Dans un Livre blanc, l’organisation patronale réclame une pause réglementaire et législative. Par Rémi Barroux le 31 mars pour Le Monde.
Ou comment le capitalisme se nourrit de l’environnement pour survivre ! Voir aussi Les documents d'urbanisme continuent à planifier la destruction des espaces naturels, Les échanges commerciaux qui menacent la vie sauvage et L’environnement dégradé tue 1,7 million d’enfants chaque année.
Juste avant la présidentielle, le Medef avance « 40 propositions pour moderniser et simplifier le droit de l’environnement ». Présenté jeudi 30 mars, ce Livre blanc de l’organisation patronale entend revenir sur une décennie de réglementations environnementales, du Grenelle de l’environnement de 2007 aux conférences environnementales convoquées depuis 2012 !!!
« Nous avons fait ce travail parce que nous ressentions le besoin d’y voir plus clair. On y exprime la nécessité de faire une pause, car les entreprises ont eu l’impression de subir toute une série de réglementations qui leur tombaient dessus à échéance très rapprochée », explique Olivier Viano, président du comité Droit de l’environnement du Medef. Il faut un « moratoire pour une période de trois à cinq ans » dans la production législative et réglementaire française, demande le Medef, qui assure vouloir concilier le droit de l’environnement et la compétitivité des entreprises.
Plaidoyer (!)
A plusieurs reprises, les représentants du patronat, rejoints souvent par la principale organisation d’agriculteurs, la FNSEA, ont manifesté leurs réticences aux réformes des réglementations environnementales, que ce soit lors de la difficile mise en place de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), à partir de 2009, puis lors de la modernisation du droit de l’environnement et de la réforme du dialogue environnemental, en 2015-2016, ou encore au moment de la réforme de l’autorité environnementale, en 2016.
Avec pour le Medef, le même plaidoyer en faveur d’une simplification des règles afin qu’elles ne puissent entraver la volonté d’entreprendre des porteurs de projet. « Il existe une réelle complexité qui n’est pas de nature à rassurer les maîtres d’ouvrage, les procédures sont trop longues, trop risquées », plaide M. Viano.
« On peut comprendre qu’une entreprise ait à réaliser des adaptations considérables, mais on ne peut pas dire qu’il y a trop de réglementation, réagit Rita Fahd, en charge des questions de RSE à France Nature Environnement (FNE). Au contraire, la mise en place de ces règles est trop lente, et la voie législative et réglementaire aide les entreprises à bouger, pour réduire les impacts de leurs activités et l’utilisation des ressources naturelles. » Parmi les 40 propositions, souvent techniques et juridiques, figure par exemple l’obligation qui serait faite au public, et aux ONG, de ne pouvoir discuter de l’opportunité d’un projet qu’en amont de celui-ci. Après la délivrance de l’autorisation par les autorités, seules les caractéristiques du projet et leurs incidences sur l’environnement pourraient être abordées.
Dialogue nécessaire (!)
Pour FNE, cette proposition est contraire à la directive européenne de décembre 2011 sur l’évaluation de l’incidence de certains projets. « Cela interdirait le débat sur les alternatives possibles qui n’est pas toujours possible en amont, comme on le voit dans le cas du dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, avance la juriste Florence Denier-Pasquet, secrétaire nationale de FNE. On ne peut dissocier la discussion sur le principe, par exemple, d’une voirie routière, de son opportunité en fonction d’un tracé concret et de son impact sur l’environnement. »
Autre proposition litigieuse pour les ONG, le souhait du Medef qu’un maître d’ouvrage puisse consulter préalablement l’avis de l’autorité environnementale sur un projet, et sa demande de « restaurer la logique collaborative entre l’administration et le maître d’ouvrage ». « Il ne doit, en aucun cas, y avoir de coconstruction d’un dossier entre l’autorité environnementale et une entreprise. Il en va de l’indépendance totale de l’autorité, et donc de sa crédibilité vis-à-vis du public », rétorque Florence Denier-Pasquet.
Et de rappeler que le dialogue nécessaire entre toutes les parties ne doit jamais conduire les autorités « à jouer un rôle de conseil ». Les propositions du Medef de mieux former et informer les entreprises sur les actions pénales en matière environnementale, ou d’éditer un « guide méthodologique » pour mieux identifier les préjudices écologiques, ne devraient, en revanche, pas faire débat.
commenter cet article …