Les grands pays ne sont pas sur une trajectoire permettant d’éviter un réchauffement à moins de 1,5 °C. C’est ce que révèle l’indice de performance des changements climatiques 2019 publié le 10 décembre 2018. D’après Agnès Sinaï pour Actu Environnement et Alexandra Chaignon pour l’Humanité le 13 décembre 2018. Lire aussi Les ONG décryptent les enjeux de la COP 24 et La vie humaine totalement perturbée par le changement climatique : décès, famines, pénuries d’eau, migrations…
La Pologne est enferrée dans les énergies fossiles. Des manifestants n’ont pas manqué de le rappeler à l’occasion de la COP24 . Karolina Jonderko/NYT-REDUX-REA
L'indice de performance des changements climatiques 2019 (CCPI), publié le 10 décembre à la COP 24 à Katowice (Pologne), montre que seule une poignée de pays ont commencé à mettre en œuvre des stratégies visant à limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2°C voire de 1,5°C.
Selon cette étude, qui évalue et compare chaque année les actions engagées par 56 pays et l’Union européenne – responsables à eux seuls de près de 90 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre –, aucun n’est sur la bonne trajectoire pour contenir l’élévation des températures bien en dessous de 2 °C. « Les émissions augmentent à nouveau, après trois années consécutives d’émissions de CO2 stables. Seuls quelques pays ont commencé à mettre en œuvre des stratégies visant à limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2 °C voire de 1,5 °C », relèvent les organisations Germanwatch, New Climate Institute et Climate Action Network (CAN), corédactrices de ce classement.
Selon le classement, qui compte quatre critères (les émissions de gaz à effet de serre, les énergies renouvelables, la consommation énergétique et la politique climatique), « aucun des 56 pays, ni l’Union européenne n’est sur une trajectoire de 1,5 °C dans ses performances globales, malgré des signaux encourageants dans certains pays ».
La France rétrogradée en 21e position
Désignée championne du climat après son engagement diplomatique pour la COP21, la France est ainsi tombée de son piédestal. En baisse, elle est aujourd’hui classée à la 21e place, avec la mention « passable », bien loin du leader, la Suède, mais aussi du Maroc, qui a considérablement accru sa part en énergies renouvelables, de la Lituanie ou même de l’Inde (11e). « Passable » également pour l’Allemagne, qui chute de nouveau, passant de la 22e à la 27e position, ses émissions n’ayant pas chuté depuis 2009. « Les décisions relatives à l’élimination du charbon ou à une stratégie de décarbonisation du secteur des transports font encore défaut », analyse Jan Burck, coauteur de l’étude chez Germanwatch. Classée 16e, l’Union européenne, qui s’est fixée comme objectif de réduire de 55 % ses gaz à effet de serre à l’horizon 2030, a, elle, un engagement jugé « trop faible ».
L'Inde passe au onzième rang en raison d'une amélioration de ses performances en matière d'énergies renouvelables et de niveaux d'émissions par habitant relativement faibles. La Chine se rehausse au 33e rang, faisant partie pour la première fois du groupe des pays à performance moyenne.
Dans le groupe des pays très peu performants, on trouve près de la moitié des pays du G20 : Japon (49e), Turquie (50e), Russie (52e), Canada (54e), Australie (55e), Corée (57e) et, en bas de l’indice, les États-Unis (59e), qui perdent encore plusieurs places en raison de la politique climatique de l’administration Trump, et enfin l’Arabie saoudite (60e). Mais les experts ont mis en évidence « certains signaux positifs en raison de l’action climatique menée dans plusieurs États et villes ». Les résultats de la Pologne, pays hôte de la COP24, sont eux aussi qualifiés de « mauvais ».
Les trois premiers rangs du CCPI 2019 restent inoccupés, car « aucun des pays ne se situe clairement sur une trajectoire en deçà de 2 °C dans sa performance globale ». « Au total, l’ambition des pays et le niveau de mise en œuvre ne sont pas assez élevés », analysent les organisations à l’origine de ce classement. Celles-ci pointent notamment « un manque de volonté politique de la plupart des gouvernements d’éliminer progressivement les combustibles fossiles ». « Sur la base des développements techniques de ces dernières années, le retard dans la mise en œuvre de solutions sobres en carbone ne peut guère être justifié », déplore ainsi Jan Burck.
En clair, l’écart entre les niveaux d’émission actuels et ce qui est nécessaire pour mettre le monde sur la bonne voie, bien en dessous de 2 °C, se creuse. Une fois de plus, les ONG appellent les pays à se montrer « plus ambitieux le plus rapidement possible pour atteindre les objectifs de Paris ». Même appel du pied à l’Europe des 28. Comme l’exhorte Stephan Singer, de CAN : « Il est très important que l’Union européenne renforce son engagement actuel en faveur du climat pour faire preuve de leadership. »
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