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13 mai 2019 1 13 /05 /mai /2019 12:02

Lundi 6 mai, la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le « GIEC de la biodiversité », a publié au siège de l’Unesco à Paris, le premier rapport intergouvernemental d’évaluation mondiale sur la biodiversité. Sur la Terre comme au fond des océans, une espèce sur huit, animale et végétale, risque de disparaître à brève échéance – une menace l’espèce humaine. Audrey Azoulay, directrice de l’Unesco, et Robert Watson, président de l’IPBES, alertent sur l’urgence d’agir pour protéger « notre patrimoine mondial environnemental ». Pour Yann Laurans, de l’Institut du développement durable et des relations internationales, le système agroalimentaire est au cœur de l’effondrement du vivant. D’après Robert Watson, Audrey Azoulay, Yann Laurans, Pierre Le Hir, du 6 au 8 mai pour Le Monde.                            Cf. Un rapport mondial mesure l'impact de la perte accélérée de biodiversitéLa Convention sur la Diversité Biologique CDB - COP14 constate l’échec des objectifs fixés en 2010 et Sur tous les continents, la nature et le bien-être humain sont en danger.

INFOGRAPHIE LE MONDE

INFOGRAPHIE LE MONDE

C’est un chiffre choc, propre à frapper les esprits, les consciences et peut-être les cœurs : un million d’espèces animales et végétales – soit une sur huit – risquent de disparaître à brève échéance de la surface de la Terre ou du fond des océans. Telle est l’alerte, lancée lundi 6 mai, à Paris, à l’adresse des gouvernants et des peuples, par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Pour engager à l’action plutôt qu’à la résignation, celle-ci veut pourtant garder espoir : éviter le pire est encore possible, à condition de mettre fin à la surexploitation de la nature.

Réunis depuis une semaine à la Maison de l’Unesco, les représentants de 110 pays, sur les 132 que compte cette organisation onusienne, souvent appelée le « GIEC de la biodiversité », ont négocié, terme à terme, avant de l’approuver à l’unanimité selon la règle, un « résumé pour les décideurs », d’une quarantaine de pages. Celui-ci s’appuie sur un rapport exhaustif de plus de 1 700 pages, fruit de trois ans de recensement et d’analyse de données par plusieurs centaines d’experts, sur l’état de la biodiversité mondiale. Produit d’années de recherche et de coopération internationale avec des chercheurs du monde entier et le soutien des Nations unies à travers l’Unesco, la FAO [Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture], l’UNEP [programme des Nations unies pour l’environnement], et le PNUD [programme des Nations unies pour le développement], ce rapport a été adopté par 132 pays. Le document final traduit donc un consensus, à la fois scientifique et politique, qui lui donne tout son poids.

« La santé des écosystèmes dont nous dépendons, comme toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais, résume le président de l’IPBES, le Britannique Robert Watson. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier. » Mais, ajoute-t-il, « il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial ».

Une disparition accélérée des espèces

« Les activités humaines menacent d’extinction davantage d’espèces au niveau mondial que jamais auparavant », avertit solennellement l’IPBES, qui fait état d’un taux actuel d’extinction « au moins des dizaines ou des centaines de fois supérieur à ce qu’il a été en moyenne durant les dernières 10 millions d’années ».

Ce sont ainsi « environ un million d’espèces [qui] sont déjà menacées d’extinction, pour beaucoup dans les prochaines décennies ». Cela, sur un total de 8,1 millions d’espèces animales et végétales, dont 5,9 millions terrestres et 2,2 millions marines, sachant que ces chiffres sont des estimations, puisque seulement 15 % environ du vivant est connu et répertorié. Autrement dit, une espèce sur huit est en danger de mort.

Il faut noter qu’à eux seuls les insectes représentent plus des deux tiers de l’ensemble des espèces (5,5 millions) et que 10 % d’entre elles sont jugées menacées. Le taux est donc plus élevé pour le reste de la faune et de la flore sauvage. Sur les 97 000 espèces évaluées avec précision par l’Union internationale pour la conservation de la nature, un quart sont en réalité en « liste rouge », c’est-à-dire en danger de disparition.

Chez les vertébrés, c’est le cas de 25 % des mammifères (et 39 % des mammifères marins), 41 % des amphibiens, 19 % des reptiles, 13 % des oiseaux, 7 % des poissons, 31 % des raies et requins. Parmi les invertébrés, 33 % des récifs coralliens, 27 % des crustacés, 7 % des gastéropodes, 15 % des libellules sont dans la même situation. Dans le règne végétal, les taux s’échelonnent entre 16 % et 63 % selon les groupes taxonomiques avec, par exemple, un risque de 34 % pour les conifères.

Et la machine à broyer le vivant s’emballe : si rien n’est fait pour l’arrêter, les experts annoncent « une nouvelle accélération du rythme mondial d’extinction ».

Des écosystèmes sous pression

INFOGRAPHIE LE MONDE

INFOGRAPHIE LE MONDE

Dans une formule saisissante qui n’a pas été reprise dans le résumé pour les décideurs, le rapport scientifique précise que, d’ores et déjà, plus d’un demi-million d’espèces terrestres peuvent être considérées comme des « espèces mortes ambulantes » si leurs habitats ne sont pas restaurés. Car telle est la principale cause de cet effondrement : 75 % des milieux terrestres sont « altérés de façon significative », 66 % des milieux marins subissent « de plus en plus d’impacts cumulatifs », et plus de 85 % des zones humides « ont été perdues ».

L’un des intérêts du rapport est de hiérarchiser les facteurs de la perte de biodiversité, tous imputables aux activités humaines. En tête (30 % des impacts) arrive le changement d’usage des milieux naturels. En clair, la destruction et la fragmentation des habitats, dues en très grande partie à la déforestation au profit des cultures agricoles, des plantations de palmiers à huile ou de l’élevage du bétail – le couvert forestier mondial a reculé d’un tiers par rapport à la période préindustrielle –, mais aussi à l’extraction minière, aux grands barrages hydrauliques, aux routes ou à l’étalement urbain.

S’y ajoute (pour 23 %) l’exploitation des ressources naturelles – chasse, pêche, coupes de bois… – ou plutôt leur surexploitation, souvent par des pratiques illégales. Arrivent ensuite, à égalité (14 %), le changement climatique et les pollutions de toutes sortes, des sols, des eaux et de l’air, en particulier par les pesticides, par les déchets industriels (entre 300 et 400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques sont déversées chaque année dans les milieux aquatiques) et par le plastique, dont le volume a été multiplié par dix dans les océans depuis 1980.

Les espèces invasives, dont la dissémination est favorisée par le commerce mondial, constituent la dernière des grandes menaces (11 %), d’autres perturbations comme le tourisme jouant pour l’instant un moindre rôle.

Alors que le réchauffement n’était jusqu’alors considéré que comme un facteur aggravant, il est donc aujourd’hui reconnu comme un déterminant majeur. Et les chercheurs estiment qu’il constitue un « risque croissant ».

Des « contributions aux peuples » irremplaçables

« Nous dépendons fondamentalement de la diversité du vivant »

En même temps que le tissu du vivant, ce sont aussi « les contributions de la nature aux populations, vitales pour l’existence humaine et la bonne qualité de vie », qui s’amenuisent dramatiquement, mettent en garde les experts. « Ces contributions forment le plus important “filet de sécurité” pour la survie de l’humanité, selon l’Argentine Sandra Diaz, qui a coprésidé l’évaluation de l’IPBES. Mais ce filet a été étiré jusqu’à son point de rupture. »

Plus de deux milliards de personnes dépendent aujourd’hui du bois pour leurs besoins énergétiques, et plus de quatre milliards se soignent par des médecines naturelles. Plus de 75 % des cultures alimentaires, notamment de fruits et légumes, reposent sur la pollinisation. Et les milieux naturels, océans, sols et forêts, absorbent 60 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique. Les écosystèmes sont également indispensables à la qualité de l’air, de l’eau et des terres.

A ces contributions matérielles s’en adjoignent d’autres, plus difficiles à quantifier, d’ordre culturel. La nature est une source « d’inspiration et d’apprentissage, d’expériences physiques et psychologiques » et, plus largement, « d’identité ».

A cet égard, le rapport accorde une large place aux peuples autochtones et aux communautés locales. Ils sont aujourd’hui les gardiens d’au moins un quart des terres de la planète – qu’ils en aient la propriété foncière ou qu’ils les gèrent –, et de plus d’un tiers des territoires encore peu dénaturés par les activités humaines. Mais ce patrimoine est aussi le plus menacé par la prédation croissante de ressources naturelles.

De ce fait, les parties du monde qui subiront le plus des « effets négatifs importants » abritent « de grandes concentrations de peuples autochtones et beaucoup des communautés les plus pauvres ». Les régions tropicales sont ainsi les plus exposées au déclin de leur biodiversité, sous l’effet conjugué du changement climatique, de l’exploitation agricole des terres et du prélèvement de ressources halieutiques. 

Les objectifs de développement durable compromis

D’ores et déjà, il est clair que la plupart des objectifs que la communauté internationale s’était fixés en 2010, lors de la conférence de la Convention sur la diversité biologique d’Aichi, au Japon, ne seront pas atteints. Il s’agissait notamment de faire en sorte que, d’ici à 2020, « le rythme d’appauvrissement de tous les habitats naturels [soit] réduit de moitié au moins et si possible ramené à près de zéro », et que « l’état de conservation des espèces menacées [soit] amélioré ». A l’exception du développement d’aires marines et terrestres protégées, pour lesquelles les avancées sont réelles, la situation n’a fait en réalité que se dégrader.

Mais le rapport souligne que si elle se poursuit, la tendance actuelle va également « saper les progrès » nécessaires aux « objectifs de développement durable » des Nations unies pour 2030. Cela, qu’il s’agisse de la lutte contre la pauvreté et la faim dans le monde, ou de l’accès à de l’eau propre et à la santé.

Dans une approche très « altermondialiste », l’IPBES met ainsi en cause un modèle de consommation insoutenable. Au cours du demi-siècle écoulé, la production agricole mondiale a triplé et celle de bois brut a augmenté de 45 %, tandis que le commerce international a été multiplié par dix. Cette pression accrue s’explique en grande partie par la hausse de la population mondiale. Mais, depuis 1980, la consommation moyenne par habitant de ressources naturelles (produits animaux et végétaux, combustibles fossiles, minerais, matériaux de construction) a progressé de 15 % avec, bien sûr, de très fortes disparités entre pays riches et pauvres.

La raréfaction des biens tirés de la nature et leur inégale répartition « alimentent l’instabilité sociale et les conflits », préviennent les auteurs qui avancent le chiffre de « plus de 2 500 conflits en cours » pour l’accès aux ressources fossiles, à l’eau, à la nourriture ou aux terres.

« Changer en profondeur » l’usage de la nature

La perte du « patrimoine commun » que constitue la biodiversité est-elle alors inéluctable ? Elle peut encore être enrayée, assurent les chercheurs. Ceux-ci ont exploré différents scénarios à l’horizon 2050, en combinant paramètres socio-économiques et climatiques. Dans la plupart des projections, la détérioration se poursuit ou s’aggrave, sauf dans le cas d’un « changement en profondeur » de notre usage de la nature. Ce qui suppose une moindre pression sur les terres pour les besoins énergétiques et alimentaires – en particulier en protéines animales –, une croissance démographique « faible ou modérée », ainsi qu’une « atténuation » du changement climatique.

« Nos scénarios montrent qu’il est possible de changer de trajectoire, si nous agissons très rapidement sur notre modèle de consommation, à l’échelle aussi bien individuelle que planétaire », explique Yunne-Jai Shin, chercheuse en écologie marine à l’Institut de recherche pour le développement, qui a coordonné ce chapitre.

L’IPBES met en avant la nécessité de « réformes fondamentales des systèmes financier et économique mondiaux », au profit d’une « économie durable ». Et souligne notamment la nocivité des subventions accordées aux entreprises de pêche, à l’agriculture intensive, à l’élevage du bétail, à l’exploitation forestière ou à l’extraction de minerais et de combustibles fossiles.

C’est dans la partie consacrée aux solutions concrètes que le rapport est le moins précis, en s’abstenant de préconisations chiffrées que les Etats auraient pu juger trop prescriptives. Il liste des « leviers » d’action, comme des « incitations à la responsabilité environnementale et l’élimination des incitations nocives », des « mesures préventives dans les institutions et les entreprises pour éviter la détérioration de la nature, la limiter ou y remédier », assorties d’un « suivi des résultats », ou le « renforcement » des lois et politiques environnementales. Il appelle aussi à une « coopération internationale accrue ».

Il préconise de « reconnaître le savoir, les innovations et pratiques, les institutions et les valeurs des peuples autochtones » – la mention de leurs « droits », présente dans une version antérieure du résumé, a disparu de cette phrase – et de « s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités » pour assurer un développement « soutenable ». Il prône encore la promotion d’une agriculture, d’une pêche, plus vertueuses.

Mais l’IPBES ne définit pas d’objectif aussi clair et mesurable que celui qui, dans le domaine du climat, vise à ne pas dépasser 2 °C – et si possible 1,5 °C – de réchauffement. Telle sera la tâche des Etats qui se retrouveront, fin 2020, à Kunming, en Chine, pour la 15e conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique.

« Nous arrivons à un point de bascule. Une prise de conscience des enjeux de la biodiversité est en train de se faire jour, comme cela a été le cas auparavant pour le climat, confiait, dimanche, la secrétaire exécutive de l’IPBES, Anne Larigauderie, qui venait de présenter les conclusions du rapport au G7 de l’environnement, réuni à Metz. Elle doit maintenant se diffuser à tous les niveaux, chez les responsables politiques comme dans les entreprises et chez les citoyens, dans tous les secteurs d’activité. » Tel est précisément le sens de l’alerte rouge des scientifiques.

Photographie aérienne d’un champ d’asperges dans l’ouest de l’Allemagne, en avril 2019. INA FASSBENDER / AFP

Photographie aérienne d’un champ d’asperges dans l’ouest de l’Allemagne, en avril 2019. INA FASSBENDER / AFP

« Nous dépendons fondamentalement de la diversité du vivant »

Tribune. Par Audrey Azoulay, Directrice générale de l'Unesco, et Robert Watson, Président de l'IPBES.

Lundi 6 mai, la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le « GIEC de la biodiversité », dévoile, au siège de l’Unesco [Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture], à Paris, le premier rapport intergouvernemental d’évaluation mondiale sur la biodiversité.

Produit d’années de recherche et de coopération internationale avec des chercheurs du monde entier et le soutien des Nations unies à travers l’Unesco, la FAO [Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture], l’UNEP [programme des Nations unies pour l’environnement], et le PNUD [programme des Nations unies pour le développement], ce rapport a été adopté par 132 pays.

Il nous rappelle l’urgence de la situation. L’urgence d’agir pour la biodiversité, qui est notre patrimoine mondial environnemental. L’urgence d’agir ensemble pour les générations futures.

Une menace pour la paix mondiale

La biodiversité est le tissu vivant de notre planète. Sa disparition compromet les contributions vitales qu’apporte la nature à l’humanité, mettant en péril l’économie, les moyens de subsistance, le patrimoine culturel matériel et immatériel de l’humanité dans sa diversité, la sécurité alimentaire et la qualité de vie, et constitue une menace majeure pour la paix et la sécurité mondiales. En outre, la perte de biodiversité touche de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, aggravant ainsi les inégalités.

Nous dépendons fondamentalement de cette diversité du vivant dans ce qui nous constitue en tant que sociétés.

Nous vivons peut-être le début de la sixième extinction de masse des espèces dans l’histoire de notre planète, avec une disparition qui avance à un rythme pouvant être des dizaines à des centaines de fois supérieur au rythme naturel. Le constat est accablant : le rapport estime entre 500 000 et 1 000 000 le nombre d’espèces menacées d’extinction dans les prochaines décennies.

Nous ne pouvons pas accepter de poursuivre sur cette voie qui conduirait à une destruction massive et rapide de la diversité du vivant, qui dilapiderait notre bien commun ainsi que la beauté du monde vivant. Ce qui signifierait une spoliation sans précédent des générations futures

Nous devons agir vite, en profondeur et de manière collective.

Les gouvernements ne pourront pas respecter leur engagement et mettre en œuvre les objectifs de développement durable de l’agenda 2030 [établi par les Nations unies] sans lutter en même temps, et avec la même implication, contre l’érosion de la biodiversité et le changement climatique.

Nous proposons de prendre la voie de la réconciliation entre les humains et la nature : la biodiversité doit être une priorité dans notre quotidien et faire partie de nos modes et de nos lieux de vie

La conservation de la biodiversité contribue en effet à la réalisation des objectifs définis en 2015 dans l’accord de Paris sur le climat. Pour relever ces défis, nous avons les connaissances scientifiques suffisantes et nous pouvons nous appuyer sur des savoirs locaux, sources de solutions.

Le rapport d’évaluation nous confirme que la conservation de la biodiversité au sein des aires protégées est essentielle. Continuons à créer, à développer et à mieux gérer les aires protégées, comme les sites du patrimoine mondial naturel et les réserves de biosphère. C’est souvent un combat que de continuer à protéger ces territoires face à des enjeux de développement économique, mais nous le pouvons et nous le devons.

En plus de créer et de mieux gérer ces aires protégées, nous proposons de prendre la voie de la réconciliation entre les humains et la nature : la biodiversité doit être une priorité dans notre quotidien et faire partie de nos modes et de nos lieux de vie, y compris dans les villes et les zones urbaines. C’est la raison d’être des réserves de biosphère du programme de l’Unesco, qui sont des espaces de vie pour des millions d’habitants dans plus de 122 pays.

Appuyons-nous sur ces exemples pour transformer en profondeur notre rapport à la biodiversité partout sur la planète. Cette réconciliation implique un changement de nos valeurs, de nos pratiques en termes de consommation, de production, d’alimentation, de moyens de transports. Elle nécessite d’impliquer la jeunesse mondiale et de lui redonner confiance dans nos capacités à nous transformer.

Après ce rapport historique de l’IPBES, personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. Nous serons comptables de ce que nous ferons ensemble de ce travail devant une jeunesse qui nous regarde, qui s’exprime et qui sait à quel point la période est critique. C’est ensemble et maintenant que nous devons agir pour conserver notre planète. Il en va de notre survie en tant qu’espèce humaine vivant en interaction avec les autres espèces du monde vivant.

« La priorité est de réduire la part des produits animaux dans l’alimentation »

Le système agroalimentaire est au cœur de l’effondrement du vivant. Propos de Yann Laurans, économiste, directeur du programme biodiversité de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), recueillis par Pierre Le Hir.

Les trois quarts de l’usage agricole des sols sont destinés à l’élevage d’animaux et à la production de céréales pour leur alimentation. GUILLAUME SOUVANT / AFP

Les trois quarts de l’usage agricole des sols sont destinés à l’élevage d’animaux et à la production de céréales pour leur alimentation. GUILLAUME SOUVANT / AFP

Les scientifiques alertent sur l’extinction accélérée des espèces. Comment l’éviter ?

Le rapport montre que l’effondrement de la biodiversité terrestre est d’abord dû aux changements d’utilisation des sols, principalement pour l’agriculture et la production de produits animaux. L’agriculture occupe aujourd’hui un tiers des terres émergées. Depuis 1980, sa progression s’est faite à 55 % au détriment des forêts intactes (peu modifiées par les activités humaines) et à 28 % au détriment des forêts secondaires (aménagées). Dans le même temps, son intensification a doublé sa consommation d’eau et de pesticides, a triplé celle d’engrais. Désormais, les trois quarts de l’usage agricole des sols sont destinés à l’élevage d’animaux et à la production de céréales pour leur alimentation.

Pour les océans, le rapport établit que la pêche industrielle est la cause principale du déclin. Ses flottes couvrent 55 % des mers, souvent de façon illégale ou non réglementée, avec des fonds en provenance de paradis fiscaux.

Le système agroalimentaire mondial est donc au cœur de la perte de biodiversité. La priorité devrait être de promouvoir, à l’échelle de la planète, un régime alimentaire réduisant la part des produits animaux, viande et poisson. Mais aussi moins riche en graisses et en sucres, dont la production, par les plantations de palmiers à huile, de betteraves ou de cannes à sucre, accapare, elle aussi, des terres.

Bien sûr, cela suppose de changer notre façon de nous nourrir, individuellement et collectivement. Mais si nous nous y mettions tous, en réduisant notre consommation de produits animaux issus des filières industrielles, le changement ne serait pas aussi drastique qu’il y paraît, et notre santé n’en serait que meilleure. Un engagement des Etats à réduire la part carnée de l’alimentation serait l’une des mesures les plus efficaces pour la biodiversité.

 

 

Le rapport insiste aussi sur l’importance des peuples indigènes. Quel rôle peuvent-ils jouer ?

Une partie de la solution repose en effet sur les peuples autochtones. D’une part, du fait de leur importance numérique : on estime leur nombre entre 300 millions et 370 millions de personnes appartenant à cinq mille groupes et, si on y ajoute les communautés locales, l’ensemble pourrait représenter jusqu’à 1,5 milliard d’habitants, soit 20 % de la population mondiale. D’autre part, parce que leurs pratiques traditionnelles de chasse, de culture, d’élevage, de pêche ou de gestion de la forêt préservent généralement la biodiversité et en sont même les garantes.

Il faut donc trouver des modes de développement économique et social, ainsi que de financement, qui reconnaissent les droits, les terres, les modes de vie, les langues, les identités de ces peuples. La diversité culturelle va de pair avec la diversité biologique.

Quelles devraient être les suites du rapport de l’IPBES ?

Il constitue un consensus scientifique, sur la base duquel les Etats devront prendre des engagements lors de la prochaine conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique, qui se tiendra, fin 2020, en Chine. Mais les grands accords internationaux ne suffisent pas si leur mise en œuvre fait défaut, comme c’est aujourd’hui le cas. On ne peut pas, comme il y a dix ans [lors de la convention d’Aichi, au Japon, où avait été arrêtée une stratégie pour 2020], se contenter de constater que les objectifs en faveur de la biodiversité n’ont pas été atteints, et d’en fixer de nouveaux plus ambitieux encore, dans l’espoir de rattraper le temps perdu. Les textes, lois, directives sur la biodiversité sont déjà nombreux. Ce qui manque, c’est leur traduction concrète, dans les politiques agricoles, forestières, de transports, d’aménagement urbain…

Comme pour le climat, où les pays ont pris des engagements chiffrés de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre – même s’ils sont insuffisants pour limiter le réchauffement à 2 °C –, il faudrait, pour la biodiversité, des engagements nationaux, avec des trajectoires qui puissent être évaluées et, si nécessaire, corrigées.

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9 mai 2019 4 09 /05 /mai /2019 09:46

18-19 mai : participez aux 24H DU TRIANGLE                 Lire aussi  L'État fait appel de l'annulation de la ZAC de Gonesse - venez à la Fête des terres de Gonesse, le dimanche 27 mai et Les cultivateurs de légumes résistent à Europa City. Pour nous aider, que vous soyez militant, sympathisant ou juste curieux du collectif ou de la cause, si vous avez 1, 2, 3 ou plusieurs heures à partager avec nous dans une ambiance festive et engagée, rejoignez-nous en vous inscrivant ICI et nous vous indiquerons où nous avons besoin de vous.

De nombreux candidat.e.s de notre liste pour les élections européennes seront présentes, notamment Yannick JADOT député européen EELV, David CORMAND secrétaire national EELV, Annie LAHMER, Julien BAYOU, Mounir SATOURI, conseillère et conseillers régionaux Île-de-France EELV, Jacques BOUTAULT maire EELV du 2ème arr. de Paris...

24h du triangle de Gonesse les 18 et 19 mai
24h du triangle de Gonesse les 18 et 19 mai

Non à la "gare Auchan"

le 19 mai, grand rassemblement contre EuropaCity et le bétonnage du Triangle de Gonesse

Dimanche 19 mai, le CPTG (Collectif pour le triangle de Gonesse) appelle à une grande mobilisation contre le projet EuropaCity et sa gare en plein champs : une fête, des débats, des ateliers et une manifestation (à partir de 15h) ponctueront la journée.

Les « 24 Heures du Triangle » commenceront dès le samedi 18 mai et se dérouleront sur la parcelle que le CPTG occupe et cultive depuis deux ans : chacun pourra constater par lui-même l’excellente qualité de ces terres menacées de bétonnage.

EuropaCity, porté par le groupe Auchan et le conglomérat chinois Wanda, est un projet de gigantesque complexe de commerces et de parc de loisirs, avec hôtels, restaurants, parc aquatique climatisé et piste de ski artificielle. L’objectif est de faire venir 31 millions de visiteurs par an du monde entier, avec le bilan carbone d’une ville de 140.000 habitants... pour 0 habitant ! Le mastodonte prendrait place sur les terres agricoles du Triangle de Gonesse, dans une ZAC de 299 hectares, à 15 kilomètres au nord de Paris.

Emmanuel Macron a beau avoir déclaré dans la cour de l’Elysée - pour la troisième fois depuis le début de son mandat – qu’il allait lutter contre l’artificialisation des sols, le projet Europacity bénéfice de son plein soutien. Le président de la République a même promis au groupe Auchan une gare, qui ne desservirait que le mégacentre commercial. Les premières habitations sont à 1,7 kilomètre !

Le CPTG lance l’alerte : alors que la ZAC du Triangle de Gonesse et le PLU de la commune ont été annulés par le tribunal administratif, et que la ligne 17 Nord est repoussée à 2027, l’Etat tente de passer en force en annonçant le début des travaux de la gare pour novembre 2019. Une gare entièrement au service d’un groupe privé, payée par l’Etat, et qui va rester inutilisée pendant plusieurs années : le CPTG a décidé d’informer sur cette dimension particulièrement aberrante du projet EuropaCity.

C’est pourquoi dimanche 19 mai, les opposants, de plus en plus nombreux, au bétonnage du Triangle de Gonesse, marcheront par les champs, par les routes, puis par les rues de Gonesse, jusqu’à la mairie. La maquette d’une gare y sera symboliquement déposée, pour dire au maire de Gonesse et au chef de l’Etat : « Nous voulons des gares pour les habitants, pas pour Auchan ! »

Le Collectif pour le Triangle de Gonesse demande que soit mis en œuvre le projet alternatif CARMA (Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir), un ambitieux programme de transition écologique qui permettra de sanctuariser les terres fertiles de la plaine de France et de créer de nombreux emplois dans les filières d’avenir de l’agriculture de proximité, de l’éco-construction, de la rénovation thermique et de la mobilité durable.

Bernard Loup (CPTG), Robert Spizzichino (CARMA)

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8 mai 2019 3 08 /05 /mai /2019 09:17

Un article de Biosphère qui suit la filiation de ce concept...

Small is Beautiful

La présentation de Small is Beautiful d’Ernst Friedrich Schumacher a été faite par Satish Kumar dans son livre « Pour une écologie spirituelle » (Belfond, 2018). Dans les années 1970, Satish a travaillé avec Schumacher (1911-1977) et leur relation professionnelle s’est très vite muée en amitié. Juste après sa mort, il a fondé la Schumacher Society, une des associations qui perpétuent l’héritage d’une personnalité dont le livre, « Small is Beautiful » (1973), devrait être reconnu comme pionnier pour les tentatives actuelles de relocalisation des activités économiques.

Introduction

Ernst Friedrich (ou Fritz) Schumacher fut l’un des rares économistes occidentaux sensibles au lien qui unit l’économie à l’éthique. Il espérait voir la société se tourner vers la non-violence plutôt que la violence, la coopération avec la nature plutôt que sa destruction, la mise en place de solutions à basse consommation d’énergie plutôt que la poursuite d’un système industriel alimenté par des moyens lourds et brutaux – centrales nucléaires et combustibles fossiles. Pour lui, il semblait d’ores et déjà évident qu’une économie basée sur des ressources non renouvelables, pétrole, charbon et métallurgie, ne saurait être davantage qu’une courte anomalie dans l’histoire de l’humanité. Le bouddhisme résumait à lui seul l’ensemble des valeurs auxquelles il adhérait était allemand à l’origine. On lui doit d’avoir popularisé en 1973 l’expression Small is beautiful de son maître Leopold Kohr. En 1937 il avait fui l’Allemagne nazie pour s’établir à Londres. Il avait suivi des études d’économie à Oxford au début des années 1930, mais il adorait planter et cultiver. Il passait des journées au grand air, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Sa passion pour le jardinage l’amena à diriger la Soil Association en 1946 pour défendre la qualité des sols menacés par le développement de l’agriculture intensive. Si tu prends soin du sol, disait-il souvent, le sol prendra soin du reste.

L’origine des pensées de Schumacher

Au milieu des années 1950, Fritz Schumacher avait accepté une mission de consultant en développement pour le Premier ministre birman, qui s’interrogeait sur la pertinence du modèle occidental et la meilleur manière de le transposer dans son pays. Schumacher constata que les Birmans disposaient déjà d’un excellent système économique, partiellement inspiré par la doctrine bouddhique. Surtout il s’aperçut que les Birmans issus des classes populaires étaient satisfaits de leur existence : joyeux, créatifs et proches de la nature, ils prenaient soin d’autrui de la terre et des animaux avec plaisir. Le bon travail, que les bouddhistes nomment « moyen d’existence parfait », est celui qui transforme l’homme pour le meilleur ; le mauvais travail est celui qui le change pour le pire. Dans ces conditions il semblait insensé de leur imposer un système industriel, urbain et mécanisé. A son retour de Birmanie, Schumacher expliqua qu’il avait eu le sentiment, en découvrant l’économie bouddhique, d’effecteur un « retour au pays natal ». Il avait désormais en horreur l’idée selon laquelle l’industrialisation de l’agriculture relèverait du « développement « économique, alors que l’agriculture à l’échelle humaine, reposant sur de petites exploitations, du savoir-faire et des transactions locales, relèverait, elle du « sous-développement ». Il en vint à penser que sa mission et celle de sa génération pouvaient être assimilées à une « reconstruction métaphysique » face au désastre écologique généré par l’industrie moderne, qui engloutit tant de ressources naturelles pour un résultat somme toute plus que modeste en termes de bien-être et d’harmonie.

Un jour il vit un camion à l’effigie d’une marque de biscuits écossais entrer dans Londres ; peu après il apprit qu’une entreprise fabriquant des biscuits à Londres acheminait sa production jusqu’en Écosse. Cette découverte le troubla profondément. En tant qu’économiste, il ne parvenait pas à comprendre pourquoi des être compétents se voyaient contraints de conduire un camion d’un bout à l’autre des îles britanniques dans le seul but de transporter des biscuits. N’était-ce pas absurde ? Le coût humain et environnemental d’une tel manœuvre n’avait donc alerter personne ? Schumacher eut beau tourner et retourner le problème dans sa tête, il faut incapable d’y déceler la moindre logique. Et il n’y a pas que les biscuits qui sont ainsi transportés sans raison d’une région ou d’un pays à un autre. La Grande-Bretagne exporte presque autant de beurre qu’elle en importe. Sous prétexte de faire des économies d’échelle, on feint d’ignorer les dés-économies d’échelle qui en résultent. La relocalisation permettrait de réduire le chômage et la pollution. Enthousiasmé par l’exemple de Rachel Carson (parution de Printemps silencieux en 1962), par le Sommet de la Terre en juin 1972 et le rapport au club de Rome sur les limites de la croissance, Fritz Schumacher entrepris de faire un livre, Small is beautiful, publié en 1973. 

Les avantages de produire à petite échelle

D’après E. F. Schumacher, si l’homme produisait à petite échelle partout sur la planète, il conjuguerait à la fois l’excellence et la protection de la nature. En produisant à petite échelle, les acteurs économiques sont amenés à se montrer plus autonomes. Ils sont aussi plus à même de veiller sur l’environnement, sur eux-mêmes et sur autrui – en d’autres termes sur la terre, l’âme et la société. Du point de vue de l’action, nous avons besoin de petites unités, car l’action est une aventure éminemment personnelle, et l’on ne saurait être en relations dynamiques et personnelles à tout moment qu’avec un nombre très restreint de personnes. Il en va de même pour la Terre : bien qu’elle soit partout notre maison, nous développons un lien privilégié, un sentiment d’appartenance et de connexion spirituelle avec l’endroit où nous vivons. Produire à petite échelle permet aussi d’améliorer le bien-être personnel, psychologique et émotionnel des personnes. L’âme se port mieux dans yen entreprise à taille humaine ; elle se perd et se dissout dans les grandes multinationales, quand l’individu a l’impression de n’être plus qu’un petit rouage. Personne n’aime être gouverné par des règles, c’est-à-dire par des personnes dont la réponse à chaque doléance est : « Ce n’est pas moi qui fait les règles, je ne fais que les appliquer. » Si nos activités économiques sont menées à petite échelle au niveau local, notre empreinte sur la Terre demeurera minime. Les travailleurs veilleront à ne consommer qu’avec modération, à réutiliser, recycler et réparer les objets dont ils se servent au quotidien. En revanche, dès qu’elles dépassent une certaine taille, les unités de production entraînent gaspillage et pollution de masse.

La production et la consommation de masse, ajoutées au fret à l’échelle mondiale, polluent les sols, l’air et l’eau, dilapident les ressources naturelles et nuisent à la créativité humaine. Dès lors que les entreprises atteignent une certaine taille, elles tendent à s’enliser dans la gestion de l’entreprise elle-même. Dès lors qu’une entreprise considère ses employés et ses clients comme de simples moyens pour maximiser ses profits, ou comme des instruments destinés à perpétuer sa propre existence, c’est qu’elle est trop grande. Les multinationales soumettent leurs salariés à ses propres objectifs, alors que les petites unités de production parviennent mieux à maintenir l’équilibre entre le bien-être de leurs employés et la réalisation de leurs objectifs commerciaux. La croissance frénétique de certaines métropoles inquiétait beaucoup Schumacher, qui voyait dans l’exode rural une des catastrophes du XXe siècle. « Des millions de gens commencent à se déplacer. Attirés par les lumières de la ville, ils désertent les zones ruarles et vont se déverser dans la grande ville où ils provoquent une croissance pathologique ». Schumacher estimait à 50 000 habitants la limite supérieure au-delà de laquelle une cité n’est plus vivable. En deçà de cette limite, les habits peuvent traverser leur ville à pied sans devoir prendre un bus ou une voiture ; ils se rendent en quelques minutes à l’école, ua marché, à la bibliothèque ou au centre médical. La ville et la campagne se sont pas coupées l’une de l’autre. La zone urbaine se situe à proximité de cultures maraîchères et de vergers où les citadins peuvent s’approvisionner localement. Les villes, avec toute leur richesse, ne sont que des producteurs secondaires. La production primaire, condition première de toute vie économique, est le fait des campagnes. Cette question d’échelle est tout aussi vraie pour les institutions et le pouvoir politique. Pour avoir longtemps travaillé dans une grosse institution – il était économiste en chef au National Coal Board, l’autorité britannique du charbon -, Schumacher savait que les grandes entreprises prennent leurs décisions sur des bases de réflexion très étroites, et que ces décisions sont biaisées par des objectifs à court terme ; équilibrer le bilan comptable trimestriel ou augmenter la marge bénéficiaire annuelle par exemple.

Les fermes géantes, l’ingénierie génétique, la mécanisation des semailles et des récoltes, l’emploi d’engrais chimiques, de pesticides, d’herbicides, la déforestation, les mines à ciel ouvert, le recours aux forages en eaux profondes et à la fracturation hydraulique, la pêche industrielle et bien d’autres pratiques encore, témoignent d’un climat éminemment belliqueux : l’économie capitalise conçoit la nature comme un adversaire à combattre et à vaincre. En gaspillant nos ressources fossiles, nous faisons peser une menace sur la civilisation ; mais en gaspillant le capital que représente la nature vivante autour de nous, c’est pour la vie elle-même que nous sommes une menace. L’économie moderne a redistribué les rôles, inversant l’ordre des priorités établis par les théories classiques: le capital, qui occupait la troisième position en ordre d’importance après la terre et le travail, occupe désormais la position dominante : la terre et le travail ne sont là que pour le servir. Alors que le capital financier ne sert qu’à mettre de l’huile dans les rouages, les théories modernes ont attribué à l’argent une valeur en soi. La primauté accordée à l’argent constitue l’un des facteurs de la crise écologique actuelle.

Conclusion

Pour Schumacher, la notion de petitesse n’avait rien de dogmatique. Il s’agissait de l’appliquer au cas par cas, il préférait parler d’échelle « appropriée ». S’il se faisait l’avocat de la petitesse, c’est parce qu’il trouvait le monde victime d’une idolâtrie quasi universelle du gigantisme. Il jugeait pathologique, car obsessionnelle et surtout chimérique, puisque nul ne peut prétendre à une croissance infinie sur une planète aux ressources finies et limitées. Dans ce cadre, toute multiplication des besoins tend à augmenter la dépendance à l’égard de forces extérieures qui échappent à notre contrôle. Ce n’est qu’en réduisant ses besoins que l’on peut encourager une authentique réduction des tensions responsables des luttes et des guerres. L’économie à grande échelle est une économie de violence. La sagesse exige une novelle orientation de la science et de la technologie vers l’organique, le généreux, le non violent. Comment édifier la paix en la fondant sur une science imprudente et une technologie violente ? Des machines toujours plus grosses, entraînant des concentrations de pouvoir économique toujours plus grandes et violentant toujours davantage l’environnement ne représentent nullement le progrès : ce sont autant de refus de sagesse. Ensemble, les forces de l’offre et de la demande, le libre-échange, la mondialisation et la croissance économique ont constitué une véritable religion de l’économie où règne et triomphe la quantité, écrit Schumacher, avant d’ajouter : Dans la mesure où la conception économique repose sur le marché, elle ôte à la vie tout caractère sacré, car rien de ce qui a un prix ne peut être sacré. Dans un tel système, même les valeurs le moins « économiques », telles la beauté, la santé et la propreté, ne survivront que si elles se révèlent capables d’être commercialisées. Il ne s’aveuglait pas pour autant : il savait que les petites unités peuvent se rendre coupables, elles aussi, de pollution, de destruction et d’agression envers l’homme et la nature. Mais leurs exactions, lorsqu’elles en commettent, ont nécessairement moins d’impact puisqu’elles sont plus petites.

Extraits de « Pour une écologie spirituelle » de Satish Kumar (Belfond, 2018), titre originel SOIL, SOUL SOCIETY (2013)

livre de référence : « Small is beautiful : Une société à la mesure de l’homme », de E. F. Schumacher (Seuil, 1979), traduit de l’anglais (1973)

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7 mai 2019 2 07 /05 /mai /2019 09:45

Ces réfrigérants utilisés dans les réfrigérateurs et les climatiseurs, sont jusqu’à 15 000 fois plus nocifs que le CO2. Ils sont importés illégalement dans l’UE au mépris des quotas, bénéficiant du manque d’informations mises à la disposition des douaniers et des faibles sanctions en cas d’abus. Par Audrey Garric le 30 avril 2019 pour Le Monde. Lire aussi Couche d'ozone: qui viole l'interdiction des CFC ? et Climat : accord historique sur la fin des gaz HFC.

Les hydrofluorocarbures (HFC) sont des gaz principalement utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs et les réfrigérateurs. KIM KYUNG HOON / REUTERS

Les hydrofluorocarbures (HFC) sont des gaz principalement utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs et les réfrigérateurs. KIM KYUNG HOON / REUTERS

Des tonnes de marchandises qui entrent illégalement sur le territoire européen, en provenance de la Chine, via la Russie, l’Ukraine ou la Turquie. Des douaniers bernés. Des millions d’euros en jeu. Ce trafic d’ampleur, qui vient d’être mis au jour dans un rapport par l’association britannique Environmental Investigation Agency (EIA), n’est pas celui de la drogue, des armes ou des espèces animales protégées. C’est une contrebande active d’hydrofluorocarbures (HFC), des gaz principalement utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs et les réfrigérateurs, et dont l’effet de serre s’avère jusqu’à 15 000 fois plus puissant que celui du CO2. Ce commerce illégal affaiblit la lutte de l’Union européenne contre le changement climatique.

Les HFC sont un problème qui en remplace un autre. Leur utilisation a explosé après l’adoption en 1987 du protocole de Montréal, un traité international qui a abouti à la suppression progressive des chlorofluorocarbures (CFC), des gaz responsables de la destruction de la couche d’ozone, et de leurs substituts de première génération.

Mais les substituts de deuxième génération, les HFC, se sont révélés de redoutables contributeurs au réchauffement climatique. Ils représentent l’équivalent de 1 milliard de tonnes de CO2 émises par an, en raison des fuites des équipements qui les contiennent lors de leur fonctionnement et lorsqu’ils sont mis au rebut. Or ces émissions ne cessent d’augmenter alors que les besoins en réfrigération s’accroissent.

« Développement d’un marché noir »

En octobre 2016, l’horizon semble se dégager : un accord mondial, l’amendement de Kigali au protocole de Montréal, signe la fin progressive des HFC. Ratifié par 69 pays, dont la France mais pas la Chine, il est entré en vigueur en janvier 2019. Il prévoit une diminution de la production et consommation de HFC de 85 % d’ici à 2047, avec un calendrier différent entre les pays développés et ceux en développement. De quoi éviter jusqu’à 0,5 °C de réchauffement à l’échelle mondiale d’ici à 2100, et ainsi permettre de réaliser un quart de l’objectif de moins de 2 °C fixé par l’accord de Paris sur le climat. L’Europe, en avance, avait déjà mis en place une législation (la F-gas Regulation) pour réduire fortement l’usage des HFC d’ici à 2030. De sorte que chaque industriel européen s’est vu allouer des quotas.

Pourtant, ce succès est mis à mal par un sombre trafic. La fin programmée des HFC dans l’UE a provoqué l’accroissement de la demande et donc l’explosion de leurs prix (+ 800 % en quatre ans pour certaines molécules). « La production de ces gaz à des coûts largement inférieurs dans des pays comme la Chine a entraîné le développement d’un marché noir et d’un trafic à travers l’UE », explique Clare Perry, chargée de la campagne climat pour EIA.

Tour de passe-passe

L’association, spécialisée dans la traque du commerce illégal, a utilisé les données des douanes européennes et chinoises entre 2016 et 2018 retraçant le commerce effectif d’hydrofluorocarbures et les a comparées au registre HFC, un document géré par la Commission européenne dans lequel les industriels déclarent leurs importations et exportations de ces gaz.

Résultat : 16,3 millions de tonnes équivalent CO2 de HFC (l’unité de mesure prise en compte par la réglementation) ont été placées illégalement sur le marché européen en 2018, soit 16 % du quota autorisé, et 14,8 millions de tonnes équivalent CO2 en 2017 (8,7 % du quota).

Selon l’ONG, ces gaz viennent en majorité de Chine, soit directement, soit en passant par la Russie, l’Ukraine, la Turquie et l’Albanie. Les HFC hors-quotas relèvent en partie de la contrebande classique, dissimulés dans des voitures et des bateaux ou maquillés grâce à des documentations frauduleuses. Mais l’essentiel transite par les circuits douaniers normaux, au même titre que le commerce légal d’hydrofluorocarbures.

Comment expliquer ce tour de passe-passe ? « Les douaniers ont accès au registre HFC où ils peuvent vérifier si un importateur est bien enregistré et regarder quel est son quota d’importation annuel. Mais ils ne peuvent pas savoir quelle quantité cet industriel a déjà importée », explique Clare Perry. A ces failles s’ajoutent des sanctions faibles et rarement mises en œuvre.

Le montant total de ce trafic n’a pas pu être calculé par l’ONG mais il a engendré une perte de trésorerie (TVA et droits de douane) de 7 millions d’euros pour la Pologne et de 20 millions d’euros pour la Grèce en 2018. Il en découle également une concurrence déloyale pour les entreprises qui se plient aux règles du jeu.

Les alternatives aux HFC existent

« Ce trafic a d’importantes conséquences sur l’environnement, la sécurité et l’économie et a des répercussions sur la stabilité du marché en Europe, déclare dans un communiqué Nick Campbell, président du European FluoroCarbons Technical Committee, qui représente les industriels du secteur. L’UE joue un rôle de premier plan dans la réduction progressive des HFC à l’échelle mondiale. Elle doit maintenir cette avance, mais les importations illégales sapent cet objectif. »

Les alternatives aux HFC existent pourtant, rappelle Slimane Bekki, directeur de recherches au CNRS (Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales) : les hydrocarbures, comme le propane, ou les hydrofluorooléfines (HFO) affichent un potentiel de réchauffement global « très faible ». « Mais cette transition n’est pas assez rapide, de sorte qu’il y a toujours une forte demande de HFC pour l’entretien de l’équipement existant, explique Clare Perry. Il existe également des obstacles à l’adoption de technologies de remplacement, comme un manque de connaissances ou des normes de sécurité désuètes. »

L’EIA recommande le renforcement des contrôles par les Etats membres, ainsi que la mise en place « urgente » d’un système de licences « fonctionnel » permettant aux douaniers de déterminer la légalité ou non des HFC importés – ce qui impliquerait des modifications législatives qui devraient être approuvées par la Commission et le Conseil.

« La réduction des émissions de HFC de l’UE est efficace », répond la Commission européenne, ajoutant qu’elle a récemment pris avec les Etats membres un certain nombre de « mesures concertées ». « Les autorités douanières lancent un projet dans le cadre du programme “Douane 2020 financé par l’UE, qui vise à partager les expériences et à mettre au point les meilleures pratiques permettant aux autorités douanières de mettre fin au commerce illicite de HFC », poursuit-on.

« Mettre en œuvre l’appareil répressif »

L’entrée en vigueur de l’amendement de Kigali au protocole de Montréal peut-elle également arrêter ce trafic ? « Cela va améliorer la situation mais pas résoudre le problème puisque certains Etats, comme la Chine, ne vont geler leur production qu’en 2024, voire en 2028 pour l’Inde, avant de la réduire », répond Clare Perry. Même à ce moment-là, le commerce illicite pourrait perdurer. Dans un précédent rapport publié en juillet 2018, des investigateurs de l’EIA avaient montré que des entreprises chinoises continuaient de produire et d’utiliser des CFC-11, l’un des gaz interdits en 1987.

« Nos mesures montrent que la baisse des concentrations du CFC-11 dans l’atmosphère a ralenti depuis 2012 », confirme Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherches au CNRS et présidente de la Commission internationale pour l’ozone. Aujourd’hui, si le trou de la couche d’ozone en Antarctique s’est stabilisé, on ne voit pas encore de rétablissement de l’ozone à l’échelle globale au niveau de la basse stratosphère, à 20 km d’altitude.

« Le protocole de Montréal est un outil très efficace et simple pour lutter contre le changement climatique, souligne-t-elle. Contrairement au CO2, tout est en place pour supprimer les CFC et progressivement les HFC les plus polluants. La lutte contre le trafic est donc essentielle. » « L’Europe devrait d’urgence faire appliquer la législation et mettre en œuvre l’appareil répressif pour sanctionner les manquements », affirme également son collègue Slimane Bekki.

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6 mai 2019 1 06 /05 /mai /2019 09:07
J’VEUX DU BONHEUR ! Fin du monde, fin du mois, même combat

J’VEUX DU BONHEUR ! Fin du monde, fin du mois, même combat

J’veux du bonheur ! Fin du monde, fin de mois, même combat
Voici le second Climatiques pour les Elections européennes du 26 mai 2019, sur le programme de la liste Ensemble, sauvons le climat conduite par Yannick Jadot, cf https://www.pourleclimat.eu                                                                           Lire aussi
Sauver le climat ? Pourquoi tout doit changer. ... au sommaire :

LES TEMPS CHANGENT

IDÉES VERTES POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE

UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE, GRANDE-SYNTHE EN EST LA PREUVE

CES FEMMES ET CES HOMMES QUI VEULENT CHANGER LES CHOSES

1 MILLION D’EMPLOIS POUR LE CLIMAT

LE BONHEUR EST UN ACTE POLITIQUE

Bonne lecture

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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 09:35

Réunis à Paris depuis le 29 avril, les experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES) doivent adopter un rapport de plus de 1.700 pages élaboré par 250 chercheurs et spécialistes d’une cinquantaine de pays. Ce texte doit servir de feuille de route aux 132 pays qui adhèrent à cette structure au niveau des Nations Unies. D’après Gérard Le Puill le vendredi 3 Mai 2019 pour l’Humanité. Lire aussi La Convention sur la Diversité Biologique CDB - COP14 constate l’échec des objectifs fixés en 2010Première étude mondiale sur l’état des sols et Sur tous les continents, la nature et le bien-être humain sont en danger.

AFP

AFP

Dès la première séance lundi dernier, Robert Watson, président de l’IPBES déclarait devant les membres de cette organisation : « Notre destruction de la biodiversité et des services écosystémiques a atteint des niveaux qui menacent notre bien-être au moins autant que les changements climatiques induits par l’homme ».
En réalité, le réchauffement climatique accélère aussi le recul de la biodiversité, surtout quand des phénomènes climatiques comme les sécheresses, les cyclones et les inondations se multiplient un peu partout dans le monde. De même, les échanges mondialisés selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur fond de dumping, social, fiscal et environnemental constituent un accélérateur du recul de la biodiversité. Ce commerce planétaire accélère aussi le réchauffement climatique de différentes manières.
C’est pour vendre plus de soja, de viande et de sucre de canne au reste du monde que Jair Bolsonaro accélère la déforestation de l’Amazonie depuis qu’il est président du Brésil. La triple conséquence de cette déforestation se traduit par moins d’arbres pour capter du carbone, plus de camions sur les routes pour émettre du CO2 et moins de biodiversité imputable au recul de la forêt primaire. On peut ainsi multiplier les exemples à travers le monde. C’est le cas avec la production d’huile de palme dans de nombreux pays pour exporter du carburant. Il en va de même concernant l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste aux Etats Unis où le milliardaire Warren Buffett a décidé de devenir « l’actionnaire de référence » de la firme « Occidental Petroleum » pour l’aider à acquérir Anadarko face à Chevron, selon Les Echos de ce vendredi 3 mai.

Dégradation accélérée de l’environnement terrestre et marin

Ainsi, le projet de rapport qui doit être adopté demain à Paris indique qu’aujourd’hui « 75% de l’environnement terrestre, 40% de l’environnement marin et 50% des cours d’eau présentent des signes importants de dégradation ». Il indique aussi que, dès à présent, la dégradation des sols   a réduit la productivité agricole sur plus de 20% de la surface terrestre. Elle affecte désormais 3 milliards de personnes. Il ne s’agit pas seulement des populations des pays pauvres. En France, un demi-siècle de cultures céréalières intensives en rotations courtes a considérablement réduit la teneur des sols en matière organique de la Beauce à l’Aquitaine, des Haute de France à la plaine d’Alsace, du Grand Est au Lauragais au sud de Toulouse en passant par la Bourgogne.
Il s’est dit aussi à la réunion de Paris que plus de 80% des eaux usées de la planète sont déversées dans l’environnement sans traitement. Mais en même temps, dit le texte qui sera publié demain, « 300 à 400 millions de tonnes de métaux lourds, de solvants, de boues toxiques et autres déchets sont rejetés dans les eaux chaque année ». Cette pollution volontaire s’est accélérée au début de ce siècle tandis que le socialiste français Pascal Lamy, ancien commissaire européen en charge du Commerce à Bruxelles, présidait l’OMC entre septembre 2005 et août 2013. Face à cette pollution « 40% de la population mondiale n’a pas accès à l’eau propre et potable », nous dit encore le texte qui doit être adopté demain.

Un tiers des stocks de poissons surexploités

Tandis que les océans « récupèrent » chaque année des millions de tonnes de plastiques, la FAO indique, qu’en 2017, plus de 92 millions de tonnes de poissons et de fruits de mer ont été capturés dans monde. Du coup, un tiers de stocks de poissons sont surexploités. Selon Didier Gascuel chercheur à l’IFREMER et qui vient de publier un livre sur la pêche (1) « des stocks surexploités peuvent tomber à des niveaux d’abondance tellement   faible qu’il n’est plus rentable de les pêcher ».
Si la surpêche diminue les stocks de manière préoccupante et pousse aussi à la fraude, y compris sur les zones où cette pêche est réglementée comme dans les eaux de l’Union européenne, le réchauffement des océans provoque aussi des migrations de poissons. Selon Manuel Barange, de la FAO, le changement climatique « va provoquer une certaine redistribution dans les stocks de poissons » et « les régions tropicale comme les petits Etats insulaire vont probablement devoir faire face aux impacts les plus négatifs tandis que les régions polaires bénéficieront d’augmentations ».

Le réchauffement impacte aussi les régions polaires

Mais les régions polaires sont aussi confrontées à de nouveaux problèmes avec la fonte des glaces. En témoigne ce matin Willard Church un pêcheur de 55 ans vivant en Alaska qui déclare à l’Agence France Presse (AFP) : « On a grandi à une époque où l’hiver était un véritable hiver, où nos anciens se souvenaient de congères aussi hautes que le toit des maisons. Aujourd’hui, on s’estime heureux si on a 1,5 mètre de neige sur le sol ».
Ainsi cheminent côte à côte le réchauffement climatique et le recul de la biodiversité pendant que les décideurs politiques des pays développés et de quelques autres continuent de regarder ailleurs.

(1) Pour une révolution dans la mer, de Didier Gascuel aux éditions Acte Sud.

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4 mai 2019 6 04 /05 /mai /2019 10:35
Sauver le climat ? Pourquoi tout doit changer

Voici le premier de nos Climatiques pour les Elections européennes du 26 mai 2019, sur le programme de la liste Ensemble, sauvons le climat conduite par Yannick Jadot, cf https://www.pourleclimat.eu/ ... au sommaire : 

ÉCOLOGIE OU BARBARIE ? 

CES FEMMES VONT SAUVER LA PLANÈTE

RÉARMER NOTRE DÉMOCRATIE POUR EN FINIR AVEC L'EMPRISE DES LOBBIES

6 MOIS DANS UN MONDE EN CRISE

L'ÉVASION FISCALE DEVRAIT FINANCER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

ACCUEILLIR DIGNEMENT LES RÉFUGIÉ.E.S EST UN IMPÉRATIF MORAL

ÉCOLOGIE SOCIALE !

Bonne lecture - cette semaine, nous distribuons au Pré Saint-Gervais et aux Lilas un autre numéro de Climatiques, J'veux du bonheur bientôt sur ce blog...

Climatiques - Pourquoi tout doit changer

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3 mai 2019 5 03 /05 /mai /2019 12:54

Inquiétante accumulation des déchets nucléaires : Si 96 % du combustible nucléaire utilisé pourraient être recyclés, 1 % seulement est effectivement valorisé dans la filière française. Chaque année, EDF décharge 1 200 tonnes d’assemblages d’uranium, toxiques pendant des centaines de milliers d’années. Les déchets ultimes, 4 % du combustible, sont vitrifiés et doivent à terme être enfouis à Bure (Meuse), en 2026 ou 2027. Le plutonium, 1 %, est acheminé dans l’usine de Marcoule (Gard) et sert à la fabrication de MOX, réintroduit dans les réacteurs. Le reste du combustible est simplement stocké, le site du Tricastin (Drôme) en contient 21 000 tonnes. Par Pierre Le Hir et Nabil Wakim le 25 avril 2019 pour Le Monde. Lire aussi Déchets nucléaires : « Cigéo, c’est la solution la plus mauvaise car elle n’est pas réversible », Avec Bure, nous sommes toutes et tous des malfaiteurs !, Déchets nucléaires : l’État doit cesser de mentir et L’Autorité de sûreté nucléaire souligne le risque d’incendie au centre de stockage radioactif de Bure.

Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé
Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé

« Que léguerons-nous à nos enfants ? » Tel était le sujet de réflexion soumis à un « café philo », mercredi 24 avril, à Caen. Il s’agissait de la première de la vingtaine de rencontres organisées en France, dans le cadre du débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), qui s’achèvera le 25 septembre. La question résume, sous une forme lapidaire, l’enjeu essentiel d’une consultation aux multiples facettes, technique, économique, politique, sociétale, mais aussi éthique.

« La gestion des matières et déchets radioactifs nous concerne tous », souligne Isabelle Harel-Dutirou, présidente de la commission chargée de ce débat, qui espère une large mobilisation du public. Difficile pourtant d’en saisir la portée et la complexité. A commencer par l’intitulé même du PNGMDR : qu’appelle-t-on, dans l’industrie nucléaire, « matière » et « déchet » ?

Sur le papier, la distinction est simple : un déchet radioactif est un résidu ultime qui ne peut plus être utilisé, tandis qu’une matière radioactive est potentiellement recyclable. La filière nucléaire française met ainsi en avant le concept de « cycle fermé », en annonçant que 96 % du combustible usé est valorisable, dans une forme d’économie circulaire où le rebut d’un processus industriel se transforme en ressource pour une nouvelle production. La réalité est pourtant très différente aujourd’hui : 1 % seulement est effectivement valorisé. Explications.

Que devient l’uranium utilisé dans les centrales ?

Le parc électronucléaire français est à l’origine de déchets de haute ou de moyenne activité à vie longue, qui resteront dangereux, pour la santé et l’environnement, pendant des centaines de milliers d’années. Ils ne représentent, en volume, qu’un peu plus de 3 % du 1,6 million de mètres cubes de déchets radioactifs de toute nature accumulés par la France fin 2017, mais ils concentrent 99,8 % de leur radioactivité totale. Ce sont donc les plus problématiques.

Chaque année, EDF décharge de ses 58 réacteurs nucléaires, répartis dans 19 centrales, 1 200 tonnes de combustibles usés, dont la fission des noyaux d’uranium a permis la production d’énergie. Ils se présentent sous forme d’assemblages de pastilles d’uranium empilées dans des tubes métalliques, d’environ 4 mètres de haut.

Ces assemblages sont d’abord mis à refroidir, pendant un à quatre ans, dans les piscines de désactivation de chaque centrale. Ils sont ensuite acheminés par train, dans des emballages sécurisés, jusqu’au terminal ferroviaire de Valognes (Manche), à raison de 200 transports par an, soit plus d’un train tous les deux jours.

Ils rejoignent alors, par convoi spécial, les usines de La Hague (Manche) d’Orano (ex-Areva). Là, ils sont à nouveau immergés dans des piscines pour continuer à refroidir, pendant quatre à six ans, avant d’être retraités

Le combustible nucléaire irradié dans une piscine de stockage de l’usine de retraitement d’Orano, à La Hague (Manche), le 4 avril. BENOIT TESSIER / REUTERS

Le combustible nucléaire irradié dans une piscine de stockage de l’usine de retraitement d’Orano, à La Hague (Manche), le 4 avril. BENOIT TESSIER / REUTERS

En quoi consiste le retraitement ?

Les structures métalliques des assemblages sont cisaillées, compactées et placées dans des conteneurs, qui sont pour l’instant conservés dans des halls d’entreposage. Fin 2017, le site de La Hague comptait 15 600 de ces conteneurs, dont deux tiers issus de combustibles français, le reste devant retourner dans les différents pays (Pays-Bas, Allemagne, Italie, Belgique…) pour lesquels Orano assure aussi le retraitement.

Ces parties métalliques sont des déchets de moyenne activité à vie longue. A terme, ils sont destinés à être enfouis à Bure (Meuse), dans le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) qui devrait entrer en service en 2026 ou 2027.

Sur le combustible usé proprement dit, une fraction de 4 % est formée de produits de fission et d’éléments chimiques générés par la réaction nucléaire. Ils sont incorporés à une matrice de verre, dans des conteneurs eux aussi entreposés à La Hague. Leur nombre s’élevait à un peu plus de 16 000 fin 2017, à 99 % issus du parc nucléaire français. Il s’agit de déchets ultimes, de haute activité, appelés à rejoindre également le site de Bure.

Le combustible usé contient aussi 1 % de plutonium. Celui-ci est expédié à l’usine Melox d’Orano, à Marcoule (Gard), pour fabriquer un nouveau combustible, appelé MOX, composé d’un mélange d’environ 8 % de plutonium et 92 % d’uranium appauvri, un sous-produit de l’étape d’enrichissement de l’uranium naturel nécessaire à la fabrication du combustible initial. Actuellement, 22 réacteurs de 900 mégawatts (MW) utilisent du MOX : ceux du Blayais (Gironde), de Chinon (Indre-et-Loire), Dampierre (Loiret), Gravelines (Nord), Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et du Tricastin (Drôme), à raison de 120 tonnes par an au total.

Enfin, les 95 % restants sont de l’uranium de retraitement, qui repart vers les installations du Tricastin d’Orano, où en sont entreposées 21 000 tonnes appartenant à EDF. De 1994 à 2013, l’électricien en a récupéré une partie pour fabriquer du combustible neuf – de l’uranium de retraitement enrichi –, utilisé dans les quatre réacteurs de la centrale de Cruas (Ardèche). Mais il a depuis arrêté cet usage.

Quel est le taux de recyclage ?

Additionnant l’uranium de retraitement et le plutonium, l’industrie nucléaire avance donc le taux de 96 % de combustible usé « valorisable ». Ce qui ne veut toutefois pas dire valorisé.

Seul le plutonium, soit 1 %, est actuellement réutilisé. Certes, la fabrication de MOX permet de réintroduire dans le circuit de l’uranium appauvri, qui resterait sinon en jachère, réduisant ainsi de 120 tonnes par an la consommation de combustible frais. Mais, même avec ce calcul, le taux de recyclage n’est que de 10 %. Autrement formulé, le retraitement assure aujourd’hui 10 % de la production d’électricité d’origine nucléaire.

En outre, le MOX, une fois passé en réacteur, n’est pas réutilisé, la France ne pratiquant pas le multirecyclage, même si celui-ci est techniquement envisageable. Il est donc, à son tour, entreposé dans des piscines de refroidissement – celles de La Hague en contiennent 1 400 tonnes et celles des centrales EDF environ 500 tonnes –, en attente d’un hypothétique emploi.

Se pose aussi la question de l’avenir de cette filière. Les réacteurs « moxés » étant les plus vieux du parc français, ils seront aussi les premiers à fermer. EDF prévoit de convertir à cet usage les réacteurs de la génération suivante, ceux de 1 300 MW. Une stratégie validée par le gouvernement dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie. Mais il faudra dix années d’études ainsi que des modifications sur ces unités. L’électricien annonce une « tête de série » en 2028, pour un déploiement à partir de 2032.

La situation pourrait cependant changer. EDF a annoncé une reprise de l’utilisation de l’uranium de retraitement à partir de 2023, d’abord à Cruas, puis, à l’horizon 2030, dans d’autres unités. A cette condition, le recyclage du combustible usé pourra être considéré comme intégral, à l’exception des 4 % de déchets ultimes. Le groupe prévoit même de réduire le stock actuel de cette matière, en en remettant dans la boucle 1 300 tonnes par an, soit davantage que les 1 000 tonnes générées annuellement.

Reste qu’une fois « brûlé » en réacteur, ce combustible ne sera plus exploité et finira lui aussi dans les piscines de La Hague. Autrement dit, le recyclage n’est pratiqué qu’une seule fois.

Le retraitement est-il avantageux ?

Au bout du compte, le retraitement présente-t-il un réel intérêt ? « Oui, répond Denis Lépée, directeur de la division du combustible nucléaire d’EDF. Il permet d’économiser 10 % de la ressource d’uranium naturel grâce à la valorisation du plutonium – et jusqu’à 25 % avec la reprise de la valorisation de l’uranium de retraitement –, ce qui contribue à la sécurité d’approvisionnement. Dans le même temps, il réduit significativement le volume des déchets destinés au stockage géologique. Il s’agit donc d’un cycle vertueux. »

Chez Orano, on défend bien sûr aussi une technologie qui « redonne une seconde vie à des matières radioactives pour en tirer tout le potentiel énergétique », tout en « réduisant fortement la radiotoxicité ainsi que le volume des déchets, auxquels est assuré un conditionnement sûr et stable ».

Les antinucléaires, eux, sont d’un tout autre avis. « Le mythe du déchet nucléaire valorisable ou recyclable a trop duré », estime Yannick Rousselet, de Greenpeace France. Selon lui, « le retraitement aggrave en réalité les risques, en multipliant les transports de combustibles usés dans toute la France et en générant des déchets supplémentaires, qu’il s’agisse des outils, filtres ou solvants contaminés par les opérations de retraitement, ou des rejets radioactifs des usines de La Hague dans l’air et dans la mer. »

C’est aussi l’analyse de l’ONG américaine Union of Concerned Scientists, pourtant très favorable à l’énergie nucléaire, qui estime que « le retraitement augmente au final le volume total de déchets ».

M. Rousselet pointe encore le danger que constitue l’accumulation, au fil des ans, d’un « stock de roulement » de 54 tonnes de plutonium issu du retraitement, conservé à La Hague, dans des bâtiments hautement sécurisés. Ce qui, outre la forte radiotoxicité de cet élément, fournirait les ingrédients d’une arme nucléaire si un groupe terroriste venait à s’en emparer.

Se pose aussi la question de l’arrivée à saturation des piscines d’entreposage de La Hague : déjà remplies à 93 %, elles atteindront les limites de leur capacité en 2030. C’est à cet horizon qu’EDF prévoit de mettre en service une « piscine centralisée », possiblement à Belleville-sur-Loire (Cher), pour regrouper ses combustibles usés à base de MOX et d’uranium de retraitement.

Quant à la rentabilité économique, elle est difficile à chiffrer. Si la filière nucléaire défend cette stratégie de retraitement, elle reconnaît que le coût complet du recyclage est sensiblement équivalent à celui du non-recyclage.

Que font les autres pays ?

La France se situe dans le camp très restreint des pays qui ont choisi le « cycle fermé », c’est-à-dire le retraitement et le recyclage du combustible usé. On y trouve également la Russie, où Rosatom et ses filiales maîtrisent des technologies similaires.

La situation dans les autres pays est plus complexe. Au Japon, qui a également fait le choix du retraitement, l’usine de Rokkasho-Mura rencontre des difficultés techniques récurrentes et ces installations connaissent un retard d’une vingtaine d’années par rapport au calendrier initialement envisagé. Après l’accident de Fukushima, le pays s’est retrouvé avec des stocks importants de plutonium, ce qui inquiète l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) et les Etats-Unis.

En Allemagne, en Belgique ou en Suisse, l’arrêt programmé du nucléaire a mis fin à la filière du retraitement. Au Royaume-Uni, qui dispose de longue date de cette technologie, l’usine de retraitement de Sellafield connaît d’importantes difficultés. Elle a dû cesser l’essentiel de son activité et est depuis embourbée dans un démantèlement coûteux et interminable.

La Chine, le pays le plus dynamique en matière de construction de réacteurs nucléaires, négocie depuis plusieurs années l’installation d’une usine de retraitement similaire à celle de La Hague avec Orano. Mais depuis l’annonce officielle de l’ouverture des discussions, en janvier 2018, les négociations commerciales semblent enlisées

D’autres pays, comme les Etats-Unis, se contentent d’entreposer leur combustible usé sans traitement particulier. Les Américains refusent notamment le retraitement et le recyclage par crainte de la prolifération du plutonium.

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21 avril 2019 7 21 /04 /avril /2019 09:11

Générations Futures a publié le 16 avril un nouveau rapport sur les pesticides perturbateurs endocriniens. Plus de 41 molécules dangereuses actives, dont surtout le glyphosate et des substances interdites en Europe depuis 2003, sont présentes en moyenne dans les cours d’eau. Découvrez les cartes de France des eaux de surface au regard de la présence de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés ! D'après Générations Futures, et Les Echos et Le Monde le 16 avril 2019. Lire aussi Les cours d'eau européens gravement pollués par des produits agricoles interdits, Les cartes de la consommation française de pesticides et les Glyph’Awards de Générations Futures, Des pesticides et des perturbateurs endocriniens dans notre alimentation, et La France est-elle prête pour une cure de désintoxication des pesticides ?

Metz, en Moselle, 1er département en pourcentage (49 %) de pesticides perturbateurs endocriniens découverts dans les cours d’eaux. JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Metz, en Moselle, 1er département en pourcentage (49 %) de pesticides perturbateurs endocriniens découverts dans les cours d’eaux. JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Ce rapport s’inscrit dans une série de rapports publiés par Générations Futures sur la problématique des perturbateurs endocriniens. Il vise à informer sur la présence de pesticides perturbateurs endocriniens dans notre environnement à travers l’étude de leur quantification dans les eaux de surface et est basé sur des données officielles des agences de l’eau françaises regroupées dans la base de données Naïades (http://naiades.eaufrance.fr/).

Les principales conclusions de ce rapport, qui a nécessité de travailler plusieurs millions de résultats d’analyses sont les suivantes. D’après les données 2015 de la base Naïades sur les eaux de surface en France métropolitaine, Martinique et Réunion nous avons retrouvé :

  • Un total de 232 substances actives de pesticides ou de métabolites perturbateurs endocriniens suspectés recherchés au moins une fois dans un département, la moyenne par département est de 183 environ.
  • La moyenne par département de substances actives de pesticides ou de métabolites supposés perturbateurs endocriniens quantifiés est de plus de 41, soit 22,8 % environ des pesticides PE suspectés recherchés.
  • Le nombre de substances actives de pesticides ou métabolites supposées perturbateurs endocriniens quantifiés est très variable selon les départements : de 4 pour la Corse du sud à 90 pour le Calvados.
  • Les substances actives de pesticides ou les métabolites supposées perturbateurs endocriniens les plus fréquemment quantifiées par rapport au nombre d’analyses réalisées varient également selon les départements. Les 3 substances qui arrivent le plus fréquemment en tête sont : glyphosate (37 départements), Atrazine-Déséthyl* (30 départements), Métolachlor* (15 départements).
        • *substances interdites au niveau de l’UE

Diverses cartes sont mises en ligne pour illustrer ces données par départements, à consulter ici : https://www.generations-futures.fr/cartes/

  • L’une portant sur le nombre de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés quantifiés au moins une fois (Un moteur de recherche placé sous cette première carte permet de faire une recherche des données détaillées pour chaque département).
  • Une autre sur le pourcentage de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés quantifiés au moins une fois.
  • Une 3ème sur les 3 pesticides PE suspectés dont les pourcentages de quantification sont les plus importants.
  • Et une dernière sur le pourcentage d’analyses de glyphosate quantifiées dans les eaux de surface.

« Pour Générations Futures, ces données montrant l’existence d’importants cocktails de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés dans les eaux de surface de nombreux départements français sont inquiétantes. » déclare François Veillerette, Directeur de Générations Futures. « Elles montrent que la chimie agricole menace la biodiversité aquatique. Ces résultats sont également à interpréter comme l’indicateur d’une contamination importante de l’environnement dans lequel vivent les humains. Pour ces raisons ils doivent pousser les responsables à mettre en œuvre d’urgence une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui vise réellement à leur interdiction totale. » ajoute-t-il.

Les pesticides perturbateurs endocriniens présents dans les eaux de surface en France

Le record pour le Calvados avec 90 substances

Depuis une note de 2015 du Commissariat général au développement durable, on savait que la grande majorité (92 %) des cours d’eau français étaient contaminés par les pesticides utilisés massivement par les agriculteurs. Générations futures a cherché à quantifier la part de ces pesticides aux effets de perturbation endocrinienne.

L’association a d’abord identifié, à partir de deux bases de données (EU Pesticides database et TEDX qui porte spécifiquement sur les perturbateurs endocriniens), les pesticides (autorisés ou non) potentiellement PE. Elle a ensuite vérifié lesquels avaient été analysés par les agences de l’eau et répertoriés (département par département) dans la base de données nationale Naïades sur la qualité des eaux de surface.

Générations futures a dû remonter jusqu’à l’année 2015 pour obtenir la couverture territoriale la plus complète. Elle s’est également heurtée à des difficultés liées à l’absence d’harmonisation des méthodes et des listes de substances recherchées : les agences de l’eau n’utilisent pas les mêmes seuils de quantification et de détection et certaines substances ne sont pas testées dans tous les départements.

Sur la base des données 2015, le rapport établit qu’un total de 232 substances actives de pesticides ou de métabolites supposés PE ont été recherchés, soit une moyenne de 183 par département. En moyenne, plus de 41 (soit environ 23 %) ont été quantifiés. Avec des différences notables selon les départements.

Le record revient au Calvados (69 cours d’eau dont la Dives, l’Orne ou la Vire) avec pas moins de 90 substances quantifiées sur un total de 196 recherchées. En pourcentage, c’est la Moselle (91 cours d’eau dont la Moselle et la Sarre) qui occupe le haut du classement avec 49 % (67 sur 137 recherchées) de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés quantifiés au moins une fois.

Du glyphosate même dans la Seine

Dans le trio de tête des molécules les plus présentes figure sans surprise le glyphosate, le célèbre désherbant de Monsanto. On en retrouve dans 37 départements et même à Paris, dans la Seine. Sur les six prélèvements effectués en 2015 au point de mesure du pont de Tolbiac, dans le 12e arrondissement, il a été quantifié à chaque fois.

Deux autres herbicides, l’atrazine-Déséthyl (un métabolite de l’atrazine quantifié dans 30 départements) et le métolachlore (15 départements), complètent le trio de tête. Preuve de leur persistance dans l’environnement, car ils sont interdits depuis 2003. Utilisé jusqu’en 1993 dans les bananeraies aux Antilles pour lutter contre le charançon, l’insecticide chlordécone contamine toujours les rivières en Martinique (les données n’étaient pas disponibles dans la base Naïades pour la Guadeloupe en 2015).

Au niveau des concentrations, certaines dépassent la limite autorisée (2 microgrammes par litre) pour la production d’eau potable. Ainsi, 35 dépassements sont constatés pour le glyphosate et 33 pour le métolachlore. Mais le danger est plus diffus. Il est souvent impossible de fixer un seuil d’exposition en dessous duquel aucun effet ne serait susceptible de survenir, s’accordent les chercheurs.

« Ces données sont inquiétantes, commente François Veillerette, le directeur de Générations Futures. Elles révèlent l’existence d’importants cocktails de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés dans les eaux de surface de nombreux départements français et montrent que la chimie agricole menace directement la biodiversité aquatique ».

Une étude scientifique remarquée a démontré dès 2010 les effets, même à faible dose, de l’herbicide atrazine sur le développement des grenouilles : les mâles se féminisent ou peuvent devenir hermaphrodites.

« Quand un écosystème aquatique est exposé à autant de molécules, cela signifie que l’environnement dans lequel vivent les humains est également très contaminé, poursuit François Veillerette. C’est un bon indicateur des expositions humaines ». Le directeur de Générations futures souligne « un risque de contamination des ressources en eau potable ». D’une part parce que les stations d’épuration ne filtrent pas tout. D’autre part parce que dans certaines régions, comme la Bretagne où les nappes phréatiques sont particulièrement polluées par les rejets de l’agriculture intensive, l’eau de surface sert à produire l’eau de consommation. Résultat, on peut retrouver des molécules comme l’atrazine dans l’eau du robinet.

« Mettre en œuvre une politique pour leur interdiction totale »

« Il est plus que temps d’agir ! », tonne François Veillerette qui déplore la « frilosité » du gouvernement sur le dossier des perturbateurs endocriniens. La France s’est dotée en 2014 d’une première « stratégie nationale », qui n’a pas permis de réduire l’exposition à ces substances. Aussi, une deuxième « stratégie » est en discussion. « Il faut mettre en œuvre d’urgence une politique qui vise réellement à leur interdiction totale », insiste le directeur de Générations futures qui invite également le gouvernement à porter le fer au niveau européen. Début avril, un rapport commandé par le Parlement européen rappelait que la réglementation européenne ne protégeait pas les citoyens.

A plus court terme, Générations futures demande au gouvernement de réviser l’arrêté du 4 mai 2017 sur l’utilisation des pesticides afin d’interdire leur épandage à proximité des lieux de vie et de tous les points d’eau. L’association réclame également d’exclure de la mise sur le marché les pesticides perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés.

Lors du premier comité d’orientation et de suivi du nouveau plan national de réduction des produits phytosanitaires (Ecophyto II +), le 10 avril, le gouvernement a redit sa « volonté ferme » de réduire l’usage des pesticides de moitié d’ici à 2025 et de sortie du glyphosate « pour une majorité des usages » d’ici à la fin 2020. Lors de cette réunion, le ministère de l’agriculture n’a pas été en mesure, pour cause de panne informatique, de communiquer les chiffres de 2018.

Les dernières données disponibles montrent cependant que ces objectifs ne seront pas atteints sans un changement radical de stratégie : en 2017, la consommation de pesticides était en très légère baisse (68 817 tonnes contre 70 640 sur la période 2015-2017) et les ventes de glyphosate ont même augmenté (8 831 tonnes en 2017 contre 8 673 tonnes depuis 2015).

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20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 09:04

Une étude menée dans les Pyrénées suggère que ces particules peuvent voyager sur de très longues distances, par voie aérienne. Par Sylvie Burnouf le 15 avril 2019 pour Le Monde. Lire aussi Seule la plasticité pourra nous sauver des plastiques, Nous mangeons du plastique et Les océans pollués par des particules invisibles de plastique.

Une usine de recyclage du plastique près de Laval (Mayenne) en France, en 2011(Reuters)

Une usine de recyclage du plastique près de Laval (Mayenne) en France, en 2011(Reuters)

L’air pur de la montagne est-il devenu une illusion ? L’atmosphère pourrait bien y être aussi chargée en microplastiques que dans les grandes villes, selon les résultats d’une étude française menée au beau milieu du parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises et publiée lundi 15 avril dans la revue britannique Nature Geoscience.

C’est la première fois que de telles mesures sont réalisées dans un milieu isolé, difficile d’accès, éloigné des villes et de toute activité industrielle. Perchée à 1 425 mètres d’altitude, la station météorologique de Bernadouze, où les chercheurs ont effectué leurs prélèvements, se situe en effet à 6 km du village le plus proche, Vicdessos (500 habitants environ), et à 25 km de Foix.

Sur la période allant de novembre 2017 à mars 2018, ils y ont observé le dépôt quotidien moyen de 365 microplastiques par m2 de surface au sol, amenés là par le vent, la pluie et la neige. « Nous nous attendions à trouver du plastique, mais pas en de telles quantités », soutiennent Steve Allen et Deonie Allen, chercheurs au laboratoire Ecologie fonctionnelle et environnement (EcoLab, Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse) et copremiers auteurs de l’étude.

Ces taux se situent en effet dans la fourchette de ce qui est mesuré dans deux mégalopoles, Paris et Dongguan (Chine), seuls endroits au monde où les taux de microplastiques dans l’air avaient jusqu’alors été documentés. Surprenant ? « Il n’y a pas de frontières dans les masses d’air ; tout ce qui est produit dans la ville se diffuse », répond celui qui travaille justement sur les microplastiques polluant l’atmosphère parisienne, Johnny Gasperi, maître de conférences au Laboratoire eau, environnement et systèmes urbains (LEESU, université Paris-Est-Créteil).

Sur près de 100 kilomètres

Une estimation du parcours des microplastiques atterrissant à Bernadouze, réalisée à partir des relevés météorologiques et de modèles mathématiques, suggère en effet que ces particules ont pu voyager par transport aérien sur près de 100 km. Et « il s’agit probablement d’une sous-estimation », soulignent Deonie et Steve Allen, car ces données reposent sur la vitesse de déposition de particules de poussière, qui sont « beaucoup plus lourdes que les microplastiques ».

Ainsi, même au fin fond des Pyrénées, l’on respire des fragments, des films et des fibres de plastique. Ces microparticules, essentiellement composées de polystyrène (41 % des prélèvements), de polyéthylène (32 %) et de polypropylène (18 %), sont issues, pour la plupart, d’objets en plastique à usage unique, d’emballages, de sacs plastiques et de textiles. « Cela nous met face à nos pratiques : nous utilisons le plastique massivement depuis cinquante ans et nous portons tous des vêtements en fibres synthétiques depuis trente-quarante ans, commente Johnny Gasperi. Tout cela laisse des traces, forcément. »

D’autant que l’atmosphère n’est pas le seul compartiment environnemental à être touché : l’omniprésence des microplastiques dans les cours d’eau et les océans fait en effet l’objet d’un nombre croissant de publications.

« Repenser notre manière de gérer le plastique »

Or, à l’heure actuelle, très peu de choses sont connues quant aux conséquences de cette pollution sur la faune et la flore. Quelques études récentes suggèrent que les micro et nanoplastiques pourraient altérer le système hormonal et modifier le comportement de prise alimentaire et de reproduction des insectes et des vers, mais la recherche n’en est qu’à ses prémices, note Deonie Allen.

En outre, « on ne connaît absolument rien de l’impact pour la santé humaine d’une exposition aux microplastiques », pointe Johnny Gasperi, rappelant à ce titre que la thématique des plastiques était relativement récente en recherche, ayant débuté il y a une dizaine d’années seulement.

Mais face aux données qui s’accumulent sur la présence généralisée de ces micropolluants dans l’environnement, des projets de recherche visant à évaluer les risques pour la santé commencent à émerger. Aux Pays-Bas par exemple, quinze projets d’une durée d’un an, financés notamment par l’Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique et le gouvernement, viennent de débuter. Ils devraient permettre de savoir, par exemple, si les microplastiques que nous inhalons peuvent se propager des poumons jusqu’aux autres organes, ou encore si une exposition aux microplastiques peut affaiblir notre système immunitaire.

En attendant, « il nous faut totalement repenser notre manière de gérer le plastique », estiment Steve et Deonie Allen. Les chercheurs plaident notamment pour une considération non plus locale, mais globale, de cette pollution qui n’a pas de frontières.

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