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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 12:45

De la biodiversité, aux ressources numériques, comment définir les «communs» ? Plus de 200 contributeurs (économistes, historiens, sociologues) relèvent le défi dans un dictionnaire. Pour la juriste Judith Rochfeld, une des coordinatrices de l’ouvrage, la notion remet en question le principe de propriété privée. Par Amaelle Guiton le 17 octobre 2017 pour Libération. Lire aussi Les communs, un projet ambigu.

Des pêcheurs de Bhola (dans le Barisal au Bangladesh), le long de la rivière Monpura, en août 2017. Photo Probal Rashid. Zuma. Rea

Des pêcheurs de Bhola (dans le Barisal au Bangladesh), le long de la rivière Monpura, en août 2017. Photo Probal Rashid. Zuma. Rea

Ils se sont frayé un chemin entre l’État et le marché, et aussi dans le débat public. Depuis la gestion collective, par des communautés locales, de ressources naturelles menacées de surexploitation jusqu’à la construction de ressources numériques collaboratives, comme les logiciels libres (1) ou l’encyclopédie Wikipédia, les «biens communs» sont au cœur d’expériences pratiques de plus en plus nombreuses. Ils font désormais l’objet d’un épais Dictionnaire des biens communs (PUF), abondé par près de 200 contributeurs. De «Abus de droit» à «Zone à défendre», en passant par «Fablab», «Habitat participatif» ou «Semence paysanne», l’ouvrage dresse un état des lieux du «commun» d’aujourd’hui autant qu’il en explore les fils généalogiques - les «inappropriables» du droit romain, la Magna Carta anglaise de 1215, les écrits de Gracchus Babeuf, de Karl Marx ou de Joseph Proudhon…

Professeure de droit à Paris-I, Judith Rochfeld a coordonné l’ensemble avec la juriste Marie Cornu et l’économiste Fabienne Orsi.

Professeure de droit à Paris-I, Judith Rochfeld a coordonné l’ensemble avec la juriste Marie Cornu et l’économiste Fabienne Orsi.

Comment est né ce Dictionnaire des biens communs ?

Il est parti d’une expérience collective : un projet de l’Agence nationale de la recherche intitulé «Propice» - pour «Propriété intellectuelle, communs et exclusivité» - lancé en 2010, et associant des juristes, des économistes, des historiens… L’objectif était d’étudier les débats et les pratiques qui émergeaient autour de la notion de «communs» : la remise en cause de la propriété intellectuelle, la réaction à certaines privatisations comme celle des gènes, ou du logiciel. Des philosophes, des sociologues se sont joints à ce travail. Il y a eu aussi beaucoup de connexions avec des personnes engagées dans des expériences de communs. Nous nous sommes dit qu’il fallait cartographier toutes ces problématiques, toutes ces expériences, en associant chercheurs et citoyens pour montrer à quel point cette question a pris de l’importance dans le débat public : pourquoi on parle aujourd’hui, par exemple, de la biodiversité comme d’un patrimoine commun.

Comment définir ce qu’est un «commun» ?

Beaucoup de notions circulent aujourd’hui : les choses communes, le patrimoine commun, les communs, le commun… Or on ne sait pas toujours à quoi ces notions font référence, ni comment elles ont été construites. C’est pour répondre à cela, entre autres, que le dictionnaire a été rédigé.

Lorsqu’on parle des communs, au pluriel, il y a une filiation dominante : l’idée de biens gouvernés en commun, qui se situent entre la propriété privée et la propriété publique. C’est le travail mené par l’économiste américaine Elinor Ostrom, récompensée en 2009 par l’équivalent du Nobel en économie, et son école, dite de Bloomington. A l’origine, ce travail portait sur des ressources naturelles - des réseaux d’irrigation, des forêts, des pêcheries… - et conduisait au constat que ces ressources, gérées par une communauté d’une centaine de personnes au maximum, faisaient l’objet d’un «faisceau de droits» distribués entre les membres : droit d’accès, droit de prélèvement, droit d’inclure ou d’exclure, droit de gouverner la ressource… Il démontrait, par des exemples concrets, qu’il existe une gouvernance collective qui permet la durabilité du bien et des usages partagés. Ce mouvement a ensuite exploré les ressources immatérielles de la connaissance ; Wikipédia, par exemple, s’inscrit assez bien dans ce schéma de gouvernance. Évidemment, si on envisage de très grands communs comme le climat, la biodiversité ou l’eau, les choses se compliquent : la communauté devient universelle et, on le voit, une gouvernance mondiale est très difficile…

Quels autres aspects recouvre aujourd’hui cette idée de «biens communs» ?

En dehors de la catégorie théorisée par Ostrom, il existe beaucoup d’articulations avec la propriété classique, à partir de l’idée d’un usage ou d’une destination collectifs. Par exemple, si j’ai sur mon terrain de l’eau ou une espèce particulière de plante, je peux être assujetti à des charges de préservation ; je peux être propriétaire d’une œuvre d’art ou d’un monument historique qui font partie du patrimoine commun. Beaucoup de montages juridiques intègrent cette idée. L’autre versant important, c’est la question du commun, c’est-à-dire de l’agir en commun : c’est la décision de gouverner ensemble une ressource qui institue le commun.

On a beaucoup parlé, ces dernières années, de «retour des communs»…

Cette idée d’un «retour» est à la fois très belle et très trompeuse. Très belle, parce qu’elle propose une filiation profonde avec la notion de res communis, les «choses communes» dans le droit romain : des choses naturellement ouvertes à l’usage de la communauté, sorties du circuit ordinaire des échanges économiques. Il s’agirait donc, à suivre cette filiation et alors que l’on a tout transformé en propriété, privée ou publique, de retirer certaines choses du circuit marchand ou de la propriété. Mais là où c’est trompeur, c’est qu’en droit romain, ce caractère commun, voire sacré, était attaché à la chose elle-même, alors qu’aujourd’hui c’est une question de destination sociale : on va décider que, pour tel type de ressource, la propriété privée totalement exclusive n’est pas la plus adaptée. Cela va être le cas pour des composantes de l’environnement - un puits, une terre agricole… -, pour certains biens culturels, ou pour le logiciel libre.

Que change le numérique à cette question ? À la différence des ressources naturelles, la question de la rareté ne se pose pas…

C’est en effet la raréfaction des ressources naturelles qui a fait comprendre, à partir des années 60 et plus encore dans les années 90 en France, qu’il fallait envisager ces ressources comme des choses communes, et qu’on ne pouvait les laisser à la maîtrise des seuls propriétaires privés. Dans le cas des ressources de la connaissance, il y a eu confrontation entre d’une part un mouvement de privatisation très important à partir des années 80, notamment dans le logiciel, et d’autre part la démocratisation de l’accès à la connaissance, la philosophie du partage, liées au numérique. Cela a mis ces questions sur le devant de la scène : jusqu’où va-t-on dans la privatisation des connaissances ? Peut-on aménager la protection d’une création ? Peut-on renoncer à sa propriété, ou l’utiliser autrement ? Les expérimentations et les théorisations autour du logiciel libre, par exemple, retournent notre conception de la propriété : on s’en sert pour mettre en partage le code, et c’est ce qui permet de faire surgir un bien et de développer les usages. Cela montre aussi, et c’est très important, qu’il n’y a pas seulement du commun subi - comme lorsqu’on impose des charges à un propriétaire, parce que son bien fait partie de l’environnement ou du patrimoine - mais aussi du commun volontaire, qui suppose de nouvelles constructions juridiques.

En France, le débat sur les communs n’a vraiment émergé que tardivement. À la différence de l’Italie, par exemple…

En réaction au servage de la société médiévale, la Révolution française a établi la propriété privée comme une manifestation de la liberté individuelle sur les biens. La France est aussi un État très centralisé, dans lequel le public a absorbé le commun. Dans notre tradition, il est très difficile de penser autre chose que la propriété privée d’une part, la propriété publique de l’autre… En Italie, ce débat a une importance sociale très forte. En 2007, le gouvernement Prodi a mandaté une commission, dirigée par le juriste Stefano Rodotà, pour travailler à une réforme du code civil ; Rodotà a alors proposé d’y intégrer, en plus des biens privés et publics, une nouvelle catégorie : les biens communs, définis comme les biens nécessaires à l’exercice des droits fondamentaux. Il y a également des expérimentations citoyennes à Naples, à Bologne ; la gestion de l’eau a fait l’objet d’un référendum national d’initiative populaire en 2011… L’État italien est plus faible et plus tardif que le nôtre, les régions plus puissantes, et la Constitution reconnaît à la propriété une «fonction sociale», dont le propriétaire privé d’un bien doit tenir compte.

Les communs ont été très présents dans les débats sur la loi numérique en France, autour de la reconnaissance du domaine public, du logiciel libre, des «communs volontaires» de la connaissance… Mais il y a eu peu d’effets concrets.

Le simple fait que ce débat ait eu lieu était très important. Les questions ont été posées - or jusque-là, elles ne l’étaient pas. Il y a beaucoup de discussions aujourd’hui sur la protection du domaine public, ou sur des exceptions au droit d’auteur pour les œuvres dites transformatives, par exemple les pratiques de réutilisation de morceaux d’œuvres existantes. Ces discussions ne sont pas achevées, mais il ne faut pas oublier d’où on part… Et puis il y a des changements : la loi sur la biodiversité de 2016, par exemple, reconnaît qu’un propriétaire peut s’imposer des obligations pour la protection de l’environnement. C’est l’aboutissement d’un processus : cela fait des années que cette idée est discutée.

Dans les années 2000, lorsqu’on travaillait sur cette question, on pouvait se sentir isolé. Mais en dix ans, il y a eu beaucoup de discussions sur les questions environnementales, ou sur le numérique. En 2015, un tribunal de La Haye a jugé recevable l’action de près de 880 personnes contre le gouvernement néerlandais, qui n’avait pas respecté ses obligations de protection du climat. Ce tribunal a tranché en leur faveur. C’est bien le signe d’un changement de mentalité.

Comment cette question est-elle appréhendée au plan politique ?

Il y a aujourd’hui tout un mouvement coopérativiste, mutuelliste, qui renoue via les communs avec des idéaux socialistes, autogestionnaires. Cela ne correspond évidemment pas à tout l’échiquier politique… Il existe par ailleurs divers courants au sein de cette sphère des «communs». Pour certains, c’est une alternative totale : on ferait du «tout commun» en remplacement des formes actuelles de propriété, étatique ou privée. Pour d’autres, c’est une zone possible entre la propriété privée et la propriété publique. Cela peut aussi être un moyen d’aménager ces dernières. Ce qui est certain, c’est que, sauf à occulter toute une partie du mouvement social, les politiques ne peuvent ignorer ni l’aspiration à une protection et une gouvernance collectives des composantes de l’environnement, ni les mouvements de mise en partage dans la sphère numérique.

(1) Des logiciels que chacun peut librement utiliser, copier, distribuer et modifier.

Sous la direction de Marie Cornu, Fabienne Orsi et Judith Rochfeld : Dictionnaire des biens communs PUF, 1 280 pp., 39 €.

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