Des élus de tous bords dénoncent le démarrage des travaux de la ligne ferroviaire alors que le gouvernement a ouvert une « grande concertation » face aux oppositions – même méthode que pour le Grand Débat ? Une cinquantaine de manifestants empêchent l’accès des engins au chantier, qu’ils estiment préparatoire à la future ligne du Charles-de-Gaulle Express. D’après Marion d’Allard et Hendrik Delaire pour l’Humanité et Le Parisien.
En contrebas des plaines agricoles qui traversent Mitry-Mory (Seine-et-Marne), des engins de chantier s’affairent déjà.
La vidéo a été postée lundi dernier sur les réseaux sociaux. En surplomb des plaines agricoles qui traversent Mitry-Mory, Charlotte Blandiot-Faride, maire PCF de cette commune de Seine-et-Marne y dénonce « un véritable scandale ». En contrebas, des engins de chantier s’affairent. Les travaux du Charles-de-Gaulle Express viennent de commencer. Pourtant, quinze jours auparavant, Élisabeth Borne, la ministre des Transports, a ouvert « une grande concertation » pour savoir si cette liaison ferroviaire censée relier par un trajet direct l’aéroport de Roissy et la gare parisienne de l’Est, « devait se faire ». Une concertation arrachée malgré l’hostilité des opposants, qui dénoncent un projet coûteux – 2,1 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros de prêt public – réalisé au détriment de l’amélioration des transports du quotidien.
Charlotte Blandiot-Faride ne décolère pas : « Pendant une semaine, les engins ont emprunté un chemin pavé sur lequel le concessionnaire s’était engagé à ne pas circuler. Nous avons bloqué l’accès à ce chantier le long de la ligne à grande vitesse avec une cinquantaine de personnes, dont plusieurs gilets jaunes qui nous ont contactés pour se joindre à nous ». « Depuis vendredi, il n’y a plus aucun engin de chantier le long de la LGV. Hier matin nous avons bloqué l’accès au site pour nous assurer qu’aucun engin ne revienne sur les lieux. Nous reconduisons cette opération ce mardi matin ».
Mitry-Mory, lundi matin. La maire Charlotte Blandiot-Faride (PCF) figurait parmi la cinquantaine de personnes qui ont bloqué ce matin l’accès au chantier, qu’elles estiment préparatoire au futur CDG Express. Municipalité de Mitry-Mory.
« Nous sommes signataires d’un appel de plus de 100 élus de tous bords qui exigent que la priorité soit mise sur les transports du quotidien. Aujourd’hui, les camions arrivent et c’est intolérable. Ce chantier doit cesser », lance l’élue avant d’interpeller directement les pouvoirs publics en demandant à la ministre des Transports et au préfet de région de suspendre ces travaux : « Madame la ministre, Monsieur le préfet de région (Michel Cadot, en charge de mener la concertation – NDLR), vous m’entendez ? C’est un véritable scandale et votre concertation, de l’enfumage ! »
Du côté de SNCF Réseau et de la préfecture de région on assure que ces travaux ne signifient pas le lancement du chantier du CDG Express. « Ce sont des travaux préliminaires de déplacement de réseaux publics. Ils n’ont pas d’impact sur le service de transports et n’engagent pas les travaux principaux du CDG Express. Ils consistent à renforcer des chemins d’exploitation et sont réalisés sur des parcelles situées en dehors des emprises de propriété de la municipalité de Mitry-Mory », explique la préfecture de région, qui assure que le chantier ne débutera avant le terme de la concertation. « Le préfet de la région remettra dans le courant de la semaine son rapport sur la mission de concertation qui lui a été confiée. Cette mission doit déterminer, les conditions de réalisation du projet CDG Express permettant de garantir la neutralité de ce projet sur les transports du quotidien ».
Le ministère de la Transition écologique et solidaire, lui, temporise. « Il s’agit de travaux préparatoires en cours depuis des mois et qui naturellement se poursuivent. Mais ce n’est pas le chantier en lui-même, qui ne sera lancé qu’après la signature du contrat de concession », tente-t-on de justifier.
Mais l’argument n’apaise pas la colère. Car si le calendrier initial des travaux fixait bien le début du chantier en janvier sur les parcelles privées et au 1er février sur les parcelles publiques de la commune, « le ministère a entre-temps décidé de réentendre tout le monde. Le préfet de région n’a pas encore rendu ses conclusions. C’est bien la preuve que cette pseudo-concertation n’en est pas une », poursuit la maire de Mitry-Mory.
La question de la priorité aux transports du quotidien prend de l’ampleur
Au nombre des arguments portés, les opposants au projet de cette ligne à grande vitesse en concession privée dénoncent les dégradations à prévoir sur le RER B déjà surchargé, avec 900 000 voyageurs par jour. « Le CDG Express empruntera les voies qui régulent quotidiennement le trafic de nombreux trains, notamment du RER B », note l’association Non au Charles-de-Gaulle Express, qui craint « plus de retards sur le RER B et les autres lignes connexes, voire un blocage complet de la circulation ». En parallèle, l’association présidée par Didier Le Reste, conseiller (PCF) de Paris, juge inutile un projet d’une telle envergure alors même que « la modernisation du réseau existant » prévoit d’ores et déjà « la réalisation de la ligne 17 du métro, reliant le nord de Paris à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ».
De Valérie Pécresse à Anne Hidalgo, la question de la priorité aux transports du quotidien prend de l’ampleur. Jusqu’alors plutôt discrètes sur le sujet, la présidente LR de la région Île-de-France et la maire PS de Paris ont ainsi demandé au gouvernement des gages concernant le RER B. Mais Élisabeth Borne, elle, persiste et signe. Tout juste la ministre des Transports a-t-elle estimé en ce qui concerne les travaux qu’il faudrait « s’assurer qu’on ne va pas imposer des conditions intenables et dégradées aux usagers du RER B, et c’est tout ça qui donnera le calendrier ». Les opposants, de leur côté, continuent de demander l’abandon du projet.