Dans une tribune du « Monde » le 17 février, un collectif comprenant entre autres Yann Arthus-Bertrand, Allain Bougrain-Dubourg, José Bové et Audrey Pulvar considère que le plan Loire ne suffit plus pour préserver cette espèce. « L’Etat doit aller plus loin. ». Sur ce sujet, lire aussi Les Nations unies s’attaquent à la surpêche dans les océans.
Le grand saumon de la Loire et de l’Allier est en péril. Autrefois abondant, puisque 100 000 saumons remontaient le fleuve au XVIIIe siècle, il n’en restait qu’une centaine à la fin des années 1980 en raison de la dégradation continue de son milieu de vie.
En 1994, après la mobilisation victorieuse du collectif d’association Loire vivante ayant permis de stopper la construction de grands barrages inutiles sur la « Loire sauvage », l’Etat a lancé le plan « Loire grandeur nature ». Ce premier plan de gestion durable d’un grand fleuve dans notre pays comprenait un ambitieux volet de sauvetage du saumon.
En vingt ans, les retours annuels ont sérieusement augmenté, avec 700 poissons en moyenne. Un premier succès, insuffisant, mais qui a redonné espoir à tous ceux qui veillent sur l’avenir de ce voyageur incomparable, nageant sur 12 000 kilomètres entre la Loire et l’océan Atlantique durant son cycle de migration.
La plus grande salmoniculture d’Europe
Avec le plan Loire, l’Etat s’était donné les moyens de réussir. En 1998, il avait effacé plusieurs barrages inutiles sur la Loire, la Vienne, l’Allier. Il avait aussi suspendu toute forme de pêche et édifié la plus grande salmoniculture d’Europe sur les bords de la Desges, à Chanteuges, en Haute-Loire. Cet outil remarquable, devenu en 2007 le Conservatoire national du saumon sauvage, produit des juvéniles de saumons à partir de la souche du bassin de la Loire. Il en exporte aussi sur le Rhin, la Meuse, où des programmes de réintroduction ont débuté. Il joue un rôle capital pour aider à reconstituer une population viable, le temps que la restauration des habitats s’amplifie.
Et elle avance : en 2010, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’Etat, audacieux, a décidé d’abaisser d’une douzaine de mètres le grand barrage de Poutès. Ce grand barrage EDF, construit au cœur des meilleurs habitats et sites de reproduction du haut Allier, avait une responsabilité directe dans l’effondrement de la population. En 2021, il deviendra transparent pour le saumon.
Ces actions exemplaires
Bref, le plan Loire portait une ambition rare, dans un pays qui a encore du mal à construire de grandes politiques de restauration de sa biodiversité. Et toutes ces actions exemplaires avaient redonné de l’espoir aux scientifiques, pêcheurs, naturalistes, élus, entreprises qui se battaient depuis des décennies pour que cet animal magnifique ne rejoigne pas la longue liste des espèces disparues.
Or, au fil de ces dernières années, le plan Loire a perdu sa consistance. Aujourd’hui, la restauration des habitats patine. Pire, sous les coups de boutoir d’une petite hydroélectricité arrogante, qui prétend contribuer à la lutte contre le péril climatique, le chantier d’une microcentrale a débuté juste en amont du Conservatoire national du saumon sauvage, à quelques kilomètres du futur « Nouveau Poutès ». L’installation, d’une puissance de 75 kW, soit vingt fois moins qu’une éolienne d’aujourd’hui, menace le fonctionnement du Conservatoire du saumon et pourrait être suivie par des dizaines d’autres installations de ce type sur le bassin de la Loire.
Nous ne pouvons pas perdre le saumon de la Loire, dernier saumon de longue migration d’Europe de l’Ouest
Il est temps de nous ressaisir. Temps de redonner à la conservation du saumon de la Loire l’importance qu’elle mérite, dans un pays qui vient de voter en 2016 une ambitieuse loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Nous ne pouvons pas perdre le saumon sauvage, « l’esprit des rivières du nord », comme l’écrivait joliment le professeur Carl Safina. Nous ne pouvons pas perdre le saumon de la Loire, dernier saumon de longue migration d’Europe de l’Ouest. Nous devons stopper les projets de microcentrales sur notre dernier fleuve à grands saumons d’Europe, installations qui n’apportent rien de significatif à l’indispensable transition énergétique. M. Nicolas Hulot, aidez-nous à redonner de la vigueur au plan Loire ! Aidez-nous à sauver le saumon de la Loire !
Signataires : Yann Arthus-Bertrand (Good Planet) ; Allain Bougrain-Dubourg (LPO) ; José Bové (député européen) ; Michel Dubromel (président FNE) ; Jacky Bonnemains (président, Robin des Bois) ; Roberto Epple (président, ERN-France) ; François Letourneux (président d’honneur de l’UICN) ; Audrey Pulvar (présidente, Fondation Nicolas Hulot) ; Serge Orru (ancien directeur du WWF France, conseiller à la Ville de Paris) ; Dominique Lang (prêtre assomptionniste, biologiste et journaliste) ; Martin Arnould (Le Chant des Rivières) ; Franck Laval (Ecologie sans frontières) ; Fabrice Nicolino (journaliste) ; Francis Rome (maire de Blassac, président Allier Sauvage).
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