L’étude menée à Paris, Berlin, Madrid, Londres… révèle des niveaux de pollution de l’air intérieur loin des normes sanitaires. D’après Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL) et Stéphane Mandard pour Le Monde le 18 septembre 2019. Lire aussi La première conférence mondiale sur la pollution de l'air s'est ouverte à Genève, Pollution de l’air : le match du siècle , Paris, encore loin des villes européennes modèles pour la pollution de l’air et la mobilité, La pollution de l’air tue 7 millions de personnes dans le monde chaque année et Médecins et associations unissent leurs voix pour rappeler l’urgence d’agir face à la pollution de l’air.
La pollution de l’air ne s’arrête pas aux portes des écoles, ni à celles des salles de classe. Telle est la conclusion d’une étude menée par l’ONG européenne Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL) dans six capitales en proie à des problèmes récurrents de qualité de l’air : Paris, Londres, Berlin, Madrid, Sofia et Varsovie.
Trois polluants (dioxyde d’azote, particules fines et dioxyde de carbone) ont été mesurés entre mars et mai dans cinquante établissements. Les résultats ont été publiés mercredi 18 septembre. Ils font apparaître des tendances alarmantes communes à toutes les villes.
Du dioxyde d’azote (NO2), gaz toxique émis principalement par le trafic routier et en particulier les véhicules diesels, a été détecté à l’intérieur de toutes les salles de classe dans l’ensemble des écoles et parfois à des niveaux importants.
Les concentrations en particules fines (PM 2,5, inférieurs à 2,5 micromètres de diamètre) dépassent souvent la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est de 10 microgrammes par mètre cube (µg/m3) en moyenne annuelle. La plupart des salles de cours présentent des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) supérieurs au seuil recommandé de 1 000 particules par million (ppm).
Record dans une école parisienne
Les résultats concernant le NO2 sont éloquents. Dans certaines classes, les concentrations frôlent les limites européennes en vigueur pour l’air extérieur (40 µg/m3 en moyenne annuelle). Ainsi, 35 µg/m3 ont été relevés dans une école de Madrid.
Dans d’autres établissements, les concentrations retrouvées à l’intérieur des salles dépassent même les niveaux mesurés en extérieur, à l’entrée de ces écoles : 30 µg/m3 versus 22 et 23 versus 16 pour deux écoles de Sofia, 13 versus 6 pour un établissement berlinois. Et, dans de nombreux cas, les niveaux mesurés à l’entrée des écoles oscillent entre 35 et 43 µg/m3, le record revenant à une école maternelle parisienne avec un taux de 52 µg/m3, soit largement au-delà de la limite légale européenne.
« L’objectif de notre travail n’était pas de comparer les villes entre elles, mais de mobiliser les décideurs locaux à travers l’Union européenne autour d’un défi de santé publique récurrent. A savoir que, pour garantir la qualité de l’air intérieur dans les écoles – là où respirent les membres d’une catégorie particulièrement vulnérable de la population –, il est indispensable de réduire la pollution extérieure », commente Sophie Perroud, de HEAL, qui regroupe plus de 70 organisations spécialisées dans les questions de santé-environnement.
A Paris, la campagne de mesures a été pilotée par France Nature Environnement (FNE). Elle complète les données publiées en mars par l’association Respire indiquant que les niveaux de pollution aux abords des établissements scolaires dépassent souvent les normes sanitaires. Six écoles maternelles et primaires représentant près de 1 000 élèves ont accepté de participer à l’étude. Choisies de façon à obtenir des profils différents (proximité avec un axe urbain, quartier…), elles ont préféré garder l’anonymat.
Mauvaise ventilation
Quatre écoles présentent des concentrations de CO2 « très supérieures aux niveaux recommandés » (entre 1 062 et 1 525 ppm), indiquant une mauvaise ventilation, pourtant indispensable pour la santé et la concentration des enfants. Les niveaux de particules fines PM 2,5, les plus dangereuses car elles pénètrent profondément dans l’organisme, dépassent la norme de l’OMS dans quatre d’entre elles, et de plus du double pour trois écoles (avec 20, 23 et 25 µg/m3).
Les résultats sont particulièrement préoccupants pour une école primaire du centre de Paris. Située à proximité d’un grand boulevard, elle cumule niveaux très élevés de CO2 (1 525 ppm) et de NO2 (52 µg/m3 à l’entrée de l’école, 27 µg/m3 en salle).
« La circulation routière et les chantiers de construction constituant la principale source de pollution de l’air extérieur, les écoles ont besoin que les maires agissent en vue de trouver des solutions permettant de la réduire, commente Alain Chabrolle, vice-président de FNE. Paris est en train de mettre en place quelques mesures, mais il est possible de faire davantage, en particulier autour des écoles avec, par exemple, des limitations de vitesse plus strictes, des zones à faibles émissions ou des zones à péage urbain. »
FNE et HEAL réclament aussi un « meilleur contrôle » et « des amendes plus dissuasives pour le non-respect de la vignette Crit’Air », qui interdit aux véhicules les plus polluants (Crit’Air 5 et 4) de circuler dans Paris en semaine. Les ONG plaident également pour un « renforcement du contrôle réglementaire et scientifique citoyen de la qualité de l’air dans les écoles ». Annoncé par la mairie avant l’été, le déploiement de 150 capteurs dans une cinquantaine d’établissements jugés prioritaires doit s’intensifier à partir du 20 septembre.
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