Elle arrive même devant le changement climatique et l’alimentation, selon un sondage réalisé fin 2018 par l’IFOP pour Airparif, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France. Basées sur la collecte d’Airparif, les données que révèle l’association Respire permettent pour la première fois de connaître avec précision, établissement par établissement, les niveaux de pollution auxquels sont exposés les enfants aux abords des lieux qui les accueillent : crèches, écoles (maternelles et élémentaires), collèges et lycées, sur http://www.de-l-air-pour-nos-enfants.fr/. Le tableau est sombre. D’après https://www.respire-asso.org/, et Stéphane Mandard pour Le Monde les 27 et 28 mars 2019. Lire aussi La première conférence mondiale sur la pollution de l'air s'est ouverte à Genève, 100 000 euros d'astreinte journalière demandés à l'Etat face à l’inaction sur la pollution de l’air, Pollution de l’air : le match du siècle, Treize nouveaux polluants dans l’air à surveiller selon l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire ANSES et La Commission européenne attaquée sur la pollution de l’air renvoie la France devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Polluants particules fines PM10 aux abords des établissements recevant des enfants en Île-de-France (association Respire)
Le but de ce classement inédit n’est pas de proposer un énième palmarès des établissements sur la base d’un nouvel indice, fût-il de santé publique, mais de fournir une information qui fait aujourd’hui défaut : quelle est la qualité de l’air que nos enfants respirent à l’école ? Les enfants sont les premières victimes de la pollution de l’air. Asthme, infections respiratoires, altérations des fonctions pulmonaires, retard cognitif, autisme… elle a un « impact dévastateur » et « souvent négligé » sur leur santé et leur développement, alertait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un rapport accablant publié fin octobre 2018.
Pour les particules fines PM2,5, les plus dangereuses, 91 % des établissements d’Ile-de France, dont tous ceux situés à Paris, ne respectent pas le plafond de l’OMS.
Les résultats que nous publions montrent que les niveaux de pollution de l’air extérieur à proximité immédiate de la grande majorité des établissements franciliens, et en particulier parisiens, dépassent les plafonds sanitaires recommandés par l’OMS et dans des proportions parfois préoccupantes. Les trois polluants principaux ont été étudiés : les fameuses particules fines PM10 (de diamètre inférieur à 10 micromètres) et PM2,5 (inférieurs à 2,5 µm) ainsi que le dioxyde d’azote (NO2), gaz très toxique rendu célèbre par le scandale du « dieselgate » et marqueur du trafic routier, principalement des véhicules diesel.
Polluants particules fines PM25 aux abords des établissements recevant des enfants en Île-de-France (association Respire)
Pour les PM2,5, les plus dangereuses car elles pénètrent profondément les voies respiratoires, 91 % des établissements d’Ile-de France (11 427), dont tous ceux situés à Paris (2 114), ne respectent pas le plafond de l’OMS fixé à 10 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle. Une cinquantaine d’écoles affichent même des concentrations environ deux fois supérieures (entre 19 et 20 µg/m3). La quasi-totalité des établissements parisiens (97 %) dépassent également la limite de l’OMS pour les PM10 (20 µg/m3) et la moitié à l’échelle de la région. Cette proportion est de 28 % pour le NO2 à Paris et de 6 % au niveau de l’Île-de-France.
Polluants particules fines NO2 aux abords des établissements recevant des enfants en Île-de-France (association Respire)
A la différence des particules fines PM2,5 et PM10 pour lesquelles l’Europe a des plafonds réglementaires beaucoup moins protecteurs que ceux de l’OMS (respectivement 25 et 40 µg/m3), la limite pour le NO2 a été alignée sur les lignes directrices de l’institution onusienne : 40 µg/m3. Ce qui signifie que pour 682 établissements franciliens dont 548 parisiens, outre les normes de l’OMS, les valeurs légales ne sont pas respectées.
Pour établir cette cartographie, l’association Respire s’est appuyée sur des données robustes : les cartes et bilans annuels (de 2012 à 2017) générés par Airparif à partir de ses stations de mesures. Elle les a ensuite superposées avec la localisation des établissements (publics et privés) accueillant des enfants.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces résultats. Le premier : les enfants les plus exposés sont les Parisiens. Plus on s’éloigne de la capitale, plus le nombre d’établissements sujets à des dépassements diminue. Ainsi, pour les PM10, 90 % des crèches à Paris sont concernées, 55 % en petite couronne (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Hauts-de-Seine) et seulement 6 % en grande couronne (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d’Oise). On retrouve la même tendance avec le NO2, avec 26 % des crèches parisiennes concernées contre 5 % en petite couronne et 0,5 % en grande couronne.
Le niveau d’exposition est corrélé à la distance à un axe routier
Deuxième enseignement : les crèches ou haltes-garderies, qui accueillent le public le plus fragile et le plus sensible aux effets de la pollution, ne sont pas préservées. A Paris intra-muros, les normes en NO2 ne sont pas respectées pour 26 % d’entre elles, contre 23 % des écoles primaires et 30 % des collèges et lycées.
Troisième enseignement : le niveau d’exposition à la pollution est très fortement corrélé à la distance à un axe routier important. Des établissements situés directement sur une rue très passante peuvent ainsi présenter des concentrations supérieures à des établissements implantés à une centaine de mètres du périphérique.
L’établissement avec les niveaux de pollution les plus élevés du classement ne borde pas le périphérique : il est situé en plein cœur de la capitale, il s’agit de l’école primaire Saint-Merri, dans le 4e arrondissement, à deux pas du Centre Pompidou. Elle affiche des résultats deux fois supérieurs aux normes de l’OMS pour l’ensemble des polluants : 20 µg/m3 en PM2,5, 43 µg/m3 en PM10 et 90 µg/m3 en NO2. L’école possède le double handicap de border un axe embouteillé et d’être « posée » au-dessus de la sortie du parking souterrain des Halles.
Concernant les écoles en bordure du périphérique, le niveau de pollution est cependant sans doute sous-estimé. La valeur retenue dans ce classement est celle de l’adresse postale : celle-ci correspond à la porte d’entrée, souvent plus éloignée du périphérique que la cour et les bâtiments.
Le hiatus entre Paris et le reste de l’Ile-de France s’explique par cette distance. Selon une étude d’Airparif de 2012, à Paris, près de la moitié des écoles et des crèches se situent entre 50 mètres et 150 mètres d’un axe routier majeur (supérieur à 15 000 véhicules par jour) et seulement 9 % sont localisées à plus de 250 mètres. Au contraire, en grande couronne, la majorité des établissements sont à plus de 250 mètres.
Dans son dernier rapport, l’OMS recommande aux pouvoirs publics d’installer les écoles (et les terrains de sport) loin des voies de circulation dense dans les grandes agglomérations. Au Royaume-Uni, l’agence britannique de santé publique propose de créer des zones tampons pour interdire aux voitures de tourner au ralenti aux abords des écoles. « La pollution de l’air est un scandale sanitaire qui appelle des réponses politiques », commente Olivier Blond, le président de Respire, qui ambitionne de réaliser le même travail pour toutes les grandes agglomérations françaises.
L’association milite notamment pour l’intensification des zones dites à faibles émissions (ZFE). La ZFE vise à interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants sur la base du système des vignettes Crit’Air. Déjà en vigueur à Paris, elle doit être étendue au-delà du périphérique, jusqu’à l’A86 (soit au niveau de 79 communes de la métropole du Grand Paris) à partir de juillet. Elle s’appliquera d’abord aux véhicules classés Crit’Air 5, c’est-à-dire aux diesels immatriculés avant 2001 et interdits dans la capitale depuis 2017.
Airparif a étudié l’impact qu’aurait la mise en place d’une ZFE excluant jusqu’aux véhicules Crit’Air 3 (diesels en circulation avant 2010 et essences immatriculés avant 2006) : la part d’établissements recevant du public dit « sensible » (crèches, écoles ou hôpitaux) soumis à des dépassements de NO2 passerait de 27 % à 1,5 %.
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