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25 juin 2019 2 25 /06 /juin /2019 09:04

L’historienne Isabelle Laboulais rappelle l’émergence, au cours du XVIIIe siècle, d’un nouveau rapport à la nature. Celle-ci n’est plus seulement dotée d’une valeur d’usage, mais acquiert une valeur d’échange. L’expert du secteur pétrolier Philippe Copinschi retrace le long combat des organisations internationales pour imposer la transparence dans les industries extractives, notamment à travers la norme ITIE. Deux tribunes associées du 21 juin 2019 pour Le Monde. Lire aussi COP 21 + 3 ans : les banques françaises toujours au charbon, Des maires et des associations interpellent Total sur sa responsabilité climatique, Des tremblements de terre provoqués par les humains, La sale mine du futur code minier et Le sable de la discorde en baie de Lannion.

En plein cœur de la ville de Mirny, en Sibérie orientale, une gigantesque mine de diamants 525 mètres de large et 1200 mètres de profondeur, ressemble à un vortex.

En plein cœur de la ville de Mirny, en Sibérie orientale, une gigantesque mine de diamants 525 mètres de large et 1200 mètres de profondeur, ressemble à un vortex.

Le 21 mars 1791, quelques jours avant sa mort, Mirabeau résume le principe qui doit, à ses yeux, inspirer la loi sur les mines en cours de discussion à l’Assemblée constituante par une formule à la signification ambiguë : « Les mines doivent être à la disposition nationale. » L’article 1er de la loi votée le 28 juillet 1791 fait de ce principe le cœur de la nouvelle législation minière. De là à dire que les mines sont désormais regardées comme un bien commun, il y a un pas qu’il serait hasardeux de franchir trop rapidement car la loi ne permet à la Nation ni de vendre les mines ni de les faire administrer pour son compte.

Elle marque néanmoins une rupture avec la législation à l’œuvre depuis le XVIIe siècle puisque sous la monarchie absolue aucune mine ne pouvait être exploitée sans la permission préalable du roi, qui l’accordait comme on dispense une faveur. La loi de 1791 abolit également la distinction qui avait jusqu’alors prévalu entre sol et sous-sol en attribuant le droit d’exploiter les mines au propriétaire de la surface. Ce droit ne peut lui être retiré que s’il ne veut pas ou ne peut pas exploiter un gisement identifié.

La nouvelle législation place donc la propriété privée au cœur du dispositif qui régit l’exploitation des ressources minérales et met en lumière le changement de statut des mines. Regardées jusque-là comme des biens n’appartenant à personne (res nullius), elles deviennent la propriété d’un individu, mais ne sont en aucun cas pensées comme des biens dont l’usage serait commun à tous les hommes (res communes).

Glissement terminologique

Cette évolution renvoie à l’émergence de la notion de « ressources naturelles » qui, au cours du XVIIIe siècle, remplace de plus en plus souvent dans les textes celle de « richesses de la nature », formule qui désignait auparavant des biens jugés gratuits et inépuisables. Ce glissement terminologique indique l’émergence d’un nouveau rapport à la nature, dans lequel celle-ci n’est pas seulement dotée d’une valeur d’usage mais acquiert une valeur d’échange.

Pourtant, constatant que la loi de 1791, favorable aux propriétaires du sol, encourage un « gaspillage légal » et ne contribue pas suffisamment à « la prospérité nationale », le ministre de l’intérieur Chaptal convainc en 1801 le premier consul Bonaparte de rétablir le régime des permissions préalables et d’instaurer le système des concessions. Ce dispositif s’impose aussi aux propriétaires de la surface, que la loi de 1791 avait pourtant promus en propriétaires du sous-sol. L’Etat se réapproprie donc la responsabilité de choisir l’exploitant et de fixer les limites de la concession. Ce sont les ingénieurs des mines, apparus en 1783 et regroupés depuis 1795 dans un Conseil des mines, qui en sont chargés et qui deviennent ainsi les garants d’une gestion raisonnée des ressources minérales. Au-delà des fonctions de conseil et de surveillance des exploitations qui leur incombent, leur contribution au gouvernement de la nature se matérialise par la production d’inventaires et de descriptions qui tentent de mieux faire connaître les ressources aux futurs exploitants.

Un dispositif plus favorable à l’intérêt public

Une rupture de modèle plus nette encore s’impose avec les lois de 1810 qui font de la mine une propriété immobilière, perpétuelle et entièrement distincte de la propriété du sol. Ce nouveau régime de propriété, qui rompt de manière radicale avec la loi de 1791, fut présenté par ses promoteurs comme une manière d’étayer le droit d’exploiter la mine aussi solidement que pouvait l’être le droit d’un propriétaire foncier.

Ce changement imposé en 1810 instaure aussi un dispositif plus favorable à l’intérêt public, c’est-à-dire ici à la prospérité économique. L’administration y joue un rôle croissant – la même année une autre loi fixe l’organisation du « corps impérial des Mines » – puisqu’il lui revient de répondre aux demandes de concessions en réglant l’exploitation des mines de la façon la plus avantageuse possible pour la collectivité, qui a besoin des substances minérales. Parallèlement à la volonté de développer les exploitations se déploient ainsi des formes de régulation supposées, elles aussi, promouvoir le bien public. Rétrospectivement, ces évolutions ont souvent été présentées comme l’une des causes essentielles du développement de l’industrie extractive en France.

Une mine d’extraction de cobalt et de cuivre, près de Lubumbashi, en République démocratique du Congo. Reuters Staff / REUTERS

Une mine d’extraction de cobalt et de cuivre, près de Lubumbashi, en République démocratique du Congo. Reuters Staff / REUTERS

Dans l’extraction minière, la corruption est perçue comme inévitable, voire acceptable

Les 18 et 19 juin, Paris a accueilli la Conférence mondiale de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Cette initiative, lancée en 2003, vise à promouvoir une gestion transparente des revenus issus des industries pétrolières et minières, en particulier dans les pays en développement.

Alors que l’exploitation de ressources naturelles est généralement présentée comme une aubaine pour le pays qui les possède et un gage de développement économique et de prospérité, la réalité est tout autre : bien souvent, on assiste à une généralisation de la corruption, au creusement des inégalités entre la masse miséreuse et les élites détournant l’argent public, à la disparition des activités agricoles et industrielles autres que celles liées à l’exploitation de la ressource, à une instabilité politique grandissante et, in fine, à la dérive autoritaire des régimes politiques, voire au basculement dans la guerre civile. Le Nigeria, le Venezuela ou encore la Libye en sont, parmi bien d’autres, de tristes illustrations.

L’ITIE repose sur la conviction qu’une meilleure transparence dans la gestion des revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles est une condition indispensable à un développement économique sain menant à une réelle réduction de la pauvreté. Pour ce faire, elle a élaboré une norme visant à promouvoir la gestion ouverte et responsable des ressources pétrolières, gazières et minières, et invité les pays producteurs ainsi que les entreprises extractives à y adhérer.

Coalitions tripartites

Cette norme exige des pays qu’ils mettent sur pied une coalition tripartite réunissant le gouvernement, les entreprises et la société civile, afin de procéder à la publication d’un large éventail d’informations sur la chaîne de valeur extractive : octroi des droits d’extraction, montant des revenus versés au gouvernement, utilisation de ces revenus tant par le gouvernement national que par les autorités locales, etc.

En renforçant ainsi la gouvernance publique et des entreprises, l’ITIE cherche à offrir aux pays producteurs les outils et les informations nécessaires pour mener des réformes permettant d’endiguer la corruption et d’assurer que les revenus extractifs bénéficient réellement aux populations locales. Aujourd’hui, plus de 50 Etats (dont nombre de pays africains) ont entrepris de mettre en œuvre la norme ITIE, soutenus par la plupart des grandes multinationales pétrolières et minières, qui voient dans cette initiative une manière d’échapper à la corruption qui règne généralement dans les pays producteurs et de démontrer leur engagement en faveur du développement économique des Etats hôtes.

Certes, le bilan de l’ITIE après plus de quinze ans d’existence semble mince. Rares sont les exemples de pays dont l’adhésion à l’ITIE y a fait significativement reculer la corruption. D’autant que l’initiative souffre de quelques faiblesses originelles, dont celle d’être purement volontaire (tant pour les Etats que pour les entreprises) et d’être dépourvue d’un véritable système de sanctions en cas de violation flagrante des engagements pris.

Imposer la norme ITIE

Pour autant, l’ITIE représente une avancée certaine dans un secteur où l’opacité et les pratiques de corruption ont longtemps été perçues comme inévitables voire acceptables. D’une part parce que cette norme constitue un standard à vocation globale, ce qui permet (du moins en théorie) de contourner le principe de souveraineté derrière lequel nombre de régimes corrompus et autoritaires s’abritent pour échapper à toute mise en cause. D’autre part parce qu’elle tend à faire de la transparence une norme et de la corruption une pratique inacceptable. Bien sûr, cela n’empêche pas (encore) les corrompus de l’être ; mais cela rend la corruption de plus en plus difficile, surtout lorsque les compagnies pétrolières et minières sont elles-mêmes soumises à la surveillance des militants de la société civile et aux contraintes de législations anticorruption dans leurs pays d’origine.

Même si l’ITIE continue de s’améliorer, avec un élargissement progressif des exigences portant notamment sur la transparence des contrats, beaucoup reste à faire pour parvenir à rendre le secteur extractif totalement transparent et faire en sorte que l’exploitation des ressources naturelles soit réellement bénéfique pour les populations locales.

Il est aujourd’hui temps d’accélérer dans cette direction, notamment en subordonnant tout investissement au respect de la norme ITIE. Les pays occidentaux, dont les gouvernements ne cessent, dans leurs discours, de dénoncer les pratiques de corruption, ont dans leurs mains de puissants outils pour y parvenir.

En exigeant des différentes agences d’aide au développement (Banque mondiale, Banque européenne d’investissement, Agence française de développement, etc.) qu’elles fassent de la conformité à la norme ITIE la condition de l’octroi de leur aide financière, ils pourraient enfin joindre l’acte à la parole, et participer à l’amélioration durable de la transparence, condition indispensable du développement économique et de la stabilité politique des pays producteurs de richesses naturelles.

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