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10 mai 2017 3 10 /05 /mai /2017 11:27

Les grandes ONG environnementales comme la Fondation Nicolas Hulot, le Réseau Action Climat, WWF, France Nature Environnement et les Amis de la Terre interpellent le nouveau Président élu sur l'importance d'un grand ministère en charge du développement durable (avec un périmètre étendu, comprenant l'environnement/la biodiversité, l'eau, les transports, l'énergie, l'aménagement, la pêche/la mer et le climat). Un point important à suivre en vue de la composition du futur Gouvernement.    En complément, un article plus détaillé du World Wide Fund for nature du 9 mai 2017. Lire aussi Climat : à Bonn, négociations techniques et incertitude politique.

appel au nouveau gouvernement à mettre tout en œuvre pour accélérer la transition écologique © Global Warming Images / WWF

appel au nouveau gouvernement à mettre tout en œuvre pour accélérer la transition écologique © Global Warming Images / WWF

Monsieur le Président de la République,

Nos associations tiennent à vous féliciter pour votre élection à la Présidence de la République. Nous souhaiterions pouvoir vous rencontrer dans les meilleurs délais afin d’évoquer la feuille de route du quinquennat pour la transition écologique.

Dans cette attente, nous souhaitons dès maintenant vous faire part de notre avis sur le périmètre du ministère en charge de l’environnement.

L’organisation de l’État et de son gouvernement reflète l’ambition que se donne un pays. Comme vous le souligniez dans votre programme, « la transition écologique est une priorité pour aujourd’hui qui affecte tous les secteurs de la vie économique et sociale ».

La pertinence d'un grand ministère, avec à sa tête un ministre d’État, numéro deux dans l’ordre protocolaire, en charge du développement durable (écologie, biodiversité, climat et énergie, transport, logement et urbanisme, aménagement du territoire, pêche et mer) initié dans la dynamique du "Grenelle de l'environnement" a fait ses preuves et répondra à votre volonté d’un gouvernement resserré. De plus, des synergies institutionnelles fortes doivent être trouvées avec les ministères de la santé, du travail, de l'agriculture, des outremers, et enfin celui de l’économie tant leurs rôles et impacts sont essentiels pour l'environnement. Par ailleurs, vous aviez souligné dans votre programme l’importance d’une alimentation plus saine et avez annoncé la tenue d’États généraux de l'Agriculture et de l’Alimentation. Nous espérons donc que le futur gouvernement intégrera l’importance et la transversalité de cet enjeu, à la fois au niveau national et international.

De même, tout comme le Conseil National de la Transition Écologique est ouvert aux acteurs économiques et sociaux, la gouvernance doit être améliorée en ouvrant les instances de concertation des secteurs économiques et sociaux à nos associations environnementalistes, dans une logique de réciprocité d'ouverture.

Nous espérons que vous serez sensible à ces arguments et au symbole fort que représente ce large ministère. Nous rappelons notre fort attachement au dialogue environnemental et espérons que vous vous engagerez à le renforcer. Cela est indispensable pour répondre à "l'urgence écologique" que vous aviez rappelée au soir du 23 avril.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération.


Michel Dubromel, président de FNE, représentée au Conseil National de la Transition Écologique

Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO

Gilles Asenjo, Président de Surfrider Foundation

Pierre Perbos, président du Réseau Action Climat

Bernard Chevassus-au-Louis, président d’Humanité et Biodiversité

Cécile Ostria, Directrice générale de la Fondation Nicolas Hulot

Pascal Canfin, directeur général du WWF France

Florent Compain, président des Amis de la Terre

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Emmanuel Macron, élu Président de la République : quelles priorités en matière d'environnement ?

Le WWF France félicite Emmanuel Macron pour son élection à la Présidence de la République et appelle le nouveau gouvernement à mettre tout en œuvre pour accélérer la transition écologique.

Le WWF France attend un premier signal fort de la part du nouveau Président avec la constitution d’un large ministère avec à sa tête un ministre d’Etat, 2ème dans le rang protocolaire.

Ce ministère devra conserver la mer, la pêche et le transport dans son périmètre. Il devra inclure le logement, l’urbanisme et la construction comme ce fut le cas lors de la création de ce grand ministère en 2007-2012. Nous serons particulièrement attentifs à ce que le lien soit fait entre ce ministère et celui de l’Agriculture notamment sur les questions d’alimentation et pour la
future négociation de la Politique Agricole Commune, avec Bercy pour le financement de la transition écologique et avec les ministères de la santé et de l’agriculture pour les questions de « santé environnementale ». Lors des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation prévus par Emmanuel Macron, c’est un travail commun entre les ministères de l’environnement, de l’agriculture et de la santé qui devra être réalisé.

Le 10 février 2017, Emmanuel Macron avait été le premier des candidats à l’élection présidentielle à participer au
#Pandalive du WWF France. Pendant 45mn le candidat avait répondu aux questions des 860 000 supporters du WWF France sur les réseaux sociaux. Le WWF France sera tout particulièrement vigilant à ce que les engagements annoncés à cette occasion soient respectés.

Concernant Notre-Dame-des-Landes, Emmanuel Macron avait annoncé une médiation de 6 mois. Le WWF France attend donc la nomination rapide d’un médiateur avec une lettre de mission contenant l’étude des alternatives au projet d’aéroport.

Le WWF France avait salué la volonté du candidat de maintenir les objectifs de la loi sur la transition énergétique. Ils doivent l’être. Pour sécuriser les emplois des salariés concernés, des dispositifs transactionnels et des politiques publiques d’accompagnement, tel que le contrat de transition écologique, devront être développés.

Emmanuel Macron avait déclaré lors du #Pandalive ne plus vouloir autoriser de nouveaux permis d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz en France. Un moratoire existe déjà aujourd’hui pour les eaux françaises en Méditerranée et sur la façade Atlantique. L’extension de cette interdiction doit être confirmée pour protéger les eaux d’outre-mer et notamment en Guyane où Total ne se verrait donc pas autorisé à explorer les fonds et donc exploiter le pétrole qui pourrait s’y trouver.

Lors des Assises de l’Outre-mer que le Président a annoncé vouloir organiser rapidement, le WWF France veillera à ce qu’un modèle de développement économique durable soit proposé aux territoires d’outre-mer. L’argent public devra être investi de manière à soutenir l’emploi et la transition écologique et non être gâché en finançant des projets non soutenables tel que celui de la « Montagne d’or » en Guyane.

Enfin, lors du #Pandalive, le candidat avait pris position pour l’éintroduction d’ours dans les Pyrénées en rappelant « qu’on ne peut pas donner des leçons aux pays d’Afrique sur la protection des éléphants et, en France, ne pas être capables de vivre avec les loups, lynx ou ours ». Le WWF France veillera à la mise en œuvre rapide de cet engagement.

Emmanuel Macron a affiché lors de sa campagne sa volonté d’organiser des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation Le WWF soutient cette initiative. La refonte du contrat entre les agriculteurs et la société sera l’une des tâches majeures du prochain président de la République car notre alimentation, nos paysages ou l’avenir de nos emplois agricoles sont un élément clé de notre contrat social, en France sans doute encore plus qu’ailleurs.

Le WWF attend du nouveau président de la République et du gouvernement une réelle volonté politique pour faire avancer l’ensemble de ces sujets sans faiblir face aux sirènes des lobbies. La prise en compte de l’environnement doit s’inscrire dans l’ensemble des politiques publiques.

Le premier test environnemental du Président sera sa capacité à endosser le leadership suffisant pour peser contre l’éventuel retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris. Il sera attendu à ce sujet lors des prochains G7 et G20 aux mois de mai et juillet.

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5 mai 2017 5 05 /05 /mai /2017 15:52

L’entrée en vigueur, l’été 2016, du volet de la loi Macron consacré aux prud’hommes entraîne des interrogations sur la chute des saisines par les salariés ou les chômeurs observée dans plusieurs villes. Des avocats en droit social sont vent debout contre les nouvelles procédures, qui compliquent fortement l’accès aux juges. Par Manuel Jardinaud et Dan Israel le 3 mai 2017 pour Mediapart.

Ce sont des mots qui sonnent comme une ritournelle lorsque l’on parle de la justice : engorgement, congestion, saturation. Des termes qui qualifient notamment les conseils de prud’hommes (CPH). Il y a en France 216 de ces « tribunaux » de proximité, où la justice est rendue par des juges non professionnels, issus des organisations syndicales et patronales, sur les contentieux qui opposent salariés et employeurs. Depuis des années, à l’instar d’autres juridictions, ils croulent sous les dossiers. Certes, selon les territoires, les différences de traitement peuvent être fortes, mais la moyenne du parcours d’un dossier reste excessivement élevée.

Selon le rapport de la mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice prud’homale, remis au premier ministre le 19 avril 2017, « la durée moyenne des affaires traitées au fond étaient en 2016 de 21,9 mois et […] il est exceptionnel qu’un conseil de prud’hommes traite les affaires en moins de neuf mois ». Celui de Nanterre pulvérise les records avec une durée globale de 31,3 mois en 2016, quand celui de Saint-Omer réussit l’exploit de boucler un jugement au fond en 8 mois.

Le rapport d’où sont tirés ces chiffres tombe à propos. Il fait le point sur une réforme passée relativement inaperçue dans le cadre de la loi Macron d’août 2015, grand fourre-tout économique et social du quinquennat de François Hollande. Il s’agissait notamment, pour le volet concernant cette juridiction, de « réduire les délais de jugement et les taux d’appel excessivement élevés », selon l’exposé des motifs présentés à l’époque. Un bien bel objectif. Sauf que certains tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme sur les conséquences de cette réforme. C’est le cas d’Anne Dufour, présidente (CFDT) du CPH de Paris. Le 28 avril dernier, elle dénonçait sur France Inter une chute de 40 % du nombre de saisines devant les conseils de Lyon et Paris entre août et décembre 2016. Le président du CPH de Lyon, Bernard Augier (CGT), indique à Mediapart avoir plutôt observé une baisse de l’ordre de 20-25 % entre août 2016 et février 2017.

Une évolution qui rebute les salariés

Malgré la divergence de chiffres, le constat est identique. Selon les deux syndicalistes à la tête de ces juridictions, nombre de salariés renoncent désormais à leur possibilité de saisine à la suite de la complexification de la procédure. Avec le décret du 20 mai 2016, chaque personne doit désormais remplir un formulaire de six pages détaillant « les événements liés au litige » et les « demandes chiffrées », ainsi qu’écrire un « exposé sommaire des motifs », accompagné des pièces nécessaires. Avant la loi, qui est réellement entrée en vigueur en août dernier, un salarié ou un chômeur se contentait de saisir le CPH très simplement (en cochant quelques cases dans un document) et pouvait constituer son dossier, accompagné ou non d’un avocat, jusqu’au jour de l’audience.

« Ce changement rebute les salariés, pas tous armés quand ils n’ont pas d’avocat », constate Frédéric-Paul Martin, conseiller prud’homal CFE-CGC au CPH de Paris. « Ce décret nécessite de saisir par voie de requête motivée, ce qui est loin de la simplification présentée », détaille l’avocat en droit social David Métin. En clair : il faut désormais monter, documenter et rédiger un dossier presque aussi complet que lorsque l’on se présente devant les conseillers le jour de l’audience. Une gageure pour un individu isolé.

De nombreux avocats spécialisés dans la défense des salariés sont vent debout contre cette nouvelle procédure. « Rien que pour nous, c’est déjà un casse-tête, alors imaginez pour un salarié, déplore Lilia Mhissen, qui défend notamment la CGT d’Air France. Motiver en fait et en droit, c’est plus compliqué que de remplir des cases. C’est un vrai bazar, un vrai cauchemar. »

« Il est évident qu’il y a une baisse des saisines, cela se voit à l’œil nu quand on se rend au conseil des prud’hommes », ajoute Rachel Saada, avocate spécialisée très expérimentée. Elle dénonce une fracture qui s’établit entre les cadres, souvent conseillés et mieux à même de comprendre le dispositif, et les plus précaires. Sa consœur Isabelle Taraud témoigne, elle aussi, de la baisse de fréquentation des CPH : « En février, la dernière fois que je suis allée au CPH de Créteil, il y avait énormément moins d’affaires en audience que d’habitude, seulement quatre contre dix à douze habituellement. » L’avocat David Métin évalue la baisse d’activité des cabinets spécialisés à environ 30 % depuis huit mois, même s’il reconnaît être lui-même moins impacté par cette tendance.

Rachel Saada, très critique contre la réforme, observe le même mouvement : « Financièrement, ça devient compliqué. Les cabinets spécialisés sont des microstructures, avec peu de trésorerie. Même pour mon cabinet, je commence à être inquiète. La nouvelle procédure empêche de constituer les dossiers au fil de la procédure, et est plus pointilleuse. Non seulement le client doit nous payer d’un coup, lorsqu’on ouvre la procédure, mais en plus nous devons augmenter nos tarifs. » Elle dénonce ainsi un double mur érigé par la loi Macron – l’un lié à la procédure, l’autre à l’argent –, qui pénalise les plus fragiles.

Une tendance historique à l’éloignement du juge

Denys Robiliard, soutien de Benoît Hamon et rapporteur de ce volet du projet de loi à l’Assemblée nationale, ne croit pas à une telle influence du décret Macron sur le volume des saisines : « Notre volonté avec cette loi était d’accélérer les procédures, mais en aucun cas de les rendre plus difficiles d’accès. Et je ne vois pas comment le texte de loi aboutirait mécaniquement à une baisse du nombre de saisines. » Il convient cependant que « dans certaines juridictions », les demandes des greffes en direction des salariés vont plus loin que ce qui a été fixé dans les décrets d’application de la loi, et « parfois, dépassent ce qui était attendu ». Selon Bernard Augier, du CPH de Lyon, le gouvernement a commencé à travailler sur un nouveau décret afin d’améliorer certains dysfonctionnements. Mais l’alternance politique risque d’ensevelir ce texte.

« Il y a aussi, sans doute, un télescopage avec l’entrée en application de la loi de sécurisation de l’emploi, qui a raccourci les délais de prescription, indique Denys Robiliard. La première date d’effet de cette nouvelle prescription est arrivée justement en juin, et il est possible que des procédures aient dû être abandonnées. » Ce texte, porté par l’ancien ministre du travail Michel Sapin en 2013, réduit la capacité de demander des arriérés de salaires, passant d’un délai de cinq ans à trois ans. En réalité, cela joue à la marge. Selon la dernière étude du ministère de la justice sur « les litiges individuels du travail », parue en août 2015, les demandes ciblées sur les créances salariales ne représentaient que 0,6 % des litiges en 2013…

Le fameux décret Macron serait donc le seul responsable de cette spectaculaire baisse des saisines ? L’avocate Savine Bernard, tout en reconnaissant la complexification qu’il peut entraîner, nuance l’analyse. « Il faut également ajouter une autre loi, de 2008, portant déjà sur la prescription, qui rend moins intéressantes certaines procédures », complète-t-elle. Elle observe par ailleurs que le contentieux prud’homal est en baisse depuis déjà 2009, date de la mise en place de la rupture conventionnelle. Cette année-là, il atteignait un pic de 225 000 affaires, contre environ 200 000 aujourd’hui.

Selon elle, la loi Macron a surtout pour effet de rigidifier les procédures en appel, moins en première instance. Ce qui, sans le dire de cette manière, était l’un des buts de la loi. « L’esprit est de verrouiller l’accès au juge », résume Savine Bernard. Elle cite la cour d’appel de Versailles très pointilleuse sur la procédure, alourdissant ainsi le travail des avocats. Ce que Rachel Saada généralise par la formule : « Lorsque le législateur intervient, c’est toujours pour éloigner le juge du justiciable. »

Les moyens de la justice en question

Globalement, c’est plus une accumulation de textes qui fait aujourd’hui s’éloigner la justice prud’homale des victimes du monde du travail. Après la mise en place de la rupture conventionnelle (2009), de la loi de sécurisation de l’emploi (2013) et de la loi Macron (2015), celle dite El Khomri (2016) a institué le barème indicatif, qui devrait induire une baisse des dommages et intérêts. Et donc rendre moins intéressantes certaines procédures. Emmanuel Macron promet d’instaurer un barème obligatoire, celui contenu dans sa loi d’août 2015 ayant été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Cet arsenal législatif, voté au fil des ans sous des gouvernements de droite et de gauche, favorise les transactions de gré à gré, entre salariés et employeurs. Avec un risque : une privatisation de la justice. « Moins de contentieux, cela veut dire moins de jurisprudence qui fait avancer le droit. Cela signifie aussi une justice privée qui n’éclaire pas le droit, analyse Isabelle Taraud. C’est problématique. Nous sommes inquiets. »

Cette tendance historique à mettre des obstacles entre le citoyen et les CPH a-t-elle un effet sur les délais de traitement des jugements, objectif premier de la loi Macron ? Impossible aujourd’hui d’y répondre en raison du manque de recul. Mais la vraie question se trouve peut-être ailleurs, dans les moyens de la justice prud’homale. Sur ce point, le rapport sur le suivi de la loi Macron est éclairant : « Le plan de soutien à la mise en place de la réforme prud’homale prévoit une dotation de 1 512 postes informatiques, soit 7 postes pour chacun des 216 conseils de prud’hommes […]. Le raccordement des postes informatiques à l’intranet est en cours. Toutefois, seuls le président et le vice-président du conseil de prud’hommes bénéficieront de cet accès. Pour des raisons budgétaires, il n’est pas prévu pour l’instant un raccordement général, ne serait-ce que celui des présidents et vice-présidents de section. » En outre, les conseillers prud’homaux n’ont un accès en ligne aux documentations que depuis mars 2017… Des éléments qui donnent une image nette du dénuement de ces juridictions et de leur inaptitude à gérer efficacement les dossiers. Et là se trouve certainement le vrai nœud du problème.

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4 mai 2017 4 04 /05 /mai /2017 17:09

Le groupe de gestion de l’eau a été condamné pour avoir coupé l’eau ou réduit le débit à deux particuliers, dont l’un handicapé, en retard de paiement. Une pratique pourtant contestée, à laquelle le groupe assure ne plus se livrer. Par Rozenn Morgat le 3 mai 2017 pour Libération.                                Scandaleux !      Lire aussi Pour une gestion publique, démocratique et écologique de l'eau, et surtout Une nouvelle manœuvre pour faire taire les défenseurs du droit à l’eau.

Le siège du groupe Veolia à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 23 janvier. (Photo Vincent Isore. IP3)

Le siège du groupe Veolia à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 23 janvier. (Photo Vincent Isore. IP3)

Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Veolia, le numéro 1 français de l’assainissement et de la distribution de l’eau, est de nouveau aux prises avec la justice. Cette fois, ce sont les tribunaux de grande instance de Nanterre et Toulon qui l’ont condamné à payer deux amendes de 19 000 et 3 000 euros pour avoir coupé l’eau dans deux logements. Les associations France Libertés et Coordination eau Ile-de-France, qui se sont constituées parties civiles lors des procès, ont alerté les pouvoirs publics et les élus «afin que Veolia cesse de violer la loi».

Le premier client, âgé de 41 ans et lourdement handicapé, devait au distributeur la somme de 200 euros. En situation de précarité, il n’a pas pu régulariser cette dette et a été contraint de vivre sans eau pendant deux ans… Une pratique qu’Emmanuel Poilane, le directeur de France Libertés, juge «inadmissible», d’autant que «la victime avait demandé à Veolia la possibilité de payer sa facture en cinq mensualités, ce qui lui avait été refusé». Sollicité par l’AFP, Veolia évoque une erreur «regrettable» mais «possible» pour un groupe qui «gère 7,4 millions d’abonnés en France» et assure avoir «passé des consignes internes claires» pour ne plus pratiquer de coupures dans les résidences principales.

Témoignages

Dans le second cas, les faits se sont déroulés en février, alors même que Veolia assurait quelques semaines plus tôt, lors d’un forum intitulé «Quand l’eau révèle le monde», «ne plus pratiquer de coupures», rappelle le directeur de France Libertés. La personne concernée, dont les factures impayées ont été régularisées par la suite, avait vu le débit de son approvisionnement en eau fortement diminué pendant quinze jours.

Or la loi Brottes (du nom de François Brottes, ex-député PS de l’Isère), entrée en vigueur en 2013, stipule que toutes les coupures d’eau pour motif d’impayés dans les résidences principales, réduction de débit comprises, sont considérées comme illégales. En 2015, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par l’autre géant de l’eau, la Saur, après avoir elle-même été attaquée en justice, avait déjà confirmé la validité de l’interdiction des coupures d’eau dans les résidences principales. Par la suite, la société Veolia a elle aussi déposé une QPC, l’interdiction de toute réduction du débit portant selon elle «une atteinte excessive à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre». Mais cette QPC avait été rejetée en appel.

La justice a interdit les coupures, pourtant cette pratique persiste. D’après un rapport de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, les multinationales ont pratiqué 100 000 coupures en 2014 dans le pays. Emmanuel Poilane recense quant à lui seize actions en justice de son association contre des gestionnaires d’eau ayant pratiqué des coupures. «Nous avons toujours obtenu un jugement en notre faveur, avec indemnisations de préjudice pour les victimes», souligne le responsable associatif.

Et encore, ce n’est que la face émergée de l’iceberg. A côté des affaires coûteuses qu’elle porte devant les tribunaux, l’association continue de recevoir les témoignages de nombreux clients privés d’eau. Elle assure alors une médiation auprès des sociétés concernées et «l’eau revient dans les jours qui viennent», précise le directeur de France Libertés, pour qui «nul n’est censé ignorer la loi, pas même les entreprises multinationales».

" Business "

Quel est l’intérêt pour ces sociétés de pratiquer des coupures illégales ? D’après Henri Smets, le directeur de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement (Adede), c’est avant tout un moyen de faire pression sur les clients qui payent avec du retard. «Ce qui fonctionne, car la plupart des gens connaissent mal leurs droits», en matière d’accès à l’eau.

Emmanuel Poilane y voit, lui, une manière de perpétuer un «business de la coupure» très rentable : «Une amende de 3 000 euros, ça ne représente rien, par rapport aux frais de coupures imputés aux clients», explique le directeur de France Libertés, poursuivi depuis janvier par Veolia pour diffamation après avoir accusé le groupe de «pratiques illégales» dans la presse. L’association souhaite négocier avec la société des échelonnements de paiement pour les personnes en difficulté qui ont des factures en retard. Mais à ce jour, «Veolia n’a jamais accepté de discuter avec nous», déplore le directeur de France Libertés, dont le procès aura lieu en 2018.

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2 mai 2017 2 02 /05 /mai /2017 13:44

La nouvelle convention sur l’assurance chômage va s’imposer la semaine prochaine dans l’indifférence générale. Hélène Crouzillat, membre du collectif les Matermittentes, et Rose-Marie Pechallat, présidente de l’association de défense des chômeurs Recours radiation, tentent d’alerter sur les dangers de ce texte. Par Hélène Crouzillat et Rose-Marie Pechallat le 28 avril 2017 pour Politis à lire sur www.politis.fr .

photo : JACQUES DEMARTHON / AFP

photo : JACQUES DEMARTHON / AFP

À l’heure où les consignes de vote pour le second tour des présidentielles fleurissent comme des coquelicots, une course de vitesse se joue dans les salons de la République pour l’agrément par la ministre du Travail de la nouvelle convention d’assurance chômage. Vous n’êtes pas au courant ? C’est normal. Personne n’a intérêt à vous informer de ce qui vous attend si, par malchance, le marché du travail ne voulait plus de vous.

Cette nouvelle convention d’assurance chômage fait suite à un protocole d’accord signé le 29 mars dernier, par les « partenaires sociaux » gestionnaires de l’Unédic, l’organisme qui gère et encadre les conditions d’indemnisation des chômeurs. Il prévoit l’économie de 900 millions par an sur les trois prochaines années pour pallier un déficit estimé à 4 milliards d’euros par an.

Quelques voix – des organisations de chômeurs – à peine audibles, annoncent le tableau : les premiers chômeurs touchés par les économies sont les femmes, les seniors et les salariés sous contrat courts ou travaillant à temps partiel, du public comme du privé. On aurait pu penser qu’une hausse des cotisations patronales, un déplafonnement des cotisations sur les hauts salaires ou encore une hausse du salaire des femmes pour atteindre celui des hommes, pourraient suffire à remplir la caisse. (...)

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29 avril 2017 6 29 /04 /avril /2017 09:04

Par Laurent Bonelli, Maître de conférences à l’université Paris Nanterre, auteur de La France a peur. Une histoire sociale de l’« insécurité », La Découverte, Paris, 2008. Article publié dans Le Monde Diplomatique de mai 2017.

Paul Klee. — « Ein Gefangener wird abgeführt » (Un prisonnier est emmené), 1939 © ADAGP, Paris 2017, Bridgeman images

Paul Klee. — « Ein Gefangener wird abgeführt » (Un prisonnier est emmené), 1939 © ADAGP, Paris 2017, Bridgeman images

La politique offre parfois un spectacle amusant. Lorsque M. François Fillon (Les Républicains), mis en examen par trois juges pour complicité et recel de détournement de fonds publics, complicité et recel d’abus de bien sociaux, puis pour faux et usage de faux et escroquerie aggravée, en appelle à « une détermination sans faille, des principes simples : tolérance zéro, impunité zéro ». Ou lorsque Mme Marine Le Pen (Front national), qui souhaite « appliquer la tolérance zéro et en finir avec le laxisme judiciaire », refuse de se rendre avant fin juin aux convocations de la police dans l’affaire de recel d’abus de confiance qui touche ses proches assistants, en se drapant dans son immunité de parlementaire européenne.

Au-delà de ces incongruités, la question de la sécurité est revenue s’installer au cœur de la campagne présidentielle, comme elle le fait régulièrement depuis 2002. Certains candidats se sont distingués par des propositions particulièrement radicales, comme l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans (pour M. Fillon) ou la mise en place d’un « plan de désarmement des banlieues » (pour Mme Le Pen), mais les modalités proposées par la plupart d’entre eux convergeaient étonnamment. Garantir la sécurité requerrait simplement une augmentation quantitative des moyens pour l’assurer : plus de personnel (public ou privé), plus d’infrastructures (prisons, centres fermés, systèmes technologiques), plus de lois.

Cette philosophie a été suivie avec constance par les gouvernements qui se sont succédé depuis la fin des années 1990. Plus d’une quarantaine de lois ont été votées. Elles ont créé de nouveaux délits (la mendicité agressive, le racolage passif, la fraude d’habitude dans les transports en commun, les rassemblements dans les halls d’immeuble, etc.), systématisé et durci les sanctions pénales ou renforcé les pouvoirs de la police (allongement des gardes à vue, extension des capacités d’écoute et d’interception, développement des fichiers, etc.). Conséquence logique de ce mouvement : les prisons françaises débordent, avec aujourd’hui près de 70 000 détenus, auxquels s’ajoutent plus de 170 000 personnes sous le coup de sanctions alternatives à l’emprisonnement ou bénéficiant d’aménagements de peine. Le nombre d’individus sous main de justice a ainsi augmenté de près de 50 % entre 1997 et 2017. Les rues de nos villes et de nos campagnes sont-elles plus sûres ? Y a-t-il moins d’agressions, de cambriolages, de vols, de violences sexuelles, d’attentats ?

Devant cet échec, les principaux candidats à l’élection ont parié sur une nouvelle fuite en avant. Qu’ils aient été convaincus d’en tirer un avantage politique ou qu’ils manquent d’imagination, ils ont oublié que l’action publique produit des effets sur les individus et les sociétés. Et qu’elle peut reproduire ou aggraver les maux qu’elle prétend combattre. Ne serait-il pas temps d’amorcer une décroissance sécuritaire ?

Premier chantier : la prison, dont tous les travaux montrent les effets délétères sur les individus. La détention renforce d’abord les antagonismes avec les représentants des institutions. On peut aisément imaginer que ceux qui sont condamnés n’entretenaient pas auparavant des rapports pacifiés avec l’école, la police ou la justice. Or, en prison — parce que l’institution règle l’ensemble de leur existence —, ces rapports se durcissent et prennent un tour plus violent encore. Pour ces mêmes raisons, la solidarité entre détenus se renforce. Appartenir à un collectif apparaît comme une nécessité pour se protéger tant contre la violence institutionnelle que contre celle des autres prisonniers. C’est là que se forgent des relations, parfois des amitiés, qui perdurent au-delà de la détention et marquent durablement les carrières délinquantes ou d’activisme violent.

De surcroît, l’expérience carcérale vient obscurcir les perspectives d’avenir de ceux qui l’ont connue. Le stigmate pénal aggrave la situation d’individus déjà peu instruits et relégués sur le marché de l’emploi, quand ils ne sont pas discriminés en raison de leur origine. Ce cercle vicieux explique largement la récidive et donne tout son sens à la désignation des prisons comme « écoles du crime » (1). Au lieu d’en construire de nouvelles, pourquoi ne pas commencer par les vider, comme le font plusieurs pays européens (2) ? Cette option fut choisie par M. Robert Badinter lorsqu’il était garde des sceaux. Entre mai et octobre 1981, l’effectif carcéral diminua de 40 % (soit 19 000 personnes) (3), sans que le pays devienne pour autant un coupe-gorge. Vingt ans plus tard, les députés français concluaient dans le même sens : « La prison aujourd’hui apparaît une sanction inadaptée à plusieurs types de délinquants : toxicomanes, étrangers, mineurs, malades mentaux. Il faut donc sortir d’un système de sanctions axé sur le tout-carcéral et développer d’autres formes de rappel à la loi pour mieux assurer la sécurité en limitant la récidive (4). » Cette lucidité momentanée ne fut guère suivie d’effets, puisque, dans les mois suivants, ils votèrent de nouvelles lois dont l’effet mécanique était d’envoyer ces mêmes personnes derrière les barreaux.

Un second chantier concerne les stupéfiants. La France est l’un des pays européens où la consommation de cannabis est la plus importante. En 2015, 40,9 % des 16-64 ans en avaient fumé au moins une fois dans leur vie, et 22,1 % des 16-34 ans au cours des douze derniers mois. Or cette pratique est lourdement réprimée. En 2014, 176 700 personnes ont été mises en cause par les services de police et de gendarmerie pour usage simple (soit 83 % des infractions à la législation sur les stupéfiants). Et, en 2013, 59 % des condamnations pénales concernant les stupéfiants portaient sur l’usage simple (5). Bien que cela reste sa justification première, la répression ne semble pas empêcher la consommation. En outre, ce contentieux épuise littéralement l’activité des forces de l’ordre et de l’autorité judiciaire. Pour quelques grammes d’herbe, des policiers vont interrompre leur patrouille, mener un interrogatoire, assurer le cas échéant une garde à vue ; un avocat va être appelé, des magistrats et des greffiers mobilisés pour une sanction souvent légère (amende, travaux d’intérêt général, stage de sensibilisation, etc.), dont les effets sur la récidive paraissent pour le moins incertains. Ce temps de travail et son coût public ne seraient-ils pas mieux investis ailleurs ? Ne permettraient-ils pas de cibler des formes de délinquance plus sérieuses ? D’investir davantage dans la prévention et la pédagogie en matière de toxicomanie ? Comme y ont invité MM. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Benoît Hamon (Parti socialiste) ou Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste), il est sans doute temps non pas de dépénaliser, mais de légaliser la consommation de cannabis, en suivant l’exemple de l’Autriche, de l’Uruguay et de plusieurs États américains (dont la Californie).

D’autres changements s’avèrent nécessaires, parmi lesquels le contrôle des forces de l’ordre. La longue liste des violences policières, tragiquement actualisée par les affaires Adama Traoré, Théo L. et Liu Shaoyao, éclaire la défaillance du contrôle de la police. Les services internes, comme l’inspection générale de la police nationale (IGPN), sanctionnent efficacement les manquements à la discipline, mais restent timorés lorsqu’il s’agit de traiter les affaires de violences lors de contrôles ou d’interpellations (6). Quant à la justice, elle apparaît prisonnière des relations d’interdépendance qu’elle entretient au quotidien avec les forces de l’ordre, si bien que les condamnations qu’elle prononce demeurent particulièrement clémentes par rapport à celles rendues dans d’autres affaires. La mise en place d’une agence extérieure dotée d’un pouvoir d’investigation et de sanction (sur les carrières, par exemple) pourrait améliorer la situation.

De la même manière, l’extension — au gré des lois successives — des pouvoirs d’enquête des policiers ne garantit pas plus d’efficacité, mais plus d’arbitraire. L’envahissement des procédures administratives en matière d’écoutes, de géolocalisation et, avec l’état d’urgence, de perquisition et d’assignation à résidence ne permet pas d’améliorer la qualité des enquêtes. La nécessité de rendre compte à un magistrat oblige au contraire les enquêteurs à ficeler leurs dossiers, à justifier leurs actes autrement qu’auprès de leurs collègues.

Proposer une décroissance sécuritaire, c’est d’abord prendre acte du fait que la sécurité n’est pas le contraire de l’insécurité. L’une et l’autre entretiennent un rapport dialectique, si bien que les efforts pour assurer la première peuvent largement conforter la seconde en enfantant des individus et des groupes irrémédiablement déviants. C’est également une manière d’en finir avec des discours paresseux qui martèlent, contre toute évidence, que l’action policière et judiciaire peut résoudre les questions de drogue, de violence, de prostitution, de migration ou de pauvreté, simplement en s’attaquant à leurs manifestations les plus visibles. Souvent entendu dans les manifestations, le slogan « Pas de justice, pas de paix » résume mieux que bien d’autres l’idée selon laquelle la légitimité de l’ordre politique et social ne peut reposer sur la seule action répressive.

(1) Lire « Le récidiviste, voilà l’ennemi ! », Le Monde diplomatique, août 2014.

(2) Lire Léa Ducré et Margot Hemmerich, « Les Pays-Bas ferment leurs prisons », Le Monde diplomatique, novembre 2015.

(3) Robert Badinter, Les Épines et les Roses, Fayard, Paris, 2011.

(4) Commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, Paris, juin 2000.

(5) Drogues, chiffres-clés, Observatoire français des drogues et des toxicomanies, juin 2015, www.ofdt.fr

(6) Cédric Moreau de Bellaing, Force publique. Une sociologie de l’institution policière, Économica, Paris, 2015.

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28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 17:53

L'appel au vote Macron fonctionne comme un supplice chinois. Car le candidat d’En Marche a l’insupportable talent d’alimenter, chaque jour un peu plus, les raisons que l’on aurait de ne surtout pas voter pour lui, tellement il incarne un projet de régression sociale. Et chaque jour un peu plus, il donne du crédit à la possibilité d'une catastrophe démocratique. Ce qu'il faut à tout prix éviter. Par Laurent Mauduit le 27 avril 2017 sur son blog Le Réveil sur Mediapart.

Pour quiconque a des valeurs ancrées à gauche et rêve d’une République démocratique et sociale, le vote Macron fonctionne comme un supplice chinois. Car le candidat d’En Marche a l’insupportable talent d’alimenter, chaque jour un peu plus, les raisons que l’on aurait de ne surtout pas voter pour lui, tellement il incarne un projet de régression sociale, tellement aussi il symbolise ce système oligarchique français qui anémie notre démocratie. Mais c’est comme une terrible et implacable fatalité : le rejet légitime que suscite cette candidature, l’aversion quasi-viscérale qu’elle engendre dans ce qui reste du « peuple de gauche » rend aussi chaque jour un peu plus possible l’insupportable perspective d’une victoire de la candidate néo-fasciste du Front national.

Pour sortir de ce piège, il n’est donc d’autre solution que de réfléchir sereinement. De tâtonner. D'avoir les uns envers les autres cette capacité d'écoute et de bienveillance que certains courants de la gauche ne pratiquent qu'avec parcimonie. De mutualiser l’immense débat, désordonné mais précieux, qui se fait jour depuis que l’on a appris avec effroi, au soir du 23 avril, que pour la deuxième fois dans l’histoire de la Ve République l’extrême droite s’était qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle. Cet immense débat dont Mediapart s’applique à être la caisse de résonance ou l’organisateur, aussi bien dans son journal que dans son club.

Après beaucoup d’autres, dont mon cher ami Michel Broué (lire ici son billet de blog A nos amis de gauche qui deviennent fous, 2) ou visionner là un entretien avec lui sur sur Mediapart), je voudrais donc dire modestement le regard que j’ai, pour ce qui me concerne, sur les terribles évènements que nous traversons. En même temps que mon opinion sur le meilleur moyen de sortir de ce piège.

Un premier constat, me semble-t-il, s’impose à l’esprit : cette histoire terrible que nous vivons, et qui pourrait se conclure si nous n’y prenons garde par une catastrophe démocratique sans précédent depuis Vichy, par le renversement de la République, est la chronique d’un sinistre depuis très longtemps annoncé, celui d’un parti socialiste qui a accompagné l’émergence d’un capitalisme à l’anglo-saxonne, de plus en plus tyrannique. Un parti socialiste qui a d’abord mollement résisté à ce basculement vers un capitalisme instaurant une tyrannie du capital sur le travail ; puis qui a accompagné ce basculement ; et pour finir qui l’a accéléré brutalement, avec l'aide de zélés hauts fonctionnaires. Dont, au premier rang, Emmanuel Macron.

Très vite, quand ce quinquennat a commencé, le « peuple de gauche », ou ce qu’il en reste, a pu ainsi comprendre qu’une histoire grave était en train de se jouer. On a pu deviner qu’au-delà des maladresses d’un homme, François Hollande, qui n’a jamais été à la hauteur de ses responsabilités ni de sa fonction, au-delà des reniements innombrables dont on pouvait l’accuser et du climat crépusculaire dans lequel il a entraîné tout le pays, c’était à un événement historique auquel nous assistions: les dernières convulsions du plus vieux parti de la gauche française, le parti socialiste, qui est entré en agonie.

Ce sentiment que le pays arrive à un point de bascule de son histoire, ou du moins de celle de la gauche, a d’ailleurs très vite cheminé dans les esprits. Progressivement, c’est devenu une forte évidence : quelque chose d’irréparable, voire d’irréversible, s’est produit depuis l’accession des socialistes au pouvoir. Depuis bientôt trente ans, ces derniers ont souvent plaidé des circonstances atténuantes pour justifier leurs erreurs ou leurs reniements et réclamé à leurs électeurs de leur faire confiance, envers et contre tout. Ils ont battu leur coulpe après leur défaite calamiteuse lors des élections législatives de 1993. Puis fait amende honorable en 2002.

Chaque fois, le « peuple de gauche » (si la formule a encore un sens) a joué le jeu. Chaque fois, d’innombrables citoyens, quelle que soit leur conviction partisane – Nouveau parti anticapitaliste, Front de gauche, Europe Écologie-Les Verts (EELV), parti socialiste, etc. –, ont été au rendez-vous. Quels qu’aient été leurs ressentiments, leur déception et leur lassitude, la grande majorité d’entre eux a continué à voter au second tour d’une élection pour le candidat de gauche le mieux placé. Ne serait-ce que pour faire barrage à la droite.

Nul doute que, en mai 2012, le candidat Hollande a encore largement bénéficié de cette fidélité de l’électorat de gauche à son camp. Il a bénéficié des voix d’un électorat pourtant de plus en plus remonté contre les dirigeants socialistes, mais fidèle aux valeurs fondatrices de la gauche, et à l’idéal qu’elle a parfois porté.

Au lendemain de l’élection de 2012 et depuis lors, le lien entre ces électeurs et, plus largement, le lien entre les citoyens et le cœur du pouvoir socialiste s’est indéniablement brisé. A tout jamais brisé. La colère et le sentiment de déloyauté, de trahison ont pris un autre tour. François Hollande a privé le « peuple de gauche » de sa victoire arrachée à la présidentielle et prolongé quasiment en tout point la politique de Nicolas Sarkozy. Ou même, François Hollande, aidé par Emmanuel Macron, a souvent fait bien pire que Nicolas Sarkozy. Nombreux sont ceux qui ont alors assuré qu’on ne les reprendrait plus jamais à voter pour le PS – en dépit de la menace d’une droite dure ou extrême. Ici est la rupture majeure.

Et puis il y a eu les coups de grâce portés par François Hollande contre son propre camp, avec l’odieux projet (avorté) de déchéance de la nationalité, auparavant défendu par le seul Front national ; avec encore la loi El Khomri, qui a ébranlé le code du travail de manière beaucoup plus grave que les mesures prises sous le quinquennat précédent. Au fil des mois, le « peuple de gauche » – ou ce qu’il en reste – en est donc venu par lui-même à cette triste mais implacable évidence : dans sa configuration actuelle, la gauche est morte. C’est une histoire longue, ancienne de près de deux siècles, qui s’achève sous nos yeux, et que je me suis souvent appliqué à chroniquer (Lire en particulier Sous le naufrage de Hollande, l’agonie du socialisme français). Dans de très nombreux livres, écrits d'abord avec mon vieux complice Gérard Desportes (La gauche imaginaire ou L'adieu au socialisme) pour dresser le bilan des années Jospin, puis écrits seul (L'étrange défaite ou A tous ceux qui ne se résignent pas à la défaîte qui vient), je me suis aussi appliqué à décrire la lente et irrémédiable descente aux enfers du socialisme français.

C’est donc de cette agonie du socialisme français dont Emmanuel Macron est en quelque sorte la borne témoin. Il symbolise à lui tout seul ce que ce quinquennat a charrié de pire. Il en est le symbole d’ailleurs à un double titre. D’abord, c’est lui qui a mis en œuvre ou porté quelques-unes des réformes les plus réactionnaires de ce quinquennat, mettant le plus gravement en cause le modèle social français. Ensuite, il est l’un de ceux qui symbolise aussi de la manière la plus caricaturale qui soit l’adaptation des élites socialistes aux puissances de l’argent, leur intégration dans le système oligarchique français. Ces élites oligarchiques qui d’une alternance à l’autre, sous la gauche comme sous la droite, ont passé près de trente ans à répéter qu’il n’y avait qu’une seule politique économique et sociale possible : la politique économique néo-libérale. Pas de doute donc, comme je l’ai un jour relevé, Emmanuel Macron est bel et bien le candidat de l’oligarchie (Lire Emmanuel Macron, le candidat de l'oligarchie).

C’est donc tout cela dont Emmanuel Macron est le révélateur. Il a commencé à préparer un projet de démantèlement du code du travail sous Nicolas Sarkozy dans le cadre de la Commission Attali ; avant de l’appliquer sous François Hollande (Lire Aux origines de la loi Macron: un projet néolibéral concocté pour Sarkozy). Et maintenant qu’il brigue la présidence de la République, c’est ce même projet de dynamitage social qu’il voudrait encore accélérer.

C’est donc peu dire que pour beaucoup, l’idée de voter Macron s’apparente bel et bien à un supplice. Pourquoi voter pour un candidat qui incarne tout cela ? Par quel masochisme?

Par surcroît, c’est peu dire que la sincérité n’est pas la première des qualités d’Emmanuel Macron – sans doute a-t-il beaucoup appris en ce domaine auprès de François Hollande, qui a construit tout son quinquennat sur une duperie. Je livre ici les preuves que j’en ai accumulées – mais il doit sans doute en exister de nombreuses autres. Par deux fois, j’ai apporté les preuves de graves mensonges publics commis par lui. Oui… des mensonges qui, en d’autres pays que le nôtre, auraient ans doute sonné la fin de la carrière politique de son auteur.

Avec l’aide de mon confrère Adrien de Tricornot, j’ai par exemple apporté la preuve qu’Emmanuel Macron avait, en 2010, trahi la Société des rédacteurs du Monde, dont il était le banquier conseil, lors du rachat du journal par Niel, Pigasse et Bergé, en étant lors de cette opération financière l’agent double du camp adverse, et notamment de l’un de ses organisateurs, Alain Minc (Lire Médias : quand Macron était l’agent double de Minc dans la bataille du « Monde »).

Sur Mediapart, j’ai aussi apporté la preuve du mensonge éhonté qu’il a commis lors de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Alors qu’il avait juré ses grands dieux qu’il ne s’agissait pas d’une privatisation au motif que l’Etat resterait majoritaire au capital aux côtés des collectivités territoriales, j’ai révélé le pacte secret d’actionnaires que l’Etat, sur ses instructions, avait passé avec un oligarque chinois corrompu (Lire Aéroport de Toulouse : Macron rattrapé par son mensonge).

Alors, m’aurait-on dit, voici peu, que je devrais me résoudre à voter Macron ? Je l’avoue, je me serais étranglé de colère ou d’indignation que l’on me suggère une telle perspective. Macron ? Jamais ! Impossible…

Et au surplus, il y a eu ce comportement stupéfiant du candidat d’En Marche au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Alors que tous tout ce que le pays compte de républicains, à gauche tout autant qu’à droite, a été saisi d’une terrible inquiétude à l’annonce de la qualification de Marine Le Pen pour le second tour, lui a été faire la fête. Ce n’était pas le Fouquet’s, mais cela y ressemblait tout de même un petit peu (Lire Ils étaient à la Rotonde, invités par Emmanuel Macron).

Qui ne se souvient qu’en 2002, face à la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour, Jacques Chirac, au soir du premier tour, comme au soir du second, avait trouvé les mots justes ? Il avait pris le ton grave, et avait fait comprendre au pays qu’il mesurait la gravité exceptionnels des évènements. « Ce vote m’oblige », avait-il dit au pays.

En vérité, ce vote ne l’a pas du tout par la suite « obligé » – et cela a sûrement aussi contribué à conduire le pays au désastre qu’il connaît aujourd’hui. Mais au moins, pendant un temps, même bref, Jacques Chirac avait-il fait mine de manifester qu’il comprenait que sa victoire ne lui appartenait pas ; qu’il en était en quelque sorte redevable à toutes les forces vives du pays, et pas seulement à ses partisans; qu'il s'agissait en somme d'une victoire de la République sur ses ennemis.

Emmanuel Macron, lui, ne fait pas même semblant. Indifférent au fait qu’une éventuelle victoire – qu’il serait aujourd’hui bien présomptueux de croire assurée- serait en grande partie le produit d’un sursaut du pays contre les dangers de l’extrême droite, il ne tend la main à personne. Il y a de la morgue et de l’assurance dans le personnage. Oligarque jusqu’au bout des ongles, enfant adultérin et monstrueux de l’Inspection des finances et de l’agence Havas…

Et comme par un fait exprès, tout semble se conjuguer pour donner de la candidature d'Emmanuel Macron l'image la plus dissuasive qui soit pour l'électeur de gauche normalelemnt constitué. Ainsi vient-on d'assister à un numéro de drague appuyé de Laurence Parisot, l'ex-présente du Medef, à destination de l'ancien banquier de Rotschild, le pressant dans Marianne de la nommer à Matignon en cas de victoire. Et lui déclarant sa flamme avec empressement : « J'ai une expérience, je suis crédible. Donc je peux être prête ». De quoi assurément faire fuire encore un peu plus les citoyens pour lesquels le gouvernement auquel appartenait Emmanuel Macron avait déjà fait la part beaucoup trop belle aux milieux patronaux.

Du même coup, on se prend à penser – à craindre – ce que pourrait être le terrible scénario de ce second tour de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron est tellement l’adversaire idéal dont pouvait rêver la néo-fasciste Marie Le Pen ; il est tellement la caricature de l’oligarchie française, accommodante pour les grandes fortunes et intransigeantes pour les plus modestes ; il vit tellement loin du pays, enfermé dans une bulle de technos et de communicants, qu’on se prend à redouter un scénario noir : une chute progressive dans l’opinion d’Emmanuel Macron ; et une montée en proportion de Marine Le Pen. Une montée... peut-être jusqu'à la ligne de danger.

C’est cela le supplice chinois dont je parlais tout à l’heure. Il tient au fait que 2017 n’a plus grand-chose à voir avec 2002. Voici 15 ans, pendant l’entre-deux tours, nul ne savait à l’avance que Jacques Chirac l’emporterait avec plus de 82% des voix. Mais, passé le traumatisme du premier tour, il est vite apparu que le champion du RPR, soutenu par toutes les forces républicaines, de gauche et de droite, l’emporterait haut la main.

Mais aujourd’hui, c’est une autre configuration. Plus Macron fait du Macron, plus on se prend à penser qu’il risque de perdre du crédit dans l’opinion. Au point de faire craindre une possible victoire de l’extrême droite. C’est précisément cela le supplice chinois – pardon le supplice Macron : chaque jour, le candidat d’En Marche semble s’appliquer à être la caricature de lui-même et à donner de nouveaux arguments à ceux qui n’ont pas voté pour lui au premier tour de ne surtout pas le faire au second. Et chaque jour, face à l’inconstance de la candidature Macron, face à ses aspects repoussants, on peut craindre que la victoire de l’extrême droite ne devienne possible. En 2002, elle semblait impossible ; aujourd’hui, il serait dramatiquement irresponsable de l’exclure. Bref, l’extrême droite est cette fois-ci bel et bien aux portes du pouvoir, ce qui n’était pas encore le cas en 2002. Et naturellement, cela change tout.

Oui, cela change tout, car en 2002, on pouvait, lorsque l’on était de gauche, ne pas vouloir s’abaisser ou s’abîmer à voter pour Jacques Chirac. On le pouvait avec d’autant moins d’inquiétude que la victoire de Jean-Marie Le Pen apparaissait impossible. Mais en 2017, tout a changé : l’extrême droite néo-fasciste pourrait l'emporter.

Or, ma consoeur Marine Turchi a formidablement documenté sur Mediapart, au travers d’innombrables et courageuses enquêtes, que derrière l’image ripolinée que Marine Le Pen voudrait donnait du Front national, il y a toujours la vielle extrême droite française, violente et rance, xénophobe et raciste, en un mot plus que jamais antirépublicaine, avec dans les arrière-salles du parti des groupuscules violents et néonazis. On peut bien sûr en douter, tant les grands médias, oubliant les vieux principes du journalisme honnête selon lesquels le Front national doit être un objet d’enquête et non un objet de débat, donnent peu à voir sur cette réalité inchangée de l’extrême droite française. Mais il suffit de se reporter aux enquêtes de Marine Turchi dont je parle pour comprendre la gravité du danger auquel la République est aujourd’hui confrontée – enquête que l’on peut retrouver ici, , , , , , , , ou encore .

Pour ce qui me concerne, c’est ce constat qui m’a conduit à surmonter mes préventions – pis que cela-, mon aversion à l'égard de la candidature Macron. Qui m’a conduit, quelle que soit la rage ou la colère que j’éprouve, à ne plus penser qu’à une seule chose : tout sauf, sauf la possible victoire d’un parti néo-fasciste ou post-fasciste - peu importe la qualification que l'on retienne ! Tout sauf la possible victoire d’un groupe autour duquel prospère d’innombrables groupuscules qui n’ont cessé d’être xénophobes, racistes voire néo-nazis. Tout sauf Marine Le Pen, même si c’est au prix de cette détestable candidature d’Emmanuel Macron. C’est en substance ce que j’avais suggéré dans un « parti pris » peu avant le premier tour (Lire Pour conjurer le spectre des années 30); c’est ce ce sentiment d’urgence qui m’anime plus que jamais.

Comme le dit remarquablement mon confrère et ami Denis Sieffert sur Politis (son éditorial vidéo est ici), il sera bien temps, ensuite, de débattre d’un rebond de la gauche, en prévision des élections législatives qui suivront. Car si Emmanuel Macron finissait envers et contre tout par gagner, on sait que sa victoire serait fragile - le résultat d'une combinaison de facteurs tellement hors normes qu'ils auraient peu de chances de jouer une seconde fois. On sait aussi que la gauche authentique – les Insoumis qui ont emporté une si formidable résultat lors du premier tour, les écologistes qui restent ancrés à gauche, les frondeurs qui n’ont pas cessé de l’être, les communistes…- pourraient alors, si enfin les sectarismes et les intolérances étaient mis de côté- enclencher une dynamique unitaire qui redonnerait de l’espoir.

On peut, certes, aussi observer qu'une possible victoire d'Emmanuel Macron et la mise en oeuvre du programme de régression sociale qu'il préconise alimenterait encore davantage le vote protestataire et conduirait, cette fois immanquablement, à la victoire de Marine Le Pen à la prochaine échéance. Mais, dans la défense de la République, chaque jour gagné est une opportunité pour organiser la riposte. Une opportunité qu'il serait dangereux de négliger.

Pour cela, il faut donc battre Marine Le Pen. Par tous les moyens, aussi douloureux qu’ils soient. C’est le seul moyen de déjouer le supplice Macron : refonder la gauche, et pour commencer, gagner cette première bataille décisive…

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27 avril 2017 4 27 /04 /avril /2017 15:43

Le politologue belge François Gemenne déconstruit l’expression « appel d’air », qui déshumanise les migrants et repose sur un mensonge. Entretien par Ingrid Merckx le 26 avril 2017 pour Politis à lire sur www.politis.fr . Lire aussi par François Gemenne Migrants : dix raisons de les accueillir dignement en Europe et d'ouvrir les frontières et Dynamiques nouvelles des migrations internationales.            Mobilisons-nous localement avec La Grande Grande Parade Métèque qui aura lieu cette année le samedi 1er juillet 2017. Premiers chars en construction début mai, tous les détails et l'adhésion sur cf http://www.lagrandeparademeteque.org/.

Philippe Huguen-AFP

Philippe Huguen-AFP

Spécialiste en géopolitique de l’environnement, François Gemenne explique en quoi l’idée d’appel d’air fait fi des études sérieuses sur les migrations pour servir le « bon sens populaire », alimenter la peur brandie par l’extrême droite et justifier des politiques d’accueil restrictives. Il rappelle que la France n’est plus un pays attirant et que ce qui pousse les gens à choisir un pays c’est la langue, la famille éventuellement déjà établie et la possibilité d’y trouver du travail.

D’où vient la notion d’appel d’air ? A-t-elle une réalité ? La thèse de l’appel d’air suppose que les migrants maîtrisent leur trajet et le choix de leur destination. Cette vision tient-elle face à une guerre, à une catastrophe, à des persécutions, à la misère… ?

L’idée de l’appel d’air, c’est qu’un pays qui aurait une politique migratoire plus ouverte, ou une politique sociale plus généreuse, attirerait automatiquement un grand nombre de migrants. Or, on sait que les politiques du pays d’accueil n’entrent pas en ligne de compte dans le choix du pays de destination : ce qui compte, c’est la maîtrise de la langue, la présence antérieure de membres de sa famille ou de sa communauté, et la possibilité d’y trouver un travail.

C’est encore moins le cas lorsqu’on doit fuir une situation désespérée (...)

François Gemenne Chercheur en science politique à l’université de Liège (Cedem) et à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Cearc), chercheur associé au Ceri/Sciences Po.

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21 avril 2017 5 21 /04 /avril /2017 09:12

De droite ou de gauche, chacun pronostique le retour de la croissance. Par Jérôme Gleizes le 19 avril 2017.

De gauche ou de droite, les candidats affichent de nombreuses contradictions dans leur programme économique, notamment entre l’analyse de la crise et les solutions, et donc leur action conjoncturelle ou structurelle. Les journalistes économiques résument (naïvement) la question à une articulation entre politiques d’offre et de demande. Du côté de la droite, de Fillon à Macron, on réhabilite la loi des débouchés de Say : « L’offre crée sa propre demande. » Il suffirait de produire pour que cette production s’échange sur les marchés, quitte à diminuer les prix de vente. Pour les défenseurs de cette thèse, il s’agit de baisser le coût du travail, notamment les « charges » sociales, pour améliorer la compétitivité des entreprises. Keynes avait en son temps montré l’inanité de cette formule. Les candidats droitiers feraient mieux d’étudier le premier postulat classique de la causalité entre productivité et salaire, que Keynes considérait comme juste. Ils comprendraient pourquoi un ouvrier coréen est mieux payé que son homologue français ! Mieux un ouvrier est formé, plus il fabrique des produits compétitifs et meilleur est son salaire. Le téléphone Samsung Galaxy permet davantage de rémunérer correctement un ouvrier qu’une voiture Logan. Il vaut mieux défendre la compétitivité qualité que prix.

Du côté de la gauche, de Hamon à Mélenchon, la question écologique est intégrée, et l’idée de retrouver la croissance des Trente Glorieuses est écartée. Toutefois, dans le chiffrage de leur cadrage macroéconomique, chacun des candidats envisage des taux de croissance élevés. Leur programme serait plus efficace et leur relance meilleure grâce à un multiplicateur keynésien. Un euro dépensé générerait plus d’un euro de revenu. On loue la politique du carnet de commandes et on se réjouit des taux de croissance donnés par les modèles économétriques. Ces taux nominaux (en incluant l’inflation) dépassent les 4 %, du jamais vu depuis quinze ans en France ! C’est oublier aussi bien la « contrainte de Kaya », qui nécessite une déconnexion entre croissance économique et émission des gaz à effet de serre, que la critique structurelle du modèle de production/consommation [1].

Si une croissance temporaire est possible, comme en 2010-2011, elle reste illusoire. Résoudre la crise écologique nécessite de changer de modèle économique et donc de modifier les paramètres des modèles économétriques qui prédisent des taux de croissance élevés. Il faut sortir de ce syllogisme fallacieux : « Ma politique est meilleure car elle permet le meilleur taux de croissance. » Une politique structurelle, celle qui modifie notre mode de production, doit rester la priorité, car elle seule permet une compatibilité entre la production et la survie de l’humanité. De droite ou de gauche, chacun pronostique le retour de la croissance grâce à sa politique qui permet mécaniquement de baisser le taux d’endettement de la France et de respecter les critères de Maastricht. Il est difficile d’être un économiste écologiste ! Si Mélenchon et Hamon ont compris l’enjeu de l’Anthropocène, il leur manque la cohérence d’une société post-croissance.

[1] Voir notre analyse de la crise, avec Yann Moulier-Boutang, « Une lecture écologiste de la crise, la première crise socio-écologique du capitalisme », Ecorev’ n° 32, mai 2009.

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 09:08

Avec sept autres associations, l’organisation attaque le décret de 2007 autorisant le réacteur nucléaire de Flamanville. Par Erwan Benezet et Vincent Vérier le 19 avril 2017 pour Le Parisien.

Flamanville (Manche), le 24 janvier 2014. Fabriquée à l’usine Areva du Creusot, où il y a eu des dysfonctionnements, la cuve de l’EPR est plus fragile que prévu. PHOTOPQR/« OUEST FRANCE »/GILLES COLAS

Flamanville (Manche), le 24 janvier 2014. Fabriquée à l’usine Areva du Creusot, où il y a eu des dysfonctionnements, la cuve de l’EPR est plus fragile que prévu. PHOTOPQR/« OUEST FRANCE »/GILLES COLAS

La France doit-elle poursuivre la construction du réacteur nucléaire de nouvelle génération, l’EPR, sur le site de Flamanville (Manche) ? Pour les associations de défense de l’environnement, Greenpeace en tête, mais aussi Réseau sortir du nucléaire, France Nature Environnement, la Criirad…, la réponse est non. Hier, huit d’entre elles ont attaqué le décret du 10 avril 2007 qui a autorisé le lancement des travaux de l’EPR. Pour ce faire, elles ont adressé au Premier ministre un recours gracieux. Objectif : stopper définitivement les travaux. Si ce premier assaut ne suffit pas, les associations veulent saisir le Conseil d’État.

Dans le document transmis à Matignon, que nous avons consulté, elles estiment que EDF — le constructeur —, Areva — qui fabrique une partie des pièces importantes du site — et, surtout, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) — chargée de vérifier que les différents intervenants respectent les règles — ont volontairement caché aux Français des informations importantes. Des éléments graves qui, selon Greenpeace, « entachent d’illégalité les conclusions » de l’enquête publique réalisée entre le 15 juin et le 31 juillet 2006, aboutissant au décret neuf mois plus tard.

Un coût qui a triplé

Selon des éléments dévoilés récemment dans la presse et repris par les associations, il apparaît que les deux entreprises et le gendarme du nucléaire étaient au courant depuis 2005 des dysfonctionnements à la forge du Creusot (Saône-et-Loire) d’Areva. Or, c’est sur ce site que la cuve et le couvercle de l’EPR, des éléments vitaux du réacteur, ont été fabriqués. Des pièces dans lesquelles on découvrira, fin 2014, des teneurs en carbone trop importantes qui les rendent plus fragiles que prévu. « Si le public avait été informé de tous ces éléments, il est fort probable que jamais l’autorisation de lancer le chantier de l’EPR n’aurait été donnée », affirme Cyrille Cormier, de Greenpeace.

Pour les associations, ces informations cachées « confirment l’incapacité d’Areva et d’EDF à assurer dans des conditions satisfaisantes » la construction de l’EPR. « Le nouveau réacteur de Flamanville va devenir le plus puissant du monde, mais c’est aussi celui qui concentre le plus d’anomalies depuis le début », prévient Cyrille Cormier avant d’énumérer une multitude de défauts de bétonnage, de soudures s’ajoutant aux malfaçons sur la cuve et le couvercle. Le réacteur, prévu à l’origine pour 2012, ne sera d’ailleurs pas en service avant 2018. Et, son prix a triplé pour atteindre plus de 10 Mds€. Ces aléas n’inquiètent pas EDF, pour qui ils sont propres à « toute tête de série », l’EPR de Flamanville étant le premier de sa génération. « L’État doit arrêter de jouer avec la sécurité des Français, dénonce pourtant Cyrille Cormier. On fait croire que tout est sous contrôle, alors que, depuis dix ans, EDF nous cache que le projet est vérolé. »

Un avenir incertain

Si les associations écologistes ne parviennent pas à faire annuler le décret autorisant le lancement des travaux de l’EPR de Flamanville, un autre couperet pourrait tomber : celui de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En septembre, elle doit dire si les défauts constatés sur la cuve et le couvercle du réacteur sont de nature à remettre en cause la sûreté des installations. En cas de réponse positive, deux scénarios se dessineraient. Soit remplacer les pièces, ce qui prendrait au moins sept ans de plus, pour un coût de 1 Md€ par an. Soit arrêter les frais et démanteler le chantier. Deux alternatives aux conséquences financières dramatiques pour EDF. Car elles hypothéqueraient l’avenir des cinq autres EPR en construction dans le monde : les deux de Hinkley Point, en Angleterre, celui d’Olkiluoto, en Finlande, et les deux EPR chinois. Avec à la clé, des  dédommagements à plusieurs milliards d’euros.

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15 avril 2017 6 15 /04 /avril /2017 09:27

Neuf réacteurs sont déjà en déconstruction en France. Le chantier est colossal et les défis techniques immenses. Par Pierre Le Hir le 13 avril 2017 pour Le Monde.

Lire aussi Tout est bon à EDF pour ne pas toucher à son parc nucléaire !, La double supercherie démasquée du nucléaire , Nucléaire : EDF veut reporter le démantèlement,et Le nucléaire français face à ses contradictions.

Réacteur nucléaire de Chooz A en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Chooz A en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Faire, défaire. Ainsi va la vie. Ainsi va désormais le nucléaire. Avec la fermeture annoncée de la centrale alsacienne de Fessenheim à la fin de la décennie – si EDF et le futur gouvernement n'en décident pas autrement –, " un vaste chantier industriel de démantèlement va pouvoir démarrer ", se félicite la ministre de l'environnement et de l'énergie, Ségolène Royal.

Pour l'entreprise publique, c'est une nouvelle page de l'histoire de l'atome qui s'ouvre. L'ouvrage qui l'attend est colossal, les défis techniques immenses, le coût considérable. Ses ingénieurs n'en sont toutefois pas à leur coup d'essai. Ils ont commencé à se faire la main sur plusieurs réacteurs à l'arrêt, dont celui de Chooz A, dans les Ardennes.

Chooz – prononcer chô – est un concentré de la filière électronucléaire française. La vitrine, justement, de ce qu'elle sait faire et défaire. Nous sommes ici dans une boucle de la Meuse, à l'extrême pointe d'une étroite bande de terre, le " doigt de Givet ", planté comme un coin dans l'Ardenne belge.

Ce matin d'avril au ciel plombé, on aperçoit d'abord, gris sur gris, deux colonnes de béton dont le panache de vapeur d'eau se mêle aux nuages : les tours de refroidissement de la centrale de Chooz B, formée de deux unités de 1 450 mégawatts (MW) qui, couplées au réseau en 1996 et 1997, sont parmi les plus modernes du parc hexagonal. Mais un troisième réacteur se cache, sur l'autre rive du fleuve, enfoui sous une colline piquée de bouleaux.

Chooz A, chantier pilote

Chooz A, le " petit Chooz ", est un modèle réduit, de 305 MW, des 58 réacteurs à eau pressurisée aujourd'hui exploités en France, dont la puissance est de trois à cinq fois supérieure. Le premier de cette technologie à avoir été mis en service, en 1967, il a aussi été le premier débranché, en 1991, après avoir rempli sa fonction de démonstrateur. Son démantèlement constitue donc un chantier pilote, même si son implantation souterraine, dans deux cavernes protégées par 300 mètres de roche, en fait un cas singulier.

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Une galerie menant vers la salle du réacteur. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Une galerie menant vers la salle du réacteur. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Pour y accéder, il faut s'enfoncer dans une galerie d'une centaine de mètres où courent des rails servant à l'évacuation des matériaux et des gaines de ventilation. Un sas maintient en dépression l'ensemble du site, pour éviter que ne s'en échappent des particules radioactives.

Nous sommes entrés en " zone contrôlée " mais, précise Sébastien Albertini, chef du projet de déconstruction, classée en " nucléaire propre ", où ne subsiste qu'un faible niveau de contamination. Nous sommes même, selon le code de couleurs en vigueur dans cette industrie, en " zone radiologique verte ", la moins exposée dans une gamme comprenant aussi le jaune, l'orange et le rouge.

Lavage chimique et décontamination

Car le gros des opérations a déjà été réalisé. Dans les premières années qui ont suivi l'arrêt du réacteur, le combustible usé a été déchargé et transféré vers les usines de retraitement de La Hague (Manche), les circuits et les tuyauteries vidangées, ce qui a permis d'éliminer 99,9 % de la radioactivité. Pour autant, souligne notre guide, " le niveau d'exigence en termes de sûreté et de radioprotection reste le même que pendant la phase d'exploitation ".

Il faut donc, avant de poursuivre plus avant, se livrer à un rituel immuable, auquel s'astreignent quotidiennement la centaine d'ouvriers et de techniciens troglodytes qui s'affairent toujours dans les entrailles de la terre. On passe successivement d'un vestiaire " froid ", où l'on se déshabille des pieds à la tête, hommes et femmes séparément, pour ne conserver que ses sous-vêtements, à un vestiaire " chaud " où l'on enfile tee-shirt, combinaison, chaussettes, chaussures, charlotte, casque et lunettes de protection, qui seront ensuite envoyés vers des laveries spécialisées. On s'équipe encore d'un dosimètre, qui nous avertirait par un signal sonore d'un taux anormal de radioactivité.

Nous voilà enfin dans le saint des saints : la caverne principale, haute de 45 mètres, longue de 40 et large de 25, où a été construit le réacteur, entre des parois rocheuses renforcées par une armature de béton et isolées par un revêtement de tôle inoxydable. " Notre difficulté principale est l'exiguïté de l'espace, qui nous a obligés à faire de la place, puis à construire avant de pouvoir déconstruire ", explique Sébastien Albertini.

Il a fallu aménager dans la grotte des paliers sur cinq niveaux, pour y installer des ateliers de découpe des composants et des silos de conditionnement des déchets. L'une des manœuvres les plus délicates a été l'extraction de leurs puits des quatre énormes générateurs de vapeur – des pièces de 14 mètres de haut et de 120 tonnes –, qui ont été sortis d'un bloc et, après lavage chimique et décontamination par projection de sable, acheminés vers le centre de stockage des déchets de très faible activité de Morvilliers (Aube).

Des robots télécommandés pour cisailler la cuve

Le démantèlement est aujourd'hui entré dans sa phase finale, ou terminale, puisqu'il s'agit bien d'une fin de vie. Il reste à enlever la pièce maîtresse, la cuve d'acier de 220 tonnes où se produisait la réaction de fission et dont le couvercle de 70 tonnes a été déposé, début mars, par un puissant pont de levage.

Pour limiter l'exposition aux radiations de cette chaudière et de ses structures internes, chargées en cobalt 60, l'opération se fera sous eau, dans une piscine de dix mètres de profondeur où l'on entrevoit en se penchant, à la lumière de projecteurs bleuâtres, une grappe de barres de métal hérissées, telles les tentacules d'une pieuvre géante tapie dans l'obscurité. Leur découpe, bout par bout, doit s'étaler jusqu'en 2022.

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Avant de sortir de la zone contrôlée tous les vêtements et objets contaminés sont déposés dans des corbeilles. Ce matériel ne sort jamais hors de la zone contrôlée. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Avant de sortir de la zone contrôlée tous les vêtements et objets contaminés sont déposés dans des corbeilles. Ce matériel ne sort jamais hors de la zone contrôlée. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Il y faudra des robots télécommandés, munis de scies circulaires ou à ruban qui cisailleront la cuve et ses structures internes en morceaux. Ceux-ci seront plus tard expédiés vers le centre de stockage de déchets de faible et moyenne activité à vie courte de Soulaines-Dhuys (Aube), pour la plus grande partie d'entre eux, ou, pour les 20 tonnes de déchets de moyenne activité à vie longue restants, vers un nouveau site, l'installation de conditionnement et d'entreposage des déchets activés, qu'EDF prévoit d'ouvrir mi-2018 dans le Bugey (Ain).

" Appartement témoin "

La seconde caverne, que l'on rejoint par des galeries transversales, a déjà été vidée de la plupart de ses équipements : piscine de refroidissement du combustible, systèmes de sauvegarde, pompes, circuits et auxiliaires divers. N'y restent plus que cinq casemates en béton, qui contiennent encore des résines et des effluents contaminés. Assis devant un pupitre de commande, deux employés, jouant de la manette comme on manie un joystick, actionnent à distance un bras robotisé, surnommé " Predator ", dont les pinces et les lames sectionnent tôles, bidons, tuyaux, vannes et robinets.

Pour signifier que les travaux avancent à bon train, EDF s'est offert le luxe d'aménager un " appartement témoin d'un démantèlement achevé " : un boyau aux murs de béton brut où a été effacée toute trace des activités passées.

« Prouesse technologique »

Si tout va bien, la déconstruction complète de Chooz A devrait être achevée d'ici à cinq ans, permettant le déclassement du site de son statut d'installation nucléaire et sa réhabilitation. Il demeurera toutefois plusieurs années encore sous surveillance, pour contrôler le niveau de tritium des eaux s'infiltrant dans les cavernes.

Que deviendra-t-il ensuite ? On y imaginerait volontiers un musée ou une galerie d'art moderne. Mais nous sommes dans une enclave nucléaire, et EDF prévoit de combler les galeries pour empêcher qu'elles ne s'effondrent. Une large partie des 40 000 tonnes de déchets, ferraille et gravats, produits ici, dont 80 % sont conventionnels, c'est-à-dire non radioactifs, pourraient y trouver un exutoire naturel.

En attendant, il s'agit de vérifier, sur notre dosimètre, la dose de radioactivité à laquelle nous avons été exposés en près de deux heures : un microsievert seulement, le millième de la dose autorisée pour le public sur une année entière, la limite étant vingt fois supérieure pour les travailleurs du nucléaire. Mais on ne retrouvera l'air libre qu'après être passé par trois détecteurs de plus en plus sensibles, des portiques de contrôle 1, 2 et 3 qui sondent mains, pieds, torse et dos, pour vérifier que l'on n'emporte pas de poussières radioactives collées sur ses vêtements ou sous ses semelles.

" Ma plus grande satisfaction, commente Sébastien Albertini, c'est de conduire ce chantier selon le planning prévu, dans le strict respect des règles de sûreté. "" Avec Chooz A, ajoute Gilles Giron, directeur adjoint des projets de déconstruction d'EDF, nous montrons que nous savons mener à bien le démantèlement d'un réacteur à eau pressurisée et que nous saurons donc le faire pour notre parc en exploitation. Le construire a été une prouesse technologique. Le déconstruire est aussi une prouesse technologique. "

Superphénix, un démantèlement ardu

La nouvelle aventure qui attend l'industrie nucléaire est-elle alors parfaitement sous contrôle ? Ce n'est pas l'avis de la mission parlementaire conduite par Barbara Romagnan, députée (PS) du Doubs, et Julien Aubert, député (Les Républicains) de Vaucluse, qui, dans un rapport rendu public le 1er février, a jugé qu'EDF se montrait " trop optimiste " quant à la " faisabilité technique ", selon elle " pas entièrement assurée ", du démantèlement du parc atomique. Et a pointé les retards pris par plusieurs chantiers. Car si celui de Chooz A, le plus simple à mener, paraît en bonne voie, l'électricien est aussi engagé dans d'autres opérations, beaucoup plus ardues.

Dans la salle du réacteur nucléaire de Creys-Malville dit « Superphénix », en démantèlement par EDF sur la commune de Creys-Mépieu en Isère, à l'intérieur de l'ancienne cuve, le 24 mars. Les dimensions sont impressionnantes, il s'agit du plus gros réacteur jamais construit par EDF. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Dans la salle du réacteur nucléaire de Creys-Malville dit « Superphénix », en démantèlement par EDF sur la commune de Creys-Mépieu en Isère, à l'intérieur de l'ancienne cuve, le 24 mars. Les dimensions sont impressionnantes, il s'agit du plus gros réacteur jamais construit par EDF. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

" immense gâchis "

Tel est le cas pour le réacteur à neutrons rapides Superphénix de Creys-Malville, en Isère. Ce prototype de 1 240 MW – une puissance à l'époque inédite –, mis en service en 1986, avait été baptisé du nom de l'oiseau mythique renaissant de ses cendres car il était censé, en mode surgénérateur, convertir de l'uranium naturel en plutonium et produire ainsi davantage de combustible qu'il n'en brûlait ou, en mode inverse, pouvoir consommer une partie du combustible usé d'autres centrales.

Las, il n'a cessé d'accumuler les avaries, avant que Lionel Jospin, alors premier ministre, ne décide, en 1997, de mettre fin à un fiasco industriel dont la Cour des comptes a chiffré en son temps le coût à 60 milliards de francs (environ 12 milliards d'euros d'aujourd'hui).

" Un immense gâchis ", estime encore Christian Gonin, ouvrier mécanicien à la -retraite qui, depuis son pavillon du hameau de Faverges, voit tous les matins, en ouvrant ses volets, le mastodonte de béton posé -devant les premiers contreforts des monts du Bugey. Il n'a rien oublié de cette histoire tumultueuse, encore moins de la grande manifestation antinucléaire européenne du 31 juillet 1977 qui vit la mort d'un jeune enseignant, Vital Michalon, victime de l'explosion d'une grenade offensive tirée par des forces de l'ordre déployées en masse.

" Un gaspillage énorme ", dit lui aussi Maurice François, agriculteur retraité, presque nonagénaire, qui, du temps où il menait la fronde écologiste, s'était équipé, par conviction autant que par bravade, d'une chaudière au biogaz alimentée par le lisier d'une porcherie.

Travail de bénédictin

Que reste-t-il aujourd'hui de Superphénix ? Une installation nucléaire hors normes, où tout est démesuré : un bâtiment de moitié plus haut (85 mètres) que celui d'un réacteur standard de 900 MW, une cuve six fois plus large (24 mètres de diamètre), des composants deux fois plus volumineux (43 mètres de hauteur pour les générateurs de vapeur). Ce qui en fait, vante EDF, " le plus grand réacteur en démantèlement au monde ". Mais, plus encore que ce gigantisme, explique Damien Bilbault, responsable du site, c'est l'utilisation de sodium liquide comme fluide de refroidissement qui s'est transformée en casse-tête pour les déconstructeurs.

Ce métal fondu, dont la cuve et les circuits contenaient 5 500 tonnes, s'enflamme spontanément au contact de l'air et explose en présence d'eau. Pour le neutraliser, il a fallu un travail de bénédictin consistant à l'injecter au goutte-à-goutte dans une solution de soude aqueuse afin de le transformer en soude ensuite incorporée, comme eau de gâchage, à 68 000 tonnes de béton. Lequel, très faiblement radioactif, devra rester entreposé sur place pendant une vingtaine d'années avant de pouvoir rejoindre un centre de stockage.

Réacteur nucléaire de Creys-Malville, en démantèlement, le 24 mars. Le panneau de sécurité que l'on retrouve à l'entrée de toutes les usines, dont les centrales électriques. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Creys-Malville, en démantèlement, le 24 mars. Le panneau de sécurité que l'on retrouve à l'entrée de toutes les usines, dont les centrales électriques. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

En comparaison, le reste des interventions – retrait de pompes de 125 tonnes, d'échangeurs de 70 tonnes ou d'un sas de manutention du combustible de 775 tonnes – a presque été un jeu d'enfant. Même s'il a fallu concevoir des machines et des robots spéciaux pour éliminer les poches résiduelles de sodium dans les multiples boucles et circuits d'une pile atomique extraordinairement complexe.

Et qu'en novembre 2014, à la suite d'une plainte du réseau Sortir du nucléaire, le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu (Isère) a condamné EDF pour n'avoir pas respecté une mise en demeure de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui lui enjoignait d'améliorer la gestion des situations d'urgence, telles qu'un incendie.

Reste à finir le travail. Une fois débarrassée de ses dernières traces de sodium par injection de petites doses de gaz carbonique humide, la cuve doit être mise en eau, fin 2017, avant d'être disséquée, d'ici à 2025, par des engins téléopérés.

À l'horizon 2030, Superphénix devrait enfin avoir rendu l'âme. Sans espoir, cette fois, de renaissance ? Pas tout à fait. Demeureront en place le bâtiment du réacteur, ainsi qu'un atelier pour l'entreposage du -combustible, où se trouve une piscine contenant non seulement un cœur déjà brûlé – dont 4,8 tonnes de plutonium –, mais -également un cœur tout neuf, prêt à servir. Car EDF n'exclut pas d'installer ici, un jour, un nouveau réacteur de quatrième génération, à neutrons rapides lui aussi. Et ce, alors que le modèle de troisième génération, l'EPR en construction à Flamanville -(Manche), n'a toujours pas livré ses premiers kilowattheures.

Un des innombrables portiques de sécurité pour l'accès au site du réacteur nucléaire de Creys-Malville, celui-ci à badge et code. Antonin Lainé / Antonin Lainé/ Divergence pour Le Monde

Un des innombrables portiques de sécurité pour l'accès au site du réacteur nucléaire de Creys-Malville, celui-ci à badge et code. Antonin Lainé / Antonin Lainé/ Divergence pour Le Monde

Le réacteur de Brennilis, autre épine dans le pied d’EDF

Autre épine dans le pied d'EDF, le petit (70 MW) réacteur à eau lourde de Brennilis, dans les monts d'Arrée (Finistère). Mis en service en 1967, stoppé en 1985, il attend toujours, dans la lande battue par les vents, un démantèlement qui ne devrait pas s'achever avant 2032. Près d'un demi-siècle se sera donc écoulé entre sa fin d'activité et la fin des travaux. Et plus de trente ans dans le cas de Superphénix, autant dans celui de Chooz A. Peut-on vraiment, dans ces conditions, affirmer que les délais sont tenus ?

Ce dérapage du calendrier a certes pour raison principale un changement de stratégie d'EDF. Alors que l'électricien prévoyait au départ de procéder à un démantèlement différé, pour laisser la radioactivité décroître pendant quelques dizaines d'années et faciliter ainsi l'intervention humaine, il a, au début des années 2000, opté pour un démantèlement immédiat.

Et ce, justifie Gilles Giron, " pour bénéficier de la mémoire de ceux qui ont exploité les centrales, et parce que des techniques de téléopération étaient disponibles ". Les dossiers de démantèlement ont alors été constitués, ce qui a demandé plusieurs années, avant que soient publiés les décrets autorisant la déconstruction des îlots nucléaires. En se référant à la date de ces décrets, EDF considère donc que la durée effective d'une déconstruction est de l'ordre de quinze ans seulement.

On en est pourtant très loin, avec les six réacteurs de la première génération du parc français (Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Saint-Laurent A1 et A2), eux aussi en cours de démolition. Des monstres d'un autre temps, vingt fois plus gros qu'un réacteur actuel et d'un fonctionnement incroyablement complexe. D'une technologie dite à uranium naturel graphite gaz, ils recèlent au total 17 000 tonnes de graphite, dont l'extraction sera aussi longue que difficile et qui générera des déchets de faible activité mais à vie longue, pour lesquels il n'existe pas encore de centre de stockage.

Quand ces ancêtres ont été mis à la retraite, EDF avait prévu de terminer leur démantèlement vers 2040. Mais, consultées par appel d'offres sur la méthode retenue – un retrait du graphite sous eau –, les entreprises sous-traitantes se sont déclarées incapables de mener à bien cette tâche. En 2016, EDF a fait volte-face et annoncé qu'elle envisageait désormais une extraction sous air, reportant du même coup l'élimination complète de ces réacteurs au début du siècle prochain.

" XXIIe siècle " - L’électricien sèchement tancé par l’ASN

" Les difficultés techniques évoquées sont réelles, mais repousser l'échéance au début du XXIIe siècle ne nous paraît absolument pas raisonnable, ni très conforme à la doctrine du démantèlement immédiat. Ou alors, la notion d'immédiateté a changé ", s'est fâché le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet, auditionné, le 22 février, par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale.

Au-delà de ce cas particulier, le gendarme du nucléaire a sèchement tancé l'électricien pour le " manque d'informations " fournies sur la stratégie de démantèlement du parc actuel. " Entre les trois exploitants - EDF, Areva et le CEA - celui sur lequel on a le moins d'éléments techniques pour porter un jugement sur la nature des opérations futures, sur leur faisabilité, sur leur crédibilité, y compris en termes de calendrier, c'est clairement EDF ", s'est-il irrité.

Et de brandir le dossier d'EDF, cinq fois moins épais que celui du CEA. D'autant, insiste M. Chevet, que chaque réacteur a une histoire particulière et qu'il est " indispensable d'identifier, site par site, les éventuels problèmes spécifiques qu'il a pu rencontrer ", par exemple " les pollutions diverses, à l'intérieur de l'installation ou sur les sols ".

Responsable de la production nucléaire et thermique à EDF, Dominique Minière n'en assure pas moins que " la faisabilité technique du démantèlement des réacteurs à eau pressurisée est d'ores et déjà acquise ". Et que sur les anciennes filières, comme celle à graphite-gaz, elle est " à notre portée ", même si aucun réacteur de puissance de ce type n'a encore été totalement déconstruit.

La réalité est pourtant que l'industrie -nucléaire n'avait aucunement anticipé la fin de vie de ses réacteurs, pas davantage que la gestion de leurs déchets ultimes. Sûre qu'elle était que, le moment venu, ses ingénieurs sauraient trouver les solutions. Ce n'est que depuis 2006 que la loi exige que, lors de la création d'une installation atomique, soient définis " les principes généraux proposés pour le démantèlement ". " La filière nucléaire a été incapable d'envisager son déclin, juge Yves Marignac, directeur de l'agence d'information sur le nucléaire -WISE-Paris. Or, comme en montagne, c'est souvent dans la descente, quand l'attention se relâche, que surviennent les accidents. "

  Le bâtiment de Superphénix vu depuis le hameau de Malville. Les « ailes » de couleur jaune abritent les quatre générateurs de vapeur, hauts de 20 mètres. La petite construction au toit conique, sur la gauche, est un ancien kiosque d'accueil du public, comportant un espace d'exposition et depuis lequel les visiteurs avaient une vue générale du site. Il est fermé depuis de nombreuses années.

Le bâtiment de Superphénix vu depuis le hameau de Malville. Les « ailes » de couleur jaune abritent les quatre générateurs de vapeur, hauts de 20 mètres. La petite construction au toit conique, sur la gauche, est un ancien kiosque d'accueil du public, comportant un espace d'exposition et depuis lequel les visiteurs avaient une vue générale du site. Il est fermé depuis de nombreuses années.

Une déconstruction hors normes et hors de prix

Le grand chantier de la déconstruction a bien sûr un coût. La facture est estimée à 1 milliard d'euros, au bas mot, pour Superphénix, l'ancien réacteur de Creys-Malville (Isère), près de 500 millions d'euros pour Brennilis (Finistère), 400 millions pour Chooz A (Ardennes) et environ 300 millions pour un réacteur classique. Pour l'ensemble des 58 réacteurs en activité et des neuf pionniers à l'arrêt, EDF chiffre l'addition finale à 60 milliards d'euros, gestion des -déchets et des derniers cœurs comprise. Afin de disposer de cette somme le moment venu, le groupe avait provisionné 24,4 milliards d'euros au 31 décembre 2016, une enveloppe dont Dominique Minière, responsable de la production -nucléaire et thermique à EDF, rappelle qu'elle a été validée par plusieurs audits.

Mais la mission parlementaire sur " la faisabilité du démantèlement des installations nucléaires " a rendu, en février 2017, des conclusions bien différentes. Elle estime que " les charges de démantèlement sont sous-évaluées " et relève que les provisions constituées par l'électricien français " sont parmi les plus basses - des pays - de l'Organisation de coopération et de développement économiques, sans filet de sécurité en cas d'écart sur les coûts ".

Un alléchant marché international

En 2012, la Cour des comptes avait elle-même calculé que, rapportés au parc français, les coûts de démantèlement prévus par les États-Unis étaient jusqu'à deux fois plus élevés et ceux retenus par l'Allemagne jusqu'à plus de trois fois selon certaines études. " L'expérience de l'Allemagne et du Royaume-Uni montre que, lorsque ces pays sont passés d'une hypothèse de coût de démantèlement à un devis opérationnel, avec des entreprises prestataires, la note a été multipliée par deux ou par trois ", prévient aussi Yves Marignac, directeur de l'agence d'information sur le nucléaire WISE-Paris.

Pour EDF, cette charge est toutefois une forme d'investissement. Quelque 110 réacteurs ont déjà été définitivement arrêtés dans le monde et 200 autres pourraient l'être d'ici quinze ans, sur les près de 450 aujourd'hui en fonctionnement. Mais très peu d'entre eux ont été démantelés : six l'ont été complètement aux États-Unis, une quinzaine sont en passe de l'être. C'est donc un alléchant marché international qui s'ouvre, sur lequel le français espère bien tenir une place de choix, grâce aux compétences acquises dans l'Hexagone. Une façon aussi de compenser en partie les emplois perdus lors de la fermeture d'une centrale, dont le démantèlement occupe entre cinq et dix fois moins de salariés que son exploitation.

Au reste, l'électricien projette déjà de bâtir sur le territoire national, pour remplacer les unités en fin de course, " trente à quarante " EPR, qu'il faudra eux-mêmes raser un jour. Faire et défaire. Encore et encore.

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Destruction des océans, sur-pêche, pêche électrique... avec Bloom mardi 20 novembre

À Romainville, les habitants défendent une forêt sauvage contre une base de loisirs régionale

Marches pour le climat et la biodiversité 13 et 14 octobre

Les amis des coquelicots étaient bienvenus...

Amis des coquelicots, agissons ensemble vendredi 5 octobre à 18H30

La forêt urbaine de la Corniche des Forts - une chance unique à nos portes

Mobilisation citoyenne à la marche pour le climat samedi 8 septembre à Paris

Un coup de pouce Vert pour les Électrons solaires ! 

Le collectif Eau publique des Lilas invite au dialogue le 21 mars

Entre le nucléaire et la bougie, il y a l’intelligence - du 10 au 18 mars aux Lilas

En Ile de France, les énergies renouvelables citoyennes ont le vent en poupe...

Le Syctom a organisé une concertation réservée aux sachants – et après ?

Une enquête publique sur le PLU des Lilas… qui change la donne !

Une victoire pour l'eau publique en Île-de-France

L’eau publique, c’est maintenant !

L’Ouest de la Seine Saint-Denis se mobilise pour la création d’un service public de l’eau

Romainville : le Syctom lance une concertation préalable pour la modernisation du centre de transfert et de tri des déchets

Que sont ces CSR - Combustibles Solides de Récupération - qu’on veut brûler à Romainville ?

Ces parents qui mijotent une cantine publique

De nouvelles préconisations nutritionnelles... Pas d'usine, on cuisine !

À Romainville contre l’incinération

Une victoire de l'engagement citoyen aux cantines rebelles du 10 novembre

Derniers échos de la révision du PLU des Lilas

Les Sans Radio retrouvent les ondes

Europacity : le débat public se conclut sur des positions inconciliables

Le parc (George-Valbon La Courneuve) debout !

Grand Paris : non à la logique financière

Pour une gestion publique, démocratique et écologique de l'eau

Le revenu de base ? Débat mardi 14 juin 20h

C'était la Grande Parade Métèque 2016...

La nature : une solution au changement climatique en Île-de-France

Participer à la Grande Parade Métèque samedi 28 mai 2016

PLU des lilas: enfin un diagnostic et état initial de l'environnement ... à compléter

Avec la loi « Travail », où irait-on ? Débattons-en mercredi 30 mars

Réduire la place de la voiture des actes pas des paroles

La COP 21 aux Lilas

La nature est un champ de bataille

Alternatiba et le Ruban pour le climat des Lilas à la République

Un compost de quartier aux Lilas

Devoir d'asile : de l'Etat jusqu'aux Lilas

Un ruban pour le climat aux Lilas

Six propositions vertes pour une révision du PLU véritablement utile

La Grande Parade Métèque samedi 30 mai

Fête de la transition énergetique et citoyenne le 9 mai aux Lilas