Réunis à Paris depuis le 29 avril, les experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES) doivent adopter un rapport de plus de 1.700 pages élaboré par 250 chercheurs et spécialistes d’une cinquantaine de pays. Ce texte doit servir de feuille de route aux 132 pays qui adhèrent à cette structure au niveau des Nations Unies. D’après Gérard Le Puill le vendredi 3 Mai 2019 pour l’Humanité. Lire aussi La Convention sur la Diversité Biologique CDB - COP14 constate l’échec des objectifs fixés en 2010, Première étude mondiale sur l’état des sols et Sur tous les continents, la nature et le bien-être humain sont en danger.
Dès la première séance lundi dernier, Robert Watson, président de l’IPBES déclarait devant les membres de cette organisation : « Notre destruction de la biodiversité et des services écosystémiques a atteint des niveaux qui menacent notre bien-être au moins autant que les changements climatiques induits par l’homme ».
En réalité, le réchauffement climatique accélère aussi le recul de la biodiversité, surtout quand des phénomènes climatiques comme les sécheresses, les cyclones et les inondations se multiplient un peu partout dans le monde. De même, les échanges mondialisés selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur fond de dumping, social, fiscal et environnemental constituent un accélérateur du recul de la biodiversité. Ce commerce planétaire accélère aussi le réchauffement climatique de différentes manières.
C’est pour vendre plus de soja, de viande et de sucre de canne au reste du monde que Jair Bolsonaro accélère la déforestation de l’Amazonie depuis qu’il est président du Brésil. La triple conséquence de cette déforestation se traduit par moins d’arbres pour capter du carbone, plus de camions sur les routes pour émettre du CO2 et moins de biodiversité imputable au recul de la forêt primaire. On peut ainsi multiplier les exemples à travers le monde. C’est le cas avec la production d’huile de palme dans de nombreux pays pour exporter du carburant. Il en va de même concernant l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste aux Etats Unis où le milliardaire Warren Buffett a décidé de devenir « l’actionnaire de référence » de la firme « Occidental Petroleum » pour l’aider à acquérir Anadarko face à Chevron, selon Les Echos de ce vendredi 3 mai.
Dégradation accélérée de l’environnement terrestre et marin
Ainsi, le projet de rapport qui doit être adopté demain à Paris indique qu’aujourd’hui « 75% de l’environnement terrestre, 40% de l’environnement marin et 50% des cours d’eau présentent des signes importants de dégradation ». Il indique aussi que, dès à présent, la dégradation des sols a réduit la productivité agricole sur plus de 20% de la surface terrestre. Elle affecte désormais 3 milliards de personnes. Il ne s’agit pas seulement des populations des pays pauvres. En France, un demi-siècle de cultures céréalières intensives en rotations courtes a considérablement réduit la teneur des sols en matière organique de la Beauce à l’Aquitaine, des Haute de France à la plaine d’Alsace, du Grand Est au Lauragais au sud de Toulouse en passant par la Bourgogne.
Il s’est dit aussi à la réunion de Paris que plus de 80% des eaux usées de la planète sont déversées dans l’environnement sans traitement. Mais en même temps, dit le texte qui sera publié demain, « 300 à 400 millions de tonnes de métaux lourds, de solvants, de boues toxiques et autres déchets sont rejetés dans les eaux chaque année ». Cette pollution volontaire s’est accélérée au début de ce siècle tandis que le socialiste français Pascal Lamy, ancien commissaire européen en charge du Commerce à Bruxelles, présidait l’OMC entre septembre 2005 et août 2013. Face à cette pollution « 40% de la population mondiale n’a pas accès à l’eau propre et potable », nous dit encore le texte qui doit être adopté demain.
Un tiers des stocks de poissons surexploités
Tandis que les océans « récupèrent » chaque année des millions de tonnes de plastiques, la FAO indique, qu’en 2017, plus de 92 millions de tonnes de poissons et de fruits de mer ont été capturés dans monde. Du coup, un tiers de stocks de poissons sont surexploités. Selon Didier Gascuel chercheur à l’IFREMER et qui vient de publier un livre sur la pêche (1) « des stocks surexploités peuvent tomber à des niveaux d’abondance tellement faible qu’il n’est plus rentable de les pêcher ».
Si la surpêche diminue les stocks de manière préoccupante et pousse aussi à la fraude, y compris sur les zones où cette pêche est réglementée comme dans les eaux de l’Union européenne, le réchauffement des océans provoque aussi des migrations de poissons. Selon Manuel Barange, de la FAO, le changement climatique « va provoquer une certaine redistribution dans les stocks de poissons » et « les régions tropicale comme les petits Etats insulaire vont probablement devoir faire face aux impacts les plus négatifs tandis que les régions polaires bénéficieront d’augmentations ».
Le réchauffement impacte aussi les régions polaires
Mais les régions polaires sont aussi confrontées à de nouveaux problèmes avec la fonte des glaces. En témoigne ce matin Willard Church un pêcheur de 55 ans vivant en Alaska qui déclare à l’Agence France Presse (AFP) : « On a grandi à une époque où l’hiver était un véritable hiver, où nos anciens se souvenaient de congères aussi hautes que le toit des maisons. Aujourd’hui, on s’estime heureux si on a 1,5 mètre de neige sur le sol ».
Ainsi cheminent côte à côte le réchauffement climatique et le recul de la biodiversité pendant que les décideurs politiques des pays développés et de quelques autres continuent de regarder ailleurs.
(1) Pour une révolution dans la mer, de Didier Gascuel aux éditions Acte Sud.
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