Lors de son retour médiatique le 22 novembre sur France 2, Nicolas Hulot, l'ex-ministre de la Transition écologique, calme et convaincant, a martelé les mots «solidarité» et «rassemblement», cherchant à réconcilier écologie et social. D’après Coralie Schaub pour Le Monde. Lire aussi Hulot démissionne, pas nous ! et La démission de Nicolas Hulot est une invitation à changer de cap.
Prendre de la hauteur. Ne pas «ajouter de la division à la division». Mais au contraire dialoguer, rassembler, réfléchir ensemble aux solutions à apporter aux crises écologiques et sociales. Le retour médiatique de Nicolas Hulot, trois mois après sa démission fracassante du gouvernement, avait été prévu de longue date, avant la bronca des «gilets jaunes». L’ex-ministre de la Transition écologique et solidaire avait envie de dire aux Français qu’il n’abandonne pas le combat. Lui qui a reçu, rien qu’à son domicile en Bretagne, des centaines de lettres de citoyens lui disant qu’ils ont compris l’ampleur du chaos climatique et de l’effondrement de la biodiversité, la menace que cela représente pour l’humanité à brève échéance. Beaucoup lui faisant part de leur envie d’agir.
Nicolas Hulot avait envie d’être constructif, de regarder de l’avant et non pas dans le rétroviseur. Il se trouve qu’entre la décision de faire cette Emission politique sur France 2 il y a plus d’un mois et ce jeudi, la France s’est couverte de gilets jaunes. Alors, Hulot a dû le dire et le répéter : oui, il a défendu la taxe carbone, et oui, il l’assume… mais seulement si celle-ci est accompagnée d’un coussin social digne de ce nom, pour aider les ménages les plus modestes, ceux qui sont aujourd’hui piégés parce qu’on les a incités à acheter des voitures diesel et vivre en zone périurbaine.
Comme nous l’avons révélé, Nicolas Hulot avait averti cet été Emmanuel Macron et Edouard Philippe de cette absolue nécessité d’un accompagnement social, en vain : «Je n’ai pas été entendu.» Il avait, dit-il, tout tenté pour éviter l’opposition «caricaturale» entre les questions écologiques et sociales, alors qu’elles sont au contraire intimement liées, que ce sont les plus défavorisés qui souffrent le plus de la pollution de l’air ou des inondations. Le problème n’est pas là, a-t-il affirmé. Il est dans le fait que la fiscalité n’est plus équitable, que les impôts sur les bénéfices des sociétés ont baissé, que le kérosène des avions ou le fioul lourd des cargos n’est pas taxé… La transition ne peut être que solidaire. Et opposer écologie et social est un faux débat. Tout cela, Nicolas Hulot l’a martelé en début d’émission, l’air grave, le tic fréquent. Tout en remettant les choses en perspective, d’un ton ferme, presque excédé : «Il faut se préoccuper des fins de mois des Français mais il faut aussi se préoccuper d’un autre enjeu : la perspective de la fin du monde, ou en tout cas la fin d’un monde pacifique, qui n’est plus une hypothèse d’école.»
Las, cela n’a pas empêché un dialogue de sourds avec Benoît Julou, porte-parole des gilets jaunes de Saint Brieuc, qui a qualifié Hulot de «comique» déconnecté de la réalité, estimant que «pour l’écologie, on va laisser crever des gens sur la route». Ce à quoi Hulot a répondu, tentant de rester pédagogue et rassembleur : «Si on oppose Parisiens et provinciaux, écologie et social, on va tous dans le mur. Moi, ça ne me fait pas rire. […] Ne mettez pas tout sur le dos de l’écologie, c’est une partie infime de la fiscalité.»
Hulot a réussi, jeudi soir, à mettre sur la table des sujets majeurs, souvent peu débattus dans les émissions politiques : la santé environnementale, les pesticides, les 48 000 morts prématurées par an à cause de la pollution de l’air… Il a insisté, détachant bien les syllabes : «On est en train de perdre la guerre (sur le climat), on va le payer plein pot et nos démocraties vont s’e-ffon-drer.» Face à la montée des populismes, il faut davantage de «so-li-da-ri-té». Et de répéter, encore, ce nouveau mantra : «Il faut combiner les problèmes de fin de mois avec les problèmes de fin du monde.»
Face à l’agricultrice Céline Imart, vice-présidente des Jeunes Agriculteurs, proches de la très productiviste et pro-pesticides FNSEA, qui défendait coûte que coûte le glyphosate, ou face à Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, Hulot est resté calme, posé. Non, la technologie ne fera pas tout. Non, «une économie basée sur une croissance infinie dans un monde fini» n’est pas viable. Oui, l’agriculture biologique et l’agroécologie, «il faut y aller à fond». Et de citer Edgar Morin : « Puisqu’on est tous foutus, soyons frères. »
Solidarité, réconciliation, Hulot n’a cessé de répéter ces mots. «On peut continuer à s’engueuler comme ça sur les plateaux télés, on est condamnés à agir tous ensemble, ou à mourir tous ensemble comme des idiots.» Hulot en 2022 ? «Un fantasme de journaliste.» Tête de liste aux élections européennes ? Il cite plutôt les initiatives de terrain, citoyennes : Alternatiba, l’appel des coquelicots, celui de Youtubeurs. Se dit disponible, mais en tant qu'«un des porte-parole» d’un vaste rassemblement citoyen, porteur des «innovations de dingue qui existent dans la société». Le champ politique conventionnel, c’est fini. De toute façon, a-t-il martelé, encore et encore, «un homme ou une femme ne changera rien si la société ne se réconcilie pas». Résultat : 65% de téléspectateurs convaincus. Et de lancer, avec l’énergie du désespoir : «Le temps de l’utopie est décrété.
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