Pour Denez L’Hostis (France Nature Environnement) et Didier Livio (Deloitte développement durable), cinq expériences innovantes menées à grande échelle montre qu’une autre agriculture est possible. Tribune parue le 3 mars 2017 dans Le Monde. Lire aussi : Pascal Canfin : « Refonder un nouveau pacte agricole et alimentaire ».
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« Un nouveau contrat se dessine entre l’agriculture et la société. Fondé sur l’agroécologie et valorisé grâce à la HVE, ce contrat redonne un rôle central aux agriculteurs, et permet aux exploitations agricoles de retrouver une dynamique économique positive en attirant de nouveaux talents ». Lymatly Photos/Flickr/CC BY 2.0
L’agroécologie peut permettre d’écrire une nouvelle page de l’agriculture, celle de la réconciliation entre les acteurs de l’agroalimentaire, entre les agriculteurs et la société, entre les agriculteurs et leur histoire, leur terre et leur métier. L’agroécologie, c’est l’alliance de l’agronomie et de l’écologie. C’est une vision ambitieuse et globale, où l’agriculteur est au cœur de sa ferme, des territoires et des systèmes alimentaires, en limitant la quantité d’intrants et avec une rentabilité basée sur la valeur ajoutée.
Ces dernières années, plusieurs acteurs de l’agroalimentaire et distributeurs se sont engagés. Le rapport « L’agroécologie : la performance est l’affaire de tous ! », (lien vers PDF) publié par Deloitte Développement durable et France Nature Environnement, fait le point sur cinq expériences à grande échelle sur le chemin de l’agroécologie.
Premièrement, le Groupement des Mousquetaires, avec son programme Filières durables 2025 : douze filières agricoles sont supervisées par quatre conseils scientifiques et techniques regroupant toutes les parties prenantes.
Deuxièmement, McDonald’s France, avec sa stratégie agroécologique pour ses cinq grandes filières agricoles : 80 fermes de référence ont testé pendant cinq ans plus de 70 nouvelles pratiques pour en sélectionner une cinquantaine en cours de déploiement sur le territoire français.
Troisièmement, Mondelez-Lu sur la filière blé, avec le programme Harmony : lancé en 2007, il définit 51 bonnes pratiques agricoles suivies par plus de 1 700 agriculteurs en France, couvrant plus de 75 % des volumes de biscuits vendus en Europe.
Quatrièmement, Terrena, avec le concept de « nouvelle agriculture » sur les filières lapin, porc, poulet et farine, légumes, vigne et bovins : plus de 11 000 coopérateurs sont engagés et, parmi eux, 350 « sentinelles de la terre » qui innovent au quotidien.
Cinquièmement, les Vignerons indépendants de France : avec déjà plus de 2 800 adhérents certifiés en agriculture biologique ou labélisés Haute Valeur environnementale (HVE), label dont ils ont été les précurseurs.
Un nouveau contrat
Chacun doit donc prendre sa part de responsabilité pour atteindre la triple performance environnementale, économique et sociale, et bénéficier équitablement, et en toute transparence, de la valeur créée. Cinq leçons peuvent être tirées de ces initiatives. Elles ont toutes été conçues de façon concertée avec toutes les parties prenantes. Elles s’inscrivent dans un temps long de transformation, avec des plans de progrès sur dix ans. Elles recherchent des solutions innovantes en réponse aux contraintes économiques, sociales et environnementales. Elles mettent en place des accompagnements spécifiques des agriculteurs. Elles ont révisé les processus d’achat pour introduire une fidélité à long terme entre les acteurs des filières.
De nombreuses questions restent cependant à résoudre pour passer de ces initiatives à une refondation de l’agriculture française. Les expériences décrites apportent des débuts de réponse. Cette refondation passera par le cofinancement, de manière concertée et pluriannuelle, des efforts de recherche pour réduire drastiquement l’empreinte environnementale de l’agriculture tout en conservant ses rendements.
Les savoir-faire de l’économie circulaire devront être appliqués aux filières agricoles pour trouver des débouchés aux productions issues de la diversification. Il faudra valoriser les produits issus de l’agroécologie auprès des consommateurs. Le label HVE peut devenir le label qui portera la transition du modèle agricole vers des produits français de qualité.
Un nouveau contrat se dessine ainsi entre l’agriculture et la société. Fondé sur l’agroécologie et valorisé grâce à la HVE, ce contrat redonne un rôle central aux agriculteurs, et permet aux exploitations agricoles de retrouver une dynamique économique positive en attirant de nouveaux talents.
Denez L’Hostis (Président de France Nature Environnement) et Didier Livio (Associé de Deloitte Développement durable)