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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

4 mars 2021 4 04 /03 /mars /2021 09:08

Deux récentes affaires portées devant les tribunaux laissent espérer que le temps de l’impunité touche à sa fin pour les pollueurs et les décideurs publics tentés par le laisser-faire. Tribune de Valérie Cabanes, membre de la fondation Stop écocide, et Marie Toussaint, eurodéputée EELV, cofondatrices de Notre affaire à tous, publiée le 25 février dans Politis. Lire aussi L'Etat est jugé responsable de son inaction climatiqueLes hommes ont conscience de transformer le climat bien avant la révolution industrielle et La justice enjoint l'État de respecter ses engagements climatiques.

Marche pour le climat à Paris le 16 mars 2019 (AFP)

Marche pour le climat à Paris le 16 mars 2019 (AFP)

Les principaux émetteurs de CO2 aussi bien que les autorités publiques doivent réfléchir à deux fois avant de persister à ne pas prendre en compte les réalités écologiques. Les temps changent, et l’impunité et l’irresponsabilité semblent désormais de moins en moins tolérables. Deux décisions de justice rendues en février ouvrent ainsi enfin la voie à l’établissement d’une responsabilité dans le dérèglement climatique et annoncent une révolution bien plus importante.

La première est celle de l’Affaire du siècle. Le 3 février, le tribunal administratif de Paris donnait raison aux quatre associations ayant lancé en décembre 2018 ce recours contre l’État français pour inaction climatique. Notre affaire à tous, Greenpeace France, la Fondation Nicolas-Hulot et Oxfam France, soutenues par de nombreuses personnalités et jusqu’à 2,3 millions de citoyen·nes, faisaient alors condamner l’État pour son inaction climatique et l’irrespect du budget carbone français. Si les juges se sont laissé deux mois pour déterminer s’ils demanderont des mesures de réparation et formuleront des injonctions pour orienter l’action de l’État à l’avenir, ils ont d’ores et déjà établi que le dérèglement climatique constitue un préjudice écologique pour lequel des responsabilités peuvent être établies et réparties. Ils ont aussi défendu le fait que les émissions de CO2 devaient être prises en compte dans la durée : plus précisément, sur cent ans.

La deuxième décision est plus discrète et peut sembler anodine : il n’en est rien. Le 11 février, le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Total, la firme française la plus pollueuse, dans l’affaire l’opposant à quinze collectivités et quatre associations (Notre affaire à tous, Sherpa, ZEA Océans et Éco Maires) pour manquement à son devoir de vigilance climatique. Comme nombre de firmes pollueuses mises en cause, Total agit de sorte à reporter le procès et à être jugée par des magistrats qu’elle considère comme plus amis de sa cause : ceux du tribunal de commerce. Peine perdue : les juges de Nanterre ont considéré que « la lettre » des dispositions relatives au devoir de vigilance « commande un contrôle judiciaire ».

Récemment renommée TotalEnergies pour appuyer une stratégie supposément vouée à la lutte contre le dérèglement climatique et au déploiement des renouvelables, la firme persiste à investir dans les énergies fossiles et à entraver l’accès à la justice des défenseurs et défenseuses de la planète : elle a annoncé dans la presse faire appel de cette décision. Mais l’espoir semble enfin permis, car la bataille légitime des ONG et des collectivités pour l’intérêt général rencontre l’action des juges pour défendre leurs compétences et l’office qui est le leur : rendre justice au nom de toute une société.

Photo AFP - JULIETTE AVICE Hans Lucas

Photo AFP - JULIETTE AVICE Hans Lucas

Ces deux décisions sont importantes d’abord en ce qu’elles mettent un coup d’arrêt à la fuite en avant des pollueurs et des décideurs publics supposés tout faire pour les empêcher de détruire le vivant. Grandes firmes et États ayant succombé à leurs stratégies d’influence pour permettre et faciliter l’usage des énergies fossiles et la poursuite des émissions de gaz à effet de serre auront désormais des comptes à rendre. Et les stratégies d’évitement judiciaire ne porteront plus aussi aisément leurs fruits que par le passé.

Ces décisions constituent ensuite une promesse et annoncent un mouvement global de montée en puissance de la prise en charge juridique de la protection de l’environnement. L’Affaire du siècle viendra ainsi certainement nourrir la décision des juges vis-à-vis de Total, quand le conflit de juridiction aura enfin pris fin. Car elle a ouvert la voie à l’établissement d’une responsabilité climatique pour tout acteur : public ou privé.

Ces deux décisions sont enfin un signe d’espoir pour la lutte contre d’autres activités nuisibles mais sciemment poursuivies par les grands pollueurs, dont les producteurs de pesticides. En France, l’usage de ces derniers a en effet augmenté de 25 % en dix ans, malgré les engagements pris en 2007 de le réduire de moitié d’ici à 2025 ; la responsabilité des producteurs de pesticides aussi bien que des autorités publiques est à juste titre soulevée.

La fuite en avant des entreprises les plus pollueuses ne peut et ne doit plus durer. En France comme ailleurs, ces firmes sont rattrapées par la détermination de celles et ceux qui demandent justice, et par la justice elle-même. Avant même la reconnaissance de l’écocide, qui viendra, inexorablement, condamner et donc prévenir ces actes de destruction de la planète et de l’avenir, commis et réitérés en toute connaissance de cause.

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3 mars 2021 3 03 /03 /mars /2021 09:26

Du 26 au 28 février, la session finale de La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a jugé sévèrement la « prise en compte » de ses propositions par le gouvernement. Le projet de loi climat autant que l’attitude déloyale du Président de la République ont été décriés. D’après AFP, Emilie Torgement pour Le Parisien et Gaspard d’Allens pour Reporterre, le 1er mars 2021. Lire aussi Cent-dix organisations de la société civile appellent à plus d'ambition pour la loi Climat et résilience, L'Etat est jugé responsable de son inaction climatiqueLa Convention Citoyenne pour le Climat passée du « sans filtre » aux cents filtres et Cinquante propositions de la convention citoyenne pour « porter l’espoir d’un nouveau modèle de société ».

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

Thierry Pech, coprésident de la gouvernance de cette expérience de démocratie participative
inédite en France, a conclue de sa voix douce le dernier jour de la dernière session. En tout, dix-sept mois d’investissement et lors de cette ultime rencontre — en visioconférence, Covid oblige — s’exprimait une déception généralisée. Leur ressentiment ne faisait plus aucun doute. Après des mois à subir, plus ou moins en silence, le sabotage de leurs propositions par le gouvernement, les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont enfin pu lui répondre. Lors de leur dernière et ultime session, du vendredi 26 février au dimanche 28, le sentiment de trahison était palpable, la colère débordante. Invités à se prononcer sur la manière dont le chef de l’État avait repris ou non leurs mesures, les citoyens lui ont envoyé un verdict aussi cinglant qu’une gifle.

Captation de la vision conférence de la Convention citoyenne pour le climat, le 28 février.

Captation de la vision conférence de la Convention citoyenne pour le climat, le 28 février.

Réunis en visioconférence pendant trois jours, les citoyens ont pris successivement la parole derrière leurs écrans respectifs. L’âpreté du dispositif numérique n’a pas atténué leur détermination. Dès vendredi matin, ils ont commencé à tirer à boulets rouges sur l’exécutif. « Nos mesures ont été transformées en mesurettes », s’est ainsi plainte Brigitte. « On est venu nous chercher pour faire un travail mais finalement, nos avis, ils n’en tiennent pas compte », a regretté Benoît. Thierry, lui, a dénoncé « une fumisterie », « le gouvernement nous a méprisés » . « On a été pigeonné », a ajouté Nicolas. « On s’est servi de nous comme d’un mouchoir de poche », a poursuivi Nadine.

Tous ont en ligne de mire le manque d’ambition du projet de loi Climat qui sera débattu à l’Assemblée nationale en mars. « Il y a tromperie sur le produit et je pèse mes mots », a déclaré Claude. « On est écœuré, c’est riquiqui ce qu’il contient par rapport à ce que l’on avait proposé », a enchaîné Yolande. « Il ne s’agit pas d’être pessimiste ou optimiste mais d’être réaliste », a continué Jean-Pierre. « Je constate le peu d’exigence du gouvernement envers lui-même. Il n’est pas à la hauteur de ses propres objectifs. Son projet de loi trompera sûrement une partie de la population mais il ne trompera pas le climat ».

Manifestation d'humeur des conventionnels le 28 février.

Manifestation d'humeur des conventionnels le 28 février.

Vendredi, les citoyens ont joué au « jeu des 146 différences » en comparant leurs propositions à celles, édulcorées, du gouvernement. Après un examen détaillé de plusieurs heures, ils ont pu constater que toutes les mesures significatives avaient été abandonnées ou revues à la baisse. « Le manque de loyauté » du président de la République a été pointé du doigt. Il avait pourtant promis de transmettre « sans filtre » les propositions des citoyens soit au Parlement soit par référendum.

« Notre travail a accouché d’une souris et on ne peut pas s’en contenter, a estimé Pierre. Tout retard pris sur nos engagements nous précipite vers l’emballement climatique et la fin de l’humanité. C’est criminel. Il n’y a pas de compromis possible ».

Les mesures du gouvernement permettront-elles de réduire de 40 % les émissions ? Note moyenne des réponses : 2,5 sur 10.

Les mesures du gouvernement permettront-elles de réduire de 40 % les émissions ? Note moyenne des réponses : 2,5 sur 10.

« Ce n’est pas une condamnation mais une demande de sursaut »

Dimanche, les citoyens étaient invités à une série de votes pour évaluer précisément comment les mesures de la Convention avaient été prises en compte par le gouvernement. Le scrutin s’est métamorphosé en un vote sanction. Sur les six grands thèmes « consommer », « se nourrir », « se loger », « se déplacer », « produire et travailler », « gouvernance », le gouvernement n’a jamais obtenu la moyenne. Ses notes ont tourné autour de 3/10.

La traduction des objectifs emblématiques de la Convention a été durement jugée : « Limiter les effets néfastes du transport aérien » a obtenu 2,8 de moyenne. Pour rappel, le gouvernement souhaite interdire les vols aériens si une alternative en train existe en moins de deux heures trente. La Convention proposait quatre heures.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

« L’introduction dans le droit d’un délit d’écocide », largement remanié (et atténué) par l’exécutif a obtenu une note de 2,7/10, la régulation de la publicité 2,6. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les autoroutes et les voies rapides 2,5. Dès juin dernier, Emmanuel Macron avait abandonné la proposition phare de la Convention qui voulait limiter la vitesse sur les autoroutes à 110 kilomètres/ heure.

Une vingtaine de citoyens ont systématiquement voté zéro. Ils y ont vu le dernier outil à leur disposition pour enjoindre les parlementaires et le gouvernement à être plus ambitieux. « Ce n’est pas une condamnation mais une demande de sursaut », considère Hubert. Il n’empêche qu’avec ces résultats, le gouvernement est renvoyé à l’image d’un cancre en matière d’écologie. « Il pourra toujours se rattraper à l’oral avec les amendements », s’est amusée Évelyne lors du débat. Après avoir infantilisé les Français tout au long de son quinquennat, Emmanuel Macron a été remis à sa place par de simples citoyens tirés au sort.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

« Pourquoi on laisse les gros industriels faire la loi ? »

À la question générale : « Quelle est votre appréciation de la prise en compte par le gouvernement des propositions de la Convention citoyenne ? », les citoyens ont encore une fois sorti le stylo rouge et donné une note moyenne de 3,3/10. À la seconde question qui se demandait si les décisions du gouvernement permettaient « de s’approcher de l’objectif de diminution d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 », les membres ont répondu plus sévèrement : 2,5/10 seulement.

Au cœur de leurs discours, les membres de la Convention ont aussi insisté sur le travail de sape des lobbies. Ils ont vécu, en accéléré, la violence de la Ve République gangrenée par les groupes d’intérêts. Ils se sont heurtés au plafond de verre de l’oligarchie et en ont fait l’amère expérience. « Le Medef et les cabinets d’audit nous ont planté un coup de poignard dans le dos », a jugé avec le recul Sylvain. « Pourquoi on laisse les gros industriels faire la loi ? s’est demandé Grégory. Moi je suis électricien. Si je fous le feu à votre maison, vous me virez, alors pourquoi on ne fait pas pareil ? C’est gens-là sont des criminels. Ils détruisent notre avenir à tous ».

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

Selon Samyr, la Convention citoyenne devait permettre une nouvelle approche. Mais sa conclusion en demi-teinte est « révélatrice de la crise démocratique ». « Le filtre de l’argent a triomphé », pour Murielle. « C’est un mauvais signal qui risque encore de nourrir la défiance vis-à-vis de la politique », s’est inquiété Mickaël.

À l’avenir, les Conventionnels souhaiteraient reproduire l’expérience mais voudraient que celle-ci soit mieux définie juridiquement pour éviter les déconvenues. D’ici là, ils vantent, tous, la métamorphose individuelle qu’ils ont vécue pendant ces dix-huit mois. « Une expérience riche qui change la vie » : « Je ne sais pas vous, mais moi maintenant je lis des projets de loi au petit déjeuner le dimanche matin », a raconté, souriante, Mélanie. Elle est aussi devenue maire de son petit village dans la Sarthe.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

La dernière session se finissant, les membres de la Convention ne semblent pas vouloir se quitter. « On est tous devenus des soldats en lutte contre le réchauffement climatique » a expliqué Pierre. Pour Claire, c’est déjà ça. « Aujourd’hui, il y a 150 Français en colère qui sont devenus militants pour le climat. Emmanuel Macron a fabriqué 150 citoyens qui ne vont pas voter pour lui en 2022 ».

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2 mars 2021 2 02 /03 /mars /2021 09:01

119 député·e·s européen·ne·s français·e·s et sénateurs et sénatrices français·e·s ont rejoint jeudi 25 février la campagne « Secrets toxiques ». Ils dénoncent les « failles » du système d’évaluation des pesticides et demandent à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de revoir ses procédures pour prendre en compte les « effets cocktail » de toutes les substances toxiques présentes dans les pesticides. À défaut de changer ses méthodes d’évaluation, l’Efsa sera traduite devant la Cour de justice européenne. D’après Jean-Jacques Régibier pour l’Humanité et Stéphane Mandard pour Le Monde. Lire aussi Le gouvernement fait régresser le droit de l’environnement, 32 pesticides cancérogènes identifiés dans l'airLancement d'une pétition européenne pour interdire les pesticides de synthèse et Glyphosate : la justice française annule une autorisation de mise sur le marché alors que les autorités sanitaires européennes ont plagié Monsanto pour l’autoriser en 2017.

Les « Secrets toxiques » de l’Autorité européenne de sécurité des aliments menacés d’un procès pour inaction

C’est une étude accablante, parue dans la revue Food and Chemical Toxicologyqui a donné l’alerte, en octobre 2020. Dans leurs résultats, les chercheurs Gilles-Éric Séralini et Gerald Jungers révèlent que 14 herbicides estampillés « sans glyphosate » contiennent des substances très dangereuses qui ne figurent nulle part sur l’étiquette. Parmi ces produits toxiques, des métaux lourds, de l’arsenic, du cuivre, du plomb, du nickel ou des hydrocarbures, certains étant des cancérigènes reconnus par le Centre international de recherche contre le cancer, c’est le cas du benzo(a)pyrène.

Fraude à l’étiquetage

Le 1 er décembre 2020, un collectif d’associations, parmi lesquelles Générations futures, Nature & Progrès ou Campagne Glyphosate France, lance la campagne « Secrets toxiques », qui reçoit le soutien de 14 000 pétitionnaires. Ils déposent plainte contre X au tribunal de Paris pour fraude à l’étiquetage sur les 14 herbicides mis en cause, mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement, ainsi que contre l’État français pour carences fautives.

« Les entreprises qui produisent ces pesticides sont tenues de déclarer tous leurs composants. Si ces poisons ne figurent pas sur les étiquettes, l’autorisation de commercialisation peut tomber en 24 heures », explique Gilles-Éric Séralini lors de la présentation, jeudi dernier, de la mise en demeure qui venait d’être adressée à l’Efsa, l’agence européenne chargée de l’évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires. C’est en effet cette agence, l’une des principales de l’Union européenne, censée protéger la santé de 500 millions de personnes, qui doit garantir que les pesticides employés ne sont pas dangereux pour la santé humaine.

Un effet cocktail passé sous silence

Or, selon Guillaume Tumerelle, l’avocat de « Secrets toxiques », on trouve dans certains pesticides jusqu’à 70 % de produits qui ne sont pas connus. «L’Efsa n’étudie que la substance déclarée active par l’industriel, comme le glyphosate, mais sans regarder son effet cumulé avec d’autres substances présentes dans le produit final, ce que les scientifiques appellent “l’effet cocktail”, c’est-à-dire le mélange caché de nombreux produits toxiques », explique l’avocat, qui dénonce l’attitude de l’agence européenne, accusée d’être complice du silence des industriels du secteur. L’agence européenne affirme que ce sont les Etats membres qui évaluent ou réévaluent la sécurité de la formulation complète des pesticides vendus sur leur territoire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui [en France] avec l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail] qui ne vérifie pas les effets à long terme de toxicité ou cancérogénicité des produits commercialisés. »

Ainsi, le glyphosate (substance active) est évalué et autorisé au niveau européen par l’EFSA, mais sa formulation commerciale (l’herbicide Roundup de l’entreprise Monsanto) est évaluée en France par l’Anses. Aussi, les parlementaires et les associations envisagent également d’envoyer une « mise en demeure » à l’Anses pour exiger le retrait des quatorze pesticides incriminés ainsi qu’« une meilleure évaluation systématique des pesticides avant la mise sur le marché ». Pour les élus, la prise en compte de l’ensemble des substances entrant dans la composition d’un pesticide (« le premier et peut-être le plus important des “effets cocktails” ») doit avoir lieu « dès la procédure d’autorisation ou de renouvellement d’une substance active déclarée ».

Pour l’instant, un courrier a été adressé, jeudi 25 février, à l’EFSA, pour la sommer de produire les études complètes qui permettront de révéler la totalité des produits qui composent les pesticides incriminés. Une première étape qui pourrait aboutir à une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) si l’autorité n’apporte pas de réponse jugée satisfaisante dans un délai de deux mois. Parmi les signataires, on trouve des parlementaires écologistes et de gauche, français et européens comme Yannick Jadot, mais aussi José Bové, Vandana Shiva ou Delphine Serreau qui font partie du comité qui soutient la plainte.

« L’agence européenne met sur le marché des produits qui peuvent tuer les gens alors que le Centre international de recherche sur le cancer, qui est une émanation de l’OMS, exige que l’ensemble des substances qui entrent dans la composition des pesticides soient évaluées, et pas seulement le glyphosate », explique la députée européenne Michèle Rivasi (Verts-ALE).

« Des alternatives existent »

L’eurodéputé Verts Benoît Biteau, lui-même agriculteur, assure que « des alternatives existent », et qu’il est possible, comme lui-même le pratique sur son exploitation, de cultiver sainement sans aucun produit toxique. Claude Gruffat (Verts-ALE) insiste lui aussi pour que l’évaluation de l’Agence européenne porte sur la totalité des substances qui composent les pesticides. « Les fabricants ont menti sur leurs produits », dénonce-t-il, expliquant que les « effets cocktail n’ont jamais été pris en compte ».

Les associations engagées dans l’action en justice contre l’Efsa exigent un changement complet des méthodes d’évaluation de l’Agence européenne qui ne permettent pas actuellement de révéler les substances chimiques cachées, dangereuses pour la santé humaine. « Si l’Efsa n’a pas répondu sous deux mois, elle se trouvera dans une situation grave et sera accusée de compromission », prédit Gilles-Éric Séralini, le chercheur qui a révélé l’existence des produits cachés.

De puissants lobbies

«Il s’agit non seulement de défendre la santé et l’environnement, mais également d’une question de transparence et d’un enjeu démocratique majeur. Les industriels des phytosanitaires ne peuvent pas faire la loi », dénonce le député européen FI Manuel Bompard (GUE), qui relie le combat pour la transparence dans la composition des pesticides à une lutte globale pour l’agroécologie et une nouvelle politique agricole commune.

Pour le député européen Éric Andrieux (S et D), l’action engagée par le collectif « Secrets toxiques » est « le début d’un long processus où seront pointées les inconséquences de la Commission européenne ». Il met également en garde contre la puissance des lobbies industriels auxquels ONG, députés et citoyens vont devoir faire face.

La très lourde condamnation, cette semaine, par le tribunal de Libourne de l’association Alerte aux toxiques et de sa porte-parole Valérie Murat, qui avait publié des analyses révélant la présence de pesticides dans 22 vins de Bordeaux labellisés « Haute valeur environnementale » (HVE), semble confirmer ses craintes.

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1 mars 2021 1 01 /03 /mars /2021 10:01

(...) La surexploitation du foncier, accélère l’imperméabilisation des sols et détruit la capacité des écosystèmes à créer des îlots de fraîcheur, une captation naturelle du CO2 à travers les arbres et la photosynthèse, dégrade les conditions de vie à travers une surdensification dans les lieux d’habitation. Tribune de Jérôme Gleizes, enseignant à Paris 8 parue le 25 février dans Politis. Lire aussi Les zadistes de Gonesse ont-ils raison de s’opposer à une gare en plein champ ? Propositions pour un retour sur Terre, Le gouvernement abandonne Europacity, pas l’artificialisation des terres agricolesLes Jeux olympiques sont le prétexte à la bétonisation de l’Île-de-France et Les députés débattent de nouveau de l’accaparement des terres agricoles.

La tragédie des communs, de Garrett Hardin (nouvelle édition 2018).

La tragédie des communs, de Garrett Hardin (nouvelle édition 2018).

Les écologistes s’opposent souvent à la gauche non écologiste sur des programmes immobiliers, comme dernièrement à Paris (1). Faut-il consacrer le foncier des villes à la construction de logements sociaux ou de jardins ? Par son opposition au logement social, la droite s’affiche souvent du côté des écologistes et la gauche non écologiste crie alors à la trahison de classe. Critique que nous entendons moins quand cette même gauche s’allie avec cette même droite pour défendre des grands projets inutiles comme la tour Triangle. Pourtant, cette opposition est fondée sur la « tragédie des communs » présentée par Garrett Hardin en 1968 (2). La surexploitation d’une ressource, ici le foncier, accélère l’imperméabilisation des sols et détruit la capacité des écosystèmes à créer des îlots de fraîcheur, une captation naturelle du CO2 à travers les arbres et la photosynthèse, dégrade les conditions de vie à travers une surdensification dans les lieux d’habitation.

Pendant longtemps, la défense d’une mixité entre le logement et les espaces verts a été défendue, mais aujourd’hui cela bute sur l’insoutenabilité du développement des villes. Celles-ci vont devenir de plus en plus invivables, en raison notamment de l’augmentation accélérée des températures, du déplacement des populations paupérisées vers les villes qui concentrent de plus en plus les richesses, de la montée des eaux sur les côtes…

Face à cela, les scientifiques disent qu’il reste une décennie pour agir avant de sombrer dans des processus irréversibles. Cela signifie qu’il faut sanctuariser tous les espaces non bâtis, voire déconstruire la ville, revoir donc la logique des plans locaux d’urbanisme, en finir avec cette vision de répartition équilibrée des fonctionnalités des villes pour centrer le développement de celles-ci sur leur résilience et donc le renforcement de la nature en leur sein. Le choix ne se limite pas entre l’étalement urbain, qu’il faut nécessairement arrêter, et la densification. Il faut réhabiliter l’aménagement des territoires car la densification humaine a été variable selon les territoires et les périodes. Aujourd’hui, des territoires ont été désertés car « pas assez productifs », alors que d’autres concentrent des personnes en très grande précarité.

Par ailleurs, nous devons revisiter la question du logement social en ne nous focalisant pas uniquement sur l’offre mais aussi sur les prix. La hausse du prix de l’immobilier compte plus dans le départ des classes populaires du centre des métropoles que l’insuffisance de l’offre. Depuis les travaux d’Alain Lipietz, nous savons que le marché ne permet pas de répartir équitablement la construction des logements entre le privé et le social à cause de la rente foncière (3) qui surenchérit le coût du logement dans les métropoles. Une dissociation entre le prix du foncier et le bâti, comme le permet l’office foncier solidaire, permet de limiter cette rente. Ici comme ailleurs, il faut revoir nos certitudes pour mettre en œuvre les politiques publiques qui rompent avec un productivisme dangereux pour nos sociétés.

(1) « À quoi joue Ian Brossat ? », Pierre Jacquemain, 26 janvier 2021, www.regards.fr

(2) « The Tragedy of the Commons », Garrett Hardin, Science, vol. 162. Paru en 1968, Garrett Hardin y montre comment une situation de libre accès à une ressource limitée, et pour laquelle la demande est forte, mène inévitablement à sa surexploitation et à sa disparition. Dans une telle situation, le progrès technique devient alors un accélérateur d’épuisement irréversible, et non plus une réponse à un problème. Il apparaît alors – et c’est pour ainsi dire pour la première fois – que certains problèmes ne disposent d’aucune solution technologique, et que les biens communs demandent une gestion et une législation particulières devenues urgentes.

(3) « Le tribut foncier urbain aujourd’hui : le cas de la France », Alain Lipietz, Les Cahiers marxistes, n° 243, février-mars 2013.

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27 février 2021 6 27 /02 /février /2021 09:08

Dans un avis rendu jeudi 25 février 2021, l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) ouvre la voie au prolongement de la durée de vie des plus anciennes centrales. Initialement conçus pour fonctionner quarante ans, les 32 réacteurs de 900 mégawatts d’EDF sont les plus anciens en fonctionnement en France. D'après Loup Espargilière pour Vert.eco et Perrine Mouterde pour Le Monde. Lire aussi « L’état du parc nucléaire français est préoccupant », Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat, Ces déchets nucléaires près de chez vous, Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé, Le plan Hercule du gouvernement : découper EDF pour nationaliser le nucléaire et privatiser ce qui marche ? et « Enfouir les déchets nucléaires est la pire des solutions ».

La centrale du Bugey est dotée de 4 unités de 900 MW chacune, mises en service en 1978 et 1979.

La centrale du Bugey est dotée de 4 unités de 900 MW chacune, mises en service en 1978 et 1979.

Dans un avis publié jeudi 25 février, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) considère que « l’ensemble des dispositions prévues ouvrent la perspective » d’une poursuite de l’activité des 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW) français pour une période de dix ans. Si la réglementation française ne prévoit pas de « durée de vie » maximale des réacteurs, une hypothèse de quarante ans de fonctionnement avait été retenue lors de leur conception.

Cette décision ouvre, officiellement, la voie à la prolongation de la durée de vie des réacteurs les plus anciens du parc nucléaire français au-delà de quarante ans. « Dans cet avis, nous disons deux choses, précise Julien Collet, le directeur général adjoint de l’ASN. Nous affirmons que cette prolongation est possible et nous fixons les conditions selon lesquelles elle est possible. Un certain nombre de travaux et de contrôles doivent être menés, qui sont ici prescrits et imposés par l’ASN. »

Cet avis générique du gendarme du nucléaire, publié au terme d’une instruction entamée en 2013, porte sur les installations communes à tous les réacteurs de 900 MW, situés dans huit centrales – Bugey (Ain), Blayais (Gironde), Chinon (Indre-et-Loire), Cruas (Ardèche), Dampierre (Loiret), Gravelines (Nord), Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et Tricastin (Drôme). Mis en service à partir de la fin des années 1970 et dans les années 1980, ils sont en grande partie identiques, ayant été construits sur un modèle similaire. Un réexamen au cas par cas sera ensuite mené lors des visites décennales – qui ont débuté en 2019 et doivent se poursuivre jusqu’en 2031 – pour prendre en compte les spécificités de chaque réacteur et des sites sur lesquels ils se trouvent.

L’Autorité de Sureté du Nucléaire prolonge les plus vieux réacteurs au-delà de 40 ans

Parmi les principaux travaux prescrits à EDF, qui exploite les centrales, une partie vise à réduire les conséquences des accidents les plus graves avec fusion du cœur du réacteur. La dalle de béton des enceintes de confinement doit ainsi être épaissie pour éviter la pollution des nappes phréatiques. D’autres travaux ont pour objectif de renforcer la protection des installations face à des phénomènes peu pris en compte il y a quarante ans, tels que les séismes, les canicules ou les sécheresses. Enfin, la protection des « piscines » de refroidissement, où sont entreposés les combustibles usés, doit être renforcée. Le gendarme du nucléaire appelle notamment à la mise en œuvre d’un « système de refroidissement diversifié ».

Dans son avis, l’ASN établit également un calendrier précis pour l’accomplissement de ces améliorations de sûreté, d’une ampleur considérable. « Ces travaux, qui nécessitent des investissements importants, doivent être réalisés avec le niveau de qualité requis », insiste Julien Collet. Le gendarme du nucléaire a exprimé, à plusieurs reprises, ses inquiétudes quant à la capacité d’EDF d’assurer ces chantiers colossaux, alors que l’entreprise fait face à des difficultés économiques importantes.

Le quatrième arrêt décennal du réacteur numéro un de Tricastin, en 2019, a par exemple mobilisé près de 5 000 intervenants pendant six mois. L’ASN a d’ailleurs depuis demandé à EDF de rendre compte chaque année des actions mises en œuvre pour respecter les prescriptions et leurs échéances, ainsi que de sa capacité industrielle et de celle des intervenants extérieurs à réaliser dans les délais les modifications des installations. L’entreprise, qui reconnaît que ce volume de travaux est « sans précédent », estime que leur réalisation « conduira à des améliorations significatives en matière de sûreté ». « Un travail important a été réalisé avec tous nos partenaires industriels pour leur donner de la visibilité sur la charge et les besoins en compétences », précise EDF.

Les opposants au nucléaire appellent, de leur côté, à une fermeture des centrales les plus anciennes. « L’ASN publie ses prescriptions génériques un mois seulement après la clôture de la consultation publique, a réagi l’ONG Greenpeace. Ce délai très court confirme que cette consultation était de pure forme. Des demandes spécifiques visant à améliorer la sécurité et la sûreté des réacteurs, formulées par des ONG ou des experts indépendants, n’ont pas été prises en compte. » « Par cet avis, l’ASN entérine le fait accompli d’EDF, dénonce aussi Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Les exigences de sûreté sont tirées vers le bas pour s’adapter aux capacités industrielles d’EDF. Et l’ASN a accepté le principe d’un phasage des travaux ; certains seront réalisés alors que les réacteurs auront 47 ou 48 ans. L’échéance des quarante ans ne veut plus rien dire ! »

Après la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) en 2020, pour respecter l'engagement de ramener l'origine nucléaire de notre électricité de 70% aujourd'hui, à 50% en 2035, la France doit théoriquement fermer douze réacteurs supplémentaires pour tenir son objectif.

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26 février 2021 5 26 /02 /février /2021 15:34

Lors de la campagne électorale municipale 2019-2020, Les Lilas Ecologie a identifié parmi les enjeux forts ceux liés à l’alimentation, sur les traces du collectif lilasien « Pas d’usine on cuisine ». Favoriser une alimentation plus saine (plus équilibrée, moins transformée, sans perturbateurs endocriniens, …) de qualité (produits frais, …), privilégier les produits issus de filières agricoles plus durables, notamment dans nos cantines scolaires, sont les enjeux de mon mandat sur l’alimentation. Par Gaëlle Giffard le 25 février 2021. Lire aussi Bilan des États Généraux de l’Alimentation, 2 ans après, la loi EGAlim définitivement à l’abandon, Mal manger tue davantage que le tabac, Manger régulièrement bio diminue de 25% les risques de cancer, Des pesticides et des perturbateurs endocriniens dans notre alimentation, Ces parents qui mijotent une cantine publique, et Une victoire de l'engagement citoyen aux cantines rebelles du 10 novembre.

Gaëlle Giffard à la rencontre des parents d’élèves le vendredi 12 février devant l’école Romain Rolland.

Gaëlle Giffard à la rencontre des parents d’élèves le vendredi 12 février devant l’école Romain Rolland.

Depuis 2019, la Commission Nationale du débat public (CNDP) a organisé un large débat citoyen sur les questions agricoles (https://impactons.debatpublic.fr/). Celui-ci a permis de mettre en lumière les attentes de la société vis à vis de ses agricult·rice·eur·s. Il ressort de ce débat (https://impactons.debatpublic.fr/wp-content/uploads/ImPACtons-compte-rendu-synthese.pdf) notamment une volonté d’aller vers une souveraineté alimentaire nationale (produire ce que nous consommons, au niveau local, régional et national), de mieux répartir  les subventions et de favoriser la transition écologique dans l’agriculture.

Nous nous retrouvons dans nombre de ces enjeux identifiés et souhaitons, par le biais de la commande publique, favoriser des démarches agricoles vertueuses, préservant les écosystèmes et la biodiversité,

Notre ambition pour les repas servis dans les cantines des Lilas, est d’améliorer la qualité des repas pour contribuer à une meilleure santé des enfants, limiter le gaspillage alimentaire et proposer un approvisionnement en produits agricoles issus de filières respectueuses de l’environnement et des individus, ainsi que réduire l’empreinte écologique des repas servis.

Aujourd’hui nous travaillons avec un prestataire privé qui nous livre les repas, qui sont ensuite réchauffés et servis à environ 1 500 enfants par jour d’école et 200 adultes : près de 300 000 repas par an pour un budget d’un peu moins d’1 million d’euros.

Le cahier des charges actuel des repas livrés est déjà exigeant en ce qui concerne les labels de qualité et les produits servis, mais nous souhaitons aller plus loin. Un nouveau cahier des charges est en cours de rédaction afin de renouveler ce marché pour les années à venir (contrat d’un an, renouvelable 3 fois si nécessaire).

Dans un second temps, nous avons le projet d’étudier les possibilités qui s’offrent à nous pour gérer l’élaboration des repas des cantines en régie publique. Nous allons lancer une étude dans les prochains mois pour connaître nos marges de manœuvre. L’étude permettra de répondre aux questions suivantes :

- Existe-t-il des écoles de notre ville dans lesquelles nous pouvons élaborer des repas

- Pouvons-nous construire une cuisine centrale pour cuisiner les repas des écoles, seuls ou en collaboration avec une ville voisine (Le Pré-Saint-Gervais, Pantin, Romainville…).

Cette étude et la réalisation des projets pourra prendre du temps (quelques mois pour l’étude, entre 1 et 3 ans pour lancer les travaux pour réaliser une cuisine collective).

En attendant de lancer ces travaux de prospective à moyen-long terme, nous souhaitons consulter les enfants, les parents et les membres de la communauté éducative sur les pistes pour améliorer notre cahier des charges, déjà exigeant mais dont les repas ne sont pas forcément satisfaisants (environ 1/3 des repas finissent à la poubelle).

Réunion de concertation.

Réunion de concertation.

Nous souhaitons notamment fixer des objectifs pour le prochain cahier des charges sur l’approvisionnement des denrées (pistes : choisir les labels de qualité les plus exigeants, mieux respecter la saisonnalité, diminuer la consommation de protéines d’origine animale, interdire certains additifs ou produits ultra transformés- et l’amélioration de la qualité des repas (simplifier les recettes, développer les repas « faits maison” dans la cuisine).

Pour ce faire, la ville des Lilas a lancé une concertation vaste avec plusieurs rendez-vous : mercredi 10 février, une réunion à distance a permis de lancer la démarche et recueillir des premières idées et propositions. Plus de 40 personnes étaient présentes et ont émis environ 80 idées et propositions.

Capture d’écran lors de la visioconférence du 10 février 2021.

Capture d’écran lors de la visioconférence du 10 février 2021.

Par la suite, nous organiserons 2 ou 3 réunions de travail thématiques pour approfondir ces propositions, notamment les 9 et 25 mars prochains.

Nous viendrons également à la rencontre de tous les parents en installant un stand devant chaque école le matin – un premier rendez-vous a eu lieu vendredi 12 février devant l’école Romain Rolland, les autres écoles suivront.

Pour recueillir les avis de chacun·e, nous avons aussi élaboré un questionnaire que nous diffuserons auprès de tous les parents et les membres de la communauté éducative, avec une version en ligne et une version papier.

Nous interviendrons également dans les écoles pour solliciter directement les propositions des enfants, en direct ou via des activités avec leurs animat·rice·eur·s du périscolaire.

Capture d’écran lors de la visioconférence du 10 février 2021.

Capture d’écran lors de la visioconférence du 10 février 2021.

Nous souhaitons une participation large, et recueillir les avis de toutes et tous. Ces avis et ces propositions nous permettront de travailler sur l’élaboration du nouveau cahier des charges de livraison de repas, devant démarrer au 1er janvier 2022. Nous nous engageons à étudier chaque proposition du point de vue de sa faisabilité, technique, juridique et financière et à revenir devant la communauté éducative pour une réunion de clôture afin de présenter les propositions retenues, en justifiant le fait d’en avoir écarté d’autres.

Certaines propositions seront également étudiées au regard du projet à long terme de reprise en régie de la cantine. Nous rendrons compte de la démarche sur les outils de communication de la ville (Infos Lilas, réseaux sociaux de la ville), et sur ce blog.

A plus longue échéance, nous imaginerons comment participer au Plan alimentaire territorial que le Conseil départemental de Seine Saint-Denis travaille à organiser.

Prochains rendez-vous :

- Des groupes de travail thématiques en visioconférence au mois de mars, sans doute les 9 et 25 mars prochains à 18h30. Inscriptions auprès de restauration@leslilas.fr

- des rencontres devant les écoles : le 4 mars devant l’école Victor Hugo; le 5 mars devant l’école Waldeck-Rousseau; le 12 mars devant les écoles Paul-Langevin et Julie-Daubié; le 17 mars devant le centre de loisirs Jean-Jack Salles; le 18 mars devant l'école Calmette; le 1er avril devant l'école des Bruyères; et le 2 avril devant l'école Courcoux.

- Un questionnaire à remplir en ligne sur https://www.ville-leslilas.fr/restaurationscolaire ou version papier.

A bientôt !

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24 février 2021 3 24 /02 /février /2021 14:09

Puissante arme aux mains des industriels des énergies fossiles, le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) leur permet de dissuader et/ou sanctionner les pouvoirs publics désireux de lutter contre le réchauffement climatique et d’oeuvrer en faveur de la transition énergétique. Ce mardi 23 février, des dizaines d’organisations en Europe, dont plus d’une trentaine en France, lancent une pétition et une campagne qui exige de l’UE et de la France qu’elles se retirent du TCE dans les plus brefs délais, sans attendre la rénovation d’un Traité qui ne peut être amélioré. D’après la LDH et la pétition lancée le mardi 23 février 2021. Lire aussi L’accord qui protège les pollueursTrop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat et Les financements verts cachent un mouvement mondial de libéralisation des marchés de l’énergie.

L'UE et la France doivent sortir du Traité sur la Charte de l’Energie, protection des pollueurs contre la transition énergétique

Le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) est un traité peu connu, mais aux effets nocifs considérables : c’est une arme juridique puissante aux mains des investisseurs et entreprises du secteur des énergies fossiles leur permettant de dissuader et/ou sanctionner les pouvoirs publics lorsque ceux-ci veulent prendre des mesures favorables à la lutte contre le réchauffement climatique et à la transition énergétique. Ils utilisent pour cela une forme de justice parallèle (ISDS) très favorable que le TCE leur garantit.

Alors que l’entreprise multinationale allemande de l’énergie RWE vient d’annoncer recourir au TCE pour poursuivre les Pays-Bas concernant leur décision de sortir du charbon d’ici à 2030 (1), des dizaines d’organisations en Europe rendent publique une pétition appelant les gouvernements, parlementaires et institutions européennes à “sortir du traité sur la Charte de l’énergie et à stopper son expansion à de nouveaux pays” (2).

En France, dans le cadre de cette mobilisation visant à obtenir une décision claire avant la COP26 sur le climat qui se tiendra cet automne à Glasgow, ce sont plus de 30 organisations, parmi lesquelles 350.org, ActionAid France – Peuples Solidaires, Aitec, Alternatiba, Amis de la Terre, ANVCOP21, Attac France, Bloom, CCFD-Terre Solidaire, le Collectif Stop CETA-Mercosur, Confédération paysanne, FNE, Greenpeace, LDH, Le Mouvement, Notre affaire à tous, Réseau action climat, We move Europe, XR France et Youth for climate, qui appuient et relaient le lancement de cette campagne (3).

Ce n’est pas la première fois que le Traité sur la charte de l’énergie, longtemps resté dans l’oubli, est utilisé par des investisseurs et entreprises du secteur des énergies fossiles pour protéger leurs intérêts au détriment de l’intérêt général et/ou dissuader les pouvoirs publics de prendre des mesures climatiques ambitieuses. Parmi des dizaines de cas, une entreprise britannique Rockhopper s’en prend à l’Italie à la suite de son moratoire sur les forages offshore, tandis qu’une entreprise canadienne Vermilion a fait pression sur le gouvernement français pour réduire l’ambition de la loi Hulot sur les hydrocarbures (4).

Depuis des années, les organisations de la société civile alertent sur le caractère nocif de ce Traité et appellent l’UE et les Etats-membres à s’en retirer au plus vite (5). C’est possible, l’Italie l’a fait depuis 2016. Cela fait quelques mois que ces vives critiques s’étendent : 200 scientifiques ont récemment formulé une demande similaire (6), tandis que 250 parlementaires ont demandé à la Commission d’explorer la possibilité de se retirer conjointement de cet accord (7). Les gouvernements espagnols et français ont également exprimé cette demande « d’étudier une sortie coordonnée de l’UE de ce traité » (8).

Ces prises de position interviennent alors que des négociations pour une « modernisation » du TCE ont débuté en 2020 et que quatre nouvelles sessions sont planifiées en 2021, la prochaine du 2 au 5 mars, sans obligation de résultat et sans date de fin de négociation (9). Compte-tenu de l’opposition de plusieurs pays, dont le Japon, ces négociations ne produiront rien de plus que quelques modifications cosmétiques. Les propositions de l’UE sont d’ailleurs très largement insuffisantes (10).

Le temps presse. Le meilleur moyen d’obtenir un retrait conjoint à l’échelle européenne est d’augmenter la pression sur chacun des Etats-membres pour sortir de ce traité suranné, dangereux et climaticide. Par le lancement de cette pétition européenne, les organisations de la société civile donnent le coup d’envoi de plusieurs mois de campagne ayant comme point d’orgue les échéances de la loi climat européenne et la COP26 à Glasgow à l’automne 2021.

Signez la pétition

1. Pays-Bas – La sortie du charbon attaquée par la multinationale de l’énergie RWE via le Traité sur la charte de l’énergie,

2. Exemple d’organisations en Europe : Attac Deutschland, Transparency Deutschland, PowerShift (Allemagne), Attac Spain, Campaña No a los tratados de Comercio e Inversión. Spain (Espagne), Finnish TTIP platform, Greenpeace Finland, FoE Finland (Finlande), Corporate Europe Observatory Europe Beyond Coal Campaign CAN Europe FoE Europe (UE), Handel Anders! coaliti, Transnational Institute, SOMO (Pays-Bas), Attac Austria, Naturfreunde Deutschlands, IG Windkraft Österreich, ökonews.at (Autriche), TROCA (Portugal) etc

3. Liste des organisations en France : 350.org, ActionAid France – Peuples Solidaires, Aitec, Alofa Tuvalu, Alternatiba, Amis de la Terre, ANVCOP21, Attac France, Bloom, CADTM France, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Stop CETA-Mercosur, Comité Pauvreté et Politique, Confédération paysanne, CRID, Emmaus international, FNE, Générations futures, Greenpeace, LDH, Le Mouvement, Notre affaire à tous, Pour un réveil écologique, Réseau action climat, Résilience France, Sherpa, Utopia, Veblen Institute, We move Europe, XR France, Youth for climate,

4. Le Traité sur la charte de l’énergie, l’accord qui protège les pollueurs, note d’information- de l’Aitec et d’Attac France

5. En décembre 2019, dans une lettre ouverte signée 278 syndicats et associations, dont le collectif Stop CETA-Mercosur et plusieurs de ses membres, ont appelé l’UE et les États-membres à se retirer du TCE

6. En décembre 2020, 200 scientifiques ont appelé l’UE et les États-membres à se retirer du TCE

7. Plus de 250 parlementaires appellent la Commission européenne et les États-membres à explorer la possibilité de se retirer conjointement de cet accord.

8. Lettre des ministres français Bruno Le Maire, Barbara Pompili, Franck Riester, Clément Beaune à la Commission européenne, annoncée fin décembre par tweet.

9. Programme des réunions du processus de modernisation

10. Le Traité sur la charte de l’énergie, qui protège les pollueurs ne peut pas être modernisé ! Il faut en sortir

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16 février 2021 2 16 /02 /février /2021 09:29

Grâce à l’Affaire du Siècle, la justice vient de reconnaître que l’État a commis une « faute » en ne respectant pas ses objectifs climatiques. Aujourd'hui plus de 100 organisations de tout horizon interpellent au sein d’une lettre ouverte le chef de l’État et les parlementaires pour revoir à la hausse l'ambition du projet de loi climat. Publié par le Réseau Action Climat le 8 février 2021. Lire aussi La Convention Citoyenne pour le Climat passée du « sans filtre » aux cents filtres.

Lettre ouverte à Emmanuel Macron et aux parlementaires sur le manque d’ambition du Projet de loi Climat et Résilience

Monsieur le Président de la République,

Vous avez initié une démarche innovante au travers de la Convention Citoyenne pour le Climat visant à associer les citoyens à l’évolution de la loi pour tenir nos engagements climatiques dans un esprit de justice sociale.

Alors que les propositions des citoyens devaient être retranscrites dans la loi, force est de constater que le compte n’y est pas. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi tiré de la Convention Citoyenne reconnaît ainsi que les mesures proposées ne permettront pas, en l’état, de tenir les objectifs de baisse d’émissions de 40 % à horizon 2030. Et ce, alors que cette cible est déjà en elle-même insuffisante compte tenu du nouvel objectif de -55 % adopté en décembre dernier à l’échelle de l’Europe.

Quant au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et au Conseil National de la Transition Écologique (CNTE), récemment consultés pour avis sur le projet de loi, leurs avis convergent. Ils s’inquiètent en effet tous deux de l’insuffisance des mesures prises pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de la faiblesse des dispositifs pour réduire les inégalités sociales. Le CESE indique ainsi que « les nombreuses mesures du projet de loi, en général pertinentes restent souvent limitées, différées ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine« .

Ce projet de loi cède en effet largement le pas à l’incitation et aux simples encouragements à changer de pratiques là où une intervention des pouvoirs publics est requise.

Les bénéfices attendus des mesures proposées par les 150 citoyennes et citoyens sont pourtant nombreux : moins de personnes vivant dans des passoires énergétiques, une pollution de l’air réduite, une alimentation plus saine et accessible à tous, une offre de mobilité moins émettrice et plus inclusive, davantage d’emplois dans les secteurs clés de la transition écologique, etc.

Monsieur le Président de la République, en amenuisant de la sorte l’ambition des mesures proposées par la Convention Citoyenne sur le Climat, vous privez notre pays d’un formidable potentiel de sortie « des » crises, climatique, sanitaire, économique et sociale.

L’Europe, et vous y avez contribué, a fait le choix d’ancrer son avenir sur un Pacte vert, et de se placer, via cette nouvelle feuille de route, en leader mondial de la transition énergétique. Mais ce « Green deal » n’a de sens que si les Etats membres, à commencer par la France, s’en saisissent pour ancrer sur leurs propres territoires un nouveau contrat écologique et social, qui ferait de la transition écologique la pierre angulaire de l’ensemble des politiques publiques, tout en veillant à ne laisser personne sur le bas-côté de cette transition. Le projet de loi tiré de la Convention Citoyenne sur le Climat devrait pleinement s’inscrire dans cet objectif et permettre d’orienter différemment notre économie et plus largement, notre société toute entière.

C’est pourquoi, alors que le débat parlementaire va débuter, nos organisations attendent de votre gouvernement et des représentants et représentantes de notre nation qu’ils redonnent vie à l’ambition initiale de ce projet de loi. Ne privez pas notre pays de ce nouveau souffle dont il a plus que jamais besoin.

Nous vous prions, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir agréer l’expression de notre plus haute considération.

Liste des signataires

ActionAid France – ADERA – ATD Quart Monde – ADVOCNAR (Association de Défense Contre Les Nuisances Aériennes) – Agir Pour l’Environnement – Ajena Energie et Environnement – ALISÉE (Association Ligérienne d’Information et de Sensibilisation à l’Énergie et à l’Environnement) – Alliance Soleil – Alofa Tuvalu – Alternatiba – Archipel Citoyen “Osons les Jours Heureux” – Amorce – AMPER 57 (Association Mosellane pour la Promotion des Énergies Renouvelables et de l’efficacité énergétique) – Association Bilan Carbone – APCC (Association des professionnels en Conseil Climat Énergie et Environnement) – Association la Voûte Nubienne (AVN) – Association négaWatt – Aspas – ATD Quart Monde – Attac France – Avenir Climatique – Brévenne : Gardons la ligne – Cantine sans plastique France – CARE France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CIWF France – CLER Réseau pour la transition énergétique – CliMates – Collectif conception numérique responsable – Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine (CCNAAT) – Collectif pour une Transition Citoyenne – Colibris – Comité Français pour la Solidarité Internationale (CFSI) – Confédération paysanne – CoopaWatt – Coordination SUD – Cyberacteurs – Déclic  –  ELISE Vendée – Emmaüs France – Enercoop – Energies & Castors – Energ’éthique 04 – Energie Partagée – Énergie Solidaire – Engagé·e·s et Déterminé·e·s (E&D) – Entrepreneurs du Monde (GREEN : Groupe  de Réflexion sur l’Ecologie et l’ENtrepreneuriat) – FAGE (Fédération des Associations Générales Etudiantes) – Fédération Artisans du Monde  – Fédération Française des Usagers de Bicyclette – Filière Paysanne – Fondation Abbé Pierre – Fondation Danielle Mitterrand – Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme – Forum Français de la Jeunesse (FFJ) – France Nature Environnement – Générations Futures – Graines d’écologie – Green INSA – GreenIT.fr – Greenlobby – Greenpeace – Gret – Hespul – Institut de Développement des Ressources Renouvelables du Tarn (IDRR) – Institut Veblen pour les réformes économiques – ISF Agrista (Ingénieurs Sans Frontières) – La Ruche de l’écologie (Monts du Lyonnais) – Le CRID – Le GERES – Les Amis d’Enercoop – Les Amis de la Terre France – Les Ateliers de la Bergerette  – Les Jeunes ambassadeurs pour le climat – Ligue nationale contre le cancer (LNCC) – Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) – Max Havelaar France – Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique (MABD) – Mouvement pour l’Economie Solidaire – Mouvement des Villes et Territoires en Transition – Mouvement Utopia – Notre Affaire à Tous – OnEstPrêt – O’ Watt Citoyen coopérative – Oxfam France – Pacte pour la Transition – Planète Urgence – Reclaim – Réseau Action Climat – Réseau consigne – REFEDD (Réseau Français Étudiant pour le Développement Durable) – Réseau Environnement Santé – Résilience – Renaissance Écologique – Résistance Climatique – Rester sur Terre (Stay Grounded) – SCIC Les 7 Vents – Coutances (50) – Secours Catholique Caritas France – Société nationale de protection de la nature (SNPN) – Soleil du midi – Solibri – SOL (Alternatives agroécologiques et solidaires) – Surfrider Foundation Europe – 350.org – TaCa (Agir pour le climat) – Terre & Humanisme – Transitions DD – Together for Earth (T4E) – UFC – Que Choisir – Union nationale des associations familiales (Unaf) – Union nationale de l’apiculture française (UNAF) – Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA) WECF (Women Engage for a Common Future) France – Zero Waste France – WWF France.

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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 17:10

Dans Où suis-je - leçons du confinement à l’usage des terrestres, publié fin janvier 2021, Bruno Latour explique comment, selon lui, l’épreuve du confinement, qui, en même temps qu’une expérience planétaire, est la révélation de nombreuses injustices, et nous oblige à prendre la mesure de la crise écologique et de ce que signifie aujourd’hui vivre « sur Terre ». Entretien par Nicolas Truong publié le 12 février 2021 dans Le Monde. Voir aussi https://ouatterrir.fr/. Lire aussi Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise.

Où suis-je - leçons du confinement à l’usage des terrestres (La Découverte)

Où suis-je - leçons du confinement à l’usage des terrestres (La Découverte)

Sociologue, professeur émérite associé au médialab de Sciences Po, Bruno Latour publie Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres (La Découverte, 186 pages, 15 euros), une métaphysique du confinement qui invite à rompre avec le monde d’avant. Au travers ses ouvrages traduits dans le monde entier, ses expériences théâtrales et expositions d’art contemporain, Bruno Latour cherche à analyser le « nouveau régime climatique », et propose des pistes pour vivre face à « Gaïa », cette Terre et planète vivante menacée par la crise écologique, qui inspirent de nombreux auteurs, tels le philosophe Baptiste Morizot ou l’anthropologue Nastassja Martin (Le cri de Gaïa. Penser la Terre avec Bruno Latour, sous la direction de Frédérique Aït-Touati et Emanuele Coccia, La Découverte, 222 pages, 19 euros).

De quoi le confinement est-il la répétition générale ?

Plus il dure, plus le confinement me paraît révélateur, comme on le dit, « du monde d’après ». Littéralement. Quand on en sortira, on ne sera plus dans le « même monde », c’est du moins mon hypothèse. En effet, la pandémie est bel et bien encastrée dans la crise plus ancienne, plus longue, plus définitive de la situation écologique. Vous me direz : « On le savait ». Oui, mais il nous manquait l’expérience corporelle de cet enchaînement. Qu’est-ce que ça veut dire de changer de lieu ? Un lieu qui n’est plus ouvert, infini, mais justement limité, confiné et où il faudra vivre dorénavant. Donc, oui, pour moi le confinement est une expérience de déplacement au sens propre, de changement de place. Et c’est bel et bien une répétition générale, en espérant que cela se passera mieux la prochaine fois !

Vous passez de la question « où atterrir ? » à la question « où suis-je ? ». Pour quelle raison ?

Justement à cause de ce changement de localisation. Je ne me demande pas « qui » je suis, mais « où » nous nous retrouvons. Et je repère ce déplacement dans les sciences de la Terre, ou plutôt dans une nouvelle façon de lier les sciences du système Terre à la condition politique imposée par le confinement, médical d’abord, puis par le confinement écologique. Et là, cela devient passionnant, car on peut rendre beaucoup plus précise la différence entre vivre « sur Terre » au sens que l’on donnait à cette notion au XXe siècle – une Terre dans le cosmos infini – et ce que veut dire vivre « sur Terre », dans ce que mes amis scientifiques appellent la « zone critique », la mince couche modifiée par les vivants au cours de milliards d’années, et dans laquelle nous nous trouvons confinés…

Pourquoi, de la répression policière du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, après le « J’étouffe ! » et la mort de George Floyd, au nouveau régime climatique que vous définissez, la crise actuelle est-elle respiratoire ?
Parce que nous ressentons tous, je crois, cette horrible impression de limite, de confinement, d’obligation, comme si toutes nos habitudes de liberté, de mouvement, d’émancipation, de respiration à pleins poumons étaient littéralement obstruées. J’essaie d’enchaîner, d’encastrer, de saisir l’occasion du confinement pour rendre sensible ce que veut dire dépendre du climat, d’une certaine température du système Terre, dont nous sommes tous, à des degrés divers devenus responsables. Je reconnais que c’est assez bizarre, mais je cherche à tirer une leçon positive du confinement : des humains dans la zone critique, avec la question du climat et de la biodiversité sur le dos, ne respirent pas pareil que ceux du XXe siècle. C’est en ce sens que je parle de métamorphose. C’est très physique.

Bruno Latour, lors d’un atelier "Où atterrir ?" qu’il codirige, ici à Saint-Junien (Haute-Vienne). © consortium où atterrir

Bruno Latour, lors d’un atelier "Où atterrir ?" qu’il codirige, ici à Saint-Junien (Haute-Vienne). © consortium où atterrir

Comment pouvez-vous dire que l’économie a cessé d’être l’horizon indépassable de notre temps alors que le gouvernement la soutient, « quoi qu’il en coûte », en attendant la « reprise » ?

Mais parce que tout ce qu’on nous disait il y a un an sur les « lois de l’économie », le budget, l’obsolescence programmée du rôle des États, a été suspendu par la crise immense dans laquelle tous les pays sont plongés. Oui, on parle de « reprise », mais cela sonne comme une incantation, pas comme un projet mobilisateur.

Tout le monde sent bien que le projet mobilisateur s’est décalé, qu’il porte sur autre chose, sur une autre définition de ce que veut dire subsister dans ce nouveau cadre, celui du confinement. Cela pose une tout autre question : comment maintenir les conditions d’habitabilité de la planète ? J’ai l’impression qu’il n’y a rien, dans l’Économie avec un grand « E », dans l’idéologie de l’Homo œconomicus, qui permette de poser ces questions. C’est en ce sens que nous sommes en train de nous « déséconomiser ».

Pourquoi la question « de qui est-ce que je dépends pour subsister ? » est-elle la plus pertinente pour repenser notre rapport au territoire ?

Mais justement à cause de cette déséconomisation. S’il est vrai, comme le montrent ces nouvelles sciences de la Terre, que les vivants ont construit artificiellement leur propre environnement, à l’intérieur duquel nous sommes confinés, il faut nous intéresser à ce dont nous dépendons ; le Covid-19 offre un cas vraiment admirable et douloureux de dépendance. Mais cela est vrai aussi de la température globale, comme de la biodiversité. Donc, d’un seul coup, la question n’est plus de savoir si nous avons assez de ressources à exploiter pour continuer comme avant, mais « comment participer au maintien de l’habitabilité du territoire dont nous dépendons ? ». Cela change complètement le rapport au sol. C’est cela « atterrir ».

Pourquoi l’extension de Gaïa, la « Terre-mère », nous oblige-t-elle à repenser nos catégories politiques, comme notre rapport aux frontières et à l’identité ?

Il faudrait s’entendre d’abord sur Gaïa, une notion qui continue à effrayer, mais que je continue à pousser parce qu’elle résume justement le changement de « lieu » que nous ressentons avec la pandémie. Gaïa, c’est le nom que l’on peut donner à la suite des vivants qui, depuis les premiers organismes, ont créé à partir de conditions physiques très peu favorables à la vie un milieu de plus en plus habitable au fur et à mesure des innovations successives dans l’histoire longue de la Terre. C’est le meilleur moyen de préciser où l’on est. Gaïa ce n’est pas la nature, le cosmos dans son ensemble. C’est la minuscule aventure, la suite des événements qui ont modifié la planète Terre sur quelques kilomètres d’épaisseur. Et la seule chose dont les vivants, humains compris, aient l’expérience corporelle.

Si vous comprenez cette notion – et j’ai beaucoup travaillé avec d’autres pour la rendre scientifiquement et philosophiquement précise –, le changement de politique suit inévitablement. Pour exercer quelque forme politique que ce soit, il faut une Terre, un lieu, un espace. La meilleure preuve que la politique « sous Gaïa » est nouvelle c’est cette étonnante contrainte qui pèse sur toutes les décisions individuelles et collectives, de rester « sous les deux degrés » des accords climatiques. C’est cela que j’appelle « le nouveau régime climatique ». C’est bel et bien un nouveau régime juridique, politique, affectif puisque l’on vit « ailleurs » littéralement, dans la zone critique, « sous Gaïa », confinés dans les zones d’habitabilité explorées par les vivants. L’adjectif « terrestre » ne veut rien dire d’autre.

les analystes-cartographes assurent le suivi et décrivent les données rassemblées, lors d'un atelier Où atterrir ? © consortium où atterrir

les analystes-cartographes assurent le suivi et décrivent les données rassemblées, lors d'un atelier Où atterrir ? © consortium où atterrir

Le conflit entre ceux que vous nommez les « extracteurs » et les « ravaudeurs » aurait remplacé celui existant entre les bourgeois et les prolétaires, écrivez-vous. Faut-il un nouveau manifeste, créer une internationale des terrestres ?

Je ne dirais pas qu’il le remplace, mais il s’y insère, et complique et avive tous les autres conflits. Il est clair que la pandémie actuelle, que je prends comme exemple typique de ce qui vient, est à la fois une expérience planétaire et la révélation d’une multitude d’injustices – dans l’exposition à la maladie, dans l’accès aux soins, dans l’accès aux vaccins. Donc on retrouve toutes les questions classiques des conflits bien repérés par les luttes intra-humaines, mais il faut y ajouter tous les autres, tous les conflits extra-humains en plus de tous ceux révélés par la pensée décoloniale. Ce que j’appelle les conflits de classes géo-sociales qui se multiplient sur tous les sujets de subsistance et d’accès au sol. Donc une « internationale », c’est un peu restreint. C’est à la fois planétaire et complètement local. Nous n’avons pas encore la bonne métrique pour repérer tous les conflits dans lesquels les terrestres sont impliqués – attention l’adjectif « terrestre » ne précise pas le genre ou l’espèce ! En tout cas, l’idée d’harmonie apportée par la « prise en compte de la nature » a clairement disparu.

De l’encyclique du pape François aux travaux de l’économiste Gaël Giraud, en passant par certaines mairies conquises par les Verts, un christianisme écologique est en train de s’investir significativement dans une politique du vivant. Pour quelles raisons ?

En effet, j’avais vraiment l’impression d’un désert. Mais il faut reconnaître que Laudato si’ [l’encyclique du pape François en 2015] a complètement rebattu les cartes avec cette injonction, vraiment prophétique, d’entendre le « cri de la Terre et le cri des pauvres » ! C’est quand même plus costaud que mon idée de classes géosociales… Ça touche beaucoup plus loin, le problème est posé justement en termes de changement de « lieu ». Que faites-vous sur Terre ? Quelle Terre habitez-vous ? Je comprends que cela résonne beaucoup plus à des oreilles chrétiennes que les injonctions à « sauver la nature », qui reste toujours extérieure malgré tout. Mais cela ne touche que la surface, la grande majorité des catholiques, me semble-t-il, croient toujours qu’il faut plutôt se préparer à aller au ciel !

Quels sont les processus politiques que vous mettez en place avec votre projet Où atterrir ? à Saint-Junien, La Châtre ou Ris-Orangis ? Et cela signifie-t-il qu’un mouvement terrestre multiforme est en train de s’implanter ?

Je ne sais pas penser sans un terrain empirique. Depuis quatre ans, je me suis dit qu’on devrait pouvoir intéresser des gens, que la question écologique titille mais dont ils ne savent pas forcément quoi faire, à définir autrement leur territoire. Ce sont des ateliers collectifs d’autodescription. La question est : « De quoi dépendez-vous pour exister ? » Et ensuite, comment liez-vous vos descriptions pour rendre ce territoire vécu compréhensible par ceux, dans l’appareil d’Etat ou parmi les élus, qui sont supposés vous aider à maintenir ces conditions d’habitabilité. C’est un moyen de reconstruire l’écologie politique sans jamais parler d’écologie ! Ce qui me passionne, c’est le rôle des arts dans la reprise de ces questions de lieu, de sol et d’habitat. Comment scénarise-t-on, collectivement, le changement de lieu ? C’est cela, pour moi, tirer parti du confinement. Mais avec le couvre-feu, c’est un cauchemar à organiser… Je ne sais pas si ces procédures vont se répandre. Ce qui est clair, c’est que les initiatives pullulent et que nous essayons de nous en inspirer.

Participant·e·s à un atelier Où atterrir ? © consortium où atterrir

Participant·e·s à un atelier Où atterrir ? © consortium où atterrir

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12 février 2021 5 12 /02 /février /2021 14:03

La pandémie ouvre une brèche politique pour réinventer notre système de santé selon d’autres priorités : sociales, écologiques, démocratiques. La crise du SARS-CoV-2 est en cela bien plus qu’une crise sanitaire. Elle est un événement pandémopolitique. Bonnes feuilles extraites du chapitre 10 de Pandémopolitique, réinventer la santé en commun, de Jean-Paul Gaudillière, Caroline Izambert et Pierre-André Juven (Paris, La Découverte, janvier 2021). Publié sur Terrestres le 27 janvier 2021. Lire aussi Freiner la perte de biodiversité pour échapper à l’« ère des pandémies », Philippe Descola : « Nous sommes devenus des virus pour la planète »Le changement climatique - un fléau pour la santé humaine et Pour les Français, santé et environnement, même combat en situation de crise sanitaire.

Quels choix écologiques en matière de santé ?

Fin avril 2020, sur Mediapart, le blog des Économistes atterrés commence à publier une analyse des liens entre le SARS-CoV-2 et l’anthropocène. Benjamin Coriat signe le premier texte de la série, consacré aux possibles origines anthropiques du virus : « Ce que nous disent d’abord les épidémiologistes, c’est que le SARS-1, comme le SARS-2 (comme un nombre incalculable de virus aujourd’hui répertoriés) sont membres d’une même famille de maladies : celle des zoonoses, c’est-à-dire de maladies provoquées par des virus présents dans l’animal, et qui – dans certaines circonstances – se transmettent à l’homme (l’inverse étant aussi possible). Ce que nous disent ensuite les scientifiques, c’est ce fait fondamental que les zoonoses, au cours des dernières décennies, sont en pleine expansion et ne cessent de se multiplier : VIH, SARS1, H1N1, H5N1, Ebola, MERS, SARS2… ne sont que les expressions les plus connues de ces nouvelles affections. […] Le SARS2 […] était parfaitement prévisible. Parfaitement attendu. Mille signaux – les précédentes zoonoses – indiquaient que l’une d’entre elles, à un moment ou à un autre, ne disparaîtrait pas d’elle-même, et se transformerait en une pandémie durable, et qu’après celle-là, il en viendrait d’autres, beaucoup d’autres » (1).

La prise en compte des relations entre déforestation, perturbation des écosystèmes et ouverture de nouvelles chaînes de transmission des pathogènes, de leurs « réservoirs » dans la faune sauvage aux humains, offre un scénario plausible des origines de la pandémie. Mais ce n’est pas la seule façon dont le SARS-CoV-2, le confinement et la crise écologique ont été liés.

La discussion sur les transports aériens, pendant et après le confinement, en illustre une autre modalité, plus inattendue. Ce secteur est l’un des plus touchés par la crise. Les réponses à la crise varient. Répondant ainsi à Élisabeth Borne, ministre du Travail, qui avait promis « l’avion zéro carbone, l’avion à hydrogène pour 2035 » pour sauver le secteur, les députés François Ruffin et Delphine Batho ont ainsi déposé, le 30 juin, un projet de loi visant à diminuer le trafic aérien. Les motifs sont clairs : le secteur est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre françaises et « l’on peut largement s’en passer. Ce n’est pas un besoin vital. Une grande partie des vols sont non essentiels. » D’où la proposition de créer un quota carbone individuel de transport aérien, tout en précisant que « la décroissance organisée du secteur aérien doit s’accompagner d’une sécurité sociale professionnelle, d’une réorientation vers des industries plus nécessaires, répondant à nos besoins essentiels, vers des activités compatibles avec les limites planétaires » (2).

La pandémie a ainsi donné une ampleur inédite aux débats sur les activités économiques, leurs relations aux besoins et à la crise écologique. Le secteur de la santé ne saurait faire exception.

De la crise écologique comme source de pathologies…

À peine le tournant de la santé globale pris (voir le chapitre 7), la crise écologique et l’anthropocène se sont invités dans les arènes de la santé internationale avec la proposition de mise à l’agenda d’une « santé planétaire ». Le surgissement de ce nouvel horizon pour l’action accompagne la montée en puissance de l’expertise et des mobilisations sur le changement climatique. Il en est une sorte d’extension au domaine de la santé : les implications sanitaires de dégradations environnementales devenues « globales », menaçant les régulations les plus fondamentales du système Terre, suscitent de plus en plus d’inquiétude.

Le rapport publié en 2015 par The Lancet clarifie la notion de santé planétaire (3). Pour ses auteurs, les gains de l’après-guerre en matière de santé (objectivable par l’augmentation de l’espérance de vie) seraient aujourd’hui rendus fragiles et réversibles du fait de notre usage des ressources naturelles, « injuste, inefficace et non soutenable ». Les déséquilibres fondamentaux discutés depuis des années et résultant des activités anthropiques visées sont associés au changement climatique, à l’acidification des mers, à la dégradation des sols, aux pénuries croissantes en eau, à la perte rapide de biodiversité et à la croissance de la population. Sur chacun d’eux, le rapport dresse un constat glaçant, avant d’interroger leurs conséquences sur la santé.

Celles du changement climatique sont par exemple de trois ordres : des modifications dans la distribution et les circulations des agents responsables de maladies parasitaires et infectieuses du fait des nouvelles conditions de température et d’humidité ; les problèmes de nutrition résultant, pour certaines populations, de la moindre production de nourriture ; les effets de la multiplication des vagues de chaleur et des événements extrêmes, en particulier pour les personnes âgées. Les scénarios qui concernent les maladies transmissibles telles que la malaria sont les mieux documentés.

S’agissant des effets de la réduction de la biodiversité, le rapport reprend une synthèse élaborée en 2015 par l’OMS et la Convention sur la biodiversité à travers trois axes : 1. les causes humaines de réduction de la biodiversité limitent la capacité des écosystèmes à rendre des « services » essentiels, en particulier « la fourniture d’air pur et d’eau propre, la mise à disposition de ressources permettant la découverte et la production de thérapies, le soutien des cultures et des valeurs spirituelles » ; 2. les personnes les plus touchées par ces changements sont déjà socialement à risque, et n’ont pas accès à une protection sociale adéquate ; 3. les risques majeurs sont ceux induits par la perte de biodiversité agricole, laquelle joue un rôle crucial pour la production alimentaire et le contrôle de la transmission des pathogènes de la faune sauvage aux populations humaines (4). (…)

L’ensemble de ces analyses et critiques portent sur ce qui était déjà au cœur de la santé environnementale dans les années 1970, lorsque la question des pollutions et des expositions aux produits chimiques est devenue un enjeu de mobilisations sociales à la croisée des mouvements écologistes, féministes et de consommateurs – à savoir le refus des formes prises par la production et la consommation de masse qui mettent en danger la santé des humains.

…à la soutenabilité problématique du système de santé

Depuis, un autre registre de critique a pris de l’importance. Il remet en cause les systèmes de santé eux-mêmes pour leurs effets sur l’environnement et leur capacité à induire, par leurs dysfonctionnements, de nouvelles pathologies.

Cette thématique n’est pas non plus totalement nouvelle. Sur la lancée des mouvements pour la santé des femmes et des mouvements s’opposant à la psychiatrie asilaire, les années 1970 ont ainsi insisté sur les conséquences de la « médicalisation » entendue comme une appropriation, par la profession médicale, de problèmes sociaux traités comme des maladies pouvant justifier une intervention thérapeutique, éventuellement de l’ordre du médicament. Dans notre cadre de réflexion, le point décisif est qu’un lien a été tissé entre médicalisation et « surconsommation » de biens et de services médicaux, sans que ces réflexions ne mobilisent l’écologie. À quelques exceptions près…

Une des plus emblématiques est la discussion sur la généralisation des résistances aux antibiotiques. Les historiens Scott Podolsky et Christoph Gradmann nous ont rappelé que le problème de l’acquisition par des souches bactériennes de la capacité à ne plus être affectée par la présence de tel ou tel antibiotique est aussi ancien que les recherches sur les sulfamides et la pénicilline (5). Avec la diversification des antibiotiques et le passage à une production de masse, chiffrée en dizaines de millions de tonnes, dans les années 1950 et 1960, le problème a changé trois fois de nature.

Premièrement, il a suscité des inquiétudes pour la santé humaine : plus répandues, présentes avant même que les bactéries ne rencontrent des antibiotiques à l’occasion d’un traitement, certaines résistances, portées notamment par les staphylocoques, ont très tôt rendu difficile la prise en charge.

Deuxièmement, la réponse consensuelle qui consistait à miser sur l’innovation et à résoudre les problèmes par la découverte d’une nouvelle génération de molécules a perdu de son pouvoir de conviction dans la mesure exacte où l’industrie pharmaceutique a désinvesti ce type de recherche (voir le chapitre 8) – pour partie en réponse à la transition démographique et à l’effacement perçu des maladies infectieuses dans les pays du Nord qui sont aussi ceux des marchés de masse et socialisés.

Troisièmement, la biologie des résistances a changé avec la découverte, dans les années 1970, de mécanismes génétiques par lesquelles les bactéries peuvent faire circuler et s’échanger des mini-chromosomes porteurs de gènes de résistance. Le paysage est ainsi devenu celui d’une diffusion accélérée et d’une accumulation au sein des mêmes souches de ces facteurs, avec la perspective du « super-germe », la bactérie insensible à tous les antibiotiques existants ; laquelle deviendra, pour la tuberculose, une réalité dès la fin des années 2000.

Enfin, et c’est ici le plus important, les antibiotiques ont très tôt été associés à deux types d’usage : en médecine et en agriculture, ce qui a décuplé leur consommation. L’élevage industriel les a utilisés en masse, à la fois pour prévenir les infections (comme en médecine humaine mais dans des quantités sans commune mesure, du fait de leur incorporation systématique aux rations alimentaires) et comme adjuvants de croissance, les zootechniciens et les biochimistes industriels ayant montré qu’ils permettaient d’obtenir plus de viande.

Les controverses à répétition sur l’ampleur des résistances, leur impact sur la santé humaine et les mesures de régulation à prendre pour les contrer ont donc porté sur des pratiques de production, de prescription et de consommation qui concernaient tant le système de santé que l’agriculture industrielle. Avec, selon les moments et les lieux, une mise en cause plus ou moins forte de la responsabilité des uns et des autres ; avec des mesures de régulation visant tel ou tel segment de marché, tel ou tel usage.

Pour ne mentionner qu’un exemple, si les médecins de santé publique britanniques ont vite été convaincus de l’origine humaine des résistances, diffusé l’idée que les souches résistantes pouvaient passer de la ferme à la clinique et obtenu l’interdiction des aliments supplémentés en antibiotiques, tel n’a pas été le cas aux États-Unis (6). Là, le lien entre pratiques agricoles et apparition de résistances en médecine humaine a été fortement contesté ; l’élite médicale a dénoncé le poids des industriels et leur influence (via la publicité) sur les (mauvaises) pratiques de prescription. Le problème a donc été défini comme avant tout médical, résultant de la structuration du système de santé, plus précisément du lien entre maximisation du marché et extension de la prescription, entre usage thérapeutique et usage préventif. La demande des patients, le défaut de formation et le lobbying de l’industrie étant à l’origine de mauvaises pratiques de santé (ou du moins jugées telles après trois décennies). Ces médecins voulaient limiter et optimiser la consommation par la définition et la promotion de « bonnes pratiques » professionnelles.

Si, aujourd’hui, pour l’OMS, la généralisation à la planète et l’intensification des résistances est une des premières menaces sur la santé des populations, si l’élevage industriel reste une cause majeure de sa persistance, le problème a pris une nouvelle dimension avec la pollution aux antibiotiques des milieux naturels. Ceux-ci sont présents dans les eaux à proximité des grands centres urbains, des grands établissements de soin et, surtout, des usines de production des principes actifs. Ils sont désormais intégrés à la palette des pollutions pharmaceutiques dont se préoccupe l’Organisation de coopération et de développement économiques. Comme toutes les organisations internationales concernées désormais, l’OCDE ne prône pas seulement une meilleure surveillance et une amélioration des procédés industriels pour limiter les rejets, mais aussi une « réduction de la consommation excessive de médicaments » (7).

Le système de santé n’est donc pas indemne de la crise écologique, de la mise en cause de ses effets iatrogènes et de la revendication d’une transition vers un régime de pratiques moins consommatrices en objets et en êtres vivants. L’évocation, lors du Ségur, de la nécessité d’une transition écologique à l’hôpital, illustrée par l’impérative réduction de la consommation de plastique à usage unique, est certainement anecdotique et un tantinet perverse face à des soignants plaidant à juste titre pour un investissement de ressources d’un tout autre type. Elle n’en symbolise pas moins l’urgence qui pointe.

L'échange - Gilbert Garcin (21 juin 1929-17 avril 2020)

L'échange - Gilbert Garcin (21 juin 1929-17 avril 2020)

Écologie, besoins et activités : une politique de l’essentiel ?

La pandémie de Covid-19 a remis à l’ordre du jour une discussion sur les besoins « essentiels » en tant qu’étape obligée pour imaginer un monde « soutenable », agissant en fonction du caractère limité des ressources, mais aussi tenant compte des conséquences de nos actions, des effets anthropiques globaux des modèles hégémoniques de production et de consommation. Mais que peut bien signifier l’expression « besoins essentiels » dans ce contexte de transition écologique ?

Cette catégorie a occupé une place centrale dans les théories critiques de l’aliénation, en particulier dans les années 1970, quand la société de consommation semblait encore promise à un bel avenir, quand l’austérité n’était pas encore systématiquement associée à la politique et qu’apparemment le problème majeur des habitants des pays industrialisés était de moins en moins celui de l’accès et de plus en plus celui de l’insatisfaction et des inégalités persistantes. « L’individu socialisé par la consommation n’est plus un individu socialement intégré mais un individu incité à vouloir “être soi-même” en se distinguant des autres et qui ne leur ressemble que par ce refus, canalisé socialement dans la consommation, d’assumer par une action commune la condition commune », écrivait ainsi André Gorz, un des premiers théoriciens de l’écologie politique (8).

Dans ce contexte, « essentiel » peut être compris comme opposé à « artificiel », voire « faux ». Comment fonder une telle distinction ? Au risque du schématisme, on relève deux registres de réponses.

Le premier renvoie à une forme de naturalisme. Les besoins essentiels sont ceux dont la satisfaction est indispensable à la continuation de la vie. Dans l’acception la plus biologique, ce sont les besoins des corps : manger, dormir, ne pas avoir froid ou soif, et par extension ne pas être malade. Dans une acception plus historique ou culturelle, ce sont les besoins reconnus collectivement comme constitutifs d’une existence humaine : être en sécurité, avoir accès à l’éducation, à des espaces naturels, jouir d’une bonne santé, entendue comme un « état de bien-être physique, psychique et social ».

Le second registre ne fait pas intervenir la nature, mais la morale. Les besoins essentiels sont ceux dont la satisfaction ne remet pas en cause l’humanité de soi et de l’autre. Le problème de ces montées en généralité est qu’elles ne donnent que des éléments de réponse très limités sur ce à quoi il est légitime de tenir, et comment il est possible non pas de faire le tri entre « authentiques » et « artificiels », mais de tenir compte des limites, par exemple celles des ressources naturelles, pour hiérarchiser les besoins, définir des priorités et « sortir du consumérisme » (9).

Sous cet aspect, la politique des besoins est profondément liée à l’histoire de l’écologie politique, de la critique du productivisme et de celle de la planification bureaucratique. Dans son premier ouvrage sur la question, en 1978, le même Gorz insistait sur cette relation : « Le choix écologiste n’est pas incompatible avec le choix socialiste libertaire ou autogestionnaire, mais il ne se confond pas avec lui. Car il se situe à un autre niveau, plus fondamental : celui des présupposés matériels extra-économiques, car la technique n’est pas neutre : elle reflète et détermine le rapport du producteur au produit, du travailleur au travail, de l’individu au groupe et à la société, de l’homme au milieu ; elle est la matrice des rapports de pouvoir, des rapports sociaux de production et de la division hiérarchique des tâches. Des choix de société n’ont cessé de nous être imposés par le biais de choix techniques. […] L’inversion des outils est une condition fondamentale au changement de société. »

La critique du système des besoins a pris une acuité particulière chez les intellectuels critiques de l’Europe de l’Est soviétisée, du fait de leur expérience de l’État bureaucratique et de la conjonction de la priorité aux infrastructures industrielles et de pénuries de biens de consommation courante. Élève du philosophe hongrois György Lukács, Agnès Heller s’est ainsi intéressée à la « théorie des besoins chez Marx », en quête d’alternative à la « dictature sur les besoins » établie par l’alliance entre monopole d’exercice du pouvoir par le parti, nationalisation des dispositifs de production et planification technocratique et centralisée (10).

Pour Heller, la question centrale porte sur ce qui peut fonder une hiérarchie légitime entre les besoins. C’est-à-dire sans placer celui qui opère en position d’extériorité par rapport au système des besoins de la société ; sans recourir à ces deux opérations de force caractéristiques de la dictature sur les besoins que sont : 1. la non-reconnaissance violente d’un besoin (le parti décide que la voiture familiale est une aspiration petite-bourgeoise) et 2. le fait de proclamer certains besoins satisfaits par la structure sociale et donc sans objet (il n’est pas nécessaire d’accéder aux médicaments des firmes capitalistes, puisque le système de santé soviétique répond à tout). « Si l’on reconnaît la validité de tous les besoins et si l’on admet la légitimité de leur satisfaction, la détermination des priorités présuppose l’existence d’un système social institutionnalisé différent de celui qui divise les besoins respectivement en besoins réels et irréels. » (11)

Mais alors comment imaginer une transformation de ces hiérarchies, si ceux qui en pâtissent sont dépourvus de pouvoir et prisonniers des attentes générées par le système existant des besoins ? Pour Heller, la réponse ne peut résider dans le recours à une élite qui aurait conscience du bien commun comme pourrait l’être une élite d’écologistes scientifiques. La possibilité d’une alternative tient en une démocratisation radicale de la politique des besoins, autrement dit au fait d’exploiter les ressources de la politique pour donner place aux « besoins radicaux » dans les structures économiques, politiques et sociales. Pour Heller, les besoins radicaux sont ceux qui (comme chez Marx) sont portés par des « personnes qui ont des besoins dont elles sont conscientes, des besoins formés dans le cadre de la société donnée mais dont la satisfaction n’est possible que par le dépassement de celle-ci ». Il faut immédiatement ajouter qu’il n’existait pas de solution miracle pour la philosophe oppositionnelle : pas de séparation radicale entre besoins radicaux et non radicaux, pas de système alternatif unique et surtout pas d’acteur ou de groupe social privilégié pour accoucher du futur. Les mouvements porteurs des besoins radicaux sont pluriels, soutiennent des valeurs différentes et contradictoires, d’où le caractère incontournable du jeu démocratique qui doit présider à leur action et à leur coalition.

Il semble que l’on soit loin des débats sur la pandémie… Pourtant, nombre des discussions sur le « monde d’après » portent précisément sur la légitimité des systèmes des besoins de nos sociétés productivistes, sur ce à quoi nous tenons et que nous voulons préserver, avec toutefois une très grande incertitude sur ce qui fonde la légitimité des choix alternatifs, au-delà du respect des grands équilibres écologiques, sur les modalités de définition de ces choix. Quelles sont les activités suspendues et à ne pas reprendre telles quelles ? Pourquoi sont-elles dangereuses ou superflues ? Comment éviter que ceux qui en ont la charge et en dépendent ne paient le prix d’une transition ? Quelles activités promouvoir ou inventer à leur place ?

C’est ce que donne, par exemple, à voir la consultation en ligne organisée, entre autres, par WWF – make.org et ses 165 000 participants –, qui a mis au premier rang des sujets de préoccupation l’alimentation et la santé, tout en plébiscitant la relocalisation des activités « stratégiques » (ou « essentielles », « indispensables »), la réévaluation environnementale et sociale des politiques publiques, l’augmentation de la durée de vie des produits, le soutien aux circuits courts, etc... (12) Le paradoxe de cette conversation renouvelée par les effets économiques et sociaux de la pandémie est que, comme dans l’essentiel de la littérature sur les alternatives à la catastrophe qui vient, la santé n’est jamais mentionnée, comme si, dans ce domaine, à la différence de tous les autres, légitimité et soutenabilité n’étaient pas problématiques.

Dans un centre de traitement des déchets électroniques.

Dans un centre de traitement des déchets électroniques.

Prêter attention, prendre la mesure et redéfinir les priorités : vers un triage écologique en santé ?

Ainsi se pose la question de l’existence et de la désirabilité d’un triage « écologique » dans le champ de la santé. On l’a vu, le triage est une série d’opérations pratiques de sélection, d’affectation et d’usage des ressources destinées aux activités de prévention et de soin. Du point de vue de l’analyse, un registre particulier de triage suppose un système de catégories et de valeurs invoquées dans le choix des cibles et des outils mobilisés pour agir, par les institutions et les acteurs participant des divers mondes de la santé.

L’émergence d’un triage écologique en santé a moins d’une décennie. Celui-ci concerne principalement le champ de la santé environnementale avec son cortège de controverses publiques, de conflits d’expertise, de lobbying et de mobilisations associatives. La prise en compte du problème des perturbateurs endocriniens en est l’exemple princeps.

Les « perturbateurs endocriniens » sont des substances chimiques massivement utilisées dans l’industrie et dans la vie quotidienne, disséminées dans l’environnement, et identifiées comme interférant avec les régulations hormonales participant de l’intégrité des organismes animaux et humains. Notons que la catégorie n’est pas née, dans les années 1990, de la seule recherche académique mais de l’interaction entre des chercheurs engagés, épidémiologistes et écologistes, et des mouvements sociaux, à savoir, aux États-Unis, le mouvement pour la santé des femmes et les organisations environnementales (13). Les perturbateurs endocriniens ont donc d’emblée été identifiés comme responsables de troubles dans les écosystèmes et de troubles à la santé publique. Ces derniers concernaient, initialement, les systèmes reproducteurs et leur fonctionnement : anomalies du développement des organes reproducteurs, réduction de la qualité du sperme, précocité sexuelle chez les filles, etc. Tous les travaux sur les perturbateurs endocriniens font l’objet de controverses à répétition concernant aussi bien la nature des modèles ou des systèmes expérimentaux que les résultats obtenus avec tel ou tel produit. Il suffit de se rappeler l’ampleur et la durée des controverses sur la toxicité du bisphénol A pour le mesurer (14).

L’étendue de ces controverses a bien sûr partie liée avec les enjeux industriels afférents à l’utilisation de ces substances et le monopole d’expertise détenu par les industriels qui les produisent. Mais l’histoire de la confrontation à propos des perturbateurs endocriniens n’est pas réductible au rôle de la grande industrie chimique capitaliste. Elle tient aussi au fait que leur émergence a profondément déstabilisé l’expertise toxicologique. Les propriétés qui leur sont attribuées remettent en cause les modèles de compréhension du lien entre concentrations et effets des substances toxiques qui étaient hégémoniques dans la toxicologie, qu’elle soit académique, industrielle ou réglementaire. Avec les perturbateurs endocriniens, ces relations ne sont plus linéaires. L’impact n’augmente pas avec la dose : il peut être très grand à faible dose et diminuer ensuite ; les seuils qui fondaient la possibilité de définir des doses limites d’exposition sont souvent inexistants. Les perturbateurs endocriniens se révèlent récalcitrants au contrôle, hostiles à la mécanique bien huilée des régulations administratives.

Un quart de siècle après leur apparition, ils sont désormais associés, de façon plus ou moins forte ou déterministe, à une palette de pathologies humaines : aux troubles de la reproduction, mais aussi à l’augmentation continue de l’incidence de certains cancers, du sein en particulier, de maladies métaboliques liées aux dysfonctionnements de la thyroïde, de maladies neurocognitives résultant de perturbations des étapes précoces du développement. Le débat sur leur implication et, plus généralement, sur la part des expositions chimiques dans l’incidence croissante d’autres maladies chroniques est ouvert, mais il n’est désormais plus hétérodoxe de tenir pour acquis que les quatre familles de maladies chroniques les plus importantes en termes de « fardeau global » – les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les maladies métaboliques et les affections respiratoires – sont en grande partie attribuables à des modifications de l’environnement, dont l’accumulation des effets de perturbation endocrinienne (15).

Enjeu majeur pour la santé publique, ils sont donc devenus des objets éco-sanitaires cibles de multiples initiatives et mobilisations visant à en contrôler les usages et les effets. Ainsi, en France, les mobilisations, en particulier celles lancées par le réseau environnement santé (RES), ont abouti à l’interdiction du bisphénol A dans les biberons puis dans les contenants alimentaires.

Quel genre de priorisation est à l’œuvre dans les arènes qui discutent de leur utilité, de leurs usages et de leurs effets sanitaires ?

Le premier niveau tient à l’évaluation de leur rôle dans telle ou telle maladie chronique, et donc à l’importance à donner à une politique de prévention prenant pour cible la réduction des expositions. Quelle hiérarchie des causes attribuables pour quelle hiérarchie des cibles ?

Le deuxième niveau concerne la généralité des perturbations endocriniennes et donc la communauté de destin entre animaux et humains créée par les expositions. Faut-il traiter différemment les effets sur la santé humaine et ceux sur les écosystèmes ? Faut-il viser les expositions résultant de l’alimentation ou celles induites par les effluents et la pollution des rivières ?

Le dernier niveau est celui de la priorisation des interventions. Quelles substances considérer, alors que la liste des perturbateurs officiellement reconnus en compte déjà des centaines ? Faut-il essayer d’obtenir leur interdiction ou, compte tenu de l’importance des besoins de certaines molécules, miser sur un usage contrôlé passant par la définition de seuils et de techniques de confinement ?

C’est sur ce dernier plan que les conflits ont eu les effets les plus originaux. Les lieux du triage des perturbateurs endocriniens se sont en effet déportés. Pour nombre d’activistes, l’interdiction par l’État était la cible privilégiée et la mise en évidence experte des risques sanitaires un point de passage obligé. Les limites d’une approche substance par substance ont conduit à redéfinir les termes de la priorisation. L’expérience du bisphénol A l’illustre parfaitement : son interdiction s’est accompagnée d’une substitution par le bisphénol C, sans changement des modes de production et des usages ; or le bisphénol C semble tout aussi voire plus dangereux que son prédécesseur. Il est donc vain de s’épuiser à obtenir des interdictions ciblées sans politique des usages et de leurs alternatives, laquelle ne peut se borner à l’appel à l’État. La mise en place d’incitations au remplacement, dans la production et la consommation, se joue aujourd’hui autant dans les villes et communautés territoriales, via leurs politiques d’achats et d’éducation, qu’au niveau du Parlement et du ministère de l’Environnement.

Au-delà de cette configuration exceptionnelle, que pourrait être un triage écologique en santé ?

Si elle en est sans doute la question centrale, précisons d’emblée que, pour être en phase avec les perspectives de l’écologie politique, la soutenabilité ne peut être réduite à la prise en compte du caractère « renouvelable » des ressources. On ne peut se contenter d’une approche purement instrumentale examinant, par exemple, combien d’énergie d’origine fossile est consommée par une activité ou combien de déchets plastiques non recyclés sont produits. Il s’agit de prêter attention aux écosystèmes et à ce qui se joue en lien avec le futur de l’ensemble de la biosphère, par exemple, lorsque les chaînes de transmission des micro-organismes changent radicalement de nature.

Deuxième précaution, la soutenabilité n’est pas une affaire malthusienne, un problème d’inadéquation entre production des ressources et croissance de la population. C’est la pire manière de poser la question des limites, car elle vise la croissance démographique dans le Sud global en écartant la signification politique de l’extraordinaire différentiel de consommation avec le Nord global. Ces inégalités sont telles que l’on parle du « facteur 32 », à savoir le ratio entre l’empreinte écologique de la consommation d’un Américain moyen et celle d’un habitant du Burkina Faso. En termes de dépenses de santé par habitant, entre les États-Unis et la République démocratique du Congo, le facteur n’est plus de 32 mais de 300 !

Troisième précaution, prêter attention aux conséquences des opérations productives ou des interventions sanitaires pour substituer des règles vertes aux règles d’or budgétaires suppose de prendre la mesure des situations. Si les analyses coûts/efficacité sont au cœur du triage économique, du côté du triage écologique ce sont les flux de matières, les analyses de cycle de vie, les calculs d’empreinte ou les niveaux d’émissions. La première évaluation des émissions de carbone de l’industrie pharmaceutique, publiée en 2019, portait sur quinze des plus grandes entreprises (les seules à avoir publié des chiffres). Elle a malgré tout permis de conclure que, contrairement aux proclamations de ces firmes censées incarner la chimie fine et propre, l’intensité d’émission du secteur équivaut à celle de l’industrie automobile ! De plus, les écarts entre entreprises sont extrêmes : Eli Lilly émettait ainsi en 2015 cinquante fois plus de carbone que Roche (16).

Introduire l’écologie dans notre panorama de la pandémopolitique ouvre donc sur deux types de questions.
Les premières, les mieux balisées, prennent en compte les liens entre crise écologique, anthropocène et santé. Ceux-ci mettent à l’agenda l’introduction de nouveaux besoins et de nouveaux critères de définition des cibles et de choix des moyens des politiques de santé (publique) pour prendre au sérieux les « externalités » sanitaires résultant de la dégradation des écosystèmes et de la biosphère. Dans cette perspective, le triage écologique est comparable au triage épidémiologique que pratique la santé publique ou à la médecine sociale axée sur la réduction des inégalités.

Plus fondamentalement, l’écologie politique interroge les pratiques de triage, leurs relations aux besoins. Admettre que les ressources sont limitées et que la croissance continue des consommations ne peut plus être l’horizon du progrès impose un réexamen décisif de la façon dont le paradigme de l’accès et la multiplication des actes ont dominé les réflexions de la gauche sur les politiques de santé. De ce point de vue, il n’existe pas de triage écologique isolé, mais plutôt un horizon de refondation du triage à partir du débat démocratique sur les besoins et les politiques de santé. Les arènes qui comptent en la matière ne sont donc pas seulement celles, classiques, des politiques publiques, mais bien celles de ce que l’on pourrait qualifier d’arènes de la démocratie éco-sociale.

Notes
1 - Les Économistes atterrés, « SARS2 et Anthropocène : significations et enjeux pour la politique publique », Mediapart, 30 avril 2020.
2 - Proposition de loi n° 3164 visant à instaurer un quota carbone individuel pour limiter l’usage de l’avion, Assemblée nationale, enregistrée le 30 juin 2020.
3 - Sarah Whitmee et alii, « Safeguarding human health in the Anthropocene epoch: report of the Rockefeller Foundation-Lancet Commission on planetary health », Lancet, n° 386, 2015, p. 1973-2028.
4 - UNEP, Convention on Biological Diversity, WHO, Connecting Global Priorities. Biodiversity and Human Health, WHO/CBD, Genève, 2015, <www.who.int/globalchange/publications/biodiversity-human-health/en>.
5 - Christoph Gradmann, « Re-Inventing Infectious Disease : Antibiotic Resistance and Drug Development at the Bayer Company 1945-1980 », Medical History, n° 60, 2016, p. 155-180 ; Scott Podolski, The Antibiotics Era. Reform, Resistance and the Pursuit of a Rational Therapeutics, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 2015.
6 - Klaas Kirchhelle, Pyrrhic Progress. The History of Antibiotics in Anglo-American Food Production, Rutgers University Press, New Brunswick, 2020.
7 - OCDE, Pharmaceutical Residues in Freshwater. Hazards and Policy Responses, OCDE, Paris, 2019, <www.oecd.org/publications/pharmaceutical-residues-in-freshwater-c936f42d-en.html>.
8 - André Gorz, Métamorphoses du travail, quête du sens, Galilée, Paris, 1988.
9 - Razmig Keucheyan, Les Besoins artificiels. Sortir du consumérisme, Zones, Paris, 2019.
10 - Agnes Heller, La Théorie des besoins chez Marx, 10-18 UGE, Paris, 1978.
11 - Idem, « Les “vrais” et les “faux” besoins », Mouvements, n° 54, 2008, p. 13-33.
12 - <https://make.org/FR-fr/consultation/le-monde-dapres/top-ideas>.
13 - Barbara Demeneix, Cocktail toxique. Comment les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau, Odile Jacob, Paris, 2017 ; Nathalie Jas et Jean-Paul Gaudillière, « Perturbateurs endocriniens, expertise et régulation en France et en Amérique du Nord », Sciences sociales et santé, vol. 34, n° 3, 2016, p. 5-18.
14 - Sarah Vogel, Is it safe ? BPA and the Struggle to Define the Safety of Chemicals, University of California Press, San Francisco, 2012.
15 - Armelle Andro et Jean-Paul Gaudillière, « Trouver des systèmes de production qui respectent d’abord les plus fragiles. Entretien avec Alfred Spira », Mouvements, n° 98, 2019, p. 83-94.
16 - Lotfi Belkhir et Ahmed Elmeligi, « Carbon footprint of the global pharmaceutical industry and relative impact of its major players », Journal of Cleaner Production, n 214, 2019, p. 185-194.

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