Trois nouvelles récentes à mettre en écho :
Tous d’abord, un nouvel élément qui confirme les Wikileaks d’il y a un an sur la bulle boursière du schiste comparable à la bulle internet du début des années 2000, cet article paru le 30 Janvier 2013 sur Bilan, la revue suisse de l’économie.
Gaz de schiste : L’affaire Chesapeake fait exploser la bulle.
Par Fabrice Delaye : La démission du patron du leader des gaz de schiste aux États-Unis augure un nouveau scandale à Wall Street.
Gaz de schiste
En quelques années, Aubrey McClendon avait fait de son entreprise Chesapeake le numéro deux du gaz naturel aux Etats-Unis. L’entreprise est, en effet, pionnière dans l’exploitation de la fracturation hydraulique, cette technologie baptisée « fracking » qui permet d’extraire les gaz contenus dans les couches de schiste.
Mais pour atteindre ce rang, Chesapeake a aussi acheté d’énormes quantités de licences (sur plus de 6 millions d’hectares de terrains) afin de pouvoir forer vers ces gisements de gaz. Comme elle n’avait pas l’argent pour y parvenir, elle s’est tournée vers Wall Street. Là, des firmes comme Jefferies et Barclays, inondées de liquidités par la Réserve Fédérale, vont, au travers de divers montages comme la vente à terme de future production, prêter à Chesapeake jusqu’à 16,1 milliards de dollars lors de la dernière mesure officielle en septembre.
Après trois trimestres consécutifs de pertes totalisant plus d’un milliard de dollars, c’est probablement davantage aujourd’hui. C’est ce qui a conduit les actionnaires actifs de l’entreprise comme Carl Icahn à obtenir, ce mardi, le départ d’Aubrey McClendon au premier avril. Toutefois, cette démission n’est pas la fin de l’histoire.
Du conflit d’intérêt au scandale
Les premiers succès de Chesapeake ont abouti à la formation d’une bulle dans le secteur des gaz de schiste. Le boom du «fracking » a conduit à des surcapacités qui ont fait chuter les prix du gaz de 16 à 2 dollars le million de BTU (British Thermal Unit) entre 2006 et 2012. Or, les forages pour les gaz de schiste ne sont rentables qu’à partir de quatre dollars dans le meilleur des cas et plutôt sept en moyenne. En Pennsylvanie comme dans l’Oklahoma, des milliers de forages ne produisent ainsi pas depuis des mois alors que les licences d’exploitation doivent être payées. Et, l’espoir d’une remontée des cours pour cause de froid hivernal s’est envolé avec des température au-dessus de la moyenne dans le nord-est américain. Si bien que le contrat à terme de mars est scotché à 3,28 dollars.
Comme si cela ne suffisait pas, il est aussi apparu à la faveur de la fronde des actionnaires contre Aubrey McClendon que ce dernier avait pris à titre personnel des participations de 2,5% dans chaque puits opéré par Chesapeake. Il a lui-même emprunté plus d’un milliard de dollars à EIG Global Energy pour ces opérations qui ouvrent la question du conflit d’intérêt.
Ce qui pourrait donc être un nouveau scandale à Wall Street n’en est peut-être qu’au début de ses rebondissements. La démission d’Aubrey McClendon de la direction générale de Chesapeake a permis au titre, qui a perdu 43% l’an dernier, de se reprendre de 10% hier. Toutefois, rien n’est en réalité réglé. A moins que les Etats-Unis ne se mettent à exporter leur gaz de schiste pour faire remonter les cours, cette affaire ressemble avant tout à l’ouverture d’une nouvelle boîte de Pandore boursière.
Au même moment, en France :
Les parlementaires étudieront les alternatives à la fracturation hydraulique
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques va consacrer un rapport aux « techniques alternatives à la fracturation hydraulique ». Le PDG de Total et le ministre en charge de l’Industrie, Arnaud Montebourg, ont déjà manifesté leur intérêt pour les gaz de schiste.
Les députés et sénateurs de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) annoncent avoir adopté « l’étude de faisabilité d’un rapport consacré aux techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ». Ce travail a été réalisé par le député (PS) Christian Bataille et le sénateur (UMP) Jean-Claude Lenoir.
Le communiqué de l’Office déclare :
« La fracturation hydraulique, interdite par la loi du 13 juillet 2011 pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures, est une technique ancienne qui évolue aujourd’hui rapidement sous l’effet de considérations environnementales de plus en plus partagées. Des voies d’amélioration de cette technique existent, dans le sens d’une moindre consommation d’eau et d’une moindre utilisation de produits chimiques.
Parmi les autres techniques susceptibles d’être employées, la stimulation au propane, déjà pratiquée en Amérique du Nord, mérite l’examen. D’autres technologies sont envisagées en recherche et susceptibles d’aboutir à des applications d’ici à une dizaine d’années. »
Les parlementaires de l’OPECST proposent comme calendrier :
- Février-mai 2013: réalisation d’auditions par les rapporteurs (pouvoirs publics, entreprises, associations environnementales), consultation des partenaires sociaux
- Avril 2013: audition ouverte à la presse
- Printemps 2013: examen par l’Office d’un rapport d’étape
- Juin à septembre 2013: déplacements à l’étranger
- Automne 2013: examen par l’Office du rapport final.
Le PDG de Total et Arnaud Montebourg intéressés par les gaz de schiste
Il y a quelques semaines, Christophe de Margerie, le PDG de Total, était interviewé par Le Monde et estimait que « si l’on exploitait le gaz de schiste français – ce qui serait bon pour l’économie et pour la sécurité de notre approvisionnement – le prix serait déterminé par le marché du gaz européen, donc pas forcément à des prix aussi bas » [qu'aux Etats-Unis].
Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg avait quant à lui déclaré fin novembre, devant l’Union française de l’électricité (UFE) : « Nous n’acceptons pas la fracturation hydraulique mais nous travaillons à imaginer une nouvelle génération de technologies propres qui permettraient d’extraire sans abîmer. » « Ce gaz (…) mieux vaut le produire si nous l’avons plutôt que l’importer », estimant que le gaz pourrait jouer un rôle important dans la transition énergétique.
Il y a quelques jours, Le Monde citait « l’entourage d’Arnaud Montebourg » où l’on déclare:
« Le développement du gaz de houille n’a rien de rédhibitoire. Son exploitation va permettre de réduire la facture énergétique française, et donc d’augmenter nos marges de manoeuvre budgétaire afin d’investir davantage dans le solaire et l’éolien. »
Comme pour le nucléaire, le ministre en charge de l’industrie a pour le moins changé d’avis par rapport à ses positions de candidat à la primaire socialiste fin 2011. Il qualifiait alors le gaz de schiste de « fausse bonne idée » et affirmait que « l’indépendance énergétique ne doit pas se faire au prix de catastrophes environnementales ».
Enfin la réaction proposée par France Nature Environnement...
France Nature Environnement (FNE) a publié dans la foulée un communiqué. La fédération d’associations de défense de l’environnement « tient à rappeler que, quelle que soit la technique, il s’agit de rendre poreux un milieu, la roche mère, qui ne l’est pas, ce qui présente des risques avéré de pollution des milieux et des nappes phréatiques et de l’atmosphère. Par ailleurs, au-delà du débat sur la technique d’extraction, il s’agit encore d’extraire des énergies fossiles qui contribueraient au réchauffement climatique déjà hors de contrôle. »
Bien que la loi de juillet 2011 ait interdit la fracturation hydraulique, les pétroliers et certains économistes continuent à s'intéresser au bassin parisien et aux couches géologiques contenant le pétrole de schiste. Tous les départements d'Ile-de-France (sauf Paris) sont concernés. Pour faire le point sur la situation actuelle et à venir, IDFE vous invite le samedi 16 février 2013, à une journée de formation gratuite (de 10h à17 h) sur le thème : dans les locaux de l’association Bruitparif, 9, impasse Milord, 75018 Paris, Métro ligne 13, Porte de Saint-Ouen Elle s'adresse aux membres des associations de protection de la nature et de l'environnement d'Ile-de-France. Programme : 10h–10h30 : Ghislain de Marsilly, géologue spécialisé en hydrologie : Présentation des couches profondes du sous-sol du bassin parisien susceptible de contenirdes hydrocarbures, les différents types d'hydrocarbures non-conventionnels du BP et leurslocalisations dans les couches profondes. Les risques éventuels de contamination de l'eau. 10h30–11h : Réponses aux questions 11h–11h30 : Bruno Courme, directeur général Total Gas Shale Europe : La consommation de pétrole en France, l’évolution des ressources en hydrocarbures conventionnels du Bassin Parisien, les réserves prouvées, probables et possibles en hydrocarbures non conventionnels, quelles techniques disponibles actuellement ? A l’étude ? 11h30–12H00 : Réponses aux questions 12h-13h30 : Pause déjeuner dans les restaurants à proximité 13h30-14h00 : Benjamin Dessus, économiste (président de l’association Global Chance) : Exploiter les hydrocarbures de schiste en France, quel coût économique et environnemental ? S’en passer, comment ? 14h–14h30 : Réponses aux questions 14h30–15h : La réglementation actuelle, les évolutions du futur nouveau code minier. Quid des permis derecherche et des forages en cours ? 15h-16h : Réponses aux questions Fin de la formation 16h15-17h : Les associations membres d’IDFE sont invitées à réfléchir ensuite ensemble envue de préparer une motion sur le sujet : "pétrole de schiste en Ile-de-France". Merci de vous inscrire sur idfe.formation@gmail.com
Benoit Hartmann porte-parole de FNE, commente: « Récupérons déjà les gaz gaspillés par torchage, méthanisons nos eaux usées, mettons en place une vraie sobriété de notre société et réservons ce pétrole immature aux générations suivantes. » |
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