ceux qui prédisent que le revenu universel créera une démotivation généralisée, un règne de la paresse ?
Vous terminez d’ailleurs votre livre sur une analyse du « populisme », qui relève selon vous du même « désir d’être ».
Vous parlez également des « bobos », ces « créatifs [qui] sont devenus la nouvelle classe dominante », dont la détestation est un ressort majeur du populisme. Est-ce une nouvelle lutte des classes ?
Comment le revenu universel serait-il finançable, selon vous ?
Vous proposez également une augmentation de la taxe sur la consommation (TVA), un impôt qui est pourtant décrié à gauche comme étant le plus injuste, puisqu’il s’applique à tout le monde sans distinction.
Cela signifie-t-il que vous n’êtes pas favorable à la réduction du temps légal de travail ?
Peut-on mettre en place le revenu universel immédiatement ?
Le revenu universel ne risque-t-il pas de servir de prétexte au détricotage du code du travail et à la précarisation ?
[1] Sans emploi, condition de l’homme postindustriel, Raphaël Liogier, Les liens qui libèrent, 212 p., 18,50 euros.
Raphaël Liogier philosophe et sociologue à Sciences Po Aix-en-Provence et au Collège international de philosophie, à Paris.