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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

1 mars 2021 1 01 /03 /mars /2021 10:01

(...) La surexploitation du foncier, accélère l’imperméabilisation des sols et détruit la capacité des écosystèmes à créer des îlots de fraîcheur, une captation naturelle du CO2 à travers les arbres et la photosynthèse, dégrade les conditions de vie à travers une surdensification dans les lieux d’habitation. Tribune de Jérôme Gleizes, enseignant à Paris 8 parue le 25 février dans Politis. Lire aussi Les zadistes de Gonesse ont-ils raison de s’opposer à une gare en plein champ ? Propositions pour un retour sur Terre, Le gouvernement abandonne Europacity, pas l’artificialisation des terres agricolesLes Jeux olympiques sont le prétexte à la bétonisation de l’Île-de-France et Les députés débattent de nouveau de l’accaparement des terres agricoles.

La tragédie des communs, de Garrett Hardin (nouvelle édition 2018).

La tragédie des communs, de Garrett Hardin (nouvelle édition 2018).

Les écologistes s’opposent souvent à la gauche non écologiste sur des programmes immobiliers, comme dernièrement à Paris (1). Faut-il consacrer le foncier des villes à la construction de logements sociaux ou de jardins ? Par son opposition au logement social, la droite s’affiche souvent du côté des écologistes et la gauche non écologiste crie alors à la trahison de classe. Critique que nous entendons moins quand cette même gauche s’allie avec cette même droite pour défendre des grands projets inutiles comme la tour Triangle. Pourtant, cette opposition est fondée sur la « tragédie des communs » présentée par Garrett Hardin en 1968 (2). La surexploitation d’une ressource, ici le foncier, accélère l’imperméabilisation des sols et détruit la capacité des écosystèmes à créer des îlots de fraîcheur, une captation naturelle du CO2 à travers les arbres et la photosynthèse, dégrade les conditions de vie à travers une surdensification dans les lieux d’habitation.

Pendant longtemps, la défense d’une mixité entre le logement et les espaces verts a été défendue, mais aujourd’hui cela bute sur l’insoutenabilité du développement des villes. Celles-ci vont devenir de plus en plus invivables, en raison notamment de l’augmentation accélérée des températures, du déplacement des populations paupérisées vers les villes qui concentrent de plus en plus les richesses, de la montée des eaux sur les côtes…

Face à cela, les scientifiques disent qu’il reste une décennie pour agir avant de sombrer dans des processus irréversibles. Cela signifie qu’il faut sanctuariser tous les espaces non bâtis, voire déconstruire la ville, revoir donc la logique des plans locaux d’urbanisme, en finir avec cette vision de répartition équilibrée des fonctionnalités des villes pour centrer le développement de celles-ci sur leur résilience et donc le renforcement de la nature en leur sein. Le choix ne se limite pas entre l’étalement urbain, qu’il faut nécessairement arrêter, et la densification. Il faut réhabiliter l’aménagement des territoires car la densification humaine a été variable selon les territoires et les périodes. Aujourd’hui, des territoires ont été désertés car « pas assez productifs », alors que d’autres concentrent des personnes en très grande précarité.

Par ailleurs, nous devons revisiter la question du logement social en ne nous focalisant pas uniquement sur l’offre mais aussi sur les prix. La hausse du prix de l’immobilier compte plus dans le départ des classes populaires du centre des métropoles que l’insuffisance de l’offre. Depuis les travaux d’Alain Lipietz, nous savons que le marché ne permet pas de répartir équitablement la construction des logements entre le privé et le social à cause de la rente foncière (3) qui surenchérit le coût du logement dans les métropoles. Une dissociation entre le prix du foncier et le bâti, comme le permet l’office foncier solidaire, permet de limiter cette rente. Ici comme ailleurs, il faut revoir nos certitudes pour mettre en œuvre les politiques publiques qui rompent avec un productivisme dangereux pour nos sociétés.

(1) « À quoi joue Ian Brossat ? », Pierre Jacquemain, 26 janvier 2021, www.regards.fr

(2) « The Tragedy of the Commons », Garrett Hardin, Science, vol. 162. Paru en 1968, Garrett Hardin y montre comment une situation de libre accès à une ressource limitée, et pour laquelle la demande est forte, mène inévitablement à sa surexploitation et à sa disparition. Dans une telle situation, le progrès technique devient alors un accélérateur d’épuisement irréversible, et non plus une réponse à un problème. Il apparaît alors – et c’est pour ainsi dire pour la première fois – que certains problèmes ne disposent d’aucune solution technologique, et que les biens communs demandent une gestion et une législation particulières devenues urgentes.

(3) « Le tribut foncier urbain aujourd’hui : le cas de la France », Alain Lipietz, Les Cahiers marxistes, n° 243, février-mars 2013.

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 14:54

Le confinement limite l’accès à la nature. Beaucoup d’habitants n’ont pas, dans le kilomètre autour de chez eux, d’espaces verts. Les partis Europe Écologie-Les Verts (EELV) et Génération écologie, ainsi que des personnes vivant dans un lieu ne leur permettant pas l’accès à la nature pendant le confinement ont déposé mercredi 18 novembre un référé-liberté devant le Conseil d’État. D'après Marie Astier pour Reporterre et Latifa Madani pour l'Humanité le 18 novembre 2020. Lire aussi L’homme et l’arbre font sociétéDes citoyens financent des réserves de vie sauvage depuis 30 ans et La nature est un champ de bataille.

En milieu naturel ouvert, le risque de contaminatin est quasi nul. Lilian Cazabet/Hans Lucas/AFP

En milieu naturel ouvert, le risque de contaminatin est quasi nul. Lilian Cazabet/Hans Lucas/AFP

L’accès à la nature est-il une liberté fondamentale ? Le Conseil d’État devra trancher cette question soulevée dans le référé liberté déposé le 16 novembre par Europe Écologie-Les Verts, Génération écologie et des citoyens privés d’accès à tout espace vert ou naturel de taille suffisante. Ils demandent l’abrogation du décret dit 1 km-1 h, du 29 octobre, limitant à 1 km et à 1 heure le déplacement pour les promenades et l’activité physique.

Ce que dit la charte de l'environnement

Outre la liberté d’aller et venir, garantie par la Constitution, « l’accès à la nature peut être considéré comme une liberté fondamentale si on se réfère à la charte de l’environnement », estime Sébastien Mabile, du cabinet Seattle, avocat des requérants. « C’est une composante du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, proclamé à l’article 1 er de la charte, qui a valeur constitutionnelle », explique-t-il.

Il s’appuie pour cela sur une jurisprudence du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. En 2005, les juges administratifs avaient considéré que « en adossant à la Constitution une charte de l’environnement, le législateur a nécessairement entendu ériger le droit à l’environnement en “liberté fondamentale” de valeur constitutionnelle ».

L'enjeu de l'égalité

Le droit au respect de la vie privée familiale, reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme (article 8), est lui aussi invoqué dans la requête au Conseil d’État. La Cour européenne l’a souvent cité dans des dossiers de pollution et d’environnement dégradé. Maître Mabile n’a pas manqué, pour blinder le référé, d’évoquer la Convention des droits de l’enfant de 1989. « On considère que le fait pour les enfants d’être privés de l’accès à des espaces verts ou naturels constitue une violation de leurs droits », assure-t-il.

L’accès à la nature ne pose pas la seule question de la liberté et des droits. Il soulève celle de l’égalité. « Ce kilomètre constitue une rupture du principe d’égalité car, pour beaucoup de Français, il n’y a pas de parcs et jardins dans ce périmètre », affirme Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.

Des risques d'accidents

Une vingtaine de citoyens se sont joints à la requête des partis politiques devant le Conseil d’État. Ils habitent en zone périurbaine et en milieu rural. « Nous avons des témoignages qui rapportent que, depuis le confinement, il y a de plus en plus de personnes habitant des bourgs entourés de terres agricoles qui se promènent sur les bas-côtés des routes, alors qu’il y a des voies sécurisées à 5 ou 10 kilomètres, ce qui multiplie les risques d’accident et l’exposition aux pollutions », déplore Sébastien Mabile.

En Île-de-France, près de 45 000 personnes dans les Hauts-de-Seine (3 % des habitants) et 33 000 en Seine-Saint-Denis (2 %) n’auraient pas accès « légalement » à un espace de nature, indique Léa Tardieu, chercheuse spécialisée en économie de l’environnement à l’institut de recherche Inrae (le Parisien du 15 novembre). En conséquence, alors que les gestes barrières nécessitent une distanciation physique, on observe plutôt, en milieu urbain, des concentrations plus importantes dans les petits squares.

Des adaptations possibles

Un accès égal à la nature est aussi – et surtout, peut-on dire – une question de santé publique. Le risque de contamination en milieu naturel ouvert est quasiment nul alors qu’à l’inverse, la sédentarité et la privation de contact avec la nature ont des incidences négatives sur la santé physique et mentale (voir encadré).

Comment dès lors comprendre la logique du gouvernement avec son décret 1 km-1h ? À l’argument du risque d’accidents, qui satureraient encore plus nos hôpitaux, beaucoup rétorquent que le jardinage ou d’autres travaux domestiques en comportent aussi.

« Notre objectif n’est pas de casser le confinement, tous les requérants sont conscients de la nécessité des mesures sanitaires », assure Sébastien Mabile. « Nous proposons des adaptations pour concilier les intérêts des uns et des autres, comme étendre la distance limitée et restreindre la pratique des sports à risques. » Face à autant d’arguments factuels et juridiques, le Conseil d’État sera-t-il convaincu ? Depuis le début de la pandémie, l’institution saisie en référé liberté n’a pas encore invalidé de mesure gouvernementale.

Les bénéfices du contact avec la nature

Au printemps, lors du premier confinement, plusieurs pétitions réclamaient le droit à la nature. L’une d’entre elles, « Pour un accès raisonné à la nature », initiée par l’un des requérants du référé liberté, Billy Fernandez, accompagnateur en montagne, et Solène Petitdemange, médecin généraliste, avait recueilli près de 200 000 signatures. Elle démontrait, citant des études scientifiques, l’effet bénéfique du contact avec la nature et de l’activité physique sur la santé, sur le système immunitaire, sur les conduites addictives et sur la guérison.

Vivre sans la nature ?

Cynthia Fleury, philosophe : « La première vague et son confinement avaient déjà fortement fait pencher la balance, le deuxième confinement assoit l’hypothèse : quitter la capitale, aller se réfugier à la campagne, vivre plus directement avec la nature.

Avant de sauter le pas, prenons le temps de lire Éric Lambin, avec Une écologie du bonheur (le Pommier, 2020), qui s’interroge sur l’articulation vertueuse entre bonheur et nature, en se demandant si celle-ci est nécessaire à notre épanouissement humain. Conclusion sans appel : « Préserver la nature est (…) à la fois dans l’intérêt égocentrique de chacun, mais aussi dans l’intérêt anthropocentrique de l’homme, au nom de la raison morale qui lie tous les membres de l’humanité. » C’est donc la piste de la valeur instrumentale, sans nier la valeur intrinsèque de la nature, que Lambin emprunte pour essayer de transformer nos motivations en vue d’une modification comportementale et politique plus globale. Déforestation, érosion des sols, expansion agricole démesurée, perturbation du cycle de l’eau, acidification des océans, surpêche, tout cela a aussi un coût humain, en matière de santé physique et psychique, sans parler des inégalités économiques plus ou moins renforcées par des dynamiques de grande extraction des ressources naturelles. En matière de changement des comportements, la répartition se joue ainsi, sachant qu’elle peut également coexister à l’intérieur d’une même personne. Moins de 20 % des personnes sont prêtes à modifier pour des raisons éthiques leur mode de consommation et de production. Entre 20 % et 30 % des personnes sont des « free riders », des resquilleurs qui profitent du système et protègent leurs intérêts particuliers. Le « marais » ou la « plaine », aurait dit la Révolution. Le reste sont des « suiveurs » ou « coopérateurs conditionnels ». Plus vous avez dans la ligne de mire des « free riders », moins les suiveurs sont prêts à faire évoluer leur comportement vers des normes morales et sociales plus hautes.

Steven Pacala, biologiste de l’université de Princeton, a par ailleurs calculé l’impact très néfaste : en 2007, la moitié des émissions mondiales de dioxyde de carbone a pour origine seulement 7 % de la population mondiale. Lambin rappelle les facteurs liés à une existence heureuse, au nombre de cinq : la situation personnelle (santé, vie affective, loisirs, travail, mobilité), le sentiment de sécurité (peur de la criminalité, des conflits, des guerres), l’environnement social (l’appartenance à un réseau de relations, la confiance, la disponibilité d’une aide en cas de besoin), l’environnement institutionnel (les libertés, la participation politique, le bon fonctionnement de la justice) et l’environnement naturel (l’exposition au bruit et à la pollution, l’accès aux espaces naturels préservés, le sentiment de connexion à la nature). Au terme d’une enquête fouillée, la dégradation de l’environnement entraîne l’appauvrissement de l’expérience humaine et du bonheur. »

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27 juin 2018 3 27 /06 /juin /2018 09:08

En 2024, Paris accueillera les Jeux olympiques d’été. Les auteurs de cette tribune s’indignent des mensonges de la communication officielle autour de cet événement, qui tait notamment le déni de démocratie à l’œuvre et l’intention, au-delà des Jeux, d’accélérer l’urbanisation et la métropolisation de l’Île-de-France. Une tribune de Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement de Paris, conseiller de Paris ; Annie Lahmer, conseillère régionale d’Ile-de-France ; Danielle Simonnet, conseillère du 20e arrondissement, conseillère de Paris ; Frédéric Viale, membre du collectif Non aux JO 2024. Lire aussi Primes, gestion opaque et coup de force : le «off» de Paris 2024.

Le parc Georges-Valbon

Le parc Georges-Valbon

Le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) se présente désormais comme le bon élève de la classe : dépassements budgétaires, promesses inconsidérées, projets aventureux, tout cela est oublié. Désormais, le COJO se veut vertueux. Il vient de trancher dans le vif et de décider, en accord avec le Comité international olympique (CIO), ce qui sera fait ou pas pour les JO de 2024, et ce dans le cadre d’une enveloppe qui, jure-t-il, ne sera pas dépassée.

Hélas, nous sommes loin du compte. Le meilleur moyen de ne pas dépasser un budget consiste pour le COJO à ne pas inclure certaines dépenses pourtant nécessaires : celles relatives à la sécurité sont toujours très fortement sous-évaluées, comme celles relatives à l’accélération du métro automatique Grand Paris Express. Comment peut-on parler de « sobriété » alors que les dépenses publiques programmées atteignent déjà un milliard et demi d’euros ?

L’organisation des JO souffre d’une tare originelle qui est le déni de démocratie : alors que nul ne pouvait croire que la candidature sur papier glacé était crédible, aucun débat sérieux n’a eu lieu, aucune concertation digne de ce nom et le référendum que nous demandions a été refusé. Ce déni se poursuit : la pseudo concertation qui a lieu en Seine-Saint-Denis n’est qu’une façade, et d’ailleurs, le COJO a pris ses décisions le jour où une séance de concertation était prévue, démontrant le peu de cas qu’il fait de ce type d’exercice purement formel. On apprend au passage que le parc Georges-Valbon, poumon vert de Seine-Saint-Denis, sera amputé de l’Aire des vents, bétonnée pour y installer le Village des médias alors que le rapport de la commission d’évaluation du CIO de juillet 2017 indiquait que cela n’était pas nécessaire !

Un décret déclare « opération d’intérêt national » toute opération liée aux JO 

Le COJO persiste à parler de « Jeux inclusifs », d’« héritage » et de « transparence ». Quelle inclusion, quelle transparence alors que la loi Olympique récemment votée suspend les règles d’urbanisme relatives aux expropriations mais aussi aux accrochages des panneaux publicitaires sur les monuments historiques. En complément, un décret déclare « opération d’intérêt national » toute opération liée aux JO, ce qui achève d’écarter les élus et les populations locales des décisions d’aménagement les concernant. Pire : l’argent des Offices publics de HLM est mobilisé pour la construction du Village olympique et du Village médias (art. 12 de la Loi). Alors que le mal-logement est criant, cet usage de l’argent destiné au logement social ne peut susciter que l’indignation.

La promesse de l’héritage a été la carotte destinée à faire accepter le projet. En attendant, les dotations destinées à la pratique du sport baissent, le département ayant voté une amputation de moitié des subventions aux clubs sportifs pour dégager cinq millions d’euros destinés aux « Grands partenaires du sport », les sponsors. La région francilienne a diminué de 9 % la dotation destinée au sport scolaire. Les JO constituent en réalité un obstacle à la pratique du sport.

Le Champ-de-Mars va être occupé plus de 4 ans (51 mois) par une infrastructure dite « éphémère » alors que le Grand Palais fait des travaux de rénovation destinés à ce qu’il reçoive les Jeux olympiques en 2024. Cet espace vert, situé en zone particulièrement protégée sur le plan patrimonial et fréquenté par 21 millions de personnes, qu’elles soient riveraines ou touristes, sera dès lors en grande partie inaccessible au public, et particulièrement les 14 juillet, jour de la Fête nationale où des centaines de milliers de Franciliens viennent voir le feu d’artifice. Cet espace fragile a déjà subi des dégradations importantes lors de l’implantation de la « fan zone » de l’Euro 2016, qui n’ont à ce jour pas toutes été réparées.

Un prétexte pour artificialiser à grande échelle des espaces naturels d’Île-de-France 

Par ailleurs, le beau discours écologique tenu par la Ville de Paris fait long feu quand on connaît certains détails : il est question que des remblais des travaux de la ligne 17 Nord, Saint-Denis - Le Bourget, soient déversés sur les très fertiles terres agricoles du triangle de Gonesse, stérilisant celles-ci de manière irréversible. Il est clair que les JO 2024 sont un prétexte pour artificialiser à grande échelle des espaces naturels d’Île-de-France, comme l’illustre le sort réservé au parc Georges-Valbon et au triangle de Gonesse.

La réalité est que l’opération JO est mise au service d’un projet plus vaste, celui d’une métropolisation de Paris : l’idée est de profiter des JO pour faire de Paris et de l’Île-de-France une vaste métropole « connectée » organisée en « pôles d’excellence ». La nomination de l’architecte Roland Castro confirme cette vision à courte-vue et de peu d’intérêt d’un aménagement du territoire en zones spécialisées, où les problèmes de l’accès au logement ne sont traités que par l’éloignement des populations les plus modestes, par la gentrification des zones centrales et où le renchérissement du foncier est porté par une spéculation sans fin. En somme, les JO sont l’occasion d’une fuite en avant dictée par une logique libérale qui voit s’intensifier des zones urbaines alors que des portions entières du territoire français se désertifient.

Il est temps que la question des JO devienne une question politique et ne soit plus traitée à grand renfort d’artifice de communication.

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 09:07

Une contribution à l’enquête publique sur le PLU des Lilas 2017 de notre conseillère municipale préférée, Marie-Geneviève Lentaigne.

Je crois que le projet du PLU mériterait plus de pédagogie sur les enjeux de logement sur notre territoire et plus largement sur la région francilienne. Les alentours du parc Lucie Aubrac cristallisent beaucoup de rejets car il est vrai que notre commune est très dense comme beaucoup de villes situées dans des périmètres métropolitains. Nous sommes en zone urbaine dense mais nous restons en dessous de la densité parisienne, ville pourtant très attractive si l'on observe le prix de l'immobilier.

Je suis personnellement convaincue que l'urbanisation du 21e siècle passe par une densité assumée dans les zones urbaines, afin notamment d'éviter l'étalement urbain. Celui-ci génère trop de nuisances et pollutions, notamment en éliminant les terres agricoles, en repoussant les populations les plus modeste loin du cœur des villes, en multipliant les transports et les temps de parcours, notamment par voie routière. Le réseau de transports en commun est encore insuffisant et l'étalement rend encore plus difficile un maillage serré pertinent pour les usagers.

La demande en logements est très forte et la commune ne peut pas répondre aux aspirations légitimes de ses propres habitants pour y rester. Dans ce contexte, il est nécessaire d'avoir un point de vue global et équilibré. Je regrette un peu que le débat sur le PLU qui tend à se focaliser sur le parc Lucie Aubrac, soit séparé de données sur la politique de l'habitat et le Plan local d'Habitat intercommunal.  Il aurait été intéressant de disposer de données chiffrées précises sur le parc de logements de la ville depuis une vingtaine d'années. Bilan de la ZAC du centre-ville héritée de l'ancienne municipalité : combien de nouveaux logements et part du privé ou des bailleurs sociaux ? Même chose pour les choix plus récents faits par la nouvelle équipe municipale depuis 2001.

A propos du parc on entend beaucoup d'erreurs ou de fantasmes sur le parc qui serait « en danger », menacé, etc. L'aspiration à son extension peut être entendue, mais pas au prix de contre-vérités. Concernant les trois zones constructibles du PLU, il faudrait les rapporter à la quasi-absence d'autres espaces sur la ville. Pourtant la nature n'en est pas absente grâce aux zones pavillonnaires préservées, même si l'accès n'en est pas collectif, mais la contribution à l'atmosphère si ! Les architectes ne manquent pas d'imagination pour construire des résidences dans lesquelles la nature trouve une place (terrasses, toitures ou parois végétalisées, etc.). Le parc Lucie Aubrac est une incontestable réussite mais les enjeux de l'habitat ne peuvent être confisqués au profit des seuls riverains qui craignent un peu d'ombre sur celui-ci. Nous devons apprendre à partager pour réaliser un équilibre entre besoin de logements, de nature, d'espaces de vie en commun. Territoire très convoité, la ville des Lilas a vu le prix du m² bondir autour du parc. Les futurs habitants - dont 30 % dans des logements sociaux – n'auront sûrement pas à se plaindre du nouveau quartier, surtout avec les travaux en cours au futur parc Simone Veil. Celui-ci contribuera sans doute à mieux répartir les lieux de promenade pour enfants et adultes.

Je ne doute pas que le débat et la concertation qui suivront sur les aménagements à venir seront une occasion de mieux appréhender les choix à faire. Faisons confiance à l'imagination créative des habitants et urbanistes pour construire des projets qui préservent la qualité de vie sur notre commune, tout en répondant aux besoins d'une population croissante.

Les Lilas, le 20 octobre 2017.

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13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 10:24
Lannion (Côtes-d’Armor), hier. Entre 4 000 et 5 000 personnes ont manifesté hier pour dénoncer le début de l’extraction du sable coquillier dans la baie de Lannion. Une exploitation qui menacerait l’écosystème.AFP/FRED TANNEAU

Lannion (Côtes-d’Armor), hier. Entre 4 000 et 5 000 personnes ont manifesté hier pour dénoncer le début de l’extraction du sable coquillier dans la baie de Lannion. Une exploitation qui menacerait l’écosystème.AFP/FRED TANNEAU

En baie de Lannion (Côtes-d’Armor), l’extraction de sable coquillier a commencé la semaine dernière. Les opposants ne baissent pas les bras.

Le 12 septembre 2016 par Nora Moreau, correspondante du Parisien à Lannion

Ils veulent être le grain de sable qui va gripper la machine. Entre 4 000 et 5 000 personnes ont manifesté hier matin dans les rues de Lannion (Côtes-d'Armor) pour dire, une nouvelle fois, non à l'exploitation sous-marine de sable coquillier en baie de Lannion par la Compagnie armoricaine de navigation (CAN), filiale du groupe Roullier. Avec des slogans sans équivoque : « Non au pillage ! », « Dunes à défendre », « Sauvons nos poissons ».

Ce dossier polémique, ouvert depuis plusieurs années, est vu par les habitants du Trégor, au nord-ouest des Côtes-d'Armor, comme une « véritable menace écologique ». Deux actions en justice ont été engagées pour s'y opposer, d'abord par les élus de treize communes littorales, puis par des associations environnementales locales réunies sous le nom Peuples des dunes de Batz à Bréhat. Plusieurs associations Peuples des dunes se sont constituées pour faire barrage à cette exploitation dévastatrice du littoral atlantique, à la suite de la première lutte victorieuse contre le projet Lafarge d'extraction de sable en mer, dit PER Sud Lorient – cf. http://le-peuple-des-dunes.org/

« Le recours des collectivités pour contrecarrer cette extraction a été rejeté lundi dernier par le tribunal administratif de Rennes et il aura fallu moins de 24 heures à la CAN pour venir extraire, en pleine nuit, des milliers de mètres cubes de sable », s'indigne Yves-Marie Le Lay, membre du jeune collectif.

Ces premières extractions nocturnes ont déclenché un véritable branle-bas de combat en Bretagne. « Nous allons, nous aussi, faire appel et saisir le Conseil d'Etat dans les dix prochains jours », prévient Alain Bidal, président de Peuples des dunes, qui sera reçu, cet après-midi à Paris par la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, elle-même opposée à l'extraction.

Une nouvelle qui soulage un peu les opposants, après un week-end passé à grincer des dents à la suite des propos tenus par Emmanuel Macron. L'ancien ministre de l'Economie a en effet déclaré samedi qu'il n'était « pas acceptable » que ces extractions « à la sauvette » aient été faites avant « toute décision définitive du tribunal ». « Il est gonflé ! C'est quand même lui qui a donné son feu vert à la CAN en avril 2015 », s'offusque le collectif.

Un décret paru en septembre 2015 autorisait officiellement l'entreprise à commencer des prélèvements. La zone d'extraction, d'une surface totale de 4 km², est située entre deux zones Natura 2000. Le volume d'extraction ne pourra pas excéder 250 000 m³ par an (pas plus de 50 000 m³ la première année). La vente de ce sable calcaire se ferait principalement aux agriculteurs.

« On est en train de piller un bien public, s'indigne Corinne, 53 ans, militante anti-extraction de la première heure. C'est inadmissible. » Et Yves-Marie Le Lay d'ajouter : « La faune et la flore sont menacées. On compte plus de 90 espèces vivantes dans les dunes. Des coquillages, des algues, des vers, des poissons... dont le lançon, qui est un maillon essentiel de cet écosystème. Si les extractions continuent, d'ici deux ans, les dommages seront irréversibles. »

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10 septembre 2016 6 10 /09 /septembre /2016 13:52

Les milieux vierges ont reculé de 3 millions de kilomètres carrés, soit 10 %, en vingt ans

par Clémentine Thiberge pour Le Monde le 9 septembre 2016

Trois millions de kilomètres carrés, c’est la superficie de l’Inde. C’est aussi la surface de nature sauvage que notre planète a perdue depuis le début des années 1990, selon une étude australienne parue jeudi 8 septembre dans la revue Current Biology.

Pour établir ce résultat, les auteurs, James Watson et James Allan, se sont basés sur des cartes représentant l’empreinte humaine mondiale, c’est-à-dire l’ensemble des zones modifiées par l’homme. En comparant les données actuelles à celles du début des années 1990, ils sont arrivés à un constat alarmant : en vingt ans, 10 % des espaces sauvages – libres de toute perturbation humaine – ont disparu de la Terre.

Répartis en majorité en Amérique du Nord, dans le nord de l’Asie, en Afrique du Nord et sur le continent australien, ils ne couvrent aujourd’hui que 30,1 millions de km2 – soit moins d’un quart de la surface terrestre. « La perte du caractère sauvage de la planète en seulement deux décennies est stupéfiante », alerte James Watson, professeur de conservation de la biodiversité à l’université du Queensland.

Or, les milieux sauvages sont indispensables à la biodiversité mais aussi à l’absorption du carbone atmosphérique, à la régulation du climat à l’échelle locale ou encore à la vie de certaines populations humaines. « Leur valeur écologique est indéniable, confirme James Watson. Avec l’être humain qui altère une grande partie des processus naturels, ces zones servent aussi d’observatoires naturels pour étudier les impacts écologiques du changement climatique. »

« Risque d’extinction »

Dimanche 4 septembre, la mise à jour de la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a également montré que les zones sauvages de la Terre sont des refuges pour de nombreuses espèces en péril comme les zèbres des plaines, les éléphants d’Afrique ou encore les lions. « L’habitat d’un tiers des espèces mammifères terrestres se chevauche avec des milieux sauvages, indique James Watson. La perte de ces zones augmente donc le risque d’extinction des espèces déjà menacées. »

Toutes les régions du monde ne sont pas égales face au déclin de ces milieux. En Amazonie et en Afrique centrale, la situation vire à la catastrophe. Avec des pertes respectives de 30 % et 14 %, la dégradation des territoires sauvages s’y est accélérée significativement ces deux dernières décennies. « L’exploitation forestière et l’agriculture sont plus importantes dans ces zones, explique James Watson. Et la mise en place des espaces protégés prend du temps. »

Certes, les chercheurs australiens ont réussi à observer une augmentation des zones de protection dans le monde – leur surface a presque doublé depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. Mais, malgré cette progression, les efforts ne suffisent pas à pallier les pertes : en vingt ans, 2,5 millions de km2 ont été déclarés zones protégées pendant que 3,3 millions de km2 disparaissaient. « Aujourd’hui, les milieux sauvages se dégradent à une vitesse supérieure à celle de leur protection, prévient James Allan. Si on continue à ce rythme, il ne restera aucune parcelle de nature vierge d’ici à la fin du siècle. »

La situation est irréversible. « Ces milieux ne peuvent pas retourner à l’état sauvage s’ils ont été occupés par l’homme, insiste James Watson. Une fois érodés, les processus écologiques qui maintiennent ces écosystèmes ne reviennent jamais à leur état initial. »

Pour Harold Levrel, professeur d’économie écologique à AgroParisTech, qui n’a pas participé à l’étude, ce phénomène, « bien qu’intolérable, n’est pas complètement surprenant » dans un contexte de croissance démographique. « Il faut savoir qu’en vingt ans, à l’échelle mondiale, le nombre d’êtres humains a augmenté de 30 %, explique-t-il. Et dans certaines régions d’Afrique ou d’Amérique du Sud, on arrive à 60 %. La pression sur les écosystèmes est donc proportionnelle. »

Autre menace qui pèse sur ces régions, la fragmentation des espaces est de plus en plus importante. Ce phénomène est notable car, sous le seuil de 10 000 km2, les aires de nature sauvage ne peuvent plus être considérées comme « milieu naturel significatif ».

« Gestion plus globale »

Certes, la majorité (82,3 %) des espaces sauvages sont composés de grandes étendues. Mais sur quatorze biomes – ou écorégions – présents dans le monde, trois d’entre eux n’ont aujourd’hui plus une surface suffisamment grande pour être inclus dans les milieux sauvages. Localisées principalement sous les tropiques (mangroves, bois de conifères ou forêts sèches d’arbres à feuilles caduques), « ces écozones n’ont quasiment plus d’opportunités de protection et sont vouées à la disparition », selon James Allan.

Pour des régions comme la forêt amazonienne, il est encore temps, selon les chercheurs. Mais, alors que les efforts de conservation sont généralement efficaces dans les zones protégées, « à ce jour, les espaces préservés dans le monde ne sont pas suffisants pour protéger efficacement les milieux, et ceux qui existent ne sont pas forcément bien gérés, déplore James Watson. Il est nécessaire d’arriver à une gestion plus globale de ces régions. »

Selon le scientifique, peu de règles régissent la perte d’écosystèmes à grande échelle. La difficulté réside souvent dans la taille des espaces qui dépassent les frontières des pays. « Aujourd’hui, les mesures se concentrent sur l’extinction des espèces et la gestion des systèmes déjà dégradés – qui sont bien sûr aussi des problèmes majeurs –, mais on suppose que les milieux sauvages vont bien. Cette étude prouve le contraire », continue le chercheur.

Au moment où se tient le Congrès mondial de la nature, à Hawaï, aux Etats-Unis, les auteurs insistent sur la nécessité d’aboutir à des accords internationaux qui reconnaissent l’importance des milieux sauvages et leur vulnérabilité. Pour eux, il y a urgence : « Si nous ne réagissons pas rapidement, tout aura disparu, ce qui serait une catastrophe pour la conservation, pour le climat, et pour certaines des communautés humaines les plus vulnérables de la planète. »

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7 septembre 2016 3 07 /09 /septembre /2016 10:27

« Les changements dans l’océan se font cinq fois plus vite que dans n’importe quel écosystème terrestre », annonce Dan Laffoley, vice-président de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN. Il reste beaucoup à faire pour que les sociétés humaines prennent la mesure du « plus grand défi caché de notre génération »

Le 6 septembre par Martine Valo, Hawaï, envoyée spécial pour Le Monde, cf. http://abonnes.lemonde.fr/climat/article/2016/09/06/si-l-ocean-se-meurt-la-planete-aussi_4992961_1652612.html

Au milieu du hall d’exposition du congrès de l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN), qui se tient à Hawaï jusqu’au 10 septembre, trône une très grosse mappemonde de l’agence météorologique et océanique américaine (NOAA). Elle se taille un franc succès auprès du public en montrant en accéléré le réchauffement de l’océan, ainsi que l’augmentation de son taux de salinité depuis la fin du XXe siècle : la planète vire à l’écarlate.

Et la gigantesque masse océanique qui la couvre à 71 % – soit 360,6 millions de kilomètres carrés –, devrait encore gagner un à quatre degrés d’ici à 2100. Même la température de l’eau des grandes profondeurs est en train de s’élever et, près des côtes, le thermomètre grimpe 35 % plus vite que dans la haute mer depuis les années 1960.

Les scientifiques estiment que l’océan a absorbé 93 % du réchauffement dû à l’émission de gaz à effet de serre générés par les activités humaines depuis 1970. « Sans cela, il ferait 36 degrés Celsius de plus qu’actuellement sur la terre, ce serait invivable », traduit Carl Gustaf Lundin, directeur du programme marin de l’UICN. Or « 70 % de la biodiversité se trouve dans l’océan », rappelle-t-il. Ce rôle de tampon face aux changements climatiques a un coût élevé pour les écosystèmes marins, c’est ce que le réseau de défense de la nature montre dans une volumineuse compilation d’études scientifiques, qu’elle rend publique lundi 5 septembre. Quatre-vingts scientifiques originaires de douze pays ont contribué à cette somme – inédite par son ampleur. Le tableau est édifiant.

Migrations des organismes marins

« Les changements dans l’océan se font cinq fois plus vite que dans n’importe quel écosystème terrestre », annonce Dan Laffoley, vice-président de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN et l’un des principaux coauteurs. Des régions polaires jusqu’aux régions tropicales, des groupes entiers d’espèces, comme les méduses, les tortues et les oiseaux de mer, se sont mis à remonter de dix degrés de latitude vers les pôles.

Tous les organismes marins ont commencé à migrer : phytoplancton, algues, invertébrés, poissons, mais pas tous selon la même trajectoire. Non seulement le plancton, à la base de la chaîne alimentaire de la faune marine, change d’aires de répartition depuis cinquante ans, mais sa saisonnalité se modifie, et il devient plus petit par endroits. Note plus positive : il se diversifie dans les eaux froides.

Ces nouvelles donnes ont des effets « dramatiques », insistent les auteurs, sur la reproduction et la nutrition de nombre d’espèces. Le réchauffement a, par exemple, un effet dévastateur sur les tortues, dont six des sept espèces marines sont classées en danger d’extinction par l’UICN. Entre autres maux, il perturbe l’incubation des œufs, augmentant dangereusement le nombre de femelles, au point de compromettre la génération suivante.

Certains phénomènes sont connus : le blanchiment des coraux est un indicateur évident, repérable à l’œil nu, du réchauffement et de l’acidification de l’eau. La totalité d’entre eux devrait être affectée d’ici à 2050, alors qu’ils fournissent l’habitat d’un quart des espèces de poissons. Il est plus difficile de sensibiliser le public au sort des algues, bien que les scientifiques s’inquiètent tout autant de la dégradation accélérée des fonds côtiers. La destruction des forêts de laminaires fait perdre certains poissons et, pire encore, leur habitat, tout en favorisant les proliférations d’autres algues, ce qui réduit la quantité d’oxygène dans l’eau.

Impacts sur la santé humaine

Près des côtes, les changements vont avoir des impacts manifestes. Certaines populations y sont dépendantes des produits de la mer. La pêche et l’aquaculture fournissent environ 15 % de protéines animales à 4,3 milliards de personnes dans le monde. Or, sous l’effet de l’élévation des températures – à laquelle s’ajoutent les attaques de méduses et de divers pathogènes –, les élevages conchylicoles, de crustacés ou de saumon seront amenés à déménager. Quant aux pêcheurs côtiers, il y aura parmi eux des gagnants et des perdants. En Somalie, par exemple, particulièrement mal dotée, la pêche pourrait passer de 1,29 kg à 0,85 kg de poissons par personne et par an.

En comparaison, dans les îles du Pacifique, où les eaux sont très riches, la consommation moyenne tourne autour de 35 kg par personne et procure jusqu’à 90 % de protéines animales à leurs habitants. Les ressources pourraient y diminuer de 20 % vers 2050. Mais le problème de cette partie du monde tient surtout à la destruction des coraux. Celle-ci laisse le champ libre à des dinoflagellées, du phytoplancton sur lequel se développent des toxines, que viennent brouter des poissons herbivores et qui finissent par se concentrer dans les grands prédateurs, comme les mérous. On observe ainsi une véritable « épidémie » de ciguatera en Polynésie française ces dernières années, souligne le rapport.

Celui-ci consacre d’ailleurs un chapitre particulièrement glaçant aux impacts de ces mutations sur la santé humaine. « Davantage de chaleur, moins d’oxygène, plus de microbes », résume Dan Laffoley. Les passages qui s’ouvrent entre l’Atlantique et le Pacifique avec la fonte des glaces ne vont pas seulement être une aubaine pour le fret et les organisateurs de croisières. Les espèces envahissantes vont elles-mêmes pouvoir circuler davantage, les virus aussi. Plus nombreux, les pathogènes voient en outre leur circulation favorisée par la montée du niveau des mers, qui accélère les échanges avec les bactéries terrestres dans les estuaires.

D’une façon générale, les rivages apparaissent de plus en plus vulnérables, pas seulement à cause de la montée du niveau des mers. Les relations complexes qui lient étroitement océan et climat jouent un rôle dans l’accentuation de la force des tempêtes. Or les humains ont altéré nombre de barrières de protection naturelles, comme les mangroves, dont 30 % ont disparu en un siècle. Une fois encore, le réchauffement a aggravé ces destructions.

Il reste beaucoup à faire pour que les sociétés humaines prennent la mesure du « plus grand défi caché de notre génération », selon les auteurs du rapport. Au-delà du monde marin, c’est bien la planète tout entière qui va être bouleversée par les changements en cours. « L’océan a une capacité de résilience, il faut l’aider », plaide cependant M. Lundin. Malgré son rôle vital pour la planète et les sociétés humaines, l’océan ne représente qu’un aspect marginal des négociations climatiques.

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5 septembre 2016 1 05 /09 /septembre /2016 16:33

L'extinction des espèces végétales et animales est particulièrement massive dans les îles, selon la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature, qui tire le signal d'alarme

Par Martine Valo pour Le Monde le 5 septembre 2016.

La faune et la flore disparaissent inexorablement de la planète. " Nous les perdons à un rythme inédit ", assure Jane Smart, directrice de la conservation au sein de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Celle-ci a publié, dimanche 4  septembre, l'actualisation de sa fameuse liste rouge des espèces menacées, et le constat est très inquiétant. Sur les 82 954 espèces animales et végétales prises en compte, 23 928 (29  %) sont qualifiées de " menacées ", dont 5 107 sont en " danger critique ", 7 602 " en danger " et 11 219 sont considérées comme " vulnérables ".

Cet inventaire a été réalisé par ce vaste réseau de protection de l'environnement auquel collaborent environ 10 000 experts internationaux et auquel adhèrent ONG et gouvernements. La dernière actualisation générale de la liste rouge datait de 2009.

" Pour effectuer nos mises à jour, nous nous appuyons sur trois générations d'animaux, ou bien sur des évolutions observées pendant un laps de temps d'au moins dix ans pour ceux qui se reproduisent assez vite, comme certains poissons, explique Jean-François Vié, directeur adjoint du programme global de sauvegarde des espèces à l'UICN. Une espèce est appeléevulnérable lorsque nous observons 30  % d'effectifs en moins. "

Espèces invasives

Le diagnostic rendu public à l'occasion du congrès mondial que l'UICN organise tous les quatre ans – cette année à Honolulu (Hawaï), jusqu'au 10  septembre – indique que, depuis le XVIe  siècle, 855 espèces ont disparu ; 68 n'existent plus hors d'une structure de conservation, dans un parc ou un jardin botanique. " Il est possible de maintenir des animaux en vie dans un lieu protégé puis de les relâcher un jour… à condition qu'il existe encore un biotope pour les accueillir ", note Jœ Walston, l'un des responsables de la Wildlife Conservation Society, une ONG environnementale américaine.

Néanmoins, au fond des mers, dans les forêts, les rivières, les savanes, le patrimoine naturel s'affaiblit, des populations disparaissent tandis que quelques autres envahissent leurs espaces. Et les îles sont les plus touchées par ce phénomène. L'UICN ayant donné rendez-vous au milieu du Pacifique à 8 300 délégués venus de plus de 180 pays, l'organisation a tenu à souligner l'extrême vulnérabilité de ces écosystèmes. L'archipel américain subit de multiples atteintes dues à l'introduction volontaire ou non de cochons, de chèvres, de rats, de limaces et de nombreuses plantes qui détruisent sa flore endémique. Sur 415 de ces végétaux répertoriés, la grande majorité est menacée d'extinction, quatre d'entre eux n'existent plus dans la nature, tandis que trente-huit ont totalement disparu.

" Prédateurs, champignons, insectes : on peut considérer que 80  % des espèces envahissantes entrées sur le sol américain se trouvent dans cet archipel ", résume Piero Genovesi, du groupe spécialisé sur les espèces invasives au sein de l'UICN.

Réchauffement, chasse, pêche…

Ce phénomène constitue la cause principale de l'érosion du patrimoine vivant dans l'ensemble des îles ; dans le reste du monde, il en est le deuxième facteur, indiquent les experts qui collaborent à la liste rouge. L'envahissement est associé à une disparition sur deux au cours des quatre derniers siècles, et il en serait le responsable unique dans un cas sur cinq, selon M.  Genovesi. " A Hawaï, par exemple, le paludisme aviaire apporté par un moustique au XIXe  siècle a causé la perte de la moitié des oiseaux en un siècle ", rappelle-t-il.

Aucune région n'échappe plus au déclin, car le patrimoine vivant est désormais majoritairement victime de la perte d'habitats naturels. Les espèces ne résistent pas à la dégradation générale de leur environnement – réduit, fragmenté, pollué ou carrément détruit. Le réchauffement climatique accentue la pression avec son lot de sécheresses et de tempêtes ; la chasse et la pêche ajoutent à l'hécatombe. Et tout ce que l'humain convoite : peau, viande, corne, défenses, griffes, fourrure, place irrémédiablement leurs propriétaires sur la liste des espèces " vulnérables ", " en danger " ou, pis, les conduit à rejoindre la catégorie " en danger critique d'extinction ".

Tel est le sort du gorille oriental (Gorilla beringei), le plus grand primate existant, qui vit notamment en République démocratique du Congo. Ses effectifs se sont réduits de 70  % en vingt ans, du fait de la chasse illégale. Le gorille Grauer, l'une des deux sous-espèces de cette région, a même perdu 77  % de sa population depuis 1994. Au total, quatre des six espèces de grands singes sont maintenant en " danger critique ", à un pas de l'extinction.

Une famille de tortues endémiques du Brésil (Mesoclemmys hogei) suit la même pente. Dix de ses dix-huit sous-populations se sont évanouies au cours des quarante dernières années. Elles habitaient notamment l'Etat de Rio de Janeiro avant que la destruction de leur biotope ne cause leur perte.

Le tableau est si sombre que l'UICN prend soin de mettre en avant les espèces dont la situation s'améliore. Ses experts veulent montrer que de sérieuses mesures de protection peuvent permettre d'enrayer le déclin. Ainsi, l'antilope du Tibet se rétablit : elle est à présent " quasi menacée ". Un vrai progrès pour celle qui était tuée pour sa laine shahtoosh si fine et si chère. Plus emblématique encore, le panda géant prospère ou presque : il rejoint les animaux " vulnérables ", et non plus " en danger ", grâce à la volonté de l'Etat chinois. Las, l'ursidé va devoir affronter la réduction des bambous qui l'abritent, car le réchauffement devrait les faire régresser de 35  % d'ici à la fin du siècle. Autant dire que tous les gains récents seront perdus.

Les experts alertent aussi sur le cas d'un gecko de Malaisie (Cyrtodactylus hidupselamanya). Il n'est pas totalement en état critique, mais cela devrait arriver dans les cinq ans avec l'extraction du calcaire sur lequel il vit. Autres nouveaux venus : la chauve-souris géante(Nyctalus lasiopterus) présente en Europe et en Afrique du Nord, qui manque de vieux arbres pour se loger. Ou encore le desman de Moscovie (Desmana moschata), un petit mammifère semi-aquatique, cousin de la taupe, victime de pêches musclées en Russie et en Ukraine.

Le koala d'Australie en danger

Enfin, en Australie, le koala fait lui aussi désormais partie de la grande famille des mal portants. Sa situation inquiète le grand public. Une enquête parlementaire a été commandée sur l'inefficacité des mesures mises en œuvre pour sa conservation. Les effectifs d'un autre petit marsupial endémique, l'antechine fauve (Antechinus bellus), qui vit dans le nord de l'Australie, ont chuté de plus de 30  % en moins de dix ans, sans émouvoir autant.

Pourtant, être classé ne serait-ce que parmi les espèces " quasi menacées " s'avère déjà de très mauvais augure, assure Jean-François Vié, de l'UICN. " Regardez les zèbres des plaines, autrefois communs en Afrique : ils ont diminué de 24  %, ce n'est pas rien ! ", lance-t-il. La liste rouge de 2016 évalue leur population autour de 500 000  animaux, alors qu'elle était de 660 000 il y a quatorze ans. Cibles des chasseurs pour leur chair et leur peau, dans certains pays ces mammifères ne se rencontrent plus que dans les parcs protégés. Et M. Vié d'enfoncer le clou : " Cette vague d'extinctions est un indicateur de la dégradation de notre planète. "Autrement dit, même les humains ne devraient pas tarder à s'en apercevoir.

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3 septembre 2016 6 03 /09 /septembre /2016 08:50

Le 2 septembre 2016 par Jade Lindgaard pour https://www.mediapart.fr/journal/france/020916/plus-les-agriculteurs-polluent-plus-ils-touchent-d-aides-de-l-europe

Alors que les pays européens tentent de trouver un accord sur la politique agricole commune en 2020, une étude démontre que les aides directes bénéficient le plus aux agriculteurs les plus pollueurs. Mais elle prouve aussi que dans le contexte actuel de déséquilibre entre l’offre et la demande, la stratégie de produire toujours plus n’est pas la bonne.
C’est l’angle mort du récent conflit social dans le monde du lait et de la réunion des ministres de l’agriculture, le 2 septembre à Chambord : les effets de la production agricole et des aides européennes sur l’environnement. Pourtant, le choix par les producteurs laitiers de leur modèle économique ne peut plus ignorer le sujet : la politique agricole commune (PAC) consacre un budget spécifique aux aides agro-environnementales (appelé « second pilier »). Surtout, la protection de l’environnement est aujourd’hui l’un des principaux arguments mis en avant par les États membres pour justifier le versement de plus de 50 milliards d’euros d’aides annuelles directes au secteur agricole (soit plus de 40 % du budget communautaire).

Autour des notions de « bien commun », de « multifonctionnalité », de « services écosystémiques » et de « services environnementaux », les décideurs politiques européens intègrent de plus en plus le problème de la pollution, des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’eau dans leurs décisions touchant le domaine agricole – d’où les passes d’armes entre Bruxelles et la France sur Notre-Dame-des-Landes, le barrage de Sivens ou encore les nitrates. Cela dit, les aides directes européennes consacrées à la protection de l’environnement restent bien inférieures (20 %) aux aides à la compétitivité et aux revenus des agriculteurs (80 %).

Observant cet usage de l’environnement comme justification des aides de la PAC, une chercheuse doctorante, Alessandra Kirsch, s’est demandée si les aides directes versées par l’Europe aux agriculteurs répondaient aux objectifs environnementaux qu’elle affiche. Les réponses qu’elle apporte sont doublement instructives, alors que les producteurs laitiers sont loin d’être les seuls agriculteurs européens touchés par une crise économique – les céréaliers sont confrontés eux aussi à une sévère baisse des cours.

Sur l’ensemble des aides directes aux agriculteurs (à l’hectare, à la tête de bétail, ou par exploitant) et toutes productions confondues, les exploitants qui ont le moins bon impact sur l’environnement touchent le plus d’aides en moyenne. Selon les calculs d’Alessandra Kirsch, si l’on compare le niveau de subventions perçues par les exploitations, par hectare de surface agricole utile (SAU), en fonction du classement des exploitations selon leur degré de « durabilité environnementale »,
celles qui sont les moins respectueuses de l’environnement touchent les aides les plus élevées.

 

Manifestation d'agriculteurs aux abords du siège de Lactalis, à Laval, le 23 août 2016 ©Reuters

Autrement dit, les exploitations qui polluent le plus touchent le plus de subventions à l’hectare. C’est l’effet du mode de calcul des aides de la PAC, qui reflètent l’historique de l’exploitation. Le système des aides de la PAC d’avant 1992 reliait les aides aux rendements. Comme ils augmentaient avec l’usage des engrais et des pesticides, les exploitations les plus productives touchaient davantage de subventions. Les réformes suivantes ont attribué des montants d’aides fixes aux surfaces, en accordant des primes supérieures aux zones où les rendements étaient historiquement plus élevés.

Cela ne veut pas dire pour autant que c’est parce qu’ils touchent plus d’aides qu’ils polluent davantage, insiste Alessandra Kirsch. Mais qu’historiquement, les exploitants les plus indifférents à l’impact de leur activité sur l’écosystème ont bénéficié de plus de soutien que les autres. En réalité, les aides européennes à l’agriculture agissent de manière contradictoire. Les aides de la PAC sont réparties en deux « piliers » : aides à la compétitivité et aides à la protection de l’environnement. Les premières représentent 80 % des sommes versées, contre 20 % pour celles gratifiant la réduction des impacts négatifs sur l’écosystème.

Mais qu’est-ce qu’une exploitation qui traite bien son environnement ? Il n’est pas si facile de le définir, car il faut prendre en compte les impacts sur l’eau, les sols, l’air, la biodiversité. Or ils ne sont pas toujours corrélés. On peut avoir un bon taux de prairie, mais utiliser son tracteur plus que les autres et donc consommer beaucoup d’énergie. Par ailleurs, le monde agricole français est très divers. Les besoins et impacts de la culture des oléagineux et protéagineux (16 % des exploitations) sont très différents des élevages bovins. Chaque exploitation, à l’intérieur même d’un type de production donné, est caractérisée par des atouts et des faiblesses. La dernière réforme de la PAC, en 2013, veut harmoniser le paiement des aides quel que soit l’historique de l’exploitation, atténuant ainsi le déséquilibre en faveur des exploitations historiquement plus productives.

France Nature Environnement (FNE) a dénoncé cette année dans un rapport le faux verdissement de la PAC à cause des exceptions qui accompagnent plusieurs mesures environnementales. Deux exemples phares illustrent parfaitement la réalité derrière le verdissement de la PAC, explique dans un communiqué Marie-Catherine Schulz-Vannaxay, coordinatrice du réseau agriculture de FNE : « L’autorisation d’épandre des pesticides sur les 5 % de surfaces dédiées à la biodiversité dans les fermes, tandis que l’obligation de diversifier ses cultures pour réduire les usages de pesticides ou de fertilisants a été supprimée pour la principale monoculture, celle du maïs. »

Derrière ce triste diagnostic, se cache une bonne nouvelle : les performances économiques de ceux qui polluent le moins ne sont pas inférieures aux autres. C’est l’autre enseignement fort de l’étude d’Alessandra Kirsch : les exploitations impactant moins leur environnement produisent moins (de lait, de viande, de blé, de maïs…) que les autres, mais elles maîtrisent mieux leurs consommations intermédiaires. Si bien que les exploitants qui ont fourni le plus d’efforts pour réduire leur impact sur l’environnement ont un revenu au moins comparable aux autres. Ceux qui font le choix de modérer leurs objectifs de production consomment moins d’intrants (engrais, pesticides, herbicides…) et obtiennent ainsi des marges de rentabilité comparables, voire supérieures à ceux qui produisent plus mais dépensent plus pour maximiser leur production. C’est aussi vrai pour les grandes superficies : en grandes cultures, la dimension économique n’est pas un handicap au développement des pratiques plus favorables à l’environnement, constate la chercheuse. Dans le contexte actuel de déséquilibre entre l’offre et la demande de lait, la stratégie de produire toujours plus n’est pas la bonne.

Ce travail tout récent d’analyse empirique sur la distribution des revenus de la PAC – la thèse n’a pas encore été publiée – indique à quel point les injonctions politiques de l’Union peuvent être contradictoires sur l’agriculture. Cela n’aide pas les paysans et les exploitants à s’adapter à la nouvelle réalité économique – les quotas laitiers ont été supprimés le 31 mars 2015. Vendredi 2 septembre, plusieurs syndicats agricoles ont manifesté aux abords du château de Chambord, où se réunissaient les ministres européens pour trouver un accord sur la PAC en 2020. « Notre agriculture est à genoux », a indiqué le président de la Coordination rurale, Bernard Lannes, qui organisait un « grand repas populaire » à l’entrée du domaine. Pendant ce temps, près de 120 militants de la Confédération paysanne manifestaient à Blois pour « une vraie régulation européenne pour les paysans en détresse », car « Pour nous, c’est pas la vie de château ».

Alors que les aides directes sont indispensables au revenu des agriculteurs européens (surtout pour les céréaliers et les éleveurs bovins, qui connaîtraient sinon des pertes comptables sèches, selon le réseau d’information comptable agricole), le monde agricole se trouve dans une situation économique si difficile qu’il peine à imaginer pouvoir changer de modèle et se divise sur fond de drame social.

 

 

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15 août 2016 1 15 /08 /août /2016 14:59

Par Pierre Le Hir (Bure (Meuse), envoyé spécial pour Le Monde, 15 août 2016

« Et la forêt, elle est à qui ? Elle est à nous ! Andra, dégage ! » Dimanche 14 août en fin de matinée, le slogan claque dans le cortège qui s’avance, sous un soleil de plomb, vers une forêt dominant le petit village de Bure, aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne.

Il donne la nouvelle tonalité, plus radicale que pastorale, de la lutte contre le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) que prévoit de construire ici l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pour y enfouir les résidus nucléaires les plus dangereux.

Joignant le geste à la parole, environ 400 opposants – militants historiques de la région, agriculteurs, villageois mais aussi, en plus grand nombre, jeunes activistes pour beaucoup cagoulés et masqués – investissent un domaine forestier où, depuis plusieurs semaines, l’Andra mène des travaux de reconnaissance.

D’ordinaire, les gendarmes mobiles et les vigiles de l’agence quadrillent le terrain, empêchant toute intrusion et multipliant les contrôles d’identité. Aujourd’hui, ils ont choisi de se retirer pour éviter tout incident. Pas un seul uniforme en vue. La forêt est ouverte, seulement survolée par un hélicoptère.

« Sabotage collectif et joyeux »

Les manifestants en profitent. Plusieurs dizaines d’entre eux, munis de masses, de barres à mine, de béliers, de pioches et de cordes, abattent l’un après l’autre les pans d’une enceinte de béton avec lesquels l’agence a fortifié son chantier.

D’autres taguent la paroi où s’étalent des devises colorées. « Vos déchets on n’en veut pas », « ni ici ni ailleurs », « que revive la forêt communale », ou plus loin, en grosses lettres jaunes, « on défait le mur ! ». D’autres encore replantent des arbrisseaux sur les parcelles déboisées.

« Un monde sans mur » FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

« Ce sont les tombes de l’Andra », dit un jeune opposant qui se fait appeler Sylvestre et qui revendique « un acte de sabotage collectif et joyeux ». « La vraie violence, défend-il, c’est celle d’une agence qui colonise le territoire, défriche la forêt en toute illégalité et construit un mur de la honte. »

De fait, la fronde contre la « poubelle nucléaire de Bure », longtemps limitée aux associations locales et aux réseaux antinucléaires, a changé de visage et de méthodes, depuis que l’Andra a entrepris des travaux dans ce massif de 220 hectares, dit bois Lejuc, sur la commune de Mandres-en-Barrois (Meuse).

Il se trouve en effet à l’aplomb du futur site de stockage, conçu pour confiner à 500 mètres sous terre, dans 300 kilomètres de galeries, 80 000 mètres cubes de déchets hautement radioactifs et à vie longue, pour un coût prévisionnel de 25 milliards d’euros.

 

Un cimetière radioactif à 500 mètres sous terre. Andra

Ces travaux, indique l’Andra, consistent en « une campagne de reconnaissance géotechnique destinée à recueillir les données nécessaires aux études de conception du projet Cigéo ». En clair, des forages et des relevés de terrain qui lui permettront de présenter, en 2018, une demande d’autorisation de création du centre de stockage, pour un démarrage du chantier de construction en 2021 et une mise en service en 2025.

Camp fortifié

Pour « sécuriser le site dont elle est propriétaire », l’agence a d’abord planté une double rangée de piquets et de barbelés. Cette clôture a été arrachée et cisaillée par des militants, qui en ont fait des barricades derrière lesquelles ils ont tenu la forêt pendant trois semaines, entre le 19 juin et le 7 juillet, avant d’être délogés par les gendarmes mobiles.

A la place, c’est un mur de béton de deux mètres de hauteur qui a été érigé, transformant le chantier en camp fortifié. Il doit s’étirer sur près de quatre kilomètres de long et sa pose, au milieu d’une large saignée, a entraîné, selon les opposants, le défrichement de sept hectares sur lesquels « des chênes centenaires ont été tronçonnés ».

« Nous n’avons jamais interdit à personne de se promener dans les bois qui nous appartiennent, d’y pique-niquer ou d’y cueillir des champignons, répond Jean-Paul Baillet, directeur du centre Meuse-Haute-Marne de l’agence. Mais nous devons protéger nos salariés, qui subissent des menaces, et nos matériels scientifiques, qui ont fait l’objet de dégradations. »

En poussant à l’intérieur de la forêt, on découvre en effet la carcasse calcinée d’un bâtiment préfabriqué de l’Andra qui a été incendié la veille, au milieu d’un stock de tubes de forage et de cloisons de béton prêtes à être posées.

Le bois Lejuc, ce bout de forêt perdu au milieu de nulle part, est ainsi devenu le foyer de la contestation anti-Cigéo et, plus largement, des luttes antinucléaires. Les opposants se défendent pourtant de vouloir créer ici une nouvelle « zone à défendre », à l’image de celles de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ou de Sivens (Tarn).

De son côté, l’Andra dit vouloir avant tout « éviter la violence ». Mais la mobilisation, dont la journée du 14 août n’était qu’une étape, n’en semble pas moins partie pour durer. « Aujourd’hui, nous avons fait tomber les murs, se félicitait dimanche un jeune activiste. C’est aussi la chape de plomb de la fatalité et de la résignation qui s’est fissurée. Ce que nous vivons ici, c’est le renouveau du mouvement antinucléaire. »

Quatre cents manifestants se sont rassemblés près de Bure (Meuse), dimanche 14 août, pour s’opposer au projet de « poubelle nucléaire ». FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Guérilla militante et juridique

D’autant qu’à la guérilla militante les anti-Cigéo ajoutent la guérilla juridique, en conjuguant actions sur le terrain et dans les prétoires. Et ils ont remporté un premier succès. Le 1er août, le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, saisi par des associations et des habitants de Mandres-en-Barrois, a considéré que l’Andra avait procédé, pour installer son mur, à un défrichement « illicite ».

Il lui a ordonné de suspendre tout déboisement et de remettre les lieux en état – c’est-à-dire d’y replanter des arbres – dans un délai de six mois, sauf à obtenir de la préfecture l’autorisation de défrichement nécessaire. L’Andra reconnaît « une erreur d’appréciation » sur la réalité du déboisement, tout en annonçant qu’elle « n’exclut pas de reprendre les travaux de pose de la clôture dans les prochains jours ».

De mémoire d’opposant, c’est la première fois que le projet d’enfouissement des déchets radioactifs subit un revers devant un tribunal. « C’est une victoire historique, juge Régine Millarakis, militante de longue date contre le projet Cigéo et membre de la coordination Burestop. Elle nous redonne du courage pour continuer à nous battre face à un organisme public qui agit comme un rouleau compresseur. »

Directeur des opérations industrielles de l’Andra, Patrice Torres craint, lui, que toutes ces actions « ne fassent perdre du temps et de l’énergie pour un projet essentiel pour la nation et pour l’Etat ».

Dimanche, alors que la nuit tombait, les manifestants quittaient le bois Lejuc. Ils annonçaient avoir mis à bas l’enceinte de béton sur un kilomètre, soit la presque totalité de sa longueur. Une nacelle de vigie, installée à l’orée du bois, montait la garde.

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