Une commission d’enquête parlementaire invite les industriels de l’agroalimentaire à utiliser moins de sel, de gras, de sucre et d’additifs dans leurs produits, qui augmentent les risques d’obésité, et éduquer les enfants à bien manger. D’après Le Parisien, Le Monde et AFP le 26 septembre 2018. Lire aussi L’Agriculture au glyphosate reste en Travert de la gorge des consommateurs, Cantines scolaires : deux fois trop de viande dans les assiettes et Ces parents qui mijotent une cantine publique.
Après six mois de travail et une quarantaine d’auditions, la commission d’enquête parlementaire sur l’alimentation industrielle a voté son rapport, mercredi 26 septembre, à l’Assemblée nationale. Additifs, aliments trop sucrés, trop salés, transformés sont dans la ligne de mire de cette commission, constituée à la demande du groupe de La France Insoumise (LFI).
Elle veut s’attaquer à la malbouffe, et à ses effets sur la santé. Les autorités sanitaires alertent depuis des années, notamment sur le lien entre la mauvaise alimentation et le surpoids, l’obésité, les maladies chroniques… « En 2030, on estime qu’il y aura au moins 30 millions de personnes obèses ou en surpoids en France : c’est un problème de santé publique », alerte la députée Michèle Crouzet (LREM) rapporteure de cette commission que préside Loïc Prud’homme (La France Insoumise). « Il n’est pas trop tard pour ne pas en arriver là et sauvegarder une alimentation saine et durable », juge-t-elle.
Plusieurs propositions sont ainsi formulées pour « reprendre le pouvoir sur nos assiettes », revendique Loïc Prud’homme, député LFI qui préside la commission. « Une mauvaise alimentation rend malade, voire tue », insiste-t-il, ajoutant que le législateur doit s’en emparer « de façon urgente ».
La composition des produits a été passée au crible, et le premier axe de propositions des députés est de réduire le nombre d’additifs autorisés dans les produits transformés et ultra-transformés, de 338 autorisés aujourd’hui, à 48 d’ici à 2025, c’est-à-dire ceux qui sont aujourd’hui autorisés dans l’alimentation biologique. Le nombre d’additifs utilisés dans un seul produit serait aussi limité. Les industriels sont aussi invités à réduire la teneur en contaminants et résidus dans aliments et emballages.
De même, il est demandé d’interdire le dioxyde de titane, un additif alimentaire très courant. Le rapport fustige aussi les composants néoformés, notamment dans l’alimentation infantile. Plusieurs études ont récemment pointé le lien entre la consommation de ces aliments ultra-transformés et le risque de cancer. « Ces produits sont un fléau pour notre alimentation », estime Loïc Prud’homme, qui s’interroge aussi sur les possibles effets cocktail de ces substances.
Autre axe de réflexion des députés : limiter « réglementairement » la teneur en sel, en sucres et en acides gras saturés des aliments transformés, car leur abus favorise des maladies chroniques, notamment cardio-vasculaires. « L’Organisation mondiale de la santé recommande une consommation de sel limitée à 5 grammes par personne et par jour, alors qu’on est aujourd’hui à une fourchette comprise entre 10 et 12 grammes », soulignait en août la rapporteure de la commission et députée LRM, Michèle Crouzet.
Un temps évoquée, la taxe sur les produits trop salés n’a pas été retenue. Mais la commission préconise de faire respecter les teneurs en sel des produits de panification à 18 grammes par kilo de farine, déjà préconisée par l’Anses depuis 2002, « un non-respect qui sera financièrement sanctionné » - en visant 16 grammes dans trois ans. Aujourd’hui, 30 % des apports quotidiens en sel viennent du pain en France, souligne Michèle Crouzet.
« Accords collectifs »
« Les recommandations ne sont pas respectées », martèle Loïc Prud’homme. S’il est convaincu que seule la contrainte peut être efficace, cela ne semble pas la voie retenue par le gouvernement. Auditionné mardi 18 septembre par les membres de la commission parlementaire, le ministre de l’agriculture Stéphane Travert a plaidé en faveur de chartes de bonnes pratiques avec les industriels, afin de faire diminuer les taux de sucre, de sel et de gras dans les aliments transformés, plutôt que d’édicter des contraintes. « Je préfère privilégier cette promotion des accords collectifs », a plaidé le ministre.
Inégalités sociales
Insister sur la pédagogie. La commission préconise de renforcer « l’éducation à l’alimentation » dès l’âge de 3 ans, en rendant cet enseignement obligatoire au plus tard dans l’année scolaire 2019-2020. Le repas de midi dans les cantines scolaires devra faire partie du programme d’enseignement en faveur d’une « alimentation saine, équilibrée et durable et de la lutte contre le gaspillage alimentaire », indique le rapport parlementaire.
Des commissions des menus devront obligatoirement être mises en place au sein des établissements scolaires, avec la participation de parents et des élèves.
Les parlementaires veulent aussi améliorer la restauration collective par un recours accru à la filière biologique, que ce soit dans les cantines scolaires, les Ehpad, les établissements de soins, tout en travaillant sur le gaspillage alimentaire. Les cuisiniers de la restauration collective devront être mieux formés afin d'« améliorer la qualité des repas servis en milieu hospitalier » et de « lutter contre la dénutrition des personnes âgées en Ehpad ».
Aider les plus démunis. Alors que « les personnes qui ont le moins de moyens sont les premières atteintes par l’obésité », constate Michèle Crouzet, des coupons pourraient être délivrés par les Caisses d’allocations familiales (CAF) pour leur permettre de consommer plus de fruits et légumes frais.
Il est crucial également de mieux informer le consommateur. L’une des propositions est de rendre plus contraignantes les publicités sur les produits destinés aux enfants. Il est aussi préconisé de rendre obligatoire la mise en place du Nutri-Score, le système d’étiquetage nutritionnel choisi par la France (aujourd’hui facultatif), sur les produits transformés ou ultra-transformés, et d’indiquer l’origine de ces produits, la proportion globale d’additifs… Le rapport recommande une refonte de la gouvernance de l’alimentation en France et des mesures pour lutter contre les inégalités sociales, car « les personnes qui ont le moins de moyens sont les premières atteintes par l’obésité », pointe le rapport.
« On a posé des jalons, on espère que certains seront repris », insiste Loïc Prud’homme. « Il n’est pas trop tard pour sauvegarder une alimentation saine et durable », ajoute Michèle Crouzet, qui insiste sur la nécessité du suivi de la mise en œuvre de ces mesures.
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