Avec sept autres associations, l’organisation attaque le décret de 2007 autorisant le réacteur nucléaire de Flamanville. Par Erwan Benezet et Vincent Vérier le 19 avril 2017 pour Le Parisien.
Flamanville (Manche), le 24 janvier 2014. Fabriquée à l’usine Areva du Creusot, où il y a eu des dysfonctionnements, la cuve de l’EPR est plus fragile que prévu. PHOTOPQR/« OUEST FRANCE »/GILLES COLAS
La France doit-elle poursuivre la construction du réacteur nucléaire de nouvelle génération, l’EPR, sur le site de Flamanville (Manche) ? Pour les associations de défense de l’environnement, Greenpeace en tête, mais aussi Réseau sortir du nucléaire, France Nature Environnement, la Criirad…, la réponse est non. Hier, huit d’entre elles ont attaqué le décret du 10 avril 2007 qui a autorisé le lancement des travaux de l’EPR. Pour ce faire, elles ont adressé au Premier ministre un recours gracieux. Objectif : stopper définitivement les travaux. Si ce premier assaut ne suffit pas, les associations veulent saisir le Conseil d’État.
Dans le document transmis à Matignon, que nous avons consulté, elles estiment que EDF — le constructeur —, Areva — qui fabrique une partie des pièces importantes du site — et, surtout, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) — chargée de vérifier que les différents intervenants respectent les règles — ont volontairement caché aux Français des informations importantes. Des éléments graves qui, selon Greenpeace, « entachent d’illégalité les conclusions » de l’enquête publique réalisée entre le 15 juin et le 31 juillet 2006, aboutissant au décret neuf mois plus tard.
Un coût qui a triplé
Selon des éléments dévoilés récemment dans la presse et repris par les associations, il apparaît que les deux entreprises et le gendarme du nucléaire étaient au courant depuis 2005 des dysfonctionnements à la forge du Creusot (Saône-et-Loire) d’Areva. Or, c’est sur ce site que la cuve et le couvercle de l’EPR, des éléments vitaux du réacteur, ont été fabriqués. Des pièces dans lesquelles on découvrira, fin 2014, des teneurs en carbone trop importantes qui les rendent plus fragiles que prévu. « Si le public avait été informé de tous ces éléments, il est fort probable que jamais l’autorisation de lancer le chantier de l’EPR n’aurait été donnée », affirme Cyrille Cormier, de Greenpeace.
Pour les associations, ces informations cachées « confirment l’incapacité d’Areva et d’EDF à assurer dans des conditions satisfaisantes » la construction de l’EPR. « Le nouveau réacteur de Flamanville va devenir le plus puissant du monde, mais c’est aussi celui qui concentre le plus d’anomalies depuis le début », prévient Cyrille Cormier avant d’énumérer une multitude de défauts de bétonnage, de soudures s’ajoutant aux malfaçons sur la cuve et le couvercle. Le réacteur, prévu à l’origine pour 2012, ne sera d’ailleurs pas en service avant 2018. Et, son prix a triplé pour atteindre plus de 10 Mds€. Ces aléas n’inquiètent pas EDF, pour qui ils sont propres à « toute tête de série », l’EPR de Flamanville étant le premier de sa génération. « L’État doit arrêter de jouer avec la sécurité des Français, dénonce pourtant Cyrille Cormier. On fait croire que tout est sous contrôle, alors que, depuis dix ans, EDF nous cache que le projet est vérolé. »
Un avenir incertain
Si les associations écologistes ne parviennent pas à faire annuler le décret autorisant le lancement des travaux de l’EPR de Flamanville, un autre couperet pourrait tomber : celui de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En septembre, elle doit dire si les défauts constatés sur la cuve et le couvercle du réacteur sont de nature à remettre en cause la sûreté des installations. En cas de réponse positive, deux scénarios se dessineraient. Soit remplacer les pièces, ce qui prendrait au moins sept ans de plus, pour un coût de 1 Md€ par an. Soit arrêter les frais et démanteler le chantier. Deux alternatives aux conséquences financières dramatiques pour EDF. Car elles hypothéqueraient l’avenir des cinq autres EPR en construction dans le monde : les deux de Hinkley Point, en Angleterre, celui d’Olkiluoto, en Finlande, et les deux EPR chinois. Avec à la clé, des dédommagements à plusieurs milliards d’euros.
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