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13 décembre 2017 3 13 /12 /décembre /2017 13:10

L’enjeu était de taille : redynamiser l’Accord de Paris en dégageant des financements publics supplémentaires pour les pays en développement. Las, les Etats se sont contentés de rappeler leurs promesses passées sans s’engager davantage. Seuls Axa et la Banque mondiale ont joué le jeu des nouvelles annonces. Téléchargez les douze engagements internationaux du « One Planet Summit » (lien en fin d'article). D'après Emilie Massemin le 13 décembre 2017 pour Reporterre. Lire aussi Appel pour un Pacte Finance-Climat européen - Mille milliards d’euros pour le climat et #PasUnEuroDePlus pour les énergies du passé !.

One Planet Summit : que retenir d'une belle opération de com’ ?

Si le « One Planet Summit » s’est achevé avec plus d’une heure de retard, mardi 12 décembre vers 20 h 30, ce n’est certainement pas à cause d’une multiplication d’annonces fracassantes. L’objectif de ce sommet international sur le climat, organisé par la France en partenariat avec la Banque mondiale et l’Organisation des Nations unies (ONU), était de convoquer de nouveaux financements publics et privés pour l’aide au développement et la transition énergétique, au détriment des énergies fossiles. Mais après une journée de travail qui a mobilisé quelque 4.000 visiteurs dont une dizaine de chefs d’Etat, à la Seine musicale à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), les résultats n’étaient pas au rendez-vous.

Deux annonces sont quand même sorties du lot. La première émane d’Axa, le groupe français spécialisé dans l’assurance, qui a promis dans le cadre du premier panel de discussion « Verdir la finance en faveur d’une économie durable » de désinvestir 2,4 milliards d’euros supplémentaires du charbon, en retirant ses actifs des entreprises qui tirent plus de 30 % de leur chiffre d’affaires de ce combustible ultra-polluant. Jusqu’à présent, l’assureur s’était contenté du seuil de 50 % du chiffre d’affaires, ce qui ne lui avait permis de désinvestir que 500 millions d’euros. Le PDG Thomas Buberl a également indiqué que le groupe allait abandonner ses soutiens au pétrole issus de sables bitumineux. « En 2015, nous nous étions engagés à investir 3 milliards d’euros dans les investissements verts d’ici 2020, nous avons déjà atteint cet objectif. Nous décidons maintenant d’augmenter cet objectif à 20 milliards d’euros d’ici 2020 », a enfin promis M. Buberl.

La Banque mondiale a pour sa part fait la promesse très remarquée de cesser de financer le pétrole et le gaz après 2019 – même si elle se réserve la possibilité de continuer à financer des projets gaziers dans les pays les plus pauvres, à condition qu’ils soient compatibles avec l’Accord de Paris. En 2016, les financements de la Banque mondiale vers l’industrie pétrolière et gazière ont représenté environ 1,6 milliard de dollars, soit moins de 5 % de la totalité des financements accordés la même année, rappelle le site d’information Actu-Environnement. L’organisation financière s’est également engagée à calculer les émissions de gaz à effet de serre des projets qu’elle finance, à partir de 2018 et tous les ans ensuite.

« Davantage un plan de communication qu’une réelle mobilisation »

One Planet Summit : que retenir d'une belle opération de com’ ?

« Ce sont les deux seules choses intéressantes, soupire Alexandre Naulot, chargé de plaidoyer Taxe sur les transactions financières à Oxfam France. On a l’impression que les Etats se sont cachés derrière la finance privée. Il existe un réel décalage entre la réalité du changement climatique – l’intensification des ouragans sur les Caraïbes, les sécheresses dans la corne de l’Afrique, les inondations en Asie du Sud-Est – et ce sommet qui était davantage un plan de communication qu’une réelle mobilisation. »

Certes, Emmanuel Macron a annoncé la mobilisation de 1,5 milliard d’euros d’ici 2022 pour l’adaptation au changement climatique - soit une augmentation de 300 millions par rapport à l’engagement déjà pris lors de la COP21. Mais Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer Climat et énergie à Oxfam France, ne cache pas sa déception : « Nous attendions de la France qu’elle double ses financements pour l’adaptation au changement climatique pour atteindre 2,4 milliards d’euros par an d’ici 2022. Nous ne cachons pas notre déception face à une annonce insuffisante qui ne prend pas au sérieux les impacts croissants du changement climatique sur les populations les plus pauvres. Cette annonce ne change pas radicalement la tendance : en 2020, la France consacrera à peine un tiers de ses financements climat à l’adaptation, alors même que l’Accord de Paris vise un équilibre entre réduction des émissions et adaptation. »

Alexandre Naulot, chargé de plaidoyer n’a pas non plus goûté l’engagement du président de la République d’appuyer une taxe sur les transactions (TTF) financières « à la française » au niveau européen. « La TTF en discussion au niveau européen, qui intégrait dans son périmètre les produits dérivés, aurait permis de lever 22 milliards d’euros par an. La taxe défendue par Macron, en excluant ces produits dérivés, ne permettrait de lever au mieux que 4 milliards d’euros, peste-t-il. Tout ça parce que la France, qui spécule énormément sur les produits dérivés, protège ses intérêts et cherche à attirer les flux financiers en provenance de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. »

Pourtant, 300 milliards de dollars annuels de besoins de financement dès 2030

Les autres dirigeants n’ont pas vraiment relevé le niveau. Le Premier ministre du Danemark a indiqué la création d’une Coalition d’investissement dans les énergies propres. Le président égyptien a promis 500 millions d’euros de financement pour le développement national des énergies renouvelables. Le président du Mexique a répété – il l’avait déjà annoncée – une déclaration sur le prix du carbone intégrant le Canada, la Colombie, le Chili, le Pérou, l’Etat de Washigton, l’Ontario, Québec et la Californie (mais sans précision sur le prix de la tonne de carbone, alors qu’il doit être fixé à minimum 40 dollars pour être efficace). La Chine a elle aussi annoncé la mise en œuvre, dans les prochains jours, d’un système national d’échange de quotas de carbone. Un inventaire à la Prévert de mesures disparates, bien loin des attentes très fortes des pays en développement. « Les besoins financiers pour l’adaptation seront de 300 milliards de dollars par an en 2030 », a rappelé le Premier ministre du Bangladesh.

Plusieurs personnalités américaines avaient fait le déplacement pour signifier leur attachement à l’Accord de Paris, en dépit du retrait des Etats-Unis annoncé en juin dernier. « Ne vous inquiétez pas trop du retrait de Trump parce que les Etats et les villes ont beaucoup de pouvoir. Trump s’est retiré lui-même de l’accord de Paris, pas les Etats-Unis. Il est coincé dans le passé, et nous marchons vers l’avenir », a assuré le gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger. Bill Gates en a profité pour annoncer qu’il consacrerait 315 millions de dollars pour soutenir la recherche en agriculture en Afrique, notamment pour des semences résistantes à la chaleur, aux sécheresses et aux ravageurs – l’histoire ne dit pas s’il s’agira d’OGM (organismes génétiquement modifiés).

D’un inaltérable enthousiasme, Emmanuel Macron s’est montré satisfait de son sommet. Il l’a conclu en énumérant douze mesures internationales pour la protection du climat. « Je souhaite que chaque année nous nous retrouvions sous ce format. Nous avons besoin chaque année d’avoir une réunion de chantier », a-t-il martelé, avant de poser les pouces en l’air avec un des 180 enfants convoqués pour l’exercice de la « photo de famille ». « Merci d’avoir décidé collectivement de refuser le fatalisme, et de gagner cette bataille collectivement, avec détermination et avec force, en prenant des engagements et en les tenant ! »

Les douze engagements internationaux du « One Planet Summit » A télécharger ci-dessous.

Les douze engagements internationaux du « One Planet Summit » - à télécharger !

One Planet Summit : que retenir d'une belle opération de com’ ?
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10 décembre 2017 7 10 /12 /décembre /2017 09:15

Alors que la France s’apprête à accueillir, le 12 décembre, le sommet climat imaginé pour les deux ans de l’accord de Paris, un rassemblement d’économistes, de responsables politiques, d’artistes, de philosophes, de syndicalistes, signent un appel pour dénoncer le chaos climatique et financier vers lequel l’humanité se dirige. Jeffrey Sachs, Tim Jackson, des membres de la commission Stern-Stiglitz, Alain Grandjean, Pascal Lamy, l’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, l’ex-premier ministre Jean-Marc Ayrault ou la maire de Paris, Anne Hidalgo, figurent dans ce large panel. Les deux auteurs Jean Jouzel, climatologue et Pierre Larrouturou, économiste, demandent aux responsables européens de réorienter la création monétaire afin d’affecter 1 000 milliards d’euros au financement de la transition énergétique. Un appel partagé, retrouvez tous les autres signataires sur www.climat-2020.eu. Vous pouvez aussi signer cet appel. Lire aussi à la suite l’analyse de Marie Charrel et Simon Roger du 9 décembre 2017 pour Le Monde, et Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec.

Appel pour un Pacte Finance-Climat européen - Mille milliards d’euros pour le climat

Nous ne pouvons pas rester sans rien dire. Nous ne pouvons pas rester sans agir. Aujourd’hui, l’esprit se révolte contre le sort qui est promis à l’Homme. Nous, Citoyens d’Europe et Citoyens du monde associés dans une même communauté de destins, n’acceptons pas que l’humanité se dirige, sans réagir, vers le chaos climatique.

Le 31 octobre 2017, l’ONU nous alertait solennellement [1] sur l’écart « catastrophique » qui existe entre les engagements des États et les réductions des émissions de gaz à effet de serre qu’il faudrait opérer pour maintenir le réchauffement en-dessous de 2°C.

Appel pour un Pacte Finance-Climat européen - Mille milliards d’euros pour le climat

« Les engagements actuels des États couvrent à peine un tiers des réductions nécessaires, soulignait Erik Solheim, directeur du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Gouvernements, secteur privé, société civile doivent combler cet écart catastrophique. Un an après l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, nous sommes loin de faire ce qu’il faudrait pour préserver des centaines de millions de personnes d’une vie de misère ». Comment combler cet écart ? Comment rattraper le temps perdu ? Que peut faire l’Europe ?

Puisque c’est « au nom de l’emploi américain » que les États-Unis ont décidé de se retirer de l’Accord de Paris, il est fondamental que l’Europe fasse la preuve « grandeur nature » qu’il est possible de diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre tout en créant massivement des emplois. Il est fondamental aussi que l’Europe prenne pleinement sa part pour cofinancer la lutte contre le réchauffement climatique dans les pays du Sud.

Diviser par 4 nos émissions, d’ici 2050 au plus tard ? Le chantier est colossal mais investir massivement dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables pourrait conduire à « 900.000 créations d’emplois en France » selon les dernières prévisions de l’ADEME [2] et plus de 6 millions d’emplois pour toute l’Europe… Voilà un bon moyen de faire reculer nettement le chômage et la précarité. Un bon moyen, donc, de réconcilier l’Europe avec les citoyens.

Nul ne peut douter de la rentabilité à moyen terme du chantier, car la multiplication des événements climatiques extrêmes provoque déjà chaque année des milliers de morts, des millions de réfugiés et des dépenses de plus en plus lourdes. Le réchauffement climatique provoquera non seulement des catastrophes naturelles (sécheresses, canicules, inondations,…) mais aussi des famines et des déplacements de population meurtriers. Que se passera-t-il dans 20, 30 ou 40 ans si des centaines de millions d’hommes et de femmes doivent quitter leur terre natale, devenue invivable ? A moyen terme, nous le savons tous, c’est la Paix mondiale qui est en jeu, si nous ne sommes pas capables de réduire, drastiquement et très rapidement, nos émissions de gaz à effet de serre.

Comment financer ce chantier colossal ? Certes, ces investissements seront tous rentables à terme, mais comment « amorcer la pompe » ?

Appel pour un Pacte Finance-Climat européen - Mille milliards d’euros pour le climat

En même temps qu’une Taxe sur les Transactions Financières et une Taxe sur le CO2, deux leviers doivent être utilisés au plus vite :

  1. La création monétaire doit être mise au service de la lutte contre le dérèglement climatique. Depuis avril 2015, la BCE a créé près de 2.500 milliards d’euros et les a mis à disposition des banques commerciales. Dans le même temps, les prêts de ces banques au secteur privé (entreprises et ménages) augmentaient de moins de 300 milliards. L’essentiel des liquidités alimente la spéculation : tous les mois, les marchés financiers battent de nouveaux records et le FMI ne cesse de nous mettre en garde contre le risque d’une nouvelle crise financière…

Puisque la BCE a décidé récemment de prolonger sa politique d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing), il nous semble urgent de « flécher » la création monétaire pour qu’elle aille vers l’économie réelle et finance, dans tous les États membres, les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables.

  1. Lutter contre le dumping fiscal européen, en créant une Contribution Climat de 5 %. En quarante ans, le taux moyen d’impôt sur les bénéfices a été divisé par 2 en Europe : il est aujourd’hui proche de 20 % alors que, aux États-Unis, le taux de l’impôt fédéral sur les bénéfices est stable, depuis plus de quatre-vingt ans, à 35 % [3].

Appel pour un Pacte Finance-Climat européen - Mille milliards d’euros pour le climat

 Même avec un taux limité à 5 %, un impôt européen sur les bénéfices permettrait de dégager chaque année plus de 100 milliards d’euros, une somme qui permettrait d’abonder le budget européen pour cofinancer le chantier « Facteur 4 » sur le territoire européen, investir massivement dans la recherche (sur le stockage de l’énergie, les transports ou une nouvelle génération d’ordinateurs, plus sobres en électricité,…) et augmenter très nettement l’aide aux pays d’Afrique et du pourtour méditerranéen.

« L’économie mondiale est comme le Titanic. Elle accélère avant le choc, nous prévient le FMI [4]. La prochaine crise risque d’être plus grave et plus générale que celle de 2008.» « Il ne nous reste que quelques années pour agir » affirment de leur côté les spécialistes du climat.

Pour éviter la double peine (une nouvelle crise financière & le chaos climatique), il est urgent de dégonfler la spéculation et de donner de nouveaux moyens à la lutte contre le réchauffement climatique.

Voilà pourquoi, puisque Angela Merkel, Emmanuel Macron et un grand nombre de dirigeants européens souhaitent relancer l’Europe en la dotant de nouveaux traités, nous, signataires de cet Appel, demandons solennellement aux chefs d’État et de Gouvernement européens de négocier au plus vite un Pacte Finance-Climat, qui assurerait pendant 30 ans des financements à la hauteur des enjeux pour financer la transition énergétique sur le territoire européen et muscler très fortement notre partenariat avec les pays du Sud.

Nous souhaitons que la création monétaire de la BCE soit mise au service de la lutte contre le dérèglement climatique et contre le chômage, et nous voulons qu’un impôt européen sur les bénéfices (de l’ordre de 5 %) permette de dégager un vrai budget pour investir dans la recherche et lutter contre le réchauffement climatique, en Europe, en Afrique comme dans tout le pourtour méditerranéen.

Appel pour un Pacte Finance-Climat européen - Mille milliards d’euros pour le climat

 Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » s’indignait Jacques Chirac à Johannesburg en 2002. Quinze ans plus tard, nous sommes de plus en plus nombreux à nous réveiller la nuit à cause de la gravité des crises qui nous menacent.

Pour éviter les catastrophes annoncées par l’ONU, il est urgent de provoquer un sursaut collectif et, par là même, de redonner du sens au projet européen en affirmant clairement quelles sont nos priorités.

Convaincus que nous ne parviendrons pas à reprendre en main notre destin si chaque nation reste isolée, nous demandons instamment aux Chefs d’État et de gouvernement de mettre en œuvre au plus vite une politique européenne qui dépasse les clivages traditionnels, mette la finance au service du climat et de la justice sociale, et nous permette de regarder sans rougir l’héritage que nous laisserons à nos enfants.

[1] Emissions Gap Report 2017. 31 octobre 2017, www.unenvironment.org

[2] ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Agence gouvernementale française.

« L’ADEME actualise son scénario énergie-climat 2035-2050 ». 19 octobre 2017, www.ademe.fr

[3] 35 % d’impôt fédéral et 3 % en moyenne d’impôt prélevé par les états fédérés. Soit un total de 38 %.  Donald Trump souhaite baisser l’impôt fédéral sur les bénéfices mais, pour le moment, il est stable à 35 % depuis 1933. Ce qui n’a nullement empêché le développement de l’économie américaine.

[4] Rapport sur la stabilité financière dans le monde, FMI, 11 octobre 2017

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Mille milliards d’euros pour le climat

Panneaux solaires à Zaktubi, près de Ouagadougou, le 29 novembre 2017. LUDOVIC MARIN / AFP

Panneaux solaires à Zaktubi, près de Ouagadougou, le 29 novembre 2017. LUDOVIC MARIN / AFP

Mi-novembre, pendant la COP23, des milliers de scientifiques diffusaient un appel relayé sur ce blog, Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec pour mettre en garde contre la dégradation catastrophique de l’environnement. Alors que la France s’apprête à accueillir, le 12 décembre, le sommet climat imaginé pour les deux ans de l’accord de Paris, c’est un rassemblement d’économistes, de responsables politiques, d’artistes, de philosophes, de syndicalistes, qui prend la plume pour dénoncer le chaos climatique et financier vers lequel l’humanité se dirige. Jeffrey Sachs, Tim Jackson, des membres de la commission Stern-Stiglitz, Alain Grandjean, Pascal Lamy, l’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, l’ex-premier ministre Jean-Marc Ayrault ou la maire de Paris, Anne Hidalgo, figurent dans ce large panel.

« Il est urgent de dégonfler la spéculation et de donner de nouveaux moyens à la lutte contre le réchauffement climatique », alertent les signataires de ce texte rédigé par le climatologue Jean Jouzel et l’économiste Pierre Larrouturou, que Le Monde publie en intégralité. Les auteurs demandent aux responsables européens « de négocier au plus vite un pacte finance-climat qui assurerait pendant trente ans des financements à la hauteur des enjeux ».

Emballement incontrôlable

L’initiative a reçu le soutien de Nicolas Hulot, qui a préfacé l’ouvrage. « Face à la crise financière, l’Europe a été capable d’innover, de trouver des solutions mobilisant des centaines de milliards d’euros, argumente le ministre de la transition écologique et solidaire. Comment justifier que l’Europe ne trouve pas les moyens pour lutter radicalement contre le réchauffement en cours ? » L’Élysée, en revanche, se refuse à tout commentaire sur ce projet qui pourrait trouver un écho le 12 décembre puisque le sommet de Paris est consacré aux enjeux financiers du défi climatique. Misant sur cette caisse de résonance, un autre groupe d’économistes d’une vingtaine de nationalités demande, dans une déclaration rendue publique le 7 décembre, l’arrêt total des flux financiers en direction des combustibles fossiles.

Ancienne figure du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, Jean Jouzel observe depuis des années l’emballement incontrôlable de la machine climatique : « L’une des mauvaises nouvelles de 2017, c’est la courbe des émissions de CO2 qui repart à la hausse en raison notamment de la croissance économique chinoise, alors qu’elle avait stagné entre 2014 et 2016. »

A l’urgence climatique s’ajoute le risque d’une crise financière. Coupable : la flambée de l’endettement public et privé, battant des records dans le monde. Mais aussi les remèdes administrés par les banques centrales pour relancer l’économie depuis 2008. « Depuis début 2015, la BCE [Banque centrale européenne] a créé plus de 2 200 milliards d’euros de liquidités mises à disposition des banques », explique Pierre Larrouturou, qui propose que 1 000 milliards soient affectés au financement de la transition énergétique.

Après avoir ramené ses taux directeurs à zéro, l’institut de Francfort a en effet lancé l’assouplissement quantitatif (quantitative easing en anglais, ou QE) : depuis mars 2015, il rachète massivement des dettes publiques et d’entreprises, en créant de la monnaie. Cette mesure a fait baisser les taux auxquels les États, les entreprises et les ménages empruntent, soutenant ainsi la reprise. « Mais la monnaie créée alimente au passage la spéculation financière et des bulles, faisant le lit de la prochaine crise », préviennent les auteurs.

Pour limiter ce risque de krach, ils suggèrent de réorienter 50 % du QE vers le financement de la transition énergétique – de quoi faire d’une pierre deux coups, en somme. En pratique, la BCE pourrait prêter plus massivement [elle le fait déjà] à la Banque européenne d’investissement (BEI). A celle-ci, ensuite, d’investir dans des projets verts. Outre une taxe sur les émissions de CO2 et une taxe sur les transactions financières, complexes à mettre en œuvre, ils proposent également d’harmoniser l’impôt sur les sociétés dans les États membres, et d’en dédier 5 % à la lutte contre le réchauffement.

Ces ressources mixtes permettraient de financer le pacte pour le climat susceptible de se traduire par un nouveau traité européen. « Ce projet concret serait mobilisateur pour les citoyens », assure Jean Jouzel. « C’est aussi un enjeu de compétitivité économique, souligne Philippe Lamberts, eurodéputé Vert de Belgique, signataire de l’appel. L’Europe a raté le coche de la révolution numérique de Google et Facebook. Si elle ne prend pas le leadership de la transition énergétique, il ne lui restera rien. » Sans parler des emplois que pourraient créer les investissements verts : jusqu’à 900 000 en France, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Et près de 6 millions dans l’Union européenne.

« Organiser un référendum »

L’idée de réorienter la création monétaire vers l’écologie est déjà soutenue par nombre d’économistes depuis plusieurs années, tels que Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence française de développement (AFD), et Alain Grandjean, fondateur du cabinet de conseil Carbone 4. « C’est un projet pertinent à plus d’un titre », approuve Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste à la Sorbonne, auteure de plusieurs tribunes sur le sujet. « Aujourd’hui, nombre des dettes rachetées par la BCE sont celles d’entreprises polluantes des vieilles industries : c’est aussi choquant qu’inutile », souligne Stan Jourdan, de QE for People, l’ONG en pointe sur ce combat, qui a également signé le pacte.

Mais un tel changement de cap n’est pas aussi simple à obtenir que le suggèrent les auteurs. Il se heurte à un calendrier serré. Après le sommet climat du 12 décembre, le climatologue et l’économiste s’accordent un an pour récolter 3 millions de signatures à travers toute l’Europe. « Dans la foulée, nous pourrions organiser un référendum sur l’adoption du nouveau traité européen incluant nos propositions », précise M. Larrouturou, s’inspirant d’une idée du philosophe allemand Jürgen Habermas. Ce référendum se tiendrait le même jour dans tous les Etats, fin 2018-début 2019. Ceux qui l’adoptent démarreraient ensuite une coopération renforcée autour de sa mise en œuvre.

Problème : à ce moment-là, les possibilités offertes par le QE seront plus limitées. Les rachats de dettes de la BCE, aujourd’hui de 60 milliards d’euros mensuels, tomberont en effet à 30 milliards en janvier 2018, et devraient baisser encore après septembre 2018. Certes, à première vue, rien n’empêche la BCE de les réaugmenter pour financer la BEI.

Sauf que cela pourrait entrer en contradiction avec son mandat, pierre angulaire de toutes les mesures prises depuis 2008. A savoir, soutenir l’activité pour faire converger l’inflation vers la cible de 2 %, synonyme d’une économie en bonne santé. Une fois ce seuil atteint probablement en 2019, la BCE cessera d’acheter de nouvelles dettes. Et ce, afin d’éviter de déclencher une hausse des prix trop forte, nuisible au pouvoir d’achat. « Ne pas le faire serait violer son mandat et enfreindre le principe de son indépendance face au politique », souligne Julien Pinter, chercheur à Paris I et économiste au think tank BSI Economics. « L’écologie est une orientation relevant des gouvernements, s’en décharger sur la BCE, qui n’est pas élue, serait à la fois un peu lâche et dangereux », souligne Grégory Claeys, du think tank bruxellois Bruegel.

Pourquoi, dès lors, ne pas modifier les statuts de l’institution pour élargir ses missions ? « Délicat, car c’est un grand tabou pour les Allemands », explique Gilles Moëc, économiste chez Bank of America ML, en rappelant que ces derniers n’ont accepté de participer à l’euro qu’à condition que les États ne mêlent jamais des affaires de la BCE. « Ils redoutent que les pays les moins sérieux, dont la France, en profitent pour laisser aller leurs finances publiques », détaille une source européenne.

Mais nos voisins sont également conscients de l’urgence climatique. « L’Allemagne est en pleine réflexion sur le financement de la sortie du charbon, c’est le moment ou jamais », assure M. Larrouturou, convaincu que la coalition que la chancelière Angela Merkel négocie pour former un nouveau gouvernement pourrait se saisir du pacte. Dans tous les cas, l’adhésion du couple franco-allemand serait déterminante pour porter ce projet. Sans cela, il sera difficile de convaincre l’Irlande, le Luxembourg et les autres États membres à la fiscalité légère, de consacrer une partie de leurs recettes aux investissements verts.

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9 décembre 2017 6 09 /12 /décembre /2017 12:37

Le 12 décembre prochain, deux ans après l’adoption de l’Accord de Paris, la France accueillera un sommet international “Finance et climat”. Mobilisons-nous en masse pour dire haut et fort : #PasUnEuroDePlus pour les énergies du passé ! 10 / 12 – Tribunal des peuples | 12 / 12 – action de masse ! Suivi de la Déclaration Finance et Climat à l’initiative de la coalition Pas un euro de plus pour les énergies du passé.

#PasUnEuroDePlus pour les énergies du passé !

Malgré l’appel des 15 000 scientifiques à prendre en mesure l’urgence climatique, et celui de 80 économistes de ce jour sur le nécessaire désinvestissement fossile, le compte n’y est pas : les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter à un rythme soutenu, les banques à investir dans des projets climaticides, les États ne tiennent pas leurs engagements et accordent des subventions, aides au développement ou prêts à l’industrie fossile et aux promoteurs des fausses solutions.

Maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C et préserver nos communs impose de stopper ces financements à leur source : pas un euro de plus ne doit aller vers les activités destructrices du climat. Les financements doivent être intégralement réorientés dans le soutien à la transition vers des sociétés justes et durables.

Rejoingnez la mobilisation de 350.org, Alternatiba, les Amis de la Terre France, ANV-COP21, Attac France, le CRID, le Réseau Action Climat France, Oxfam France et bien d'autres pour faire entendre nos voix pour intégrer la problématique de la protection de l'eau à celle du climat et vice-versa ! 

Le 10 décembre, venez participer à un Tribunal des peuples qui, après les témoignages des personnes impactées, jugera la finance climaticide.

Le 12 décembre, nous nous retrouverons au lever du soleil, pour une action de masse, devant le Panthéon pour faire entendre haut et fort notre voix et appeler la France et la communauté internationale à passer enfin aux actes et exiger l’exemplarité de la France!

Préparons l’action ensemble !

Samedi 09/12 : 10h00 – 13h00 Atelier banderoles et pancartes

Dimanche 10/12 : 11h – 13h Atelier de préparation à l’action

Lundi 11/12 : 19h-20h30 Répétition générale

Tous les ateliers ont lieu au 23, rue du Château Landon, 75010 Paris

Si vous souhaitez rejoindre la mobilisation, inscrivez-vous ici !

#PasUnEuroDePlus pour les énergies du passé !

Déclaration Finance et Climat à l’initiative de la coalition Pas un euro de plus pour les énergies du passé.

Nous, sous-signé.e.s, appelons à la fin immédiate de tout investissement dans de nouveaux projets de production et d’infrastructure de combustibles fossiles, et encourageons une hausse significative du financement des énergies renouvelables.

Nous publions cet appel à l’action à l’approche du sommet sur le climat organisé à Paris en décembre par Emmanuel Macron. Le président français et d’autres dirigeant.e.s se sont déjà exprimé.e.s sur la nécessité d’un soutien financier accru aux solutions climatiques, mais ont gardé le silence sur l’autre partie de l’équation, plus problématique : les financements qui continuent à être accordés à de nouveaux projets de production et d’infrastructures charbonnières, gazières et pétrolières.

Partout dans le monde, le changement climatique et les destructions environnementales prennent une ampleur sans précédent, et des actions inédites seront nécessaires pour limiter les conséquences néfastes de notre dépendance au pétrole, au charbon et au gaz.

Il est crucial de réduire drastiquement l’intensité carbone de nos systèmes économiques. Mais il est tout autant essentiel de mener sans délai des actions ambitieuses pour mettre un terme à l’exploration et à l’expansion de projets fossiles ; ainsi que de gérer la baisse de la production existante, conformément aux objectifs de l’accord de Paris.

Les études montrent que le C02 contenu dans les gisements de combustibles fossiles actuellement exploités suffit à nous amener au-delà du seuil de réchauffement climatique critique. Les nouveaux projets d’exploration et de production sont incompatibles avec le maintien du réchauffement de la planète en dessous des +2 °C (et le plus près possible de +1,5 °C), mais de nombreux projets en cours devront être abandonnés plus rapidement qu’en suivant le rythme de l’épuisement des resources. Pour le dire autrement : il n’y a plus de place pour de nouvelles infrastructures fossiles, et il n’y a donc aucune raison de continuer d’investir dans le secteur.

Il est temps que l’ensemble des acteurs économiques mondiaux se tournent pleinement vers des énergies renouvelables sûres et d’abandonner les combustibles fossiles. Nous affirmons par cette lettre que les institutions de développement comme les investisseurs publics et privés ont la responsabilité urgente et l’obligation morale de montrer la voie en mettant fin à l’exploitation des combustibles fossiles.

La transition mondiale vers un avenir sobre en carbone est déjà entamée, et nous savons que l’abandon total des combustibles fossiles offre la possibilité de passer à un nouveau paradigme économique de prospérité et d’équité. L’expansion continue du charbon, du gaz  et du pétrole ne fait que ralentir cette inévitable transition, tout en contribuant à exacerber les conflits, alimenter la corruption, menacer la biodiversité et les ressources d’eau et d’air non pollués, mais aussi à enfreindre les droits des peuples indigènes et ceux des pays et des communautés vulnérables.

La demande et l’accès à l’énergie peuvent et doivent être entièrement couverts par les énergies renouvelables du XXIe siècle. L’idée que de nouveaux combustibles fossiles (comme l’attrait renouvelé pour le gaz) sont nécessaires à cette transformation est erronée, et elle contribue à bloquer la pénétration des énergies renouvelables.

La communauté des investisseurs a le pouvoir de créer les conditions pour rendre ce changement possible. Les investissements actuels et futurs dans la production de combustibles fossiles vont à l’encontre d’une transition sûre et équitable visant à éviter des désastres climatiques encore plus grands.

Les investisseurs, les institutions et tous les acteurs internationaux du développement doivent reconnaître que la poursuite des investissements dans la production d’énergies fossiles est incompatible avec une réelle action pour le climat. Il faut au contraire accorder la priorité aux incroyables opportunités d’investissement que représentent les énergies 100 % renouvelables du futur, grâce auxquelles nous pourrons construire une économie saine tout en protégeant les salarié.e.s du secteur de l’énergie, les communautés et en tenant compte des limites écologiques d’une planète finie.

Yanis Varoufakis, Jeffrey Sachs, Neva Rockefeller Goodwin, Tim Jackson, Pierre-Richard Agenor, Prof. Robert Costanza, Dr. Simplice Asongu, Peter A. Victor, Dominique Plihon, Ramón López, Helene Ollivier, Mouez Fodha, Katheline Schubert, Thomas Porcher, Lionel Fontagné, Slim Ben Youssef, Jean Gadrey, Maxime Combes, James Kenneth Galbraith, Katrin Millock, Aurore Lalucq, Claudia Kemfert, Prof. Phoebe Koundouri, Dr Ashok Khosla, Valentina Bosetti, Marzio Galeotti, Rick Van der Ploeg, Reyer Gerlagh, Suzi Kerr, Co-Pierre Georg, Emilio Padilla Rosa, Thomas Sterner, Mark Campanale, Kate Raworth, Ann Pettifor, Kate Pickett, Richard Wilkinson, Dr Michael Mason, Dr Ben Groom, Dr. Charles Palmer, Michael Jacobs, Prof. Michael Finus, Terra Lawson-Remer, Dr. Ron Milcarek, Herman Daly, Shahriar Shahida, Michael Pirson, Prof. Simone Borghesi, Jaime De Melo, Mohammad A Jabbar, John C. Quiggin, Ilan Noy, Carolina Burle Schmidt Dubeux, Yifat Reuveni, Prof. James Renwick, Dr Richard Denniss, Frank Ackerman, Prof Ross Garnaut, John Hewson, Robert M. Freund, Mariana Mazzucato, Takeshi Mizuguchi, Jusen Asuka, Mutsuyoshi Nishimura, Shuzo Nishioka, Jon D. Erickson, David Blittersdorf, Patrick Criqui , Alain Karsenty, Alain Grandjean, Nicolas Bouleau, Ivar Ekeland, Jean-Pierre Ponssard, Cécile Renouard, Ian Kinniburgh, Oliver Sartor, Seyhun Orcan Sakalli, Gautam Sethi, Ramon E. Lopez, Tom Sanzillo, Tom Steyer (liste des signataires à jour ici).

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9 décembre 2017 6 09 /12 /décembre /2017 09:16

Viande et produits laitiers - l’État laisserait il les lobbies contrôler l’assiette de nos enfants ? Dans les cantines scolaires, entre deux et six fois trop de protéines sont servies aux enfants par rapport aux recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES). Partant de ce constat accablant, Greenpeace France a publié le 4 décembre 2017 un rapport à télécharger ici, résumé ci-dessous, qui démontre comment les représentants des filières viandes et produits laitiers influencent les recommandations officielles de l’État en matière d’achat pour la restauration scolaire.                  Sur ce sujet, aux Lilas, lire aussi Ces parents qui mijotent une cantine publique, Une victoire de l'engagement citoyen aux cantines rebelles du 10 novembre et Scandale sur la viande, et rejoignez le collectif de parents d'élèves lilasiens Pas d'usine, on cuisine, cf. page Face book https://www.facebook.com/Pas-dusine-on-cuisine-377940582369854/.

Un repas écologique servi dans une école maternelle à Guabiruba, au Brésil. © Peter Caron

Un repas écologique servi dans une école maternelle à Guabiruba, au Brésil. © Peter Caron

Un milliard de repas servis par an

La restauration scolaire, c’est plus d’un milliard de repas servis par an, de la maternelle au lycée. Près de sept millions d’élèves sont concernés. Plus de 80 000 tonnes de produits carnés et plus de 120 000 tonnes de produits laitiers sont distribués chaque année, pour un chiffre d’affaires de plus de 460 et 280 millions d’euros respectivement. Des chiffres qui semblent démesurés, et pour cause : à la cantine, on sert de la viande ou du poisson tous les jours ou presque. Or, cette surconsommation de protéines animales a des conséquences désastreuses sur la santé des enfants, mais aussi sur l’environnement.

Les impacts de cette surconsommation sur la santé des enfants

Une alimentation trop riche en graisses et en protéines animales peut entraîner une augmentation des maladies chroniques d’origine nutritionnelle, comme l’obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou encore les cancers, d’après un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les enfants ne sont pas épargnés par ce constat alarmant, puisqu’ils consomment au minimum deux fois trop de viande par rapport à leurs besoins nutritionnels. Pourquoi les menus des cantines scolaires sont-ils constitués presque uniquement de repas carnés, alors même que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) conseille de réduire la part des protéines animales au profit des protéines végétales ? En menant une enquête sur la restauration scolaire, Greenpeace France a découvert que les lobbies ont une réelle emprise sur les contenus des assiettes des cantines.

L’influence des lobbies sur les textes officiels - jusqu’à six fois trop de protéines dans l’assiette

Si l’on prend les chiffres, les recommandations nutritionnelles officielles du GEM-RCN conduisent à des apports en protéines démesurés en comparaison des recommandations nutritionnelles scientifiques (« Apport Nutritionnel Conseillé » ou ANC, établis par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, ANSES) :

* En ne prenant en compte que la portion de viande du plat principal et le produit laitier, les protéines contenues correspondent à plus de 200 % de l’ANC pour un enfant de 11 ans. Cela va jusqu’à plus de 400 % pour un enfant de 3 ans.

* Sur l’ensemble d’un repas (viande du plat principal et produit laitier mais aussi un peu de pain, pâtes et légumes), nous arrivons à plus de 600 % de l’ANC en protéines établi par l’ANSES pour un enfant de 6 ans.

Comparaison entre les Apports Nutritionnels Conseillés (ANC) en protéines par l’ANSES et l’apport obtenu si on suit les quantités recommandées par le GEM-RCN aux cantines scolaires

Comparaison entre les Apports Nutritionnels Conseillés (ANC) en protéines par l’ANSES et l’apport obtenu si on suit les quantités recommandées par le GEM-RCN aux cantines scolaires

Des instances de décisions totalement déséquilibrées

Les défenseurs d’intérêts privés pèsent au sein des instances de gouvernance du PNNS et du GEM-RCN, et en influencent les orientations.

Par exemple, au sein du GEM-RCN, un relevé de présence que Greenpeace s’est procuré, concernant l’année de réunions qui a précédé la dernière mise à jour des recommandations, permet de constater que :

•  les représentants de l’Etat (ministère de la Santé et ministère de l’Agriculture) ne sont pas présents aux réunions,

•  les scientifiques sont eux aussi absents,

•  les représentants des filières viandes et produits laitiers pèsent autant sur les décisions que les nutritionnistes, alors que ces derniers sont bénévoles et ont donc moins de moyens que des organisations aussi puissantes que l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) et le GécoFood, association qui regroupe tous les géants de l’industrie agro-alimentaire, qui sont eux bien présents.

Part des membres du GEM qui assistent à plus de 3 réunions par an

Part des membres du GEM qui assistent à plus de 3 réunions par an

Les lobbies de la viande et des produits laitiers jusque dans les écoles

 

Depuis plusieurs années, certains lobbies agro-alimentaires ont poussé les portes des écoles pour venir y « informer » les enfants sur les bienfaits de leurs produits, et les inciter ainsi, dès leur plus jeune âge, à les consommer. Il s’agit notamment des lobbies du lait, du sucre et plus récemment de la viande.

Des animations et ateliers sont proposés pour continuer à perpétuer ce mythe erroné que les protéines animales sont indispensables à tous les repas.

L’exemple d’Interbev (interprofession du bétail et de la viande) : Interbev, c’est un budget annuel de 36,5 millions d’euros en 2016, dont 20 millions (55 %) sont consacrés directement à la communication. C’est également une organisation de lobbying politique, en France et en Europe.

Elle a déclaré entre 100 000 et 150 000 euros dépensés pour des activités directes de représentation d’intérêts à l’Assemblée nationale en 2013, et entre 100 000 et 200 000 euros pour sa représentation à l’Union européenne en 2016.

Parmi ses nombreuses activités « informatives », Interbev propose des activités pédagogiques et intervient directement dans les écoles pour promouvoir des kits comme celui intitulé « La Planète, les Hommes, les Bêtes » (un dispositif soutenu par le gouvernement). Ces supports font bien sûr la part belle aux viandes et à l’élevage, et passent sous silence ou minimisent les bienfaits des protéines d’origine végétale qui peuvent également contribuer à l’équilibre alimentaire.

 

L’exemple du Cniel (interprofession du lait)

 

Le Cniel, avec son slogan « Les produits laitiers sont vos amis pour la vie », représente un budget de 40 millions d’euros en 2016. Il reçoit également des financements publics de la France et de l’Union européenne pour certaines actions de communication, à savoir 7,4 millions d’euros en 2016. Au total, le Cniel a ainsi consacré 29 millions d’euros à la communication de la filière et à la promotion des produits laitiers en 2016, soit plus de 60 % de son budget total.

En 2009, le Cniel a par exemple lancé la campagne « À table pour grandir » dans les classes de CM1-CM2, dont « l’objectif est d’aider les enfants à mettre en pratique le repère de consommation de 3 à 4 produits laitiers par jour », programme qui a déjà touché près de 125 000 enfants. Le Cniel a également des partenariats avec l’Education nationale et certaines Inspections académiques.

Pour Greenpeace France, ces défenseurs d’intérêts privés n’ont strictement rien à faire dans les écoles. S’il est compréhensible que l’Éducation nationale et ses personnels cherchent à s’informer auprès d’acteurs extérieurs et à mettre à jour régulièrement les contenus pédagogiques destinés aux enfants, il n’apparaît pas normal que sur certains sujets – ici les produits laitiers, la viande, le sucre et même le goût –, ces contenus proviennent d’organisations dont l’objet même est de défendre les professionnels qu’ils représentent et les produits issus de leurs filières. Cela semble encore plus scandaleux quand ces derniers entendent apporter une éducation à la santé, en ne s’appuyant que sur des contenus issus de leurs propres centres de ressources et publications scientifiques.

 

Quelques données sur l’impact de l’élevage

 

La surconsommation et la surproduction de viande a un impact dévastateur sur l’environnement. L’élevage est responsable de 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La fermentation entérique des animaux produit du méthane et l’entretien des terres est l’une des causes des émissions de CO2 et de protoxyde d’azote. L’élevage contribue aussi à la déforestation car les terres boisées sont rasées pour en faire des zones de pâturage pour le bétail ou pour produire des cultures qui sont ensuite utilisées pour nourrir les animaux.  L’élevage industriel détériore les ressources en eau en perturbant les équilibres et en polluant les cours d’eau.

Côté santé, l’alimentation d’aujourd’hui, riche en graisses et centrée autour d’aliments d’origine animale, a entraîné une augmentation des maladies chroniques d’origine nutritionnelle (obésité, diabète...). Pour les enfants, un fort apport en protéines animales, et en particulier celles issues de produits laitiers, à l’âge de 12 mois pourrait être associé à des problèmes de surpoids à l’âge de 7 ans. Enfin, l’antibiorésistance, liée à l’élevage industriel, est aujourd’hui une menace majeure et mondiale.

 

Les mesures que l’État doit mettre en œuvre selon Greenpeace

1 -Réformer en profondeur la gouvernance des politiques publiques en matière d’alimentation.

2 - Assurer les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces politiques en faveur d’une alimentation plus saine et plus durable. Par exemple, la formation des personnels de cuisine aux notions d’équilibre nutritionnel, l’accompagnement pédagogique des élèves pendant les repas ou encore celui des collectivités locales, pour qu’elles puissent s’approvisionner en produits locaux, sains, de saison, le moins transformés possible, à dominante végétale et biologique.

3 - Interdire les interventions des lobbies de la viande et des produits laitiers dans les écoles.

Ces interventions viennent pallier les lacunes de l’État en la matière, qui doit donc allouer des budgets au développement d’outils pédagogiques objectifs.

4 - Introduire deux repas végétariens par semaine dans les cantines scolaires, à horizon 2020.

5 - Augmenter la part du bio dans toute la restauration scolaire, issu le plus souvent possible de filières locales, pour garantir une alimentation sans pesticides, sans OGM, sans additifs chimiques.

Pour des menus plus éco-responsables à la cantine

Modifier la constitution des menus dans les cantines scolaires, c’est agir sur un milliard de repas distribués chaque année, et donc limiter de façon non négligeable les conséquences désastreuses de l’élevage industriel sur le climat. Il est urgent de stopper la surconsommation de viande et de produits laitiers dans les cantines !

Vous pouvez signer ici la pétition de Greenpeace

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8 décembre 2017 5 08 /12 /décembre /2017 09:09

Un communiqué du 4 décembre de la ligue des Droit de l'Homme. Lire aussi Loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme : La LDH demande la censure du Conseil constitutionnel, La France bascule dans l'état d'urgence permanent et N’enterrez pas nos libertés !.
 

L'Etat d'urgence a été levé au 1er novembre dernier, pour être immédiatement remplacé par un régime d’exception permanent, inspiré de plusieurs dispositions appliquées pendant une durée inédite de près de deux ans. La Ligue des droits de l'Homme a dénoncé avec constance les restrictions que ces mesures, au demeurant inefficaces dans la lutte contre le terrorisme, portaient aux droits et libertés. L’état d’urgence a conduit à une confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif, en évinçant le juge judiciaire. La LDH a engagé, en conséquence, des recours devant les tribunaux et soulevé la constitutionnalité de ces dispositions, comme cela a été le cas en avril 2017 sur la présente décision.
Le Conseil constitutionnel lui donne une nouvelle fois raison, sur la question des contrôles d'identité et des fouilles de bagages et de visites de véhicules réalisés dans le cadre de l'état d’urgence, sous la seule autorité des pouvoirs administratifs, en les déclarant contraires à la Constitution.
La LDH se félicite de cette décision du Conseil constitutionnel, tout en regrettant que ses effets soient reportés à juin 2018 ; les procédures engagées sur la base de ces dispositions reconnues contraires à la Constitution ne pourront être contestées avant cette échéance.
La LDH réaffirme qu'elle continuera à lutter pour la défense des libertés publiques et individuelles ; la lutte contre le terrorisme devant et pouvant s’inscrire avec efficacité dans un cadre respectueux de l’Etat de droit.

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7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 09:05

Les abeilles ne disparaissent pas sur tout le globe, et leur extinction ne menacerait pas nécessairement toute l’agriculture. Tordre le cou à ces croyances alarmistes doit permettre en revanche de mieux comprendre ce que révèlent les pertes sans précédent que subissent les apiculteurs dans certaines régions du monde, et les lourds dangers que portent les mutations profondes des systèmes agricoles. Par Raúl Guillén, journaliste et ouvrier apicole, pour Le Monde Diplomatique de décembre 2017. Lire aussi Une disparition des abeilles coûterait 3 milliards et A t-on résolu le mystère du déclin des abeilles ?.

Matt McKee. — « Honey Doo », 2016

Matt McKee. — « Honey Doo », 2016

Dès les premières journées ensoleillées qui précèdent le printemps, les abeilles mellifères (Apis mellifera) sont de sortie. Distincte des autres abeilles sociales ou solitaires, cette espèce originaire d’une région très vaste, qui englobe l’Europe, le Proche-Orient et l’Afrique, a été domestiquée sur toute la planète, avec de nombreuses variétés locales. Serrées en grappe, les butineuses ont traversé les périodes les plus froides dans leurs ruches, ne comptant que sur leurs réserves de miel. C’est le moment pour l’apiculteur de faire ses premières visites... et de constater l’hécatombe.

« Quand j’ai commencé, j’avais 5 % de pertes hivernales. Aujourd’hui, j’en ai 30 % ! », raconte M. Bernard Tiron après trente-cinq ans de métier dans le Valgaudemar (Hautes-Alpes). Depuis les années 1980, la mortalité des abeilles a explosé dans la plupart des régions tempérées du globe : Europe, Japon, Amérique du Sud, Amérique du Nord. Un auteur canadien s’inquiète par exemple pour son pays : « Les taux actuels autour de 25 % sont exceptionnels, et ils seraient catastrophiques d’un point de vue économique s’ils perduraient à moyen terme  (1).  » « Vu les conditions aujourd’hui, si j’avais à me lancer dans l’apiculture, je ne le ferais pas », assène M. Tiron en égrenant les difficultés qu’il a vues apparaître : « Il n’y a plus de fleurs dans les prairies, on fauche avant floraison pour pouvoir avoir deux coupes de foin et faire manger du vert aux vaches afin qu’elles donnent le maximum de lait. Les haies disparaissent aussi. » Quelque chose ne va plus dans les champs où vont butiner les abeilles. « Les variétés de colza ou de tournesol qu’on cultive de nos jours donnent moins de nectar, explique-t-il. Pour la lavande, la floraison durait entre trois semaines et un mois, maintenant juste huit jours. La cueillette des fleurs commençait plus tôt, et les plantations n’étaient pas toutes récoltées dans un court laps de temps. C’était coupé à la main, à la faucille, les abeilles avaient le temps de butiner et de déguerpir devant les paysans. Maintenant, les machines aspirent les fleurs et les butineuses avec ! » Les abeilles elles-mêmes paraissent touchées, conclut M. Tiron : « Les colonies sont moins populeuses et les reines tiennent moins longtemps. Moi, j’avais des ruches qui produisaient avec la même reine trois ou quatre ans. Aujourd’hui, quand une reine vit deux ans, c’est le bout du monde. »

Les raisons de cette dégradation sont multiples, bien que toutes liées à l’intensification de la pression sur l’écosystème à des fins commerciales. En premier lieu intervient le varroa, un acarien qui a infesté la plupart des colonies. Il se reproduit dans le couvain (œufs, larves et nymphes) et se nourrit de l’hémolymphe (« sang » des invertébrés). Cet ectoparasite d’une espèce asiatique fut transmis aux abeilles mellifères européennes dans les années 1950, à l’occasion de leur introduction en Asie orientale, et se répandit rapidement en suivant les voies des échanges planétaires de marchandises. Ces dernières années, un prédateur a emprunté les mêmes chemins et pose déjà des difficultés aux apiculteurs : le frelon asiatique.

À ces conséquences de la mondialisation s’ajoutent les effets des pesticides. Comme on le sait depuis la longue lutte pour la reconnaissance des dangers cancérigènes du tabac, la charge de la preuve devient très lourde — y compris pour les scientifiques — quand il s’agit de produits commercialisés à grande échelle par des sociétés multinationales. Toutefois, plusieurs travaux convergent pour mettre en lumière les répercussions de l’usage des néonicotinoïdes. Une étude récente montre qu’ils tripleraient la mortalité des abeilles sauvages (2), tandis qu’une autre établit un lien entre des colonies d’abeilles mellifères défaillantes et une baisse de la viabilité du sperme des faux bourdons (3).

Où acheter essaims et reines ?

La quantité de ruches a diminué de moitié aux États-Unis et d’un tiers en Europe depuis les années 1960. Et si leur nombre s’est stabilisé autour de 17 millions en Europe et de 2,6 millions aux États-Unis ces dix dernières années, celui des apiculteurs, lui, ne cesse de se réduire (4). Ainsi les exploitations qui restent ont-elles davantage de ruches, de dépenses et de travail à fournir. Aujourd’hui, la question de la reproduction prend le pas sur celle de la production de miel et les oblige bien souvent à acheter des essaims à des apiculteurs spécialisés dans l’élevage. L’Italie est devenue un important fournisseur d’essaims en Europe, tout comme la Nouvelle-Zélande, qui en exporte par avion au Canada (trente-cinq tonnes en 2015) (5). Les apiculteurs doivent aussi élever des reines, ou se les procurer chez des éleveurs professionnels, pour remplacer celles des ruches peu dynamiques et pour accélérer la production de colonies.

Sauf dans de rares régions reculées, l’apiculture n’appartient plus à une économie de cueillette ; depuis longtemps, elle s’inscrit dans une démarche d’exploitation et de transformation du milieu naturel. Karl von Frisch, l’homme qui décrypta le langage des abeilles, l’expliquait déjà en 1963 : « Les apiculteurs ont l’habitude de soustraire tant de miel à leurs colonies que les provisions qu’ils leur laissent ne suffisent plus pour l’hiver. Ils donnent alors à chacune d’entre elles, en automne, deux à cinq kilos de sucre sous forme d’eau sucrée. Cela convient parfaitement aux abeilles et c’est très avantageux pour l’éleveur, puisque le miel a beaucoup plus de valeur que le sucre  (6).  » Les vertus du nourrissage au sucre prônées par von Frisch sont discutées. Mais, si certains tentent de le réduire au minimum, la plupart des apiculteurs recherchent surtout le meilleur type de sirop à utiliser, quand ce n’est pas le moins cher... La lutte contre le varroa implique aussi une ou deux cures par an, soit avec des acaricides synthétiques comme l’amitraze, soit avec de l’acide oxalique, de l’acide formique ou des huiles essentielles.

En Europe et en Amérique du Nord, l’apiculture est de moins en moins une activité d’appoint et de plus en plus un métier à plein temps, avec la dépendance économique que cela entraîne. Les apiculteurs de ces deux régions sont confrontés aux mêmes choix et problématiques que le reste des acteurs agricoles : intrants, coûts d’installation, traitements sanitaires, mode de production, revenus, etc. Ils sont bien placés, certes, pour prendre conscience des effets nocifs de certaines pratiques de leurs collègues agriculteurs. Mais ils subissent des contraintes semblables et ont recours aux mêmes circuits mondialisés de marchandises. Ainsi, le plastique alimentaire commence à remplacer le bois d’importation chez les fournisseurs de matériel apicole, le sucre provient le plus souvent du Brésil, et les mêmes immenses usines chimiques chinoises fabriquent l’amitraze, pour lutter contre le varroa, et l’imidaclopride... le pesticide néonicotinoïde dont on demande l’interdiction au nom des abeilles.

La plupart des apiculteurs des zones tempérées rencontrent de manière plus ou moins prononcée les mêmes difficultés. Mais ce n’est pour l’instant pas le cas partout, notamment en Australie, où la variété d’abeilles mellifères européenne a été introduite. Grâce à une stricte politique de contrôle douanier des espèces animales et végétales, le varroa n’a pas infesté les ruches du pays. En outre, les abeilles y conservent de grands espaces naturels. Résultat, les apiculteurs n’enregistrent pas de pertes exceptionnelles, tandis que des essaims reviennent à l’état sauvage et colonisent certaines zones, au point que les abeilles sont même considérées maintenant comme une espèce invasive. Dans certains parcs protégés, des programmes d’éradication visent à lutter contre la concurrence qu’elles font, de par leurs choix de nidification, à des animaux autochtones.

Dans le reste du monde, le nombre de ruches a plus que doublé durant les cinquante dernières années, si bien que l’on compte aujourd’hui 83 millions de ruches sur l’ensemble du globe, contre 49 millions en 1961  (7). Même si le rythme de destruction des espaces sauvages ne faiblit pas, l’agriculture industrielle intensive ne s’est pas encore répandue aussi massivement, au détriment des habitats naturels, en Afrique subsaharienne et en Amérique tropicale que dans les zones tempérées. En outre, les variétés d’abeilles mellifères d’Afrique tropicale résistent mieux au varroa et sont capables de migrer quand le milieu devient défavorable. L’une de ces variétés (Apis mellifera scutelatta) fut ainsi introduite accidentellement en Amérique tropicale, où elle s’est aussi bien développée que dans sa région d’origine, remplaçant les variétés européennes introduites pendant la période coloniale.

Dans ces régions foisonnent également les colonies sauvages. En Afrique du Sud par exemple, dans une zone moins propice que les forêts européennes pour les abeilles mellifères et dépourvue d’activité apicole, on a retrouvé des densités de 12,4 à 17,6 colonies par kilomètre carré. La même étude donnait pour l’Allemagne, où l’apiculture est bien répandue, des densités de 2,4 à 3,2 colonies par kilomètre carré, ce qui correspond à la densité de ruches tenues par des apiculteurs (8) et à la densité moyenne en Europe (9). À l’inverse, dans certaines régions des États-Unis, et notamment la Californie, on observe la quasi-disparition des colonies sauvages (10). Il apparaît presque certain que les seules abeilles mellifères qui y subsistent ont accompli un processus de domestication et dépendent entièrement des soins des êtres humains. Leur disparition comme espèce sauvage au moins dans une grande partie des régions tempérées et leur transformation en animaux d’élevage, incapables de survivre sans les humains, en dit long sur la perte de biodiversité provoquée par le développement et l’industrialisation de l’agriculture intensive. Tout autant que sur ce qui pourrait advenir dans les régions tropicales, où la destruction des espaces naturels continue à un rythme sans précédent.

Raúl Guillén

(1) Jean-Pierre Rogel, La Crise des abeilles. Une agriculture sous influence, Multimondes, Montréal, 2017.

(2) Ben A. Woodcock et al., « Impact of neonicotinoid use on long-term population changes in wild bees in England », Nature Communications, 16 août 2016, www.nature.com

(3) Jeffery S. Pettis et al., « Colony failure linked to low sperm viability in honey bee (Apis mellifera) queens and an exploration of potential causative factors », Plos One, 10 février 2016, http://journals.plos.org

(4) Dennis van Engelsdorp et al., « A survey of honey bee colony losses in the United States, fall 2008 to spring 2009 », Journal of Apicultural Research, vol. 49, n° 1, 2010.

(5) Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, « Ministry for primary industries 2015 apiculture monitoring programme » (PDF), Wellington, janvier 2016.

(6) Karl von Frisch, Vie et mœurs des abeilles, Albin Michel, Paris, 1969.

(7) Simon G. Potts et al., « Declines of managed honey bees and beekeepers in Europe », Journal of Apicultural Research, vol. 49, no 1, 2010.

(8) Robin F. A. Moritz et al., « The size of wild honey bee populations (Apis mellifera) and its implications for the conservation of honey bees », Journal of Insect Conservation, vol. 11, no 4, décembre 2007.

(9) Rodolfo Jaffé et al., « Estimating the density of honey bee colonies across their natural range to fill the gap in pollinator decline censuses », Conservation Biology, vol. 24, no 2, avril 2010.

(10) Bernhard Kraus et Robert E. Page Jr, « Effect of Varroa jacobsoni on feral Apis mellifera in California », Environmental Entomology, vol. 24, no 6, décembre 1995.

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6 décembre 2017 3 06 /12 /décembre /2017 09:00

Les problèmes de dégradation de l’environnement sont à l’origine de quasiment un décès sur quatre dans le monde, rappelle le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à l’occasion de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, du 4 au 6 décembre. D'après Stéphane Mandard le 4 décembre 2017 pour Le Monde. Lire aussi « On s’est trompé dans notre tactique pour combattre le réchauffement », La pollution, responsable de 9 millions de morts dans le monde par an et Le Conseil d’État enjoint au gouvernement de prendre des mesures urgentes contre la pollution.

A New Delhi, le 10 novembre. Altaf Qadri / AP

A New Delhi, le 10 novembre. Altaf Qadri / AP

« Aucun d’entre nous n’est aujourd’hui à l’abri de la pollution, c’est pourquoi nous devons tous passer à l’action. » Tel est le message du directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Erik Solheim. Il résume le leitmotiv de la troisième assemblée des Nations unies pour l’environnement qui s’est ouverte à Nairobi, lundi 4 décembre, sur le thème de la pollution.

Dans un rapport intitulé « Vers une planète sans pollution », Erik Solheim dresse une liste de cinquante mesures à prendre d’urgence pour s’attaquer aux problèmes de dégradation de l’environnement qui, rappelle-t-il, sont à l’origine de quasiment un décès sur quatre dans le monde. Pollution de l’air, des eaux, des sols mais aussi générée par les produits chimiques et les déchets, les propositions visent toutes les sources et tous les modes de contamination.

La première recommandation est d’« élaborer des politiques et des stratégies sur la qualité de l’air aux niveaux infranational, national et régional pour se conformer aux directives de l’Organisation mondiale de la santé [OMS] ». Aujourd’hui, de nombreux pays ne disposent pas de normes en la matière, et même l’Europe ne respecte pas les recommandations de l’OMS. Ainsi, l’Union européenne fixe une limite d’exposition aux particules fines (PM2,5, inférieures à 2,5 µm) à 25 µg/m3 en moyenne annuelle quand l’OMS recommande un seuil de 10 µg/m3.

Parc mondial 100 % électrique ?

La cinquantième initiative vise à « réduire le gaspillage alimentaire tout au long des chaînes logistiques, y compris au niveau des consommateurs ». Les quarante-huit autres mesures oscillent entre catalogue de bonnes intentions et objectifs plus concrets. Elles suggèrent notamment d’éliminer le mercure d’un certain nombre de produits d’ici à 2020 et des procédés de fabrication avant 2025. Ou encore d’augmenter le traitement, le recyclage et la réutilisation des eaux usées afin de réduire d’au moins 50 % les volumes qui sont rejetés bruts dans les masses d’eau douce naturelles d’ici à 2030. Le rapport recommande aussi de produire exclusivement des véhicules électriques à partir de 2030 pour atteindre un parc mondial 100 % électrique d’ici à 2050.

Au-delà des mesures ciblées, le directeur du PNUE appelle plus globalement à des « actions à l’échelle du système pour transformer l’économie » vers un modèle plus durable. Il avance un argument massue : le marché des biens et services environnementaux, incluant la lutte contre la pollution, devrait dépasser 2 200 milliards de dollars (1 850 milliards d’euros) d’ici à 2020.

Le rapport et ses cinquante propositions devraient inspirer la déclaration politique finale des ministres de l’environnement et les résolutions qui devraient être adoptées à l’issue de l’assemblée, qui se conclura le 6 décembre. Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, présent à Nairobi, et ses collègues, reconnaissent déjà « qu’atteindre une planète sans pollution est une entreprise à long terme ».

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 12:57

A l’occasion de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, du 4 au 6 décembre, entretien avec Maria Neira (OMS), qui pointe les ravages sanitaires causés par le changement climatique. Propos recueillis par Stéphane Mandard le 5 décembre 2017 pour Le Monde. Lire aussi La pollution, responsable de 9 millions de morts dans le monde par an et Le Conseil d’État enjoint au gouvernement de prendre des mesures urgentes contre la pollution.

Brouillard de pollution, à Lahore, au Pakistan, le 9 novembre. ARIF ALI / AFP

Brouillard de pollution, à Lahore, au Pakistan, le 9 novembre. ARIF ALI / AFP

L’Assemblée des Nations unies pour l’environnement se tient à Nairobi, au Kenya, du 4 au 6 décembre. De nombreux ministres vont se réunir à l’occasion de cette troisième édition, qui porte pour la première fois sur le thème de la pollution. Directrice du département santé publique et environnement à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Maria Neira estime qu’il est temps de changer de stratégie et de faire de la lutte contre ses impacts sanitaires l’axe central de la mobilisation contre le changement climatique.

Que pensez-vous du mot d’ordre retenu par l’assemblée des Nations unies pour l’environnement : aller « vers une planète sans pollution » ?

A l’OMS, cela fait longtemps que l’on travaille sur cette question. C’est l’union des forces de la santé et de l’environnement qui va nous permettre de mener cette bataille. Avec nos ministres de la santé, on répète que 12,6 millions de personnes meurent chaque année à cause d’un environnement dégradé. On a commencé à tisser une alliance lors de la COP22 au Maroc, en 2016. Il faut la renforcer, avec un maximum d’agences des Nations unies pour combattre la pollution.

Chaque semaine, une nouvelle étude paraît pour rappeler que la détérioration de la qualité de l’air tue des millions d’individus dans le monde. Mais la communauté internationale a-t-elle pris la mesure de l’urgence à agir ? Non, pas encore. Et ce n’est pas faute d’avoir alerté, avec l’OMS, sur ces chiffres terribles : 6,5 millions de morts prématurées chaque année dans le monde sont liées à l’exposition à un air contaminé. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Il y a comme une sorte de refus à accepter une autre alerte globale en plus de celle sur le changement climatique.

Comprenez-vous que la COP23 ait encore mis la pression sur les Etats au sujet de leurs engagements sur la réduction des gaz à effets de serre mais ne fixe aucun objectif en termes de pollution ?

Jusqu’ici, je crois que l’on s’est trompé dans notre communication en insistant surtout sur le climat et en négligeant les ravages sanitaires causés par la pollution. On a donné l’impression aux citoyens que le changement climatique était quelque chose de lointain, qui va arriver à la planète, toucher les glaciers mais pas eux, et qui va concerner les générations futures mais pas la nôtre.

Lors de la COP23, l’OMS a organisé un événement où on a expliqué combien de morts dues à la dégradation de l’air on pourrait éviter en s’attaquant aux causes du changement climatique. J’espère que cela va provoquer un déclic. Nous avions invité l’ex-gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger. Il m’a lancé : « C’est dommage que je ne vous aie pas rencontrée plus tôt car c’est bien ça l’argument que l’on doit utiliser : la santé ! » Ainsi, 36 % des décès par cancer du poumon, 34 % par AVC et 27 % par infarctus sont liés à la pollution de l’air : ce sont ces chiffres terribles que les gens doivent avoir en tête.

Il faut donc changer d’approche ?

L’argument de la santé humaine peut être une locomotive pour accélérer le combat contre le changement climatique. Quand on parle des conséquences terribles de ce dernier pour la planète, on a tendance à paralyser les gens, on leur donne le sentiment que l’on ne peut rien faire et que les citoyens, eux-mêmes, ne peuvent rien faire. Alors que si on va sur le terrain de la santé, on peut souligner les bienfaits de la lutte contre la détérioration de notre environnement et contre le réchauffement.

La Chine l’a compris et a fait de l’amélioration de l’air sa priorité numéro un. Parce que les habitants de Pékin ne pouvaient plus respirer ! Ils sortaient dans la rue avec des masques qui ne les protégeaient pas. Ils ont quasiment entrepris un mouvement de protestation. La Chine ne pouvait plus le tolérer. D’après Pékin, les premières mesures auraient déjà permis de diminuer de 30 % les admissions hospitalières.

Cette prise de conscience ne semble pas concerner son voisin indien, qui vient encore de connaître un épisode de pollution très intense ?

Ce pays continue à nier la réalité des effets sanitaires. Les habitants de villes comme New Dehli vivent en permanence avec des seuils de pollution de l’air très au-delà des recommandations de l’OMS [10 µg/m³ en moyenne annuelle pour les particules fines PM 2,5] et avec des pics qui atteignent des niveaux absolument choquants : 900 µg/m³ en novembre par exemple. C’est terrible pour les gens qui sont obligés de respirer cet air.

Il faut arrêter avec cette excuse selon laquelle pour se développer économiquement, on est obligé de détruire l’environnement. Ça ne tient plus. Si on prend l’exemple de la Californie, c’était un Etat très pollué avec beaucoup de cas d’asthme et une croissance économique atone. Au nom de la santé, afin de diminuer les hospitalisations, la Californie a mis en marche une politique économique pour produire plus proprement, et la croissance a été renforcée. Et la Chine va nous le prouver à son tour : on peut avoir une croissance économique sans polluer.

L’Inde a-t-elle sollicité votre aide ?

Non, mais contrairement à la Chine, la demande de la société n’y est pas pressante. Pour l’instant, l’Inde se focalise sur les mesures d’urgence, sur la protection individuelle en particulier. Nous, nous voulons nous attaquer aux sources de la pollution. On sait que le dernier épisode était notamment dû à l’incinération des résidus agricoles. Et là, il faut une volonté politique pour agir.

Que dit le ministre de l’environnement indien ?

Il a déclaré que la pollution de l’air était embêtante pour les gens mais qu’elle n’était pas responsable de la mortalité. Les chiffres sont pourtant très clairs : 1,1 million de décès prématurés sont attribués à ce phénomène chaque année dans son pays. Le ministre nous a fait comprendre que ce n’était pas nos affaires. Mais l’OMS n’est pas seulement là pour distribuer des masques comme on nous l’a demandé. Quand il y a un incendie dans une forêt, il faut évacuer les gens, mais il faut surtout éteindre le feu en s’attaquant à ses causes.

En 2020, l’Europe doit abaisser la limite d’exposition aux particules fines PM 2,5 mais à un taux encore deux fois supérieur aux recommandations de l’OMS. En fait-elle assez pour protéger ses citoyens ?

Plus on baisse le niveau de particules fines, mieux ce sera pour nous tous. A l’OMS, nous sommes plus exigeants. Et nous devrions l’être tous car il n’y a pas de niveau acceptable. Zéro émission, ce serait souhaitable. On est en train de réviser les standards de la qualité de l’air. Car l’Europe doit servir de modèle, de locomotive.

On a la preuve scientifique aujourd’hui que les particules fines pénètrent dans les voies respiratoires mais aussi dans le système cardio-vasculaire. Actuellement, on est fixé sur les PM 2,5 parce que c’est le sujet sur lequel on a le plus de données. Mais on va être de plus en plus ambitieux.

Les études scientifiques alertent depuis les années 1980 sur les dangers du diesel. Pourquoi a-t-il fallu attendre 2012 pour qu’il soit classé cancérogène par l’OMS ?

Promouvoir le diesel pour réduire les émissions de CO2 est peut-être une erreur qu’on a faite au nom du changement climatique. Malheureusement, il y a eu un impact dommageable sur la santé. Il faut désormais inclure la réflexion sur la santé publique dans les décisions prioritaires à prendre dans le cadre de la lutte contre le réchauffement.

Comment expliquez-vous que certains pays de l’UE affichent encore une fiscalité jusqu’à 50 % plus favorable pour le diesel ?

Malheureusement, il y a beaucoup de décisions politiques qui échappent aux acteurs de la santé publique, au nom des intérêts économiques et de l’emploi. Ce qui nous inquiète surtout aujourd’hui, c’est où va finir cette flotte de vieux véhicules diesel. Et j’ai déjà une petite idée : les marchés asiatique et surtout africain vont être inondés. On va encore répéter ce cycle d’erreurs.

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 09:02

Il faut stopper ce gigantesque projet de centre commercial et de loisirs. Alors que le Grand Paris cherche sa transition écologique, les terres de Gonesse seraient une chance unique pour le maraîchage de proximité et la permaculture. Tribune collective le 30 novembre 2017. Lire aussi  Pour protéger les terres agricoles, Hulot veut taxer les bétonneurs, Le projet EuropaCity jugé peu compatible avec l'environnement et Le bêtisier d'Europacity, 3. Des emplois inaccessibles à la population locale.

Contre la folie EuropaCity, cultiver le bien commun

Un mastodonte est annoncé aux portes de Paris : à 15 kilomètres au nord du périphérique, à Gonesse, est prévue en 2019 la construction d’un des plus grands centres commerciaux au monde. Son nom ? EuropaCity. Voulu par le groupe de grande distribution français Auchan, cofinancé par le géant de l’immobilier chinois Wanda, ce « pôle de loisirs, de commerces, de culture et d’hôtellerie » engloutirait sous le béton 80 hectares de terres agricoles, parmi les plus fertiles d’Europe.

Les chiffres avancés par EuropaCity donnent le tournis : 250 000 m² consacrés au commerce, 150 000 aux loisirs et 2 700 aux chambres d’hôtel, pour un coût estimé à 3,1 milliards d’euros, auquel il faut ajouter 1 milliard d’euros d’investissement public pour la gare. Immochan, filière immobilière d’Auchan, affiche de grandes ambitions, annonçant plus de 30 millions de visites par an, soit deux fois la fréquentation de Disneyland Paris, première destination touristique en Europe.

Pour concevoir cette nouvelle infrastructure, la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, s’est appuyée sur les dernières trouvailles en marketing, qualifié d’« expérientiel ». Les consommateurs boudent les hypermarchés classiques ? Qu’à cela ne tienne : avec EuropaCity, ils vivront une expérience d’un type nouveau, associant dans un même lieu activités de loisirs, consommation culturelle et shopping. Comme à Dubaï, une piste de neige artificielle permettra de skier en plein été. Et comme au Mall of America de Minneapolis, les visiteurs feront l’expérience du parc d’attractions, du dîner et d’une nuit d’hôtel sur place, sans jamais quitter l’espace prévu à leur intention.

Immochan a cherché à donner au programme une apparence de compatibilité avec les exigences du développement durable : des bâtiments économes en énergie, des espaces verts et même une « ferme urbaine » sont au menu. Mais nul besoin de se livrer à de savants calculs pour mesurer le gâchis que signifierait le bétonnage des terres limoneuses du triangle de Gonesse, idéales pour les céréales et le maraîchage, ou pour entrevoir le bilan énergétique d’un mégacomplexe climatisé dédié à l’hyperconsommation. EuropaCity est en contradiction flagrante avec les engagements pris par la France lors de la signature de l’accord international de Paris sur le climat. Cela se passait en décembre 2015, au Bourget, à quelques encablures du terrain retenu pour EuropaCity.

Le commissaire-enquêteur chargé de rendre un avis sur la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Gonesse ne s’y est pas trompé. Dans son rapport daté du 23 août, il écrit que le projet d’Auchan et son prolongement, le « quartier d’affaires international » prévu sur une superficie qui ferait la moitié de la Défense, sont «peu compatibles avec la notion de développement durable». Au terme d’un examen méticuleux des éléments du dossier, cet expert indépendant a émis un avis défavorable à la révision du PLU de la commune.

Depuis son lancement en novembre 2011, EuropaCity bénéficie pourtant d’un soutien constant des pouvoirs publics : son inscription sur la liste des programmes labellisés « Grand Paris » n’a jamais été remise en cause. Tout se passe comme s’il suffisait qu’un acteur économique annonce, sans arguments sérieux, la création de milliers d’emplois et de « retombées économiques positives » pour qu’élus et ministres oublient les grandes déclarations sur «la maison qui brûle».

En période de chômage, nous dit-on, un investisseur qui promet de créer 10 000 postes, cela ne se refuse pas. Voire… Depuis quarante ans, la prolifération de centres commerciaux et de zones d’activités aux portes des villes françaises détruit les emplois dans les commerces de proximité et dévitalise les centres-villes. Aujourd’hui, elle menace même les grandes surfaces existantes. Le triangle de Gonesse illustre ce phénomène de cannibalisation des commerces entre eux, puisque la zone est bordée de quatre centres commerciaux qui peinent déjà à trouver leur clientèle et qui perdront au moins 3 000 emplois si le projet d’Auchan voit le jour.

EuropaCity semble rescapé d’une autre époque. Nous savons que ces investissements tombés du ciel ne peuvent nous sauver. Les emplois d’avenir viendront surtout des filières non délocalisables, des métiers de la production et de la transformation agricoles, de l’éco-construction, de la rénovation, de la réparation et de la mobilité durable.

Il est urgent de sortir d’une vision verticale et paternaliste du développement. L’aménagement du triangle de Gonesse doit associer les habitants des environs, les riverains vivant dans les cités comme ceux des pavillons. Si l’on veut réduire l’empreinte écologique et ressouder nos communautés émiettées, il faut stopper l’artificialisation des terres arables et renoncer aux équipements hors-sol.

Des métropoles européennes, comme Barcelone et Milan, l’ont compris et ont fait le choix de protéger leur patrimoine agricole. Au moment où le Grand Paris cherche de quoi sera faite sa transition écologique, les terres de Gonesse, d’une exceptionnelle qualité agronomique, constituent une chance unique. Il faut y installer du maraîchage de proximité, encourager la permaculture et l’agroforesterie. Quant aux circuits courts avec les habitants des alentours, que tout le monde appelle de ses vœux, c’est le cadre idéal pour l’expérimenter à grande échelle. Le projet alternatif Coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole d’avenir (Carma) a calculé que le terrain permettrait d’alimenter en légumes sains les cantines et les hôpitaux des villes environnantes. Constitué de citoyens du Val-d’Oise et de la Seine-Saint-Denis, le Collectif pour le triangle de Gonesse a raison de combattre EuropaCity. Nous, signataires de cette tribune, soutenons leur lutte et demandons aux élus des communes concernées, du Grand Paris et du conseil régional ainsi qu’à l’Etat de renoncer à ce complexe pharaonique et ruineux. L’heure est venue de se libérer de la croissance économique considérée comme un dogme et de soutenir les initiatives locales de mise en valeur des biens communs. Il est urgent de revenir sur terre.

Signataires de la tribune, philosophes, économistes, écrivains, enseignants, climatologues, sociologues, urbanistes, paysagistes, architectes, anthropologues, paysans, ministres… : Clémentine Autain, Jean-Christophe Bailly, Delphine Batho, Mehdi Belhaj Kacem, Eric Berr, Frédéric Bonnet, Patrick Bouchain, Dominique Bourg, José Bové, Daniel Breuiller, Gilles Clément, Yves Cochet, Julie Collombat-Dubois, Olivier De Schutter, Philippe Descola, Marie Desplechin, Annie Ernaux, Dominique Gauzin-Müller, Roland Gori, Emilie Hache, Rob Hopkins, Eva Joly, Jean Jouzel, Jean-François Julliard, Naomi Klein, Christiane Lambert, Corinne Lepage, Emily Loizeau, Noël Mamère, Dominique Méda, Olivier Mongin, Edgar Morin, Fabrice Nicolino, Francis Palombi, Thierry Paquot, Pierre Rabhi, Marie-Monique Robin, Bernard Stiegler, Patrick Viveret…

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2 décembre 2017 6 02 /12 /décembre /2017 09:06

La signature le 28 novembre 2017 d’une convention et d’un accord-cadre marque l’importance du travail partenarial qui s’engage entre les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA), le Ministère de la transition écologique et solidaire et l’ANSES pour améliorer les connaissances sur les pesticides dans l’air ambiant et l’exposition des populations. Alors que le feuilleton de la ré-autorisation du glyphosate par l'Union Européenne, cf. Paris s'opposera à la réautorisation du glyphosate, Glyphosate, un herbicide dans nos assiettes, Perturbateurs endocriniens : le vote camouflet du Parlement européen

et Glyphosate : les eurodéputés pour une interdiction d’ici à cinq ans, la Commission revoit sa copie et décide de reporter le vote, s'est conclu par une nouvelle autorisation pour 3 ans, un communiqué de presse des associations surveillant la qualité de l’air en France en partenariat avec l’ANSES.

Des militants antipesticides à Toulouse, le 22 novembre. REMY GABALDA / AFP

Des militants antipesticides à Toulouse, le 22 novembre. REMY GABALDA / AFP

Les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA), que fédère ATMO France, collectent depuis près de 20 ans des données sur les concentrations en pesticides dans l’air ambiant. Ces premières campagnes territoriales ont permis de mettre en évidence la présence de pesticides dans l’air près des zones agricoles comme dans les villes, ainsi que de montrer que l’exposition par la voie aérienne représente une composante importante dans l’exposition totale aux pesticides.

Dans un récent rapport1, la Cour des Comptes a recommandé à l’État de « rendre obligatoire la surveillance par les AASQA de la présence dans l’air des pesticides les plus nocifs ».

Suite à sa saisine conjointe des ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et du travail2, l’ANSES vient de définir la liste minimale des pesticides à surveiller, à partir notamment de la capitalisation du retour d’expérience des AASQA.

Une campagne exploratoire de surveillance des pesticides dans l'air dès 2018

Les AASQA, dont l’expertise en matière de surveillance de la qualité de l’air est reconnue, vont mettre en oeuvre dès 2018 cette première campagne exploratoire nationale de mesures qui s’appuie sur les recommandations3 de l’ANSES ainsi que sur un protocole à venir élaboré conjointement entre l’INERIS et des AASQA.

Cette campagne concernera près de 90 substances prioritaires identifiées en fonction de leur présence avérée dans l’air et de leur potentiel danger, en France métropolitaine comme dans les régions d'outre-mer de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et de la Réunion.

Le lancement de cette campagne nationale s'inscrit désormais dans le cadre de l'arrêté du 10 mai 2017 établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) pour la période 2017-2021 qui prévoit d'évaluer et de réduire la présence des pesticides dans l'air.

Le retour d'expérience de cette campagne exploratoire permettra de définir potentiellement une stratégie nationale de surveillance en la matière.

L’objectif est d'évaluer l'exposition moyenne de la population à cette pollution de fond mais aussi d'identifier d’éventuelles situations de surexposition (professionnels, riverains, ..) et de faire la part des choses entre les différentes expositions (air, eau, alimentation, contact) pour chacune des substances.

La fiscalité sur les pesticides finance la majorité de cette campagne (via l’ANSES), l'autre partie de financement étant assurée via les crédits annuels du Ministère de la transition écologique et solidaire aux AASQA.

Une campagne inscrite dans un dispositif plus global de vigilance

L’ANSES pilote par ailleurs un dispositif de phytopharmocovigilance (PPV), dont les AASQA sont partenaires et qui vise à mieux connaître et évaluer les effets indésirables des pesticides sur la santé et les écosystèmes.

La PPV repose sur la collecte et l’analyse de données provenant de trois types de sources :

• un réseau de surveillance, c’est-à-dire de recueil systématique, structuré et pérenne de données par des organismes partenaires participant à la PPV,

• la réalisation d’études ponctuelles afin de produire des connaissances manquantes,

• le signalement spontané à l’Anses par les producteurs et utilisateurs de pesticides de toute information relative à un incident, accident, effet indésirable d’un pesticide.

Partenaire de ce dispositif, ATMO France a signé un accord-cadre avec l’ANSES, conformément à l’arrêté du 16 février 20174. Cet accord encadre la fourniture par les AASQA de leurs données de mesure des pesticides dans l’air et leur contribution à améliorer les connaissances des molécules concernées mais aussi l’enregistrement de toutes concentrations inhabituelles.

À terme, ces travaux permettront de mieux évaluer l’exposition chronique de la population générale et les risques sanitaires associés, d’informer la population et de prendre des mesures adaptées si nécessaire. Ils rendront aussi possible une meilleure connaissance de la contribution de l’exposition par l’air ambiant à l’exposition totale aux pesticides, pour tenir compte de l’ensemble des milieux et des voies d’exposition dans l'évaluation des risques.

Guy Bergé, Président d’ATMO France

 

 (1) Cour des Comptes - 21/01/16 Recommandation n°6 : https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-politiques-publiques-de-lutte-contrela-pollution-de-l-air

( 2) Saisine du 3/09/2014 relative à la proposition de modalités pour une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant

(3) https://www.anses.fr/fr/content/recommandations-de-l%E2%80%99anses-pour-la-mise-en-%C5%93uvre-d%E2%80%99une-surveillance-nationale-des-pesticides

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