Mardi 2 avril , la LPO a déposé auprès de l’UE une plainte contre la France qu'elle accuse de ne pas respecter la directive européenne sur la conservation de l’avifaune sauvage. . C’est loin d’être la première ! 63 espèces, dont une vingtaine en déclin, continuent de pouvoir être chassées. D’après Frédéric Mouchon pour Le Parisien et Pierre Le Hir pour Le Monde le 1er avril 2019. Lire aussi La biodiversité française décline massivement, Les oiseaux des campagnes disparaissent à une vitesse vertigineuse et Le grand orchestre de la nature est peu à peu réduit au silence.
Un moratoire a été pris en France depuis trois ans sur la chasse de la barge à queue noire, qui fait partie des espèces menacées. Emile BARBELETTE/LPO
La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a obtenu tant de victoires en justice contre l’État pour des infractions relatives à la chasse qu’elle ne les compte plus. Loin de s’enorgueillir de ces batailles gagnées, l’association leur trouve un goût amer, car elle doit chaque année retourner sur le champ de bataille pour rappeler la France à ses obligations. Lassée de ce combat permanent, la LPO a déposé une plainte mardi auprès de l’UE pour non-respect de la directive oiseaux.
Cette directive, qui fêtera ce même jour ses quarante ans, demande aux États membres d’assurer une protection stricte de certaines espèces, avec des possibilités très encadrées de dérogations. Ce texte détermine notamment une liste d’oiseaux chassables en Europe et encadre les dates de chasse en fonction des périodes de migration et de reproduction. Or, la LPO accuse la France de n’en faire qu’à sa tête depuis des années pour satisfaire les chasseurs. Elle reproche notamment à l’Etat « la reconduite systématique depuis plus de dix ans d’actes ministériels prolongeant la chasse des oies grises en dehors des périodes légales […] malgré des décisions de justice qui condamnent de manière récurrente cette pratique ».
Pour faire bonne mesure, elle y joint, dans un recours unique, une action contre les chasses dites « traditionnelles », comme le piégeage des grives à la glu, une pratique que la France est l’un des derniers pays européens à autoriser et dont les défenseurs de la faune dénoncent la « cruauté ».
La France est l’un des derniers pays européens à autoriser le piégeage des grives à la glu, considéré comme une « chasse traditionnelle ». Cabs
« Sur la chasse aux oiseaux migrateurs, nous avons gagné douze fois depuis 2001 et pour la chasse du grand tétras, qui est en mauvais état de conservation dans les Pyrénées, nous avons obtenu gain de cause trente fois devant le tribunal, explique le directeur général de la LPO Yves Verilhac. Mais chaque année, l’Etat récidive en donnant son feu vert et en sachant pourtant très bien qu’il sera retoqué par le Conseil d’Etat. Mais le temps que nous saisissions la justice, les chasseurs gagnent à chaque fois quatre ou cinq jours ».
« La France parmi les plus mauvais élèves de l’Europe »
Nombre d’espèces chassables dans les différents pays de l’Union européenne. La France se classe largement en tête, avec un total de 66 contre une moyenne de 39. LPO
Au ministère de l’Écologie, on considère que les règles applicables en France sont aujourd’hui « conformes au droit européen et aux dérogations prévues par la directive oiseaux ». Mais la France souhaite désormais mettre en place ce qu’elle appelle une « gestion adaptative des espèces ». « Dans le cadre de la réforme législative en cours de la chasse, cette méthode permettra de définir le nombre de prélèvements autorisés pour chaque espèce concernée en fonction de son état de conservation, explique-t-on au cabinet de la secrétaire d’État à l’Écologie Emmanuelle Wargon. Cela permettra ainsi de concilier l’activité de chasse avec la préservation de la biodiversité sur la base d’un diagnostic scientifique établi par un comité d’experts ».
Un comité dont le premier avis est attendu en mai et qui va plancher dans un premier temps sur six espèces : la tourterelle des bois, le courlis cendré, la barge à queue noire, le fuligule milouin, le grand tétras et l’oie cendrée. « 100 000 tourterelles des bois sont tuées chaque année en France, alors que la population a connu un déclin de 80 % et que l’UE réclame un moratoire sur la chasse de cette espèce » rappelle Yves Verilhac.
« En autorisant sur son territoire la chasse de 63 espèces d’oiseaux, dont une vingtaine en mauvais état de conservation, la France figure parmi les plus mauvais élèves de l’Europe » tance la LPO. « Encore aujourd’hui, on peut manger des brochettes de rouge-gorge dans le massif de la baume, s’insurge Yves Verilhac. Et l’association Birdlife estime qu’un total de 500 000 oiseaux sont braconnés dans l’hexagone chaque année ».
Grâce à la directive oiseaux, la cigogne a refait son nid
S’il est une espèce qui doit son salut à la directive oiseaux, c’est bien la cigogne blanche. « Dans les années 1970, il ne restait plus qu’une dizaine de couples en France, relate le directeur général de la LPO Yves Verilhac. Aujourd’hui, on recense environ 2 000 couples dans l’hexagone ».
Grâce à des efforts de reproduction, de réintroduction, à la mise en place de réserves naturelles ou à la protection de certaines espèces de rapaces et d’échassiers, certains oiseaux ont trouvé en France un nid douillet. « On a notamment vu revenir les rapaces, et les oiseaux de zones humides se portent plutôt bien, notamment toutes les espèces de hérons » détaille Yves Verilhac.
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