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22 décembre 2020 2 22 /12 /décembre /2020 09:21

La pollution atmosphérique londonienne est responsable de la mort d’une enfant de neuf ans. Telle est la conclusion rendue par un tribunal britannique mercredi 16 décembre 2020. D’après la Fondation européenne pour le climat, AFP et Stéphane Mandard pour Le Monde. Lire aussi La mauvaise qualité de l’air est un facteur supplémentaire de décès du Covid-19.

Rosamund Adoo-Kissi-Debrah montrant un portrait de sa fille, Ella Adoo-Kissi-Debrah, à Londres, le 30 novembre. HOLLIE ADAMS / AFP

Rosamund Adoo-Kissi-Debrah montrant un portrait de sa fille, Ella Adoo-Kissi-Debrah, à Londres, le 30 novembre. HOLLIE ADAMS / AFP

Des années que la question hantait les nuits et les jours de Rosamund Adoo-Kissi-Debrah : « La pollution de l’air a-t-elle tué ma fille ? » La justice britannique a fini par y apporter une réponse claire : oui, « la pollution de l’air a contribué au décès d’Ella ». Dans une décision sans précédent rendue mercredi 16 décembre à Londres, le coroner, officier de police chargé d’établir les causes des morts violentes, a jugé que le décès d’Ella Adoo-Kissi-Debrah le 15 février 2013, à l’âge de 9 ans, n’était pas seulement dû à une insuffisance respiratoire aiguë causée par un asthme sévère, comme l’avait d’abord conclu la justice en 2014, mais le résultat d’une exposition chronique à des niveaux de pollution élevés, liés au trafic routier. Ella vivait dans le quartier populaire de Lewisham, à 25 mètres du South Circular, un axe très fréquenté du sud de la capitale. « Sur le certificat de décès d’Ella, il y aura désormais la vraie raison : la pollution », confie au Monde Rosamund Adoo-Kissi-Debrah.

Derrière son masque bariolé assorti à son boubou traditionnel ghanéen, on devine un sourire de soulagement mais aussi de satisfaction après sept années d’un « rude combat ». Un combat pour Ella. Pour ses jumelles de 13 ans. Pour « toutes ces familles qui souffrent en silence ». « Cette décision ne me ramènera pas ma fille, mais j’espère qu’elle débouchera sur une prise de conscience collective, dit calmement Rosamund qui a élevé seule ses trois enfants. La pollution de l’air tue sept millions de personnes tous les ans [selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)]. A Londres, au moins douze enfants meurent chaque année des suites de crises d’asthme à cause de l’air toxique qu’ils respirent. Ça ne peut plus durer. J’attends maintenant la réponse du gouvernement, de nos gouvernements. »

« Tueur invisible »

Après la disparition brutale d’Ella, Rosamund a abandonné son métier de professeure de psychologie et de philosophie pour « sensibiliser », « éduquer » face à cette « urgence sanitaire ». Son histoire tragique, elle l’a racontée à la presse britannique. Avec conviction. Le prestigieux Times a lancé une campagne « Clean Air for All » en 2019. Des journalistes viennent de Suède ou de Corée du Sud recueillir son témoignage. Maria Neira, directrice à l’OMS, en a fait son « ambassadrice de cœur » dans sa croisade contre la pollution de l’air. « La décision de la justice britannique est historique, s’enthousiasme la docteure Neira. Nous allons désormais pouvoir nous appuyer sur ce jugement pour passer à la vitesse supérieure, accentuer la pression sur les gouvernements et épargner des vies comme celle d’Ella qu’on n’a pas pu sauver. »

Le jugement du coroner aura une « portée juridique immense », prédit également l’avocate de la mère d’Ella, Jocelyn Cockburn. Jusqu’ici, les victimes de ce « tueur invisible » se cachaient derrière des « statistiques froides ». Désormais, elles ont un visage : le grand sourire, les yeux pétillants et les nattes virevoltantes d’Ella. Sa maman le conserve toujours précieusement auprès d’elle, sur son smartphone.

Une façon de ne jamais oublier qu’Ella, avant d’être terrassée par les crises à répétition, était une petite fille pleine de vie. Toujours dans les premiers de la classe. A 6 mois dans l’eau de la piscine municipale. A 9 mois au club de gym du quartier. Musicienne, elle jouait aussi bien du piano, de la guitare que du cornet à piston. Ella avait un rêve : devenir pilote dans la Royal Air Force.

Le cauchemar, lui, a commencé en octobre 2010. Ella et sa mère décident d’escalader le monument commémorant le grand incendie de Londres de 1666. Au cours de l’ascension, Ella se plaint de ne plus pouvoir monter les marches. Elle est à bout de souffle. Rosamund ne prête pas attention. Mais quelques jours plus tard, ses poumons sifflent comme ceux d’un vieux fumeur. Son état se dégrade. Après Noël, les médecins la placent en coma artificiel. Le début du calvaire. En un peu moins de trois ans, Ella enchaîne les séjours aux urgences et les hospitalisations. Vingt-sept, a compté Rosamund. Souvent, elle doit la porter sur son dos. Parfois, elle doit lui faire un massage cardiaque en pleine nuit quand sa respiration s’arrête. Le 15 février 2013, la nuit de la Saint-Valentin, ses « pouvoirs magiques » n’ont pas pu faire de miracle. Ella succombe d’un arrêt cardiaque à l’hôpital de Lewisham.

Lewisham, mais aussi le King’s College Hospital, le Great Ormond Street Hospital, le St George’s Hospital, le St Thomas Hospital : Rosamund et Ella avaient consulté tous les spécialistes. Les docteurs lui avaient administré des cures d’antibiotiques en intraveineuse, la boostaient aux stéroïdes, lui avaient fait passer des batteries d’examens pour détecter une épilepsie, une mucoviscidose et finir par diagnostiquer un asthme sévère. Mais aucun médecin n’avait évoqué la piste de la pollution de l’air. Et, en 2014, la justice conclut qu’Ella est morte d’une « insuffisance respiratoire aiguë causée par un asthme sévère ».

Soutien du nouveau maire de Londres

Un an plus tard, Rosamund est contactée par un certain Stephen Holgate. Professeur en immunopharmacologie à l’université de Southampton, il étudie l’asthme et la pollution de l’air depuis près de quarante ans. M. Holgate a lu l’histoire d’Ella dans la presse. Il a une intuition. Il l’expose à Rosamund : l’asthme dont souffrait la fillette a vraisemblablement été provoqué et aggravé par la pollution de l’air, et le fait d’habiter près d’une voie de circulation très dense n’a rien arrangé. « J’étais dévastée, se souvient Rosamund. Nous regardions dans la mauvaise direction : nous cherchions une explication médicale alors que la cause était environnementale. Si je l’avais su à l’époque, la première chose que j’aurais faite, c’est déménager. »

Le professeur Holgate se met au travail. Pendant deux ans, il passe ses nuits à éplucher le dossier médical d’Ella et à analyser les niveaux de pollution relevés dans son quartier. Il met en évidence que les concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote (NO2), gaz très toxique émis principalement par les véhicules diesel, dépassent régulièrement et largement les limites légales et les recommandations de l’OMS. Surtout, il constate que les crises d’Ella et les hospitalisations surviennent majoritairement à l’automne ou en hiver, lors des pics de pollution. A contrario, ses bronches lui accordent un répit passager au printemps et à l’été, lorsque les niveaux de particules sont plus bas. Conclusion du professeur Holgate : les séjours aux urgences d’Ella ont un « lien frappant » avec les pics de pollution autour de son domicile.

Sur la base de ces nouveaux éléments, Rosamund crée une fondation, lance une pétition pour obtenir la révision des conclusions de la justice et reçoit le soutien du nouveau maire de Londres, Sadiq Khan, lui-même asthmatique, dans sa demande d’une nouvelle enquête. Elle l’obtient en décembre 2019. Un an et deux semaines d’audiences plus tard, le coroner adjoint du district sud de Londres, Philip Barlow, a été convaincu par les arguments du professeur Holgate : « Ella vivait sur le fil du rasoir. Un très petit changement pouvait avoir des conséquences dramatiques. » La nuit de l’ultime crise a coïncidé avec un épisode de pollution particulièrement sévère. Holgate va plus loin : il considère que « si les niveaux de pollution de l’air n’avaient pas dépassé les limites légales, Ella ne serait pas morte ».

De quoi engager la responsabilité des autorités locales. Lors des audiences, un représentant du Grand Londres a reconnu que les limites d’exposition au NO2 ne seraient pas atteintes avant 2025. Il a aussi admis que l’actuel premier ministre, Boris Johnson, avait retardé de trois ans, en 2010, lorsqu’il était maire de Londres, l’extension de la zone à faible émission – censée éradiquer les voitures les plus polluantes –, pour ne pas pénaliser les conducteurs après la crise économique de 2008.

« Les autorités avaient l’opportunité de prendre les mesures susceptibles de réduire les niveaux de pollution mais elles ne l’ont pas fait, a estimé le coroner adjoint, mercredi 16 décembre. Cet échec a sans doute contribué au décès d’Ella. » Le juge doit rendre un second verdict dans un mois, avec des recommandations destinées aux pouvoirs publics. Rosamund espère « une nouvelle loi contre la pollution de l’air », seule à même, selon elle, de rendre l’air un peu plus respirable dans son quartier de Lewisham. A défaut, elle se résout à « déménager » loin de ce maudit South Circular. Même si les jumelles ne sont pas prêtes à poursuivre leur vie ailleurs que dans « la maison d’Ella ».

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15 décembre 2020 2 15 /12 /décembre /2020 17:57

Dans leur dernier rapport, les scientifiques de l’IPBES en appellent à transformer radicalement nos modèles économiques, agricoles et financiers, en réduisant notamment drastiquement l’élevage, et donc notre consommation de viande. Ce qui vient donner du grain à moudre aux mouvements véganes et végétariens en plein essor. Le point avec Jean-Marc Gancile, auteur de "Carnage". Entretien par Benjamin Joyeux pour sur le Green European Journal le 11 décembre 2020. Lire aussi Pour assurer la sécurité alimentaire mondiale malgré le réchauffement climatique, il faut changer notre alimentation selon le nouveau rapport du GIEC sur l’usage des terresEn 2050, nous serons 9,7 milliards d’humains… l’agroécologie peut parfaitement nous nourrir ! et Le « régime de santé planétaire » ? Des protéines végétales et un steak par semaine !

Antispécisme, écologie, comment en finir avec ce Carnage ?

Alors qu’en cet automne 2020, nous subissons la deuxième vague de Covid 19, une enquête de l’IPBES publiée fin octobre vient démontrer que prévenir les pandémies coûterait nettement moins cher que de tenter de limiter leurs ravages en attendant un vaccin. Pour cela, les scientifiques de l’IPBES en appellent à transformer radicalement nos modèles économiques, agricoles et financiers, en réduisant notamment drastiquement l’élevage, et donc notre consommation de viande. Ce qui vient donner du grain à moudre aux mouvements véganes et végétariens en plein essor, pourtant encore souvent caricaturés soit comme de doux dingues, soit comme de dangereux activistes radicalisés et voulant imposer leur mode de vie.  

C’est dans ce contexte que nous avons voulu interroger l’auteur et activiste de la cause animale Jean-Marc Gancille, dont le dernier ouvrage, Carnage, qui vient d’être publié en septembre 2020, jette un regard factuel sans aucune concession sur l’état du massacre du vivant à l’échelle du globe et en appelle à la fin de l’exploitation animale par des solutions concrètes radicales.  

Benjamin Joyeux: Votre livre Carnage s’inscrit logiquement dans votre parcours professionnel et personnel. Mais pourquoi ce livre maintenant, alors que de nombreux ouvrages traitent d’ores et déjà de la question ? Il manquait des informations scientifiques qui justifiaient d’un livre supplémentaire ? 

Jean-Marc Gancille: Il y a énormément d’arguments susceptibles de convaincre la majorité que nous sommes dans une société d’oppression et d’asservissement des animaux à tous les niveaux, mais ces niveaux ne sont pas perçus dans leur globalité. Chacun les voit séparément et les considère sous l’angle du divertissement, du monde sauvage, de l’alimentaire, de la captivité… Je trouve que nous manquons d’un tableau général de ce « carnage » mettant en perspective toutes ces multiples façons que nous avons de massacrer et de soumettre les animaux dans l’espace et dans le temps. Ce tout en niant leurs facultés cognitives et leur sentience, encore trop peu connues, avec beaucoup de dénis et de contrevérités qui circulent.  

J’ai ainsi essayé de dresser à la fois un constat implacable sur la situation et sur le fait qu’un certain nombre de postures sont aujourd’hui intenables dans tous les domaines pour démontrer, dans la lignée de mon précédent livre Ne plus se mentir, l’urgente nécessité de solutions radicales. Nous avons besoin d’ouvrir une fenêtre d’Overton sur la question animale, pour arrêter les petits pas et effectuer un grand saut dans un nouveau paradigme, celui de la considération totale envers ceux qui ont comme nous le droit d’exister. Ce livre est une tentative d’entrer dans ce nouveau paradigme, avec des idées et des mots à la fois grand public et sans concession, pour provoquer un déclic.  

Pour en finir avec l’anthropocentrisme ? Est-ce que les arguments rationnels en la matière sont suffisants ou ne faut-il pas envisager par exemple une nouvelle sacralité par rapport au vivant, quelque chose de plus spirituel ? 

Pour prendre conscience de l’importance de ces questions, tout le monde ne fonctionne pas de la même façon. Certains vont être beaucoup plus ouverts et réceptifs aux arguments spirituels, aux émotions… et d’autres comme moi vont être beaucoup plus attentifs aux arguments rationnels. Personnellement, j’ai besoin d’aller au fonds des sujets et de ce que la science dit aujourd’hui, comme sur la sentience animale ou sur les données statistiques quant à l’étendue des massacres à l’échelle globale.  

Il existe aujourd’hui toute une palette d’actions en faveur de la cause animale : végétarisme et véganisme, boycott, actions de libération, essais politiques ou philosophiques comme ceux de Corinne Pelluchon, etc. Cela permet déjà de se maintenir dans une sorte de dignité, à défaut de parvenir à l’objectif de mettre fin à ce carnage, parce que l’on estime en son for intérieur que c’est juste, dans le plus grand respect possible du vivant.  

En même temps, comme beaucoup de gens qui militent depuis longtemps pour la cause animale, je mesure à quel point les résistances sont fortes. Mais paradoxalement, c’est un domaine dans lequel les prises de conscience opèrent plus rapidement qu’ailleurs. Par exemple, au sein des jeunes générations, l’éthique animale semble progresser encore plus vite que l’éthique écologique, même si l’on met en avant en permanence Greta Thunberg et la « génération climat » et que la cause animale continue de susciter par ailleurs énormément de railleries. 

Si l’on fait la symétrie avec la lutte pour le climat, dont les précurseurs parlaient déjà dans les années 60, la prise de conscience semble désormais réelle. Alors que se déclarer végane aujourd’hui au nom de l’éthique animale reste un point de vue marginalisé. Comment expliquer ce différentiel entre la cause climatique d’un côté et la cause animale de l’autre ? Est-ce juste une question de temps ? 

Pourtant nous pouvons beaucoup plus concrètement et efficacement mettre en œuvre à l’échelle individuelle des convictions animalistes que pour répondre aux enjeux du carbone et de la crise climatique : rien ne nous oblige aujourd’hui à manger des animaux ou leurs sous-produits, alors que nous n’avons pas tellement les moyens de travailler et de vivre sans se chauffer, sans se déplacer, sans consommer un minimum…  Il me paraît plus facile de s’extraire d’une attitude oppressive par rapport aux animaux que de quitter du jour au lendemain un mode de vie fortement émetteur en CO2.  

Nous pouvons beaucoup plus concrètement et efficacement mettre en œuvre à l’échelle individuelle des convictions animalistes que pour répondre aux enjeux du carbone et de la crise climatique

La 6e extinction de masse des espèces serait plus facile à résoudre que la crise climatique ? 

Oui, paradoxalement ça pourrait aller plus vite, bien que ces deux crises soient intimement liées. Je reste assez sombre quant à notre avenir et notre destinée commune, mais si j’ai des motifs de satisfaction, c’est de voir à quel point les idées animalistes et antispécistes se propagent et ont des impacts infiniment plus élevés à l’échelle individuelle comparativement à la cause climatique, où pourtant on ne cesse par ailleurs d’appeler à la mobilisation.  

Une critique revient régulièrement à l’encontre des véganes et des antispécistes qui seraient les « idiots utiles du capitalisme », en permettant à l’agro-industrie de faire main basse sur la viande synthétique. Qu’en pensez-vous ? 

Ce sont des discussions que j’ai régulièrement avec des écologistes « mainstream », comme par exemple avec Benoît Biteau, paysan agronome et eurodéputé écologiste. Pour moi c’est un argument fallacieux, dans la logique de Jocelyne Porcher, de Paul Ariès et consorts.  

D’une part, je conteste formellement la contribution du petit élevage à la biodiversité, qu’il a à mon avis bien plus ruinée qu’autre chose. D’autre part, je pense que la question de la séquestration du carbone dans les prairies est très discutable : il y a beaucoup de controverses quant à la contribution de l’élevage, même dit « responsable », sur ces questions.  

Par ailleurs, je constate régulièrement que l’immense majorité des véganes ou des végétariens autour de moi ne consomment en général que très peu de produits industrialisés. Il y a donc un discours dominant qui ne colle pas avec la réalité que je peux empiriquement observer. En cherchant à en savoir plus, je suis tombé sur quelques articles particulièrement éclairants (quelques liens sont dans Carnage) : les fabricants de viande synthétique admettent eux-mêmes très clairement que leur marché cible, ce sont les omnivores qui par mauvaise conscience ont envie de trouver des substituts ponctuels à la viande. Car généralement, quand on fait définitivement une croix sur la viande, ce n’est pas pour la retrouver dans son assiette sous une apparence différente.  

En plus, ce discours des « véganes faisant le jeu de l’industrie » nourrit le paradigme dominant selon lequel il peut y avoir un élevage « responsable ». Cela déculpabilise l’immense majorité qui continue à manger de la viande et qui, comme tout le monde le sait, s’approvisionne toujours chez un « petit boucher local qui fait de la viande bio et qui est très sympa ». C’est hypocrite et porteur d’une bonne conscience séparant les « méchants » industriels des « gentils » petits éleveurs qui tuent « dignement ». Or on ne peut pas tuer « dignement ».  

Rappelons-le, ce n’est plus une nécessité vitale dans nos pays occidentaux de manger de la viande. Cela me désole d’avoir à batailler sur ce sujet avec des écologistes, comme à la commission animale d’Europe Ecologie Les Verts par exemple, qui a réussi à promouvoir le concept d’« élevage éthique » pendant la dernière campagne des municipales.  

Ces fortes résistances dans les milieux écolos, en ne considérant toujours pas le droit à vivre des animaux non-humains, dessert à mon sens au-delà de la cause animale toute la cause de l’écologie. 

Jean-Marc Gancile

Jean-Marc Gancile

Du coup, des divisions idéologiques se creusent au sein de l’écologie politique. Or tout le monde ne devrait-il pas essayer de s’entendre pour faire cause commune, étant donné l’état actuel du vivant sur la planète ? Comment faire convergence ?  

J’ai été très longtemps partisan d’une forme d’alliance entre ceux qui sont sensibles à l’éthique animale et le mouvement paysan anti-industrialisation, persuadé que l’on pouvait à minima se rejoindre sur cette cause première. Mais tandis que L214 par exemple a initié des tribunes pour appeler à cette forme de convergence dans une logique progressiste pour arriver à régler à minima un certain nombre de situations indécentes, beaucoup d’écologistes n’étaient même pas en capacité d’entendre ce discours-là, ayant encore en tête l’idée que tuer un animal sans nécessité peut être tolérable et se justifier. On ne peut pas cadencer ou morceler cette lutte de l’éthique animale en partant d’un présupposé si différent.   

N’y a-t-il pas également un prisme français autour de la culture de la viande qui fait que même chez les écologistes, il y a une plus grande difficulté à faire entendre la cause animale, notamment par rapport aux pays scandinaves ou anglo-saxons ?  

J’ai de la famille en Allemagne et je constate en effet qu’il y a là-bas une propension plus grande d’écologistes qui sont simultanément véganes ou végétariens. Dans les pays scandinaves également, quand on rencontre des écologistes, ils sont la plupart du temps partisans de la végétalisation de leur alimentation. Pour eux, c’est une évidence ! Il y a donc c’est vrai un contexte français particulier lié à ce patrimoine culinaire mythifié autour de ses paysans qui provoque des résistances et des clivages irrémédiables. Plus largement, c’est sans doute plus difficile de convaincre dans les pays latins qui se targuent d’un certain « art de vivre ». Ce qui me laisse pantois, c’est que ce sont ces soi-disant « bons vivants » qui sont quand même ceux qui tuent le plus. 

Je voudrais également ne pas oublier la pêche, car il y aurait là-aussi une petite pêche « vertueuse » face aux « méchants industriels qui videraient les océans ». C’est en grande partie vrai sur les méchants industriels, mais il faut également déconstruire l’idée selon laquelle la petite pêche serait vertueuse. Des militants écologistes revendiquent une pêche durable et responsable, en s’appuyant notamment sur des associations comme BloomCharles Braine par exemple, petit pêcheur de son état et militant à Place Publique, en est un bon exemple. On peut très bien discuter avec lui, mais il reste dans le refus de creuser la question philosophique du fait de tuer sans nécessité. Alors que l’on sait désormais, statistiques à l’appui (auxquelles je fais référence dans le livre), que la petite pêche et la pêche industrielle prélèvent autant de tonnages de poissons pour l’alimentation humaine. Il n’y a donc pas à mythifier une petite pêche vertueuse, finalement aussi délétère pour l’effondrement des écosystèmes marins, ou ce qu’il en reste. C’est un autre combat moins médiatisé, mais parfois tout aussi désespérant quand on voit les résistances et les niveaux d’argumentation.  

En gros pour vous, c’est le discours welfariste et utilitariste qui serait le discours le plus « idiot utile du capitalisme » ? 

Absolument ! On peut le dire comme ça.  

En page 165, vous parlez pourtant de réconcilier écologie et animalisme. Alors que faire ? 

C’est un paragraphe que j’aurais voulu fouiller encore davantage. Il y a toute la réflexion de Thomas Lepeltier très intéressante sur le sujet. Celui-ci pointe notamment toutes ces contradictions qui font qu’aujourd’hui, il y a un mouvement écologiste globalement en résistance face aux idées antispécistes, campant sur des positions utilitaristes dans une sorte de déni de la souffrance. Un discours se développe dangereusement sur la possibilité de continuer à massacrer les animaux, mais de façon « écolo », avec des pseudos solutions : des petits éleveurs qui prétendent contribuer à la sauvegarde de la biodiversité et à la réduction des émissions de CO2 et des petits pêcheurs qui prétendent que les prélèvements qu’ils occasionnent dans les océans n’ont pas d’impact sur la chaîne trophique et sur l’effondrement des systèmes marins. Or ce discours permet surtout de ne rien changer. 

Un discours se développe dangereusement sur la possibilité de continuer à massacrer les animaux, mais de façon « écolo »

N’allons-nous pas nous retrouver dans une injonction contradictoire totale ? Car les jeunes générations sont de plus en plus attachées à l’éthique animale, et on le voit dans les sondages, finissent par voter pour les écologistes officiels. Certes il y a des tensions permanentes, mais comment aujourd’hui espérer quand même pouvoir faire convergence ? 

Il y a deux choses : est-ce qu’on va pouvoir convertir les écologistes à l’animalisme ? Si j’en juge par un certain nombre de groupes sur les réseaux sociaux réceptifs à des arguments comme le groupe Transition 2030, composé de collapsologistes, d’écologistes radicaux… on y observe de plus en plus d’intérêt pour l’animalisme et une remise en cause des idées reçues qui donne de l’espoir. Mais des résistances phénoménales et un clivage profond demeure entre ceux qui n’ont que le carbone en tête et tous ceux qui se préoccupent davantage des questions éthiques de souffrance animale. Cet antagonisme est difficilement réconciliable.  

En France, on ne pourra sans doute pas rendre Europe Ecologie Les Verts antispéciste et il y aura de plus en plus de mouvements qui porteront ces idées (Parti animalisteREV…) et grignoteront sur l’électorat écologiste majoritaire. Même si ce mouvement reste marginal, il n’est plus anodin.  

Je souhaiterais vraiment que les écologistes se retrouvent sur l’essentiel, mais malheureusement l’essentiel n’est pas là. On ne peut pas mettre de côté ce carnage animal actuel au nom du rassemblement, c’est de plus en plus clivant.  

Pour en finir avec l’anthropocentrisme, comme vous en appelez dans votre livre, comment faire alors, à l’échelle individuelle comme collective ? 

La solution première la plus évidente est de cesser immédiatement toute consommation de chaire animale et de sous-produits issus des animaux. Il s’agit ensuite de refuser de cautionner tout ce qui va dans le sens de l’asservissement et de la domination des animaux, comme par exemple boycotter absolument les zoos, les delphinariums, tous les parcs d’attraction dans lesquels des animaux sont maintenus en captivité la plupart du temps dans des conditions indignes et martyrisés pour obéir. On peut également s’engager dans tous les combats s’inscrivant dans ces idées, sans endosser pour autant un costume de guérillero. Il y a beaucoup de possibilités d’agir auprès d’associations comme L214Sea Shepherd269 Life libération animale… Nous avons par exemple créer avec plusieurs associations le collectif Rewild de lutte contre la captivité afin de rachetele zoo de Pont-Scorff en Bretagne pour en faire un centre d’accueil et de sauvegarde des animaux sauvages (Rewild Rescue Center). C’est une action qui suscite beaucoup d’adhésion populaire et qui remet en cause un certain nombre de fondements de l’industrie du divertissement et de la captivité.  

Il faut évidemment refuser la chasse et la corrida. Il ne faut rien lâcher et continuer de tenir tête en argumentant rationnellement sur des faits avérés, comme le fait très bien par exemple par son travail l’autrice et illustratrice Florence Dellerie.  

Il est également nécessaire autant que faire se peut de limiter les interactions avec les animaux sauvages pour leur permettre de retrouver leur souveraineté, car on ne cesse d’empiéter sur leurs espaces. Il y a par exemple une recherche effrénée d’interactions avec les animaux sauvages pour des selfies qui est non seulement grotesque mais avant tout préjudiciable. Les animaux ont surtout besoin qu’on leur fiche la paix. 

Interview réalisée par téléphone en août 2020 

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 14:54

Le confinement limite l’accès à la nature. Beaucoup d’habitants n’ont pas, dans le kilomètre autour de chez eux, d’espaces verts. Les partis Europe Écologie-Les Verts (EELV) et Génération écologie, ainsi que des personnes vivant dans un lieu ne leur permettant pas l’accès à la nature pendant le confinement ont déposé mercredi 18 novembre un référé-liberté devant le Conseil d’État. D'après Marie Astier pour Reporterre et Latifa Madani pour l'Humanité le 18 novembre 2020. Lire aussi L’homme et l’arbre font sociétéDes citoyens financent des réserves de vie sauvage depuis 30 ans et La nature est un champ de bataille.

En milieu naturel ouvert, le risque de contaminatin est quasi nul. Lilian Cazabet/Hans Lucas/AFP

En milieu naturel ouvert, le risque de contaminatin est quasi nul. Lilian Cazabet/Hans Lucas/AFP

L’accès à la nature est-il une liberté fondamentale ? Le Conseil d’État devra trancher cette question soulevée dans le référé liberté déposé le 16 novembre par Europe Écologie-Les Verts, Génération écologie et des citoyens privés d’accès à tout espace vert ou naturel de taille suffisante. Ils demandent l’abrogation du décret dit 1 km-1 h, du 29 octobre, limitant à 1 km et à 1 heure le déplacement pour les promenades et l’activité physique.

Ce que dit la charte de l'environnement

Outre la liberté d’aller et venir, garantie par la Constitution, « l’accès à la nature peut être considéré comme une liberté fondamentale si on se réfère à la charte de l’environnement », estime Sébastien Mabile, du cabinet Seattle, avocat des requérants. « C’est une composante du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, proclamé à l’article 1 er de la charte, qui a valeur constitutionnelle », explique-t-il.

Il s’appuie pour cela sur une jurisprudence du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. En 2005, les juges administratifs avaient considéré que « en adossant à la Constitution une charte de l’environnement, le législateur a nécessairement entendu ériger le droit à l’environnement en “liberté fondamentale” de valeur constitutionnelle ».

L'enjeu de l'égalité

Le droit au respect de la vie privée familiale, reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme (article 8), est lui aussi invoqué dans la requête au Conseil d’État. La Cour européenne l’a souvent cité dans des dossiers de pollution et d’environnement dégradé. Maître Mabile n’a pas manqué, pour blinder le référé, d’évoquer la Convention des droits de l’enfant de 1989. « On considère que le fait pour les enfants d’être privés de l’accès à des espaces verts ou naturels constitue une violation de leurs droits », assure-t-il.

L’accès à la nature ne pose pas la seule question de la liberté et des droits. Il soulève celle de l’égalité. « Ce kilomètre constitue une rupture du principe d’égalité car, pour beaucoup de Français, il n’y a pas de parcs et jardins dans ce périmètre », affirme Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.

Des risques d'accidents

Une vingtaine de citoyens se sont joints à la requête des partis politiques devant le Conseil d’État. Ils habitent en zone périurbaine et en milieu rural. « Nous avons des témoignages qui rapportent que, depuis le confinement, il y a de plus en plus de personnes habitant des bourgs entourés de terres agricoles qui se promènent sur les bas-côtés des routes, alors qu’il y a des voies sécurisées à 5 ou 10 kilomètres, ce qui multiplie les risques d’accident et l’exposition aux pollutions », déplore Sébastien Mabile.

En Île-de-France, près de 45 000 personnes dans les Hauts-de-Seine (3 % des habitants) et 33 000 en Seine-Saint-Denis (2 %) n’auraient pas accès « légalement » à un espace de nature, indique Léa Tardieu, chercheuse spécialisée en économie de l’environnement à l’institut de recherche Inrae (le Parisien du 15 novembre). En conséquence, alors que les gestes barrières nécessitent une distanciation physique, on observe plutôt, en milieu urbain, des concentrations plus importantes dans les petits squares.

Des adaptations possibles

Un accès égal à la nature est aussi – et surtout, peut-on dire – une question de santé publique. Le risque de contamination en milieu naturel ouvert est quasiment nul alors qu’à l’inverse, la sédentarité et la privation de contact avec la nature ont des incidences négatives sur la santé physique et mentale (voir encadré).

Comment dès lors comprendre la logique du gouvernement avec son décret 1 km-1h ? À l’argument du risque d’accidents, qui satureraient encore plus nos hôpitaux, beaucoup rétorquent que le jardinage ou d’autres travaux domestiques en comportent aussi.

« Notre objectif n’est pas de casser le confinement, tous les requérants sont conscients de la nécessité des mesures sanitaires », assure Sébastien Mabile. « Nous proposons des adaptations pour concilier les intérêts des uns et des autres, comme étendre la distance limitée et restreindre la pratique des sports à risques. » Face à autant d’arguments factuels et juridiques, le Conseil d’État sera-t-il convaincu ? Depuis le début de la pandémie, l’institution saisie en référé liberté n’a pas encore invalidé de mesure gouvernementale.

Les bénéfices du contact avec la nature

Au printemps, lors du premier confinement, plusieurs pétitions réclamaient le droit à la nature. L’une d’entre elles, « Pour un accès raisonné à la nature », initiée par l’un des requérants du référé liberté, Billy Fernandez, accompagnateur en montagne, et Solène Petitdemange, médecin généraliste, avait recueilli près de 200 000 signatures. Elle démontrait, citant des études scientifiques, l’effet bénéfique du contact avec la nature et de l’activité physique sur la santé, sur le système immunitaire, sur les conduites addictives et sur la guérison.

Vivre sans la nature ?

Cynthia Fleury, philosophe : « La première vague et son confinement avaient déjà fortement fait pencher la balance, le deuxième confinement assoit l’hypothèse : quitter la capitale, aller se réfugier à la campagne, vivre plus directement avec la nature.

Avant de sauter le pas, prenons le temps de lire Éric Lambin, avec Une écologie du bonheur (le Pommier, 2020), qui s’interroge sur l’articulation vertueuse entre bonheur et nature, en se demandant si celle-ci est nécessaire à notre épanouissement humain. Conclusion sans appel : « Préserver la nature est (…) à la fois dans l’intérêt égocentrique de chacun, mais aussi dans l’intérêt anthropocentrique de l’homme, au nom de la raison morale qui lie tous les membres de l’humanité. » C’est donc la piste de la valeur instrumentale, sans nier la valeur intrinsèque de la nature, que Lambin emprunte pour essayer de transformer nos motivations en vue d’une modification comportementale et politique plus globale. Déforestation, érosion des sols, expansion agricole démesurée, perturbation du cycle de l’eau, acidification des océans, surpêche, tout cela a aussi un coût humain, en matière de santé physique et psychique, sans parler des inégalités économiques plus ou moins renforcées par des dynamiques de grande extraction des ressources naturelles. En matière de changement des comportements, la répartition se joue ainsi, sachant qu’elle peut également coexister à l’intérieur d’une même personne. Moins de 20 % des personnes sont prêtes à modifier pour des raisons éthiques leur mode de consommation et de production. Entre 20 % et 30 % des personnes sont des « free riders », des resquilleurs qui profitent du système et protègent leurs intérêts particuliers. Le « marais » ou la « plaine », aurait dit la Révolution. Le reste sont des « suiveurs » ou « coopérateurs conditionnels ». Plus vous avez dans la ligne de mire des « free riders », moins les suiveurs sont prêts à faire évoluer leur comportement vers des normes morales et sociales plus hautes.

Steven Pacala, biologiste de l’université de Princeton, a par ailleurs calculé l’impact très néfaste : en 2007, la moitié des émissions mondiales de dioxyde de carbone a pour origine seulement 7 % de la population mondiale. Lambin rappelle les facteurs liés à une existence heureuse, au nombre de cinq : la situation personnelle (santé, vie affective, loisirs, travail, mobilité), le sentiment de sécurité (peur de la criminalité, des conflits, des guerres), l’environnement social (l’appartenance à un réseau de relations, la confiance, la disponibilité d’une aide en cas de besoin), l’environnement institutionnel (les libertés, la participation politique, le bon fonctionnement de la justice) et l’environnement naturel (l’exposition au bruit et à la pollution, l’accès aux espaces naturels préservés, le sentiment de connexion à la nature). Au terme d’une enquête fouillée, la dégradation de l’environnement entraîne l’appauvrissement de l’expérience humaine et du bonheur. »

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 12:56

Deux ans après la promulgation de la loi EGAlim[1], un collectif de 28 syndicats et associations publie un bilan dont le constat d’échec est sans appel : la quasi-totalité des indicateurs est au rouge et des reculs sont à noter. Presque aucune des ambitions et bonnes intentions déclarées en grande pompe n’ont été suivies d’effet. Par le Réseau Action Climat le 3 novembre 2020. Lire aussi Sans répondre à la crise sanitaire, la loi Alimentation permet à l’industrie agroalimentaire d’augmenter ses prix et Les états généraux de l’alimentation déçoivent les paysans et les écologistes.

Bilan des États Généraux de l’Alimentation, 2 ans après, la loi EGAlim définitivement à l’abandon

Deux ans après la promulgation de la loi EGAlim[1], un collectif de 28 syndicats et associations publie un bilan dont le constat d’échec est sans appel : la quasi-totalité des indicateurs est au rouge et des reculs sont à noter. Presque aucune des ambitions et bonnes intentions déclarées en grande pompe n’ont été suivies d’effet.

Cette note d’analyse dresse le bilan des États Généraux de l’Alimentation et de la loi EGAlim et prend acte de leur enterrement. Avec lui, ce sont aussi les principales ambitions du quinquennat pour la transition sociale et écologique du système agroalimentaire qui sont à la dérive. Les 28 organisations dénoncent :

  • Le revenu paysan n’est pas revalorisé, les profits de l’industrie et de la distribution continuent d’augmenter, les prix au consommateur aussi.
  • Les négociations commerciales ne sont pas plus encadrées qu’avant et subissent même des tensions croissantes.
  • Les ambitions en matière de réduction de pesticides ont été revues à la baisse, avec un recul notable : le retour des néonicotinoïdes.
  • La protection des riverains contre les pesticides n’a pas avancé, l’Etat se défausse en livrant cette protection au rapport de forces sur les territoires.
  • Les objectifs d’au moins 20 % de bio dans la restauration collective et de 15 % de surface en agriculture biologique en 2022 ne pourront être atteints faute de moyens suffisants. Nous n’en sommes respectivement qu’à 4,5% et 8,5 %.
  • Aucune transition des modes d’élevage, intégrant notamment une meilleure prise en compte du bien-être animal, n’a été sérieusement amorcée au sein des filières.
  • Enfin, la loi a laissé de côté de nombreuses questions pour lesquelles tous les indicateurs sont au rouge : climat, solidarité internationale, biodiversité, nutrition et alimentation.

Il y a un an, les mêmes organisations [2] alertaient déjà sur le manque de volonté et de moyens pour assurer la mise en œuvre d’une loi EGAlim déjà peu ambitieuse [3]. Là où nous attendions des amorces de transition, nous constatons au mieux des statuts quo, au pire de nouveaux reculs comme sur les néonicotinoïdes. Là où les réformes engagées devaient permettre de revaloriser le revenu des paysans, celui-ci continue à se dégrader au profit de l’agro-industrie. Là où des objectifs intéressants étaient fixés pour la restauration collective, ils paraissent aujourd’hui hors d’atteinte tant les collectivités sont livrées à elles-mêmes.

Or la dégradation du contexte social et environnemental se poursuit : la consommation de pesticides ne recule pas, le nombre de paysan·ne·s diminue, la biodiversité continue de s’effondrer, l’insécurité alimentaire explose en France et partout dans le monde…

D’autres leviers auraient permis de corriger le tir : projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale, plan de relance, mise en œuvre des 149 mesures de la Convention citoyenne pour le climat, etc. Mais tout indique, à ce stade, que le gouvernement confortera l’immobilisme qui prévaut depuis le discours de Rungis de 2018. La position de la France dans le cadre de la réforme de la PAC et notamment le Plan Stratégique National reste un des derniers leviers les plus structurants de ce quinquennat pour agir en faveur d’une transition agroécologique. Et le plan de relance français dans son volet agricole ne doit pas, lui, aller à son encontre.

·  [1] La loi pour l’Équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

·  [2] Plateforme Citoyenne pour une transition agricole et alimentaire : Attac, CCFD-Terre Solidaire, CFSI, CIWF France, Commerce Équitable France, Confédération paysanne, Foodwatch France, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, France Nature Environnement, Eau et Rivières de Bretagne, Générations Futures, Greenpeace France, Miramap, Nature et Progrès, Réseau Action Climat, Secours Catholique, Caritas France, SOL (Alternatives Agroécologiques et Solidaires), Terre & Humanisme, UFC-Que Choisir, Union Nationale de l’Apiculture Française, Welfarm, WWF.

Bilan des états généraux de l’alimentation, 2 ans après, la loi EGAlim définitivement à l’abandon

Décryptage du 30 octobre 2019 de la loi EGAlim

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5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 16:58

De plus en plus de nouvelles maladies infectieuses émergent, principalement à cause de la destruction des écosystèmes. Prévenir leur apparition serait la seule solution durable, selon un nouveau rapport international qui juge le coût de la prévention cent fois moindre que celui de l’inaction. D’après la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et Clémentine Thiberge pour Le Monde le 29 octobre 2020. Lire aussi « Nous dépendons fondamentalement de la diversité du vivant ».

Prélèvement nasal sur un pangolin, à la China Biodiversity Conservation and Green Development Foundation, dans le Zhejiang, en juin 2020. AP

Prélèvement nasal sur un pangolin, à la China Biodiversity Conservation and Green Development Foundation, dans le Zhejiang, en juin 2020. AP

« Dans les décennies à venir, les pandémies vont être plus nombreuses, plus meurtrières, se propageront plus rapidement et feront plus de dégâts à l’économie mondiale ; à moins qu’il n’y ait un changement radical dans l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses. » Voici l’alerte lancée par Peter Daszak, chercheur en zoologie et coauteur d’un rapport sur les pandémies publiées le jeudi 29 octobre par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

Ce groupe d’experts a réuni en début d’année vingt-deux scientifiques internationaux pour répondre à deux questions : comment les pandémies émergent-elles ? Et peut-on les prévenir ? « Habituellement ce type de rapport prend plusieurs années, explique Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES. Nous l’avons sorti très rapidement car il était nécessaire d’avoir à disposition une évaluation du savoir scientifique sur le lien entre pandémies et biodiversité. »
Les auteurs ont analysé et synthétisé environ 700 références scientifiques. « On a beaucoup d’informations sur les pandémies d’un point de vue social, médical, explique Peter Daszak. Et on en a également beaucoup sur la perte de biodiversité, il était important de relier les deux pour répondre à la question : pourquoi les pandémies se produisent-elles ? »

IPBES - Rapport sur les pandémies, résumé en français.

« Une pandémie tous les dix ans »

Selon le rapport, 70 % des maladies émergentes (Ebola, Zika) et la quasi-totalité des pandémies connues (VIH, Covid-19) sont des zoonoses – c’est-à-dire qu’elles sont causées par des virus d’origine animale. Les principaux porteurs sont les mammifères – chauves-souris, rongeurs, primates, bétail – et les oiseaux. Mais bien que les pandémies trouvent leurs origines dans des microbes portés par des animaux, ce sont bien les activités humaines qui amplifient le phénomène. « Il n’y a pas de grand mystère sur la cause de la pandémie de Covid-19, ou de toute pandémie moderne, explique Peter Daszak. Les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique et de la perte de biodiversité entraînent également des risques sanitaires par leur impact sur notre environnement. L’expansion et l’intensification de l’agriculture, le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune, le bétail, les agents pathogènes et les humains. C’est la voie vers les pandémies. »

Ces maladies émergent à un rythme de plus en plus soutenu. Selon le rapport, il existerait environ 1,7 million de virus non découverts chez les animaux, et 540 000 à 850 000 d’entre eux pourraient potentiellement infecter les humains. « D’ici peu, nous pourrions avoir une pandémie tous les dix ans, alerte Peter Daszak. Les gérer comme nous le faisons avec le coronavirus n’est pas une solution durable. Sinon, tous les pays pourraient connaître une récession économique continue. » Alors quelles sont les solutions pour réduire les risques de pandémies ? « Notre approche actuelle n’est pas la bonne, insiste le chercheur britannique. Nous espérons toujours contenir et contrôler les maladies après leur apparition grâce aux vaccins et aux thérapies. Mais échapper à l’ère des pandémies implique de laisser une place plus grande à la prévention qu’à la réaction. »

Imiter les cellules antiterroristes

Le chercheur préconise une approche à l’égard des pandémies similaire à celle des cellules antiterroristes. « Il faut faire exactement le même travail, explique-t-il. C’est-à-dire surveiller constamment, écouter les rumeurs de maladies émergentes locales pour pouvoir, dès le début d’une épidémie, la contrôler et l’enrayer. Aujourd’hui, nous ne faisons qu’attendre que les épidémies se développent et circulent. » Les programmes de lutte contre les pandémies agissent souvent dans le cadre de mesures d’urgence. Alors que celles-ci, dans un cercle vicieux, peuvent avoir des négatifs sur la biodiversité, par exemple l’abattage d’animaux ou la diffusion d’insecticides. « Il faut faire attention à ne pas faire passer le mauvais message, explique Peter Daszak. Les virus proviennent de la faune sauvage, beaucoup de maladies sont transmises par les chauves-souris, aussi certaines personnes pensent que la solution serait de les éradiquer. Mais si l’on enlève une espèce, une autre viendra prendre sa place. »

Les chercheurs sont unanimes : il est indispensable de changer radicalement de mode de consommation et d’exploitation. « Il faut réduire la consommation non durable de produits provenant des zones réservoirs de maladies émergentes, ainsi que celle, excessive, de produits issus de l’élevage », soutient Peter Daszak. Serge Morand, chercheur en écologie au CNRS, confirme : « Il faut vraiment remettre l’agriculture au centre des problèmes, et par conséquent au centre des solutions. » Selon le rapport de l’IPBES, le risque de pandémie peut être considérablement réduit en freinant la perte de biodiversité – qu’elle découle du commerce d’animaux sauvages ou de l’agriculture intensive – et en s’efforçant de conserver des habitats naturels propices.

Taxes sur la consommation de viande

Et pour convaincre du bénéfice des approches préventives, les chercheurs mettent en avant les avantages économiques. Le coût de l’inaction en matière de pandémie serait ainsi cent fois plus élevé que le coût de la prévention. Selon leurs calculs, les pandémies et autres zoonoses émergentes coûtent plus de mille milliards de dollars (857 milliards d’euros) de dommages économiques par an. Ils estiment à l’inverse que les stratégies de prévention basées sur la réduction du commerce des espèces sauvages, le changement d’utilisation des terres et une surveillance accrue, coûteraient entre 40 et 58 milliards de dollars par an. A titre d’exemple, les dépenses liées au Covid-19 ont été estimées entre 8 000 et 16 000 milliards de dollars entre le début de l’épidémie et juillet 2020 et pourraient s’élever à 16 000 milliards de dollars rien qu’aux Etats-Unis d’ici à 2021.

Les chercheurs s’agacent du manque d’actions politiques en réponse à leur diagnostic. « Ce rapport, très bien rédigé, est très important, mais le constat qu’il fait l’a déjà été il y a des années, souligne Serge Morand. En 1968 déjà, l’Unesco faisait le rapprochement entre destruction de la biodiversité et pandémie. Maintenant, il faut aller au-delà des constats, il faut aller plus loin ! » Le rapport propose des options politiques qui contribueraient à lutter contre le risque sanitaire : lancer un conseil intergouvernemental sur la prévention des pandémies afin de fournir aux décideurs les meilleures données scientifiques sur les maladies émergentes, prédire les zones à haut risque, évaluer l’impact économique des pandémies potentielles ; rédiger des accords internationaux fixant des objectifs contraignants ; inclure des taxes sur la consommation de viande et la production animale ; renforcer l’application des lois sur le trafic d’espèces sauvages. « Le Covid-19 a mis en évidence l’importance de la science et de l’expertise, soutient Anne Larigauderie. Nous espérons que ce rapport offrira aux décideurs de nouvelles perspectives sur la réduction du risque de pandémie et les options de prévention. »

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3 novembre 2020 2 03 /11 /novembre /2020 16:35

Une étude internationale évalue à 15 % la part de décès dus au nouveau coronavirus liée à l’exposition aux particules fines. D’après Stéphane Mandard le 3 novembre pour Le Monde. Lire aussi La pollution de l’air est un « facteur aggravant » des impacts du Covid­19 et La première conférence mondiale sur la pollution de l'air s'est ouverte à Genève.

La mauvaise qualité de l’air est un facteur supplémentaire de décès du Covid-19

Respirer un air de mauvaise qualité accroît le risque de mourir du Covid-19. Telle est la conclusion d’une étude internationale parue fin octobre dans la revue Cardiovascular Research. Selon les estimations des chercheurs, environ 15 % des décès dans le monde dus au Covid-19 pourraient être attribués à une exposition à long terme à la pollution de l’air. Une proportion qui monte à 27 % dans les régions les plus polluées de la planète, comme l’Asie de l’Est. Elle s’élèverait à 18 % en France, juste en dessous de la moyenne européenne, estimée à environ 19 %.

Dans une démarche inédite, les scientifiques ont cherché à évaluer la part de la mortalité due au Covid-19 attribuable à une exposition à long terme aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres), les plus dangereuses pour la santé car elles pénètrent profondément dans l’organisme. « Le nombre de décès dus au Covid-19 augmentant de façon continue, il n’est pas possible de déterminer le nombre exact ou définitif de décès par Covid-19 par pays pouvant être attribués à la pollution de l’air », précise Jos Lelieveld, de l’Institut Max-Planck de chimie à Mayence (Allemagne) et auteur principal de l’étude.

Les résultats se fondent sur des données épidémiologiques collectées jusqu’à la troisième semaine de juin, dans le cadre d’études scientifiques menées aux Etats-Unis, en Chine et en Italie. Pour construire leur modèle de calcul, les chercheurs les ont combinées avec les données sur l’exposition des populations aux PM2,5 issues des observations satellitaires et des réseaux de surveillance de la qualité de l’air dans les villes.

Même s’ils n’en écartent pas la possibilité, les auteurs ne vont pas jusqu’à établir une relation de cause à effet directe entre pollution de l’air et mortalité due au Covid-19. Ils concluent qu’elle est « un facteur important » et « aggravant » de comorbidité. La littérature scientifique a déjà établi de façon solide le lien entre particules fines et décès par maladie respiratoire, accident vasculaire cérébral ou infarctus.

La France, mauvaise élève

« Lorsque les gens inhalent de l’air pollué, les PM2,5 migrent des poumons vers le sang et les vaisseaux sanguins. Cela endommage l’endothélium, la paroi interne des artères. Le coronavirus pénètre également par les poumons, causant des dommages similaires aux vaisseaux sanguins, décrit Thomas Münzel (université Johannes-Gutenberg, Mayence), coauteur de l’étude. Si vous avez déjà une maladie cardiaque, par exemple, la pollution de l’air et l’infection par le coronavirus causeront des problèmes pouvant entraîner des crises cardiaques, une insuffisance cardiaque et un accident vasculaire cérébral. »

La pollution de l’air aurait deux autres effets, relève l’étude. Elle favoriserait l’émergence de foyers épidémiques, en prolongeant la durée de vie du virus dans les aérosols. Elle augmenterait l’activité d’un récepteur, appelé ACE2, situé à la surface des cellules et connu pour être impliqué dans la manière dont le Covid-19 infecte les patients. « Il y a coup double, commente le professeur Munzel. La pollution de l’air endommage les poumons et augmente l’activité de l’ACE2, ce qui conduit à une meilleure absorption du virus ».

Santé publique France (SPF) considère la pollution de l’air comme « un facteur de risque aggravant ». L’organisme doit lancer prochainement une étude sur « le lien entre exposition à long terme aux particules fines et le risque de décès et d’hospitalisations pour Covid-19 ». Au moment du déconfinement, SPF rappelait que « la reprise des activités ne [devait] pas se faire au détriment de la qualité de l’air, déterminant majeur de la santé ». Dans une étude publiée en mars, les professeurs Lelieveld et Munzel avaient revu très significativement à la hausse la mortalité globale due à la pollution de l’air. Selon leurs calculs, elle serait ainsi responsable chaque année, en France, d’environ 67 000 morts. Beaucoup plus que l’estimation de 48 000 morts retenue depuis quelques années par SPF.

Mauvaise élève, la France a de nouveau été renvoyée devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par la Commission, vendredi 30 octobre, pour avoir exposé les Parisiens et les Martiniquais à des niveaux de particules fines supérieurs aux normes légales depuis plus de douze ans. En octobre 2019, la CJUE avait condamné la France pour des dépassements répétés au dioxyde d’azote, un gaz toxique émis principalement par le trafic routier, dans une dizaine d’agglomérations.

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16 octobre 2020 5 16 /10 /octobre /2020 15:58

L’Autorité de sûreté nucléaire affirme qu’il ne sera pas possible de valoriser l’ensemble des 318 000 tonnes d’uranium appauvri entreposées en France. D'après l'Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) et Perrine Mouterde pour Le Monde, octobre 2020. Lire aussi Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé, Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat, Ces déchets nucléaires près de chez vous, L’enfouissement des déchets radioactifs n’est pas la seule solution, selon un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et Ils disent non au lave-linge du nucléaire.

La centrale nucléaire de Cruas (Ardèche), en novembre 2019. Jusqu’en 2013, EDF a réutilisé des stocks d’uranium pour l’alimenter en combustible. JEFF PACHOUD/AFP

La centrale nucléaire de Cruas (Ardèche), en novembre 2019. Jusqu’en 2013, EDF a réutilisé des stocks d’uranium pour l’alimenter en combustible. JEFF PACHOUD/AFP

Il y a davantage de déchets nucléaires en France que ceux qui figurent actuellement dans l’inventaire officiel. C’est en tout cas l’une des conclusions formulées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans un avis rendu public jeudi 8 octobre et passé relativement inaperçu. Elle y affirme qu’une part significative de ce qui était jusqu’à présent considéré comme de la matière radioactive destinée à être réutilisée pour produire de l’électricité correspond en réalité à des déchets radioactifs, qu’il va falloir gérer et stocker. Une orientation à contre-courant de la doctrine défendue depuis des années par la filière nucléaire française.

Cet avis fait suite au débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), dont la cinquième édition est en cours d’élaboration. Actuellement, la loi prévoit qu’un déchet radioactif est un résidu ultime qui ne peut plus être utilisé, tandis qu’une matière radioactive est potentiellement recyclable.

Dans ce document, le gendarme du nucléaire affirme qu’une matière peut être considérée comme valorisable à condition que l’existence d’une filière industrielle soit réaliste dans un horizon d’une trentaine d’années. « Si une substance est qualifiée de matière, les industriels ne vont pas travailler en vue de disposer d’une filière sûre de gestion en tant que déchet, ce qui va poser problème si in fine cette substance n’est pas utilisée », souligne Christophe Kassiotis, directeur des déchets, des installations de recherche et du cycle à l’ASN.

« L’Autorité de sûreté apporte une réponse à ce questionnement autour de la classification en matière ou en déchet en précisant ce qu’il faut entendre par la notion de “réutilisation envisageable”, ajoute Igor Le Bars, directeur de l’expertise de sûreté à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Elle introduit une notion de capacité industrielle et de temporalité. »

318 000 tonnes de métaux lourds

C’est à propos de l’uranium appauvri, issu du processus d’enrichissement de l’uranium naturel nécessaire à la fabrication du combustible utilisé dans les réacteurs, que l’ASN est la plus catégorique. Fin 2018, les stocks s’élevaient à 318 000 tonnes de métal lourd, entreposées dans les installations d’Orano (ex-Areva), à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), et au Tricastin (Drôme). Or la part de cet uranium appauvri utilisée pour la fabrication de nouveaux combustibles MOX (composés de plutonium et d’uranium appauvri) représente moins de 2 % de l’accroissement annuel des stocks.

Depuis 2019, la France a également discrètement mis fin aux recherches sur Astrid, un réacteur de quatrième génération qui aurait pu permettre d’utiliser une partie des matières radioactives, dont l’uranium appauvri, comme combustible. 

Le gendarme du nucléaire juge donc que la consommation de l’ensemble des quantités existantes est « irréaliste » avec les filières de valorisation envisagées à l’échelle du siècle. « L’ASN estime indispensable qu’une quantité substantielle d’uranium appauvri soit requalifiée, dès à présent, en déchet radioactif », souligne-t-il. « Cet avis représente une brèche considérable dans la construction théorique qui prévaut en France depuis les années 1970, selon laquelle tout matériau contenant de l’uranium et du plutonium sera valorisable à terme dans le cycle du combustible »,souligne l’expert critique du nucléaire Yves Marignac.

Orano affirme toutefois être en désaccord avec l’ASN et rejette une requalification en déchet de l’uranium appauvri. Le groupe assure que celui-ci peut être enrichi une seconde fois, ce qui lui confère de la valeur.

« Le choix de réenrichir de l’uranium appauvri se fait en fonction du coût de l’uranium naturel, explique Jean-Michel Romary, directeur maîtrise d’ouvrage démantèlement et déchets chez Orano. Pour l’instant celui-ci est assez bas, mais, si le cours continue à monter, il pourrait devenir rentable de réenrichir cet uranium à partir de 2025-2026. » L’entreprise insiste aussi sur le fait que ces stocks, qui représentent des « ressources naturelles exploitables en France », constituent une garantie d’approvisionnement pour les centrales d’EDF.

En dernier lieu, c’est le gouvernement qui peut décider de requalifier, ou non, l’uranium appauvri en déchet.

Alerte sur l’utilisation du plutonium

L’ASN s’est aussi penchée sur d’autres substances impliquées dans le cycle du combustible. La France est l’un des seuls pays au monde à retraiter ses combustibles usés : ce processus permet de séparer le plutonium (1 %) de l’uranium de retraitement (95 %) et des matières fissiles, considérées comme des déchets ultimes (4 %).

Fin 2018, les stocks d’uranium de retraitement étaient de 31 500 tonnes. Jusqu’à 2013, EDF en a récupéré une partie pour fabriquer du combustible neuf qui était utilisé dans les réacteurs de la centrale de Cruas (Ardèche). Aujourd’hui, l’électricien prévoit de reprendre le chargement de ces combustibles dans ses réacteurs de 900 mégawatts (MW) à partir de 2023 et de l’étendre à des réacteurs de 1 300 MW à partir de 2027.

« EDF nous a présenté une stratégie qui conduit à éliminer en une génération cet uranium de retraitement mais cela pose beaucoup de questions, notamment techniques, explique M. Kassiotis. Il va falloir que l’exploitant propose des jalons pour la mise en œuvre réelle de ce plan. » L’ASN souligne notamment que l’arrêt de réacteurs d’EDF d’ici à 2035, prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), aura un impact sur la production et la consommation d’uranium de retraitement. Elle appelle EDF et Orano à mettre en place un échéancier concernant la réduction des stocks et envisage une « éventuelle requalification »d’une partie de l’uranium de retraitement en déchet.

A propos du plutonium, l’Autorité de sûreté pointe, là aussi, l’impact de la PPE. Le plutonium est utilisé pour fabriquer du combustible MOX, qui peut être chargé dans vingt-deux réacteurs de 900 MW. Or ces réacteurs, les plus anciens du parc, seront les premiers à être arrêtés. EDF prévoit de « moxer » des réacteurs de 1 300 MW mais seulement à l’horizon 2032. D’ici là, le stock de plutonium, une substance particulièrement sensible, risque d’augmenter.

Des dysfonctionnements récents de l’usine Melox (Gard) ont en outre déjà conduit à une hausse très importante de ce stock (10,5 %) entre 2018 et 2019, pour atteindre près de 75 tonnes. « On alerte sur le fait que retraiter les combustibles usés pour obtenir du plutonium n’a de sens que si ce plutonium est réellement utilisé dans les réacteurs », résume M. Kassiotis.

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est appelée par l’ASN à poursuivre les études de faisabilité concernant le stockage de l’uranium appauvri et de retraitement. Selon des analyses lancées en 2017, ces deux substances, si elles étaient requalifiées, pourraient être considérées comme des déchets de « faible activité à vie longue » – c’est-à-dire peu radioactifs mais sur une période pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années – et pouvant relever d’un stockage à faible profondeur. La question de l’endroit où elles seraient stockées se poserait aussi. Fin 2018, 1,64 million de mètres cubes de déchets étaient gérés ou destinés à être pris en charge par l’Andra.

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24 septembre 2020 4 24 /09 /septembre /2020 11:38

Soixante-dix ans après l’introduction dans l’industrie des composés fluoroalkyliques, dits PFAS, dénoncée par Dark waters de Todd Haynes, l’exposition de la population européenne excède largement le seuil fixé par l’agence de sécurité des aliments. D’après l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et Stéphane Foucart pour Le Monde le 24 septembre 2020. Lire aussi Tous les Français et surtout les enfants sont imprégnés par les perturbateurs endocriniens « du quotidien », Les pesticides perturbateurs endocriniens présents dans les eaux de surface en FranceDes pesticides et des perturbateurs endocriniens dans notre alimentation et Le rapport-choc de l’IGAS sur les perturbateurs endocriniens interrogent l’inaction des pouvoirs publics.

Dark waters ... 70 ans après, les composants perfluorés empoisonnent toujours notre environnement

Utilisés depuis plus les années 1950, notamment pour la fabrication du téflon (le célèbre revêtement de poêles anti-adhésif) par le géant de la chimie DuPont, les PFAS sont demeurés sous le radar des pouvoirs publics jusque dans les années 1990. C’est l’action en justice d’un groupe de riverains américains, contaminés par les effluents d’une usine du groupe de chimie DuPont, qui a mis en lumière, dès 1998, l’ampleur du scandale – une histoire fidèlement racontée dans le dernier film de Todd Haynes, Dark Waters. En particulier, le travail de l’avocat à l’origine de l’affaire, Robert Bilott, a montré que DuPont connaissait depuis des décennies les risques sanitaires présentés par les PFAS mais a continué à produire ces substances, tout en dissimulant leurs dangers.

Bien que parfaitement inconnus du grand public, les composés fluoroalkyliques (dits PFAS, pour « substances per- et polyfluoroalkyliques ») posent des risques sanitaires pour de larges franges de la population européenne. C’est le sens de l’expertise rendue vendredi 18 septembre par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’agence chargée d’évaluer les substances entrant dans la chaîne alimentaire. A la lumière des données les plus récentes, l’EFSA a réévalué le seuil d’exposition acceptable aux quatre PFAS les plus courants (PFOA, PFOS, PFNA et PFHxS) et fixe cette limite d’exposition à 0,63 milliardième de gramme par kilo de poids corporel et par jour (ng/kg/j).

Extrêmement bas, ce seuil tolérable atteste de la capacité de ces perturbateurs endocriniens suspectés à produire des effets délétères à des niveaux d’exposition très faibles. Selon l’agence basée à Parme (Italie), l’exposition moyenne d’une large part de la population européenne à ces substances – en particulier les enfants – excède souvent largement, voire très largement, ce seuil de référence. Une situation jugée « inquiétante » par l’agence, pourtant peu suspecte d’alarmisme. Par rapport à l’évaluation qu’elle avait conduite en 2008, l’EFSA a dû diviser le seuil d’exposition tolérable aux PFAS par plus de 2500, pour tenir compte de nouvelles études, toujours plus préoccupantes.

Les PFAS sont un groupe de substances de synthèse parées de propriétés physico-chimiques particulières (imperméabilisation, isolation électrique, etc.). Elles sont utilisées depuis des décennies par une variété de secteurs industriels : revêtements antiadhérents d’ustensiles de cuisine, matériaux d’emballage des aliments, textiles, automobile, électronique, mousses anti-incendie, etc. Par le biais de rejets industriels, du ruissellement de décharges, de la pollution des sols et des nappes phréatiques, ces substances ont progressivement imprégné l’environnement. Elles se stockent et persistent dans la chaîne alimentaire, achevant leur destin dans l’assiette des consommateurs – et in fine dans leurs organismes. Où, de surcroît, elles s’accumulent en raison de leur forte persistance. Toute la population occidentale est, à divers degrés, concernée.

Les effets avérés et suspectés des PFAS sur la santé

Les effets avérés et suspectés des PFAS sur la santé

« Les enfants sont le groupe de population le plus exposé »

Selon l’EFSA, les principales sources d’exposition à ces produits sont « l’eau potable, le poisson, les fruits, les œufs ou les produits à base d’œuf ». Les aliments les plus fortement contaminés sont la viande de gibier et certains produits de la mer. Selon les experts commis par l’agence européenne, « les enfants sont le groupe de population le plus exposé, et l’exposition pendant la grossesse et l’allaitement est le principal contributeur à l’apport en PFAS chez les nourrissons ».

L’EFSA a évalué l’exposition moyenne de la population européenne à ces substances à partir des mesures de la contamination d’un grand échantillon d’aliments commercialisés dans l’Union européenne. Selon les méthodes d’évaluation, les experts ont considéré une fourchette basse et une fourchette haute. Dans tous les cas, le seuil d’exposition tolérable est largement excédé pour les enfants et les nourrissons : de 0,85 à 6,5 ng/kg/j pour la fourchette basse, et de 38,6 à 112,1 ng/kg/j, pour la fourchette haute. Dans l’hypothèse la plus optimiste, les enfants peuvent donc être exposés à ces quatre PFAS jusqu’à 10 fois le seuil tolérable d’exposition et dans le pire des cas, jusqu’à près de 180 fois ce seuil.

Pour les adolescents, adultes et personnes âgées, les niveaux d’exposition sont environ deux fois inférieurs mais soulèvent néanmoins aussi une « inquiétude sanitaire », selon l’EFSA. D’autant que ces estimations sont limitées aux aliments bruts et ne tiennent pas compte d’autres sources d’exposition – matériaux au contact des aliments, contamination de l’air intérieur, etc.

Les effets sanitaires des PFAS sont très divers. Celui détecté aux plus faibles niveaux d’exposition est un effet immunitaire (une réponse vaccinale atténuée) chez les enfants exposés. Plusieurs études épidémiologiques publiées ces dernières années et rassemblées par l’agence européenne indiquent une association entre l’exposition aux PFAS et l’élévation du taux de cholestérol, le diabète et l’obésité, des troubles hépatiques, un faible poids à la naissance pour les bébés exposés in utero, ou encore une réduction des hormones thyroïdiennes.

Ce dernier effet pourrait d’ailleurs augurer d’un impact sur le neurodéveloppement des enfants ayant été exposés in utero ou dans la période périnatale, et l’EFSA recommande la poursuite des travaux sur ce sujet. D’autres dégâts possibles, comme l’altération du développement de la glande mammaire, ont été relevés sur des animaux de laboratoires. Tous les modes d’action de ces produits – les mécanismes biologiques par lesquels ils génèrent la variété de ces dégâts – ne sont pas encore élucidés.

Selon les données présentées par l’EFSA, l’exposition à deux PFAS – le PFOA et le PFOS – est en baisse depuis le tournant du siècle. Mais d’autres perfluorés sont, au contraire, de plus en plus présents, tandis que pour la majeure part d’entre eux, aucune tendance claire, ni à la hausse, ni à la baisse, ne peut être identifiée.

Dark waters ... 70 ans après, les composants perfluorés empoisonnent toujours notre environnement

« Plus de 4 000 produits dans cette famille »

« Il est très important que nous puissions poursuivre nos travaux sur l’alimentation des Français, en particulier pour mieux caractériser leurs expositions à ces produits : les dernières études que nous avons conduites sur le sujet reposent sur des données qui ont plus de dix ans, explique Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Les niveaux d’exposition tolérable établis par l’EFSA, très bas, doivent nous conduire à trouver les moyens de limiter les expositions, en particulier chez les enfants. »

Quant aux restrictions d’usage de ces produits, c’est un casse-tête réglementaire. « Il existe plus de 4 000 produits dans cette famille et les plus problématiques sont déjà soumis à des restrictions dans le cadre de la directive européenne sur les produits chimiques, explique M. Schuler. D’autres sont inscrits dans la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants » – du nom de ce traité international qui bannit les substances dangereuses capables de s’accumuler dans l’environnement et la chaîne alimentaire, comme le DDT, le chlordécone, les polychlorobiphényles (PCB), etc. « Plusieurs agences sanitaires européennes travaillent à trouver un cadre réglementaire susceptible d’encadrer ces produits en procédant par groupe de substances en particulier compte tenu de leur persistance dans l’environnement », ajoute M. Schuler.

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6 juillet 2020 1 06 /07 /juillet /2020 14:34

Les résultats de la première campagne nationale de mesure des pesticides dans l’air relèvent la présence du glyphosate et même de produits interdits. D'après Stéphane Mandard pour Le Monde le 02 juillet 2020. Lire aussi Des dizaines de pesticides dans l’air que nous respirons et Lancement d'une pétition européenne pour interdire les pesticides de synthèse.

32 pesticides cancérogènes identifiés dans l'air

Les pesticides ne se retrouvent pas seulement dans l’eau ou les aliments, ils polluent aussi l’air que l’on respire. Mais s’il existe des limites à ne pas dépasser dans l’eau et l’alimentation, ils ne font pas l’objet d’une surveillance réglementaire dans l’air et donc de normes. Afin de mieux évaluer l’exposition de la population française et définir enfin une stratégie nationale de surveillance des pesticides dans l’atmosphère, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) et le réseau des Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (MASQUA) fédéré par Atmo France se sont associés pour mener la première Campagne nationale exploratoire des pesticides (CNEP).

Les résultats ont été publiés jeudi 2 juillet. Au total, 75 substances différentes ont été mises en évidence, dont 32 sont jugées « prioritaires » par l’Anses en raison de leurs effets potentiellement cancérogènes ou perturbateurs endocriniens. Parmi les produits les plus fréquemment retrouvés figurent le glyphosate, le folpel (plus connue comme « le fongicide de la vigne ») ou encore le lindane, un insecticide pourtant interdit depuis 1998.

Les prélèvements ont été réalisés entre juin 2018 et juin 2019 sur 50 sites répartis sur l’ensemble du territoire (métropole, départements et régions d’outre-mer) et prenant en compte les différents types de zones d’habitation (50 % de sites urbains-périurbains et 50 % de sites ruraux) et de productions agricoles : grandes cultures (26 %), viticulture (18 %), arboriculture (20 %), maraîchage (10 %), élevage (6 %). La grande majorité des capteurs étaient toutefois placés à plus de 150-200 mètres de la première parcelle, ce qui exclut les riverains des exploitations agricoles, les premiers exposés, de cette photographie. Une autre étude conduite avec Santé publique France, baptisée PestiRiv, vise à évaluer l’exposition des riverains des zones viticoles.

« Evaluer rapidement la situation du lindane »

Environ 100 000 données ont été analysées. A partir de cette base, l’Anses a établi « une première interprétation sanitaire », qui ne se veut pas une évaluation des risques. Cette analyse ne « met pas en évidence, au vu des connaissances actuelles, une problématique sanitaire forte associée à l’exposition de la population générale via l’air extérieur, hors source d’émission de proximité », tient à rassurer d’emblée l’agence. Une assertion qui fait tousser parmi ses partenaires. L’Anses identifie toutefois trente-deux substances prioritaires pour lesquelles « des investigations approfondies sont nécessaires ».

Sur ces trente-deux pesticides, neuf sont interdits. Pour l’Anses, la priorité est d’« évaluer rapidement la situation du lindane ». L’agence considère cet insecticide comme « une des substances les plus dangereuses (avec des effets cancérogènes, et/ou reprotoxiques et/ou perturbateurs endocriniens avérés) ». Malgré son interdiction en agriculture depuis 1998 (et dans les préparations antipoux ou antipuces depuis 2006), le lindane est la substance la plus retrouvée : il a été détecté dans 80 % des échantillons (dont 98 % en métropole).

Pour l’Anses, il s’agit désormais de chercher à identifier les motifs de sa persistance dans l’environnement puis à estimer les expositions cumulées par les différentes voies (respiratoire, alimentaire, cutanée) et milieux d’expositions (air extérieur et air intérieur…). L’agence indique qu’elle poursuivra un « travail analogue » pour les huit autres substances interdites (Epoxiconazole, Fénarimol, Iprodione, Linuron, Pentachlorophénol, Chlorothalonil, Chlorpyriphos-éthyl et Oxadiazon).

 « L’Anses enfonce des portes ouvertes, commente un expert proche du dossier. C’est facile de s’attaquer à des produits déjà interdits mais quid de tous les autres, qui sont encore largement utilisés ? » Une interrogation qui vaut en premier lieu pour le glyphosate. Classé cancérogène probable, le très décrié herbicide de Bayer est la troisième substance la plus retrouvée (56 % des échantillons). Il fait partie des neuf substances « fréquemment quantifiées », c’est-à-dire identifié dans au moins 20 % des échantillons, selon la classification retenue par l’Ineris. Certes, parmi ces neuf pesticides, le glyphosate est celui qui présente les concentrations moyennes annuelles les plus faibles (0,04 ng/m3) quand les autres sont supérieures à 0,12 ng/m3. Mais elles ne sont guère plus faibles que pour le lindane (0,06 ng/m3).

« Accélérer sur une surveillance réglementaire pérenne »

Quid également du folpel ? Utilisé contre le mildiou, « le fongicide de la vigne » est classé cancérogène, mutagène et reprotoxique probable par l’Organisation mondiale de la santé. De toutes les substances mesurées en métropole, le folpel est le pesticide qui présente les niveaux de concentration les plus élevés (1,03 ng/m3 en moyenne annuelle), derrière le prosulfocarbe (2,61 ng/m3), un herbicide.

Et les moyennes annuelles nationales donnent une indication qui peut être trompeuse. Elles cachent des différences locales et des variations saisonnières importantes. Ainsi, la concentration moyenne annuelle en folpel atteint 3 ng/m3, en zone viticole. Des concentrations qui peuvent dépasser les 100 ng/m3 hebdomadaires pendant les périodes de traitement de la vigne entre juin et septembre. On retrouve les mêmes pics avec le prosulfocarbe et les grandes cultures d’octobre à décembre et d’avril à juin.

Il n’empêche, pour l’Anses, « un travail complémentaire d’expertise » est encore nécessaire pour toutes ces autres substances « prioritaires ». « A un moment donné, il faudra quand même accélérer sur une surveillance réglementaire pérenne des pesticides dans l’air avec des valeurs sanitaires de référence, s’impatiente Emmanuelle Drab-Sommesous, directrice déléguée d’Atmo Grand-Est et référente pesticides pour Atmo France. Cela fait vingt ans que l’on fait des mesures. »

Sans attendre, les associations de surveillance de la qualité de l’air recommandent la multiplication des sites de mesure afin de produire une « information locale,
fiable et représentative »,
indispensable dans un contexte parfois tendu ; la mise en place d’une plate-forme nationale d’enregistrement des produits phytopharmaceutiques pour centraliser aussi bien les achats de pesticides que leur utilisation ou encore la prise en compte du suivi des pesticides dans l’air dans les politiques de santé environnementale.

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21 juin 2020 7 21 /06 /juin /2020 09:04

À mesure que l’espace urbain évolue, les jungles urbaines d’aujourd’hui sont de plus en plus entrecroisées avec la végétation. Pourtant, “verdir” la ville ne suffit plus pour réparer les déséquilibres flagrants de la relation entre les Hommes et le monde naturel. Joëlle Zask explore la manière selon laquelle l’agriculture urbaine offre une forme de citoyenneté fondée sur l’autogouvernement. L’agriculture urbaine restaure par la même occasion une relation à la terre vouée à la régénération perpétuelle plutôt qu’à l’exploitation mutuelle et destructrice. Publié le 24 octobre 2019 sur le Green European Journal. Lire aussi Jouir des biens communs sans posséderFace aux méga-feux, la forêt, un commun à préserver et Réorienter notre économie vers des alimentations moins risquées pour la santé.

Sous les pavés, le potager

L’inscription « sous les pavés le potager » est apparue très ponctuellement Place de la République à Paris, durant les Nuits debouts en avril 2016, sur les dalles qui avaient été ôtées par un manifestant pour créer un jardinet et qui ont été sur le champ repositionnées par les services municipaux. Cette expression, bien que reprise depuis, n’a pas eu la postérité de cette autre qu’elle imite : « Sous les pavés la plage ». Il s’agissait alors, en mai 1968, d’un slogan inventé par un ouvrier qui s’était répandu quand les manifestants avaient constaté que les pavés qu’ils extrayaient pour faire des projectiles et des barricades étaient posés sur le sable. Il avait été précédé d’un autre slogan : « Il y a de l’herbe sous les pavés ». Mais ce dernier n’avait pas été adopté, d’une part parce que le mot « herbe » évoquait une drogue bien connue mais mal vue et, surtout, parce que, contrairement au sable qui est un matériau de construction, l’herbe résonnait comme une bizarrerie peu crédible et un peu surréaliste dans le contexte de la ville.

Une ville plus verte pour des citoyens plus écologiques ?

« Sous les pavés le potager » est désormais beaucoup plus dans l’ère du temps. Les jardins ont acquis un droit de cité qu’ils n’avaient pas en 68. Potagers, plantations en tout genre, herbes folles, se développent le long des rues, dans les parcs et les cours, au pied des arbres, sur les toits, aux abords des villes, etc. En revanche, il ne semble pas que la transformation de la ville se soit accompagnée d’une transformation corrélative des conceptions de la citoyenneté. S’il y a de plus en plus de vert dans notre environnement urbain, il n’y en a quasiment pas dans la personne du citoyen, étymologiquement l’habitant de la cité, confondue avec la ville. Or « verdir » la citoyenneté n’est pas accessoire ; c’est d’une part une condition de l’émergence d’un écosystème complet qui oppose une alternative au système urbain minéral, colonisant l’extérieur dont il dépend matériellement. D’autre part, c’est aussi un geste nécessaire afin de favoriser l’action pour le climat et contre les activités qui déséquilibrent les rapports entre les êtres humains et la nature.

« Sous les pavés le potager » n’est certainement pas un fait. La valeur du slogan est programmatique. Il offre l’occasion d’avancer l’hypothèse suivant laquelle les rapports sociaux dans lesquels intervient une considération pour la nature et les êtres naturels sont d’une qualité supérieure à l’idéal que représente la classique assemblée du peuple siégeant dans l’espace évidé d’une agora quelconque, et faisant un « usage public de sa raison » (1). Ainsi défini, le citoyen est l’élément central d’une conception logocentrique et désincarnée des pratiques politiques. Je voudrais lui opposer  un citoyen-environnementaliste dont les relations avec autrui sont à la fois situées et productrices, ou protectrices, d’un monde commun concret, incluant un territoire, un habitat, un paysage, une économie, une ressource : la nourriture.

Le bien être à la ville

« Le potager sous les pavés » exprime le lien nécessaire entre la ville et la nature, à tous les sens du terme. Dans la tradition antique, avec laquelle nous aurions avantage à renouer, la culture de la terre, la jouissance esthétique, et la production de la subsistance n’étaient pas séparées. La cité, au sens qu’Aristote donnait à ce terme, par Aristote, était en effet (malgré les limites connues que constitue l’omniprésence économique et sociale de l’esclavage) une communauté qualifiée d’heureuse parce qu’autarcique ou, plutôt indépendante. La liberté du citoyen et l’égalité auraient été lettre morte si la cité, c’est-à-dire la communauté de ses habitants, n’avait pas été à même de se relier à la nature pour en tirer des enseignements partageables et produire la subsistance nécessaire (2). Demeter était déesse de l’agriculture et des civilisations, y compris dans leur raffinement ultime, indissociablement.

Et de fait, la cité grecque, y compris l’agora, ne formait pas l’univers minéral que nous imaginons classiquement. L’agora, ou la place du marché, était ouverte à tous, ombragée par de vastes platanes (platanes et places viennent de la même racine) reliés naturellement à l’eau, en relation avec la nature environnante (3). On peut même dire que la cité conçue comme une communauté libre et indépendante avait des caractéristiques parfaitement contraires à celles qui ont été ensuite conférées à la Cité idéale, par exemple à celle que représente le célèbre panneau d’Urbino (4). Depuis la Renaissance, de Thomas More à Claude Nicolas Ledoux, de Charles Fourier à Jean-Baptiste André Godin, d’Henri Ford et sa Fordlandia en plein cœur de l’Amazonie à Lecorbusier, etc., ces cités idéales sont devenues des villes planifiées et aménagées conformément à des principes censés exprimer les besoins humains fondamentaux sans jamais que les habitants soient consultés, associés et responsabilisés quant aux conditions de leur propre habitation. Elles évoquent ces villes idéales construites dans les airs dont se moquait déjà Aristophane dans Les Oiseaux.

L’exclusion de la nature hors de la ville intégralement minérale conduit à fossiliser la citoyenneté. Le « droit à la ville » n’en fait pas partie. La ville privée de cité peut bien être fonctionnelle, utile, spécialisée, dédiée, elle n’en est pas pour autant propice au « bien vivre ».

La politique du jardin partagé

« Sous les pavés le potager » indique également, de manière métaphorique, que ce dont la ville est faite, ses matériaux de base, ne sont pas seulement le sable qui sert à faire du mortier et du béton mais un terrain partagé en lots de terre dans lesquels poussent des légumes et des fruits. Au citoyen défini par sa raison critique et sa position hors sol se substitue alors une configuration dans laquelle produire la nourriture est intégré dans la vie ordinaire. Comme l’affirment jusqu’à aujourd’hui les paysans traditionnels et les urbains qui cultivaient un jardin, l’accès à un lopin de terre, loin d’être contraire à la condition humaine, en est un aspect fondamental. C’est cet accès, appelé aussi « droit de cultiver » qui est la garantie la plus ferme de l’égalité et de la liberté comprise comme indépendance.

De la Guerre des paysans en Allemagne entre 1524 à 1526 (également appelée « Soulèvement de l’homme ordinaire » ou de « l’homme commun ») aux mouvements politiques actuels des paysans sans terre, se décline et s’illustre de la part des personnes engagées l’importance de l’union entre les activités discursives et les activités productives.  A défaut d’une telle union, il est inévitable que se développent l’esclavage, le travail mercenaire, l’exploitation, la dépendance, mais aussi les monocultures toujours plus rentables, les cadences infernales, les intrants en tout genre, la dégradation des sols, etc. Avec la revendication d’un accès à la terre, y compris au sens écologique que confère à cette expression le « verdissement » des villes, l’union sociale cesse d’être idéalement formées de citoyens de nulle part, égaux car sans différence, neutres et objectifs. Elle concerne désormais des citoyens qui font des choses ensemble et considèrent que produire leur moyen d’existence est nécessaire à une vie sociale démocratiquement organisée.

Avec le jardin partagé, qui est d’ailleurs dans les faits un endroit où se rassemblent des gens aimant causer et socialiser, on passe du concept essentialisé, voire sacralisé, « Le politique », à la notion ouverte et dynamique qui a pour nom « la politique ». Au lieu d’être confinée et séparée du reste du monde, comme l’est la ville traditionnelle située derrière sa muraille, la politique peut sans risque de perversion être associée à chaque activité dans laquelle se joue une forme ou une autre d’autogouvernement.

Sous les pavés, le potager

Le potager sous les pavés : une école de l’autogouvernement

Or « le potager sous les pavés » est une école de l’autogouvernement. Jardiner signifie en effet conduire mon expérience de manière à l’adapter au terrain et, en même temps, à mes besoins. La connaissance du lopin suppose celle de la nature environnante, de la géographie, de la météo, du régime hydrique, de l’histoire. Comme le pensait Geddes, la bonne ville et la vie authentiquement humaine suppose une observation qui va du point de vue panoramique au détail infime (5). C’est ainsi qu’apparaît cet ancêtre de la notion d’écosystème, le « génie du lieu ».

Il est fréquent que les paysans rappellent que la nature est leur maître. Ils ne peuvent faire ce que bon leur semble. Comme l’écrivait Turner au sujet de la « wilderness » américaine, l’environnement n’est pas quelque chose avec quoi on puisse signer un contrat (6). Mais le paysan, celui que dépeint avec admiration Emerson par exemple, s’il sert la terre, ne lui obéit pas (7). Au contraire, il dialogue avec elle et transforme le paysage, œuvrant pour les générations futures.

Or au sens pragmatiste, l’expérience est constitutive de l’individualité. Elle est en effet véritable si le sujet de l’expérience apprend des changements qu’il provoque dans la situation qu’il est celle de son action. Cela implique qu’il transforme activement cette situation et observe les effets dont il est l’origine, puis se situe par rapport à eux, pour les rejeter, les valider ou les transformer en moyen pour une expérience ultérieure. La grammaire de la culture de la terre est celle de l’expérience. Le paysan, à la fois cultivateur qui produit la subsistance et jardinier qui entretient la nature, pratique une forme d’autogouvernement extrapolable à bien d’autres occasions.

Une solution terre à terre

« Sous les pavés le potager » dénote finalement une dimension de soin, de gardiennage, de culture. En ce qui concerne la forêt et la nature, on sait avec de plus en plus de lucidité que les paysages sont en partie façonnés par des êtres humains qui, depuis des temps immémoriaux, les organisent et les administrent de manière à les préserver. Ainsi que les aborigènes d’Australie qui ont pour philosophie le country cleaning, ils se savent partie prenante de la nature et gardien de sa régénération perpétuelle. Comme en ce qui concerne Adam à Éden, cultiver le jardin et le garder se révèlent deux aspects d’une même activité.

Or, comme nous l’avions signalé, les sociétés organisées de manière à assurer diligemment le couplage entre cultiver et préserver la nature en veillant à sa régénération perpétuelle présentent des qualités spirituelles et matérielles spécifiques. Par contraste avec celles qui exploitent la nature afin de la dominer et l’éloignent au profit d’une prétendue spiritualité supérieure, elles revêtent des qualités indispensables au développement de l’individualité de tous aussi bien qu’au maintien des communs. Comme l’avait pressenti Thomas Jefferson, grand partisan d’une démocratie agraire et ennemi du latifundisme, des planteurs de coton et de tabac, et aussi du physiocratisme qui était déjà pleinement extractiviste, l’exploitation de la nature et celle des êtres humains sont les deux facettes d’une même réalité.

Ainsi, verdir la citoyenneté en y intégrant le souci du country cleaning, la création et le soin des espaces communs, le gardiennage de l’environnement partagé, de manière à préserver les conditions et les occasions de l’expérience de tous et, ainsi, distribuer les opportunités d’individuation, de contributions, d’exploration, qui font le sens de la vie, à tous les membres de la communauté, se révèle une solution « écosystémique » qui, loin d’être utopique, est à la portée de chacun. En témoignent clairement un bon nombre  d’actions relevant du mouvement Occupy ou Reclaim the street, l’installation de noyaux villageois au centre des places urbaines occupées ou la création par les habitants de jardins partagés, d’un mobilier urbain convivial ou d’un plan de rénovation urbaine à l’échelle d’un quartier. En définitive, ce que nous apprend l’inscription « sous les pavés le potager », c’est que l’autogouvernement, à l’inverse d’un rêve inaccessible ou une utopie lointaine, est précisément sous nos pieds. A nous de le mettre sous notre nez. 

1.  Cette expression est présente chez Kant dans Réponse à la question : qu’est ce que l’Aufklärung ? (Beantwortung der Frage : Was ist Aufklärung?, 1784. Elle est reprise par Habermas dansJürgen Habermas, L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962), Payot, Paris, 1997. L’  « usage public de la raison » est le propre de la « sphère publique bourgeoise » qui s’instaure face au gouvernement pour le surveiller et le critiquer. Elle est constituée d’un public raisonnant et « éclairé ». 

2. Aristote, La Politique, Livre III, Traduction de P. Pellegrin,  GF, 1993. 

3.  Sur ce point et la question du jardin partagé, je me permets de référer à mon ouvrage La démocratie aux champs, Paris, La Découverte, (Coll. « Les Empêcheurs de penser en rond »), 2016. Et concernant la conception géométrique et minérale de la place publique, voir J. Zask Quand la place devient publique, Lormont, Le Bord de l’Eau Éditions, (Coll. « Les Voies du politique »), 2018.

4.  Le panneau de bois de La Città ideale dit Panneau d’Urbino (239,5 x 67,5 cm), se trouve à la Galerie nationale des Marches et fut réalisé entre 1480-1510. Il fait partie d’un ensemble de trois dont les deux autres, qui datent de la même période, sont La Veduta di città ideale dite « de Baltimore » et La Veduta di città ideale dite « de Berlin ».

5.  de Biase, Alessia, Albert Levy, et María A. Castrillo Romón. « Éditorial. Patrick Geddes en héritage », Espaces et sociétés, vol. 167, no. 4, 2016, pp. 7-25. Ce numéro est entièrement consacré à Sir Patrick Geddes. 

6.  Frederick Jackson Turner, “The Significance of the Frontier in American History “, 1893,  A paper read at the meeting of the American Historical Association in Chicago, 12 July 1893, during the World Columbian Exposition. 

 7. Ralph Waldo Emerson, The Works of Ralph Waldo Emerson, in 12 vols. Fireside Edition, Boston and New York, 1909, Vol. 7, Chap. 4, « Farming » [En ligne]http://oll.libertyfund.org/title/86/104482

8.  Marcia Langton, “Burning questions: emerging environmental issues for indigenous peoples in northern Australia, Darwin, Northern Territory University, Centre for Indigenous Natural and Cultural Resource Man- agement”, 1998

9.  Sur les diverses branches de l’agrarisme américain et la position de Jefferson, voir Thomas P. Govan, « Agrarian and Agrarianism: A Study in the Use and Abuse of Words », The Journal of Southern History, Vol. 30, No. 1, 1964. Il en est largement question dans La Démocratie aux champs, op. cit.

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