Les propriétés physico-chimiques des polluants et des gaz à effet de serre (GES) conduisent à les étudier séparément : les GES ont des temps de résidence très longs dans l’atmosphère, à l’inverse des polluants atmosphériques ; leur distribution spatiale est différente. C’est une étude de l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (INERIS) sortie hier qui a enfin montré le lien entre les deux (http://www.ineris.fr/propos-de-lineris/qui-sommes-nous/actualit%C3%A9s/qualit%C3%A9-de-l%E2%80%99air-comment-%C3%A9valuer-les-politiques-de-gest), avec une précision des simulations améliorée à un niveau de résolution spatiale encore jamais atteint (12 km).
Interactions entre climat et qualité de l’air
L’évolution du climat, qui modifie les caractéristiques physiques de l’atmosphère, a une influence sur la formation des polluants dans l’air (par exemple avec l’augmentation de la fréquence d’épisodes météorologiques extrêmes). Par ailleurs, certains polluants ont une influence sur le climat car ils perturbent l’équilibre des énergies entrantes et sortantes de l’atmosphère terrestre (bilan radiatif).
Les politiques climatiques ont un impact sur la qualité de l’air, car les mesures d’efficacité énergétique modifient les activités humaines, ce qui a pour effet d’influer sur les émissions de polluants et in fine de modifier les réactions chimiques dans l’atmosphère. De leur côté, les mesures de réduction des émissions de polluants ont un effet sur les émissions des GES (ne serait-ce que sur l’ozone, qui est à la fois un polluant et un GES).
Concentrations moyennes annuelles en PM10 attendues en 2030 (en μg/m3)
Les équipes de l’INERIS ont réalisé des simulations de qualité de l’air à l’horizon 2030 sur la base de scénarios du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat) correspondant aux hypothèses de réduction d’émissions (dioxyde de soufre, ammoniac, Composés Organiques Volatiles, oxydes d’azote, particules PM2,5, méthane).
Les simulations, effectuées sur l’ozone et les particules (PM2,5 et PM10), montrent comment les hypothèses envisagées permettraient globalement de réduire la pollution atmosphérique et de respecter les objectifs de qualité de l’air sur la plus grande partie de l’Europe, notamment la pollution particulaire.
Certaines zones fortement urbanisées resteront des « points chauds » de pollution, qui nécessiteront des mesures spécifiques pour respecter les valeurs limites et objectifs de qualité de l’air fixés. En France, sont identifiées la région parisienne, les zones urbaines de Nord-Pas de Calais, de la région Rhône-Alpes, d’Alsace et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Le co-bénéfice des politiques combinées « qualité de l’air/climat » d’ici à 2050 : une stratégie nécessaire pour améliorer à long terme la qualité de l’air
Les mesures de lutte contre le réchauffement du climat et les actions destinées à limiter la pollution atmosphérique interagissent entre elles. Sur l’ozone comme les particules fines, la mise en oeuvre d’une politique de gestion de la qualité de l’air reste le facteur le plus influant sur l’évolution des concentrations globales de polluants, au regard du changement climatique et du transport de polluants sur une longue distance. D’où l’importance de développer des politiques de gestion de la qualité de l’air coordonnées au niveau international.
Par ailleurs, les simulations mettent en lumière le rôle des politiques d’atténuation du réchauffement climatique, qui apportent un bénéfice complémentaire important aux politiques de qualité de l’air.
Une diminution globale des concentrations en 2050
L’ozone
Ce gaz est un polluant dit secondaire, car il est issu d’un processus de transformation chimique déclenché par l’interaction d’autres polluants émis par l’activité humaine (NOx et COV, notamment les hydrocarbures) en présence du rayonnement solaire (UV). Ces polluants sont appelés précurseurs de l’ozone.
L’ozone est à la fois un GES et un des polluants ayant la plus forte influence sur la qualité de l’air : il peut créer une gêne respiratoire, des irritations oculaires et des altérations pulmonaires. L’ozone est, en outre, connu pour son impact négatif direct sur la végétation.
L’élévation des températures et l’accroissement du rayonnement solaire reçu à la surface de l’atmosphère ont deux effets : ils accroissent les phénomènes chimiques qui favorisent la formation d’ozone ; ils stimulent les sources d’émissions de précurseurs de l’ozone d’origine humaine, animale ou végétale. Et les « émissions longue distance » ont un effet pénalisant sur les concentrations d’ozone.
Les particules
Composées notamment de substances organiques, métalliques ou minérales, les particules se présentent très fréquemment sous forme d’aérosol, ensemble de particules solides (poussière, fumée) ou liquides (brouillard) en suspension dans l’air. Les effets des particules sur la santé dépendent de leur taille en microns soit 10-6m (elles pénètrent d’autant plus profondément dans l’appareil respiratoire que leur diamètre est faible) et de leur composition chimique (elles peuvent contenir des toxiques, métaux ou HAP).
Les particules primaires sont émises directement par l’environnement ou les activités humaines. Les particules secondaires sont formées dans l’air ambiant par des processus chimiques complexe entre les particules primaires et des composés gazeux. Le soufre, les NOx, l’ammoniac ou les COV sont des précurseurs de particules secondaires.
L’augmentation des précipitations moyennes en Europe contribueraient à diminuer les concentrations en PM2,5. La réduction des émissions de particules en France serait principalement portée par les mesures de gestion déployées dans le secteur des transports et de l’industrie.
Saisonnalité des épisodes
Les oxydes d’azote sont principalement émis par le trafic routier. Les épandages agricoles pratiqués au printemps induisent des émissions importantes d’ammoniac, et dans une moindre mesure de monoxyde d’azote, surtout lorsque les températures sont élevées.
Et en hiver, des conditions météorologiques froides et très stables contribuent à piéger les émissions près du sol, celles-ci étant intensifiées par l’usage du chauffage résidentiel et de la biomasse.
Simulations haute résolution réalisées avec le modèle CHIMERE pour les concentrations de NO2
Agir
Atténuer le réchauffement climatique conduit à une augmentation des coûts, mais l’impact de ces mesures sur les concentrations de polluants a pour conséquence une réduction des dépenses de gestion de la qualité de l’air. Au final, le coût financier du scénario adoptant une politique climatique dynamique est un plus élevé que le coût du scénario ne s’appuyant sur aucune politique climatique (+15%). Si on prend en compte les impacts sur la santé dans l’évaluation du rapport coût/bénéfice, les premières analyses aboutissent à un bénéfice net des politiques environnementales combinées.
* Pour réaliser le programme « air pur pour l’Europe » :
Il faut réviser la Directive sur les plafonds d’émissions nationaux sur les quatre polluants initiaux (SO2, NOx, COV et NH3) et sur deux nouveaux polluants : les particules fines (PM2,5) et le méthane (CH4), un des principaux gaz à effet de serre. Pour les particules, l’accent doit être porté sur la réduction des émissions de noir de carbone, polluant qui a également un impact sur le climat.
NB : Les principaux polluants atmosphériques
Ozone (O3) ; Particules (PM2.5 et PM10) ; Oxydes d’azote (NOx) ; Dioxyde de soufre (SO2) ; Composés Organiques Volatiles (COV), dont les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) et le Benzène (C6H6) ; Ammoniac (NH3) ; Monoxyde de carbone (CO) ; Métaux lourds (plomb, mercure, arsenic, cadmium, nickel, chrome, cuivre)
Verosimar 24/09/2014 17:39