Nous vous en parlions dans Santé : une loi pour protéger les lanceurs d'alerte, ça y est !
De la dénonciation du Mediator par la pneumologue Irène Frachon au renvoi du toxicologue André Cicolella de l'Institut national de recherche et de sécurité après qu'il a sonné l'alerte sur les dangers des éthers de glycol, les exemples ne manquent pas de combats solitaires de chercheurs ou de citoyens contre l'institution. Les lanceurs d'alerte, ces scientifiques ou simples citoyens qui attirent l'attention sur des risques sanitaires et environnementaux, seront désormais protégés.
Le Sénat a définitivement adopté mercredi 3 avril la proposition de loi présentée par Marie Blandin pour le groupe écologiste du Sénat, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte. Un sujet brûlant, que ramènent régulièrement au-devant de l'actualité des dossiers comme la prescription de médicaments à risque, l'exposition aux pollutionschimiques ou aux ondes électromagnétiques.
C'est la première fois de son histoire que le Parlement adopte un texte écologiste. Le Parti socialiste, les communistes et une grande partie du groupe RDSE (à majorité PRG) ont soutenu le texte de leurs collègues écologistes, ainsi que quatre centristes, l'UMP s'y opposant. Les autres centristes se sont abstenus. Le rapporteur du texte, Ronan Dantec, a exprimé "son émotion" devant cette première.
Les Sénatrices et Sénateurs écologistes se félicitent de cette première loi initiée par un groupe parlementaire écologiste et qui répond à une attente de très longue date de la société civile.
Pour Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord et auteure de la proposition de loi : « L’adoption de cette proposition de loi est une victoire pour les associations qui œuvrent sur des dossiers comme l’amiante ou le Mediator. Ce sont de nombreuses vies humaines qui auraient été épargnées si nous avions pu bénéficier plus tôt d’une expertise indépendante et d’une protection des lanceurs d’alerte. D’un strict point-de-vue budgétaire, l’absence de cette expertise a impliqué des milliards d’euros pour la réparation ou le dédommagement des crises sanitaires (fonds d’indemnisation pour l’amiante, démiantages ; indemnisation des victimes du Mediator). »
Pour Ronan Dantec, Sénateur de Loire-Atlantique et rapporteur de la proposition de loi : « C’est un véritable exercice de démocratie parlementaire que nous devons saluer. Cette loi fait œuvre utile et participe de la modernisation de la décision publique, qui passe par l’indépendance de l’expertise. Le texte a évolué au fil des débats, à mesure que le Parlement se l’est approprié. Ne reste plus que sa mise en place effective, que l’on attend dans les meilleurs délais. »
Pour Aline Archimbaud, Sénatrice de Seine-Saint-Denis et Secrétaire de la Commission des Affaires sociales : « Prévenir les scandales environnementaux et sanitaires est un combat de longue date pour les écologistes. »
Pour Jean-Vincent Placé, Sénateur de l’Essonne et Président du Groupe : « Nos concitoyens et concitoyennes ne veulent plus entendre parler de scandales comme les pesticides, les risques induits par les OGM, des médicaments mal contrôlés. Une expertise indépendante permettra de tirer un trait sur tout soupçon de conflit d’intérêt. »
Lors du passage devant l'Assemblée nationale, les députés ont ajouté au texte sénatorial une définition de l'alerte : "Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît dangereuse pour la santé ou pour l'environnement."
La loi met en place une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement (articles 1 à 7bis), une protection des personnes physiques ou morales lançant une alerte en matière sanitaire et environnementale (article 9), ou encore l’inscription dans le code de la santé publique du principe de non discrimination en cas d’alerte sanitaire et environnementale (article 17).
Dans les entreprises, un droit d'alerte est accordé au représentant du personnel au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et celui-ci doit être informé spécifiquement des alertes lancées et des suites données. Les députés ont ajouté qu'en cas de litige sur le bien-fondé ou la suite donnée à l'alerte par l'employeur, le représentant du personnel au CHSCT pourra saisir le préfet. "Une culture de l'alerte est bien créée dans l'entreprise, mais l'alerte n'est pas gérée en son sein", s'est félicité M. Dantec.
Le texte crée aussi une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement, chargée d'établir des règles de déontologie qui s'appliqueront à toutes les agences d'expertise. La commission aura aussi pour mission de recevoir les alertes et des les transmettre aux agences concernées. Elle ne pourra toutefois être saisie que par des associations ou des corps constitués, et non par les lanceurs d'alerte eux-mêmes.La Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement sera créée par une refonte de l'actuelle Commission de prévention et de sécurité.
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