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19 mai 2021 3 19 /05 /mai /2021 08:20

Face aux épineux problèmes écologiques, les technologies numériques sont souvent présentées comme un remède, rendant compatibles nos vieillottes infrastructures avec les impératifs de sobriété. En reparcourant l’histoire de l’électricité et en analysant la manière dont cette énergie est aujourd’hui pensée, Gérard Dubey et Alain Gras offrent un recul critique salutaire sur les promesses soi-disant fabuleuses de notre présent. J’ai eu la chance de rencontrer l’un des co-auteurs, Alain Gras, après la publication de son livre « Le Choix du feu. Aux origines de la crise climatique », pour lequel il intervient dans mon film sur les pétroles de schiste, « Non conventionnel », filmé à l’amap La Courgette Solidaire, aux Lilas. Alain Gras est un sociologue des techniques, membre de l'Institut Momentum, et cofondateur d’Entropia, revue d’étude théorique et politique, et vous pouvez aussi retrouver ses chroniques régulières dans le mensuel La Décroissance. Le texte ci-dessous, intitulé « Transition numérique : pour continuer comme avant » pour sa publication dans Terrestres le 17 mai 2021, est le chapitre 14 du livre publié cette année au Seuil par Gérard Dubey et Alain Gras, « La Servitude électrique. Du rêve de liberté à la prison numérique ». Lire aussi Peut-on s’opposer à l’informatisation du monde ? et La « Troisième révolution industrielle » n’aura pas lieu.

La transition numérique renouvelle notre servitude électrique

Nous serions entrés, avec l’électronique et le numérique, le traitement de l’information et du signal, dans une autre ère, celle de la décomposition de chaque élément de réalité (sons, images, mots…) en unités ou en paquets d’unités discrètes interchangeables, en Shannons ou en bits. Ainsi l’électricité ne serait « plus qu’une commodité de transport de l’information (1) ». La réalité est tout autre et s’il y a bien transformation des usages, l’ère du numérique désigne avant tout une nouvelle phase d’expansion du modèle électrique.

Premièrement, parce que, comme une évidence qu’il devient inutile d’interroger, tous nos gadgets électroniques fonctionnent à l’électricité. L’empreinte énergétique directe (calculée à partir de la seule consommation finale) du numérique progresse ainsi d’environ 9 % chaque année (2) et consomme déjà 10 % de la production électrique mondiale (et 4 % de la consommation d’énergie primaire mondiale) (3). Ces besoins énergétiques sont bien sûr dus à l’explosion du nombre d’internautes dans le monde qui a atteint les 4,54 milliards en 2020, soit une augmentation de 7 % (298 millions de nouveaux utilisateurs) depuis janvier 2019. L’idée couramment avancée selon laquelle le bilan carbone d’un usage régulier du numérique (1 heure de vidéo par jour pendant un an représenterait 48 kg équivalent CO2) serait incomparablement inférieur à celui d’un vol transatlantique aller-retour (3 000 kg équivalent CO2) se révèle par exemple parfaitement spécieuse. D’abord parce que ces deux pratiques, mesurées séparément, s’additionnent dans la réalité. Ensuite et surtout parce que cette façon d’évaluer ne prend en compte que les pratiques individuelles et non leur effet d’agrégation. Or la consommation d’objets issus du numérique – les quelques chiffres cites en témoignent – est un phénomène de masse (il se vend environ chaque année dans le monde 130 millions de smartphones – même si ces chiffres sont en baisse. En 2019 leur nombre a atteint 1,4 milliard, pour 700 millions en 2012) ! Encore ces chiffres nécessitent-ils d’être constamment révisés, notamment en raison de l’essor spectaculaire des usages de la vidéo (le streaming, Skype…) (4), de l’arrivée de la 5G ou encore des perspectives ouvertes par la voiture autonome, les smart city et l’IOT… Avec 1 gigabit de données par seconde (et bientôt 10), la 5G est 100 fois plus rapide que la 4G actuelle. Elle devrait permettre, nous promet-on, de télécharger un film en ultra haute définition en 10 secondes, mais démultiplie d’autant la quantité de données à stocker et conserver (données qui devraient passer de 15 zettaoctets en 2017 à 40 en 2020) (5).

Si le coût unitaire moyen des objets numériques diminue, celui-ci est en fait de plus en plus déconnecté de son coût de revient réel, à savoir celui des ressources en énergie et en intrants matériels (combustibles fossiles, produits chimiques, métaux, terres rares, eau, gaz, etc.) impliques dans la chaîne complète de fabrication (6). Le seul visionnage de vidéos en ligne a génère dans le monde en 2018 une quantité de gaz à effet de serre équivalent a ce qu’émet un pays comme l’Espagne (7). Le développement d’un programme d’apprentissage automatique standard, symbole du ≪ miracle de nouvelle intelligence artificielle ≫ (Machine Learning), produit 284 tonnes d’équivalent CO2 (soit cinq fois ce qu’émet tout le cycle de production-destruction d’une automobile) (8). L’effet rebond, auquel nous nous sommes déjà plusieurs fois référés, s’applique ici plus que jamais. Ce que ces données quantitatives tendent toutefois à occulter est la question existentielle sous-jacente a ce consumérisme compulsif. Si la demande en produits numériques progresse plus vite que les efforts entrepris pour en réduire l’empreinte énergétique, c’est que le rapport au monde productiviste sur lequel elle repose s’est diffusé sur toute la planète. La réduction de l’existence a une succession d’instants déliés les uns des autres a notamment fait de la consommation (l’instant compulsif de l’achat) le geste par lequel l’individu se donne l’illusion d’être présent à lui-même. Tant que la perte de sens n’aura pas été clairement identifiée comme ce qui confère à la consommation cette valeur compensatoire, il y a peu d’espoir que les choses changent en profondeur.

La filiation de l’électrique et du numérique se manifeste enfin au niveau structurel. La logique de branchement propre au macro-système technique se prolonge aujourd’hui dans la toile du grand réseau mondial. L’ère du sans-fil (wifi), ou l’asservissement de l’atmosphère a la circulation de l’information, n’est qu’un leurre de plus au service de la fiction d’une dématérialisation du monde industriel alors même que l’essentiel de l’information transite plus que jamais par des câbles bien physiques, pour être ensuite relayées localement par des antennes relais, et que toute information a pour point de départ une impulsion électrique. Le cyberespace est bien le clone en même temps que le perfectionnement du réseau télégraphique d’hier. 99 % du trafic mondial d’internet, 90 % des appels téléphoniques (9) et l’équivalent de 10 billions de dollars d’opérations financières quotidiennes transitent ainsi par des câbles sous-marins et non par voie satellitaire (déjà très encombrée) (10).

Aux premières lignes télégraphiques terrestres et transatlantiques qui relient les places financières dans l’objectif d’accélérer les transactions (ligne télégraphique reliant la bourse de Paris a celle de Lille en 1849 puis première ligne transatlantique en 1858 (11)) fait aujourd’hui écho le réseau mondial de la City of London Telecommunications (12). Avec déjà 6,4 milliards d’objets connectes dans le monde en 2016 et 20,4 milliards estimes en 2020, une consommation de données mobiles en croissance rapide de 15 exaoctets en 2017 a 107 exaoctets prévus en 2026 (13), le câblage des continents ainsi que la lutte pour le contrôle de ces flux ont de beaux jours devant eux. Actuellement, 430 câbles sous-marins sont déployés sur plus de 550 000 miles soit presque un million de kilomètres (14).

Impérialisme numérique : l’expansion de la logique de branchement

Tout cela suscite des convoitises et déchaîne l’appétit des grands opérateurs du numérique (GAFA, Yahoo, Alibaba, ebay…), les seuls avec les grands États nationaux à pouvoir financer l’installation et l’entretien de tels réseaux. Ils sont aujourd’hui présents dans au moins 22 consortiums d’exploitation des câbles sous-marins (Google est à lui seul présent dans 11 d’entre eux). Le moteur de recherche a investi 30 milliards de dollars (25,7 milliards d’euros) entre 2015 et 2017 dans son infrastructure globale sur laquelle passe 25 % du trafic internet mondial. Le contrôle de ces infrastructures ≪ invisibles ≫ est ainsi devenu l’enjeu de vives tensions internationales. La Federal Communications Commission (FCC) américaine oblige toute entreprise étrangère souhaitant acheter une structure de ce type à mettre en place un ≪ Network Operations Center ≫ sur le sol américain (capables de répondre dans un délai de 30 minutes aux requêtes des autorités) (15). C’est la raison pour laquelle l’entreprise chinoise Huawei a dû renoncer à construire son propre câble entre l’Europe et les États-Unis. Et cela ne fait sans doute que commencer.

Un monde, enfin, pas si global qu’il en a l’air si l’on considère la distribution des flux et des câbles à travers le monde. À l’exception de la zone Asie, la carte des flux d’informations réplique celle des échanges commerciaux depuis la constitution des premiers grands empires coloniaux. En 1913, le Royaume-Uni disposait du plus grand réseau mondial de câbles télégraphiques (à l’image de son empire, avec 330 000 km). Si les États-Unis ont depuis longtemps pris le relais, le déséquilibre avec le continent africain ou sud-américain demeure criant. La nouveauté réside cette fois dans la prise de contrôle progressive des réseaux optiques par les grands opérateurs du numérique (nord-américains et chinois pour l’essentiel) et notamment des zones d’atterrissage. Les datas centers, au nombre de 338 en 2016 constituent désormais les principaux points de chute des câbles sous-marins. Le câble Marea mis en service par Microsoft et Facebook et qui relie Bilbao et Virginia Beach (6 600 km pour 160 térabits) est ainsi considéré comme le plus puissant du monde (16)… Les enjeux nationaux et étatiques ne sont évidemment jamais bien loin et ne font en somme que changer d’apparence. Le projet d’installation de datacenters chinois en Islande montre que le programme des routes de la soie vise à contrôler les flux d’information mondiaux en prenant le contrôle de lieux stratégiques. En plus de raisons géostratégiques, le projet des « routes polaires de la soie » présente un intérêt énergétique évident, celui de bénéficier de conditions climatiques très favorables au refroidissement à moindre coût de ces installations énergivores (17). La guerre de l’information est une lutte à mort pour le contrôle des signes, des choses et des êtres.

Nous savons que l’industrie du numérique consomme pour la fabrication des téléphones portables et des ordinateurs 19 % de la production de métaux rares dans le monde et 33 % de la production de cobalt et que l’exploitation de ces matières premières passe par l’exploitation brutale de centaines de milliers de travailleurs-esclaves par l’industrie minière (18), dont un nombre important d’enfants (cas de la République démocratique du Congo) (19). L’instabilité politique des pays producteurs est entretenue pour assurer la pérennité des affaires dans un contexte de non-droit. Trafic d’armes, corruption et exacerbation des tensions ethniques contribuent ainsi à garantir l’approvisionnement des grands industriels du numérique.

Mais cette prédation est multiforme et les infrastructures numériques servent aussi à dissimuler une division internationale du travail qui laisse de moins en moins d’espace aux luttes sociales. De ce point de vue les fantasmagories de ce début de XXIe siècle ressemblent à s’y méprendre à celles du XIXe finissant évoquée au deuxième chapitre, masquant la brutalité des réalités sociales d’alors comme d’aujourd’hui. La fée électricité devait réenchanter le monde du travail, le nettoyer des souillures de la matière et de l’atmosphère délétère de l’usine. La numérisation propose aujourd’hui de rendre au travailleur l’autonomie perdue en le libérant des oppressions de l’ère industrielle taylorienne-fordiste. Les apôtres de la « transition numérique » ne manquent pas une occasion d’expliquer de quelle manière le numérique libère le travail, en faisant exploser l’enceinte disciplinaire de l’entreprise ainsi que les rapports de subordination qui s’y rattachent. Le travail renouerait par ce biais avec les anciennes vertus du « travail vivant » : autonomie, maîtrise et surtout priorité donnée au sens. Tous auto-entrepreneurs « peer-to-peer », « gagnant-gagnant » sont ses cache-misères et ses mots d’ordre. Mais, de même que la lampe à arc avait surtout permis d’allonger la journée de travail (chapitre premier), ces promesses d’émancipation sont pour la plupart déjà mort-nées. La phase électronumérique d’organisation du travail fait plus vraisemblablement écho à une nouvelle phase d’expansion du capitalisme (20), celle de la marchandisation des relations sociales primaires jusqu’à présent épargnées. Pour André Gorz les technologies numériques, « technologies de la relation et de l’immatériel », devaient revaloriser les activités et les échanges non marchands à l’instar des activités relationnelles d’aide à la personne (21). Mais l’économie des « plateformes » (mot délibérément neutre et anodin qui désigne au sens propre un espace physique de transit des marchandises) reflète plutôt la diffusion de la rationalité techno-industrielle à tous les aspects de la vie sociale. Les relations de solidarité intrafamiliales, les tâches domestiques ou les liens commensaux (22) constituent ainsi le nouvel Eldorado des plateformes de « services ». Celles-ci sous-traitent à une multitude de prestataires-prolétaires dispersés et isolés à l’échelle de la planète une multitude de micro-tâches insignifiantes, en déjouant les règles élémentaires du droit du travail (23). Ce que l’on qualifie par un bel euphémisme de crowdsourcing ( « ressources de la foule ») n’est rien d’autre que la forme prise par cette nouvelle économie de prédation à laquelle l’alliance de l’électrique et du numérique confère une efficacité inégalée.

Écologie numérique : le retour de la fée prodigieuse

La promesse d’une « écologie numérique », autrement dit, l’idée selon laquelle nous pourrions renouer une relation amicale avec la Terre depuis ce qui symbolise au plus haut point son artificialisation, part au fond du même principe que celui d’une réconciliation du capital et du travail par la grâce du numérique. Pour Philippe Monloubou, président d’Enedis, la vraie révolution réside ainsi dans l’architecture et l’organisation des réseaux intelligents (smartgrid). L’internet des objets devrait notamment permettre, via les compteurs Linky par exemple, de relier grands et petits producteurs d’énergie (24), consommateurs et producteurs (on parle à cette occasion de « prosumers », néologisme de producer et consumer), production fossile et non fossile sur la base d’une information distribuée en temps réel et accessible à tous.

Nous passerions ainsi – pour reprendre une terminologie en vogue dans la novlangue managériale – d’une organisation verticale (top down) à une organisation horizontale (bottom up), rhizomique, ou encore personnalisée de l’énergie, supposément plus proche des besoins réels, donc plus efficiente (25). La même logique techno-managériale que celle qui prévaut dans l’économie des plateformes (le prosumer remplaçant ici le « consom’acteur ») se trouve mobilisée ici dans le domaine de l’énergie. Et, surprise, engendre les mêmes effets. Au lieu de la décentralisation-relocalisation promise, d’importants mouvements de concentration ont déjà lieu comme ceux que l’on observe aujourd’hui entre les grands acteurs du monde industriel. La voiture électrique (chapitre 12), bientôt semi-autonome, avec ses batteries rechargeables est, par exemple, déjà pensée et présentée par les constructeurs automobiles comme une unité de production énergétique. Connectées aux réseaux, les batteries seront déchargées aux heures creuses et leur électricité réinjectée sur le réseau afin de compenser les variations de production. Toute cette hypercomplexité débouche très logiquement sur des alliances historiques entre les grands acteurs de l’automobile et ceux de l’énergie (Nissan-Renault/Enedis, ERDF…) (26). Notons toutefois que si l’augmentation capacitaire des réseaux « intelligents » s’inscrit bien dans la logique classique de contrôle et de gestion des flux propre aux macro-systèmes techniques, elle vise d’abord à neutraliser ce qui est pressenti comme un obstacle majeur à leur expansion. Il s’agit, nous explique-t-on, de mieux réguler pour mieux consommer, plus sobrement et plus intelligemment. Mais il s’agit surtout de lisser (joli mot pour dire éliminer) les phénomènes de baisse de tension liés à l’intermittence (du photovoltaïque ou de l’éolien), en jouant en temps réel sur l’ensemble des points du réseau connecté (cela se pratique déjà à l’échelle des grands réseaux mais risque de devenir la norme pour l’ensemble des acteurs). On espère ainsi, d’une part faire entrer les renouvelables dans le régime de prédictibilité propre au capitalisme, d’autre part faire revenir dans l’enclos les brebis égarées, c’est-à-dire les sources de production locales et autonomes qui menaçaient d’en sortir. L’internet des objets, la 5G, les smartgrids et les compteurs Linky interviennent ainsi pour interdire ou retarder des changements d’ordre qualitatifs, énergétiques mais surtout politiques, comme celui qui aboutirait par exemple à libérer le travail des contraintes du productivisme (27). La cible a bien été identifiée : le temps discontinu, reflet des pulsations de la terre et du monde de la vie.

Un autre argument en faveur d’une « écologie numérique » serait de rendre visible (tangible, palpable) l’invisible, à savoir la dépense énergétique et l’énergie elles-mêmes, bref de responsabiliser le consommateur pour en faire un écocitoyen. Les compteurs « communicants » Linky intégrés à l’internet des objets devraient, selon cette hypothèse, non seulement permettre à chacun de visualiser instantanément sa consommation mais également de mettre cette dernière en rapport avec l’état global de la production. « On peut imaginer – commente ainsi Éric Vidalenc –, un voyant vert qui donnerait un signal (voire piloterait directement l’activation, selon des règles prédéfinies par l’utilisateur) lorsque la production d’énergie solaire ou éolienne bat son plein et qu’il est donc pertinent de recharger sa voiture (28)… » L’idée ne manque pas de piquant, lorsque l’on sait tout ce que le régime de surconsommation en produits numériques et électriques doit à l’image d’ « immatérialité » qu’ils véhiculent. Plus surprenante encore est l’idée selon laquelle cette écoréflexivité citoyenne (la possibilité de connaître sa consommation individuelle) générerait presque automatiquement des comportements énergétiques plus sobres et vertueux. Il est bien difficile d’imaginer comment un système technique aussi normatif pourrait inciter les individus à devenir plus autonomes et réceptifs aux intérêts collectifs. Pour reprendre l’analyse de René Riesel et Jaime Semprun, il n’est pas dans ce projet gestionnaire de fabrication de la nature « une manifestation spontanée de la vie qui ne soit ravalée au rang d’objet passif à organiser, […] il faut combattre et supprimer tout ce qui existe de façon autonome, sans les secours de la technologie, et qui ne saurait donc être qu’irrationnel (29) ». La même critique que celle qui vaut pour l’écocitoyen vaut ici pour le sujet de l’écologie numérique. Véritable incarnation du géopouvoir, celui-ci n’est qu’un sujet passif soumis aux solutions des experts géocrates30. Tous ces dispositifs ont finalement pour conséquence de nous enfermer un peu plus dans une normativité propice au déploiement des grands systèmes techniques. En règle générale, lorsqu’elle se coule dans le moule de l’approche systémique, la « pensée » écologique se transforme aussitôt en auxiliaire de la rationalité gestionnaire. La réflexivité attendue de l’écocitoyen, pour de « bonnes pratiques » réellement « vertueuses », n’est en réalité, nous le verrons, que le pendant de l’autocontrôle propre aux systèmes autorégulés de la cybernétique. Elle appelle à perfectionner et à diversifier toujours plus les moyens de contrôle et de monitoring.

Par la grâce de l’intelligence artificielle, du numérique et des réseaux se trouve ainsi renouvelée la promesse que tout pourra continuer comme avant. Le même fantasme d’un usage à volonté de la force survit aux désastres qu’il engendre. L’écologie numérique rejoue la fiction de l’énergie pure et immaculée que jouait au XIXe siècle l’électricité. Elle permet surtout d’éluder la question décisive que nous adressent les énergies naturelles : celle du caractère mortifère de la temporalité secrétée par le monde industriel. Il y a au moins un point avec lequel nous pouvons en apparence tomber d’accord avec les promoteurs du tout numérique : la « révolution numérique » est bien la quatrième révolution industrielle après celle de la vapeur, de l’électricité et de l’automatisation. Mais au sens où elle prolonge, cumule et potentialise les trois précédentes et constitue la dernière étape du processus d’industrialisation amorcé il y a deux siècles. Comment s’extraire de ce cercle vicieux ? Peut-être en convenant que le point à partir duquel nous pouvons imaginer sortir du cercle se trouve sous nos yeux, dans la conscience grandissante de l’enfermement auquel aboutit une puissance technologique indifférente à l’expérience ordinaire comme au besoin de présence des êtres humains.

Notes

1 Tristan Garcia, La Vie intense, Autrement, 2016,
2 Françoise Berthoud et al., « Lean ICT : pour une sobriété numérique », rapport du groupe The Shift Project, octobre 2018
3 Frédéric Bordage (dir.), « Empreinte environnementale du numérique mondial », GreenIT.fr, octobre 2019. Voir aussi : Fabrice Flipo, « La face cachée du numérique », Notes de la FEP, juillet 2020
4 Voir par exemple, « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne », rapport piloté par Maxime Efoui-Hess pour le think tank The Shift Project, juillet 2019.
5 Philippe Bihouix, Le bonheur était pour demain, Seuil, 2019
6 Sacha Loeve. « La Loi de Moore : enquête critique sur l’économie d’une promesse », p. 13, postprint généré par l’auteur. Publié dans le volume collectif : Marc Audétat (dir.), Sciences et technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ?, Paris, Hermann, 2015, p. 91‑113
7 Maxime Efoui-Hess (dir.),
8 Sébastien Broca, « Le numérique carbure au charbon », Le Monde diplomatique, mars 2020
9 Propos recueillis de Jean-Luc Vuillemin, directeur des réseaux internationaux d’Orange, par le journal Le Monde, dossier « Internet, la bataille du réseau », 26 juin 2018
10 30 000 objets de 10 cm et plus (dont 1 400 satellites actifs), auxquels s’ajoutent 750 000 objets de 1 cm et plus, 135 millions de 1 mm ou plus, qui évoluent à très grande vitesse (un objet de 1 cm de diamètre aura la même énergie qu’une berline lancée à 130 km/h environ) et dont 10 à 20 % retombent sur Terre. Source CNES : https://cnes.fr/fr/dossier-debris-spatiaux-ou-en-est
11 Pascal Griset, « Un fil de cuivre entre deux mondes : les premières liaisons télégraphiques transatlantiques », Quaderni, n° 27, 1995, p. 97‑114
12 « L’opérateur de réseau fibre optique Colt – dont le nom vient de City of London Telecommunications – est né pour répondre aux besoins de fiabilité et de temps d’accès hypercourts de la finance londonienne à l’heure du trading haute fréquence. Colt a tissé son propre réseau mondial de 187 000 km de fibre optique, qu’il revend en gros aux opérateurs ou aux entreprises », in « Internet, la bataille du réseau », Le Monde, art. cité
13 Source Gartner, « Internet, la bataille du réseau », Le Monde, art. cité
14 Alexandre Laparra, « Les câbles sous-marins : la guerre invisible de l’information », Geolinks, Observatoire en géostratégie de Lyon, http://www.geolinks.fr/les-cables-sous-marins-la-guerre-invisible-de-linformation/
15 Alexandre Laparra, « Les câbles sous-marins… », art. cité
16 Le groupe français Naval Group (ex DCN, aux activités militaires et civiles) travaille, au large de l’Écosse, à un projet de data centers immergés et encapsulés pouvant contenir jusqu’à 864 serveurs. L’objectif est toujours de raccourcir le temps d’accès aux données… et de se rapprocher des grands centres urbains pour la plupart situés en bord de mer
17 Charlie Osborne, « Does China’s Route to Infrastructure Control Run Through Iceland’s Data Centers ? », 4 juin 2019, Sur la course technologique entre États-Unis et Chine, voir Jean-Michel Valantin, L’Aigle, le Dragon et la Crise planétaire, Paris, Seuil, « Anthropocène », 2020.
18 Guillaume Pitron, La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Les liens qui libèrent, Paris, 2018
19 En décembre 2019, le collectif International Rights Advocates (IRAdvocates) a déposé plainte devant la justice fédérale américaine contre les principaux représentants de l’industrie du numérique. « USA : Apple, Google, Dell, Microsoft et Tesla poursuivis pour exploitation d’enfants dans les mines de cobalt de la RD Congo », 16 décembre 2019
20 Voir par exemple sur ce thème, Branko Milanovic, Capitalism, Alone, Harvard University Press, 2019
21 André Gorz, L’Immatériel, Paris, Galilée, 2003
22 Blablacar est par exemple une forme de marchandisation de l’auto-stop. Voir Dominique Desjeux et Philippe Moati (dir.), Consommations émergentes. La fin d’une société de consommation ?, Lormont, Le Bord de l’eau, « Mondes marchands », 2016.
23 Antonio Casilli, « De la classe virtuelle aux ouvriers du clic. La servicialisation du travail à l’heure des plateformes numériques », Esprit, n° 454, mai 2019, p. 79‑89 et En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil, 2018. Pour une synthèse des principaux travaux réalisés depuis une dizaine d’années sur l’envers de la nouvelle économie, voir Sarah Abdenour et Dominique Méda, Les Nouveaux Travailleurs des applis, PUF, Paris, 2019.
24 Ils seraient de l’ordre de 400 000 aujourd’hui en France.
25 Philippe Malabou, propos recueillis lors de l’émission « L’ubérisation de l’énergie », LCP, 15 septembre 2019.
26 Ces rapprochements ont été précédés, dans le domaine des industries de l’informatique, par le consortium industriel GreenGrid. Imaginé en 2006, entre autres par Dell, Hewlett Packard et IBM, pour mettre en place un programme de « verdissement » des réseaux informatiques, sa création officielle remonte à 2015. Il rassemble aujourd’hui plus de 500 grands acteurs du domaine.
27 Sur cet aspect de la question, voir Gérard Dubey et Pierre de Jouvancourt, Mauvais temps. Anthropocène et numérisation du monde, Paris, Éditions Dehors, 2018.
28 Éric Vidalenc, Pour une écologie numérique, Paris, Les petits matins/Institut Veblen, 2019, p. 99. Des thèses semblables sont naturellement développées par Jeremy Rifkin.
29 René Riesel et Jaime Semprun, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, L’encyclopédie des nuisances, 2008, p. 70
30 « C’est un être branché sur des flux de services écosystémiques que lui prodiguent les différents compartiments du système terre », in C. Bonneuil et J.-B. Fressoz, L’Événement Anthropocène, op. cit., p. 112.
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15 mai 2021 6 15 /05 /mai /2021 09:34

S’attaquer aux émissions de méthane (CH4), puissant gaz à effet de serre, serait la manière la plus simple et rapide d’enrayer le réchauffement climatique, selon un rapport scientifique de la Coalition pour le climat et l’air pur et du programme des Nations unies pour l’environnement (Unep). Une réduction de 45 % des émissions mondiales de méthane serait possible d’ici 2030, et permettrait d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris. En outre, cette réduction aurait des effets bénéfiques sur la santé humaine et les rendements agricoles. D’après la Coalition pour le climat et l’air pur, Reporterre et Vert.eco, mai 2021. Lire aussi Le méthane croit de manière alarmante dans l’atmosphère et Les puits d’hydrocarbures abandonnés sont une bombe à retardement pour le climat.

Le secteur des énergies fossiles est responsable de 35 % des émissions de méthane, mais il a le meilleur potentiel de réduction d’ici 2030 (photo CCAC)

Le secteur des énergies fossiles est responsable de 35 % des émissions de méthane, mais il a le meilleur potentiel de réduction d’ici 2030 (photo CCAC)

Moins connu du grand public que le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) est pourtant un gaz à effet de serre 86% plus puissant au cours des vingt premières années passées dans l’atmosphère. Sur un horizon de cent ans, il a un pouvoir de réchauffement de 25 à 30 fois plus important que le CO2.

Une étude publiée le 15 juillet 2020 par le Global Carbon Projet (GCP) indiquait que les concentrations de méthane dans l’atmosphère atteignent désormais 1 875 parties par milliard, un taux inégalé depuis au moins 800 000 ans.

Emissions de méthane en 2017

Emissions de méthane en 2017

Pour mieux observer et connaître le méthane, la Coalition pour le climat et l’air pur, qui regroupe notamment des gouvernements, des ONG et des scientifiques et le programme des Nations unies pour l’environnement (Unep) ont réalisé en commun un rapport, publié jeudi 5 mai 2021.

Leur conclusion est étonnamment optimiste : Au moins 60 % des rejets de méthane dans l’atmosphère seraient d’origine anthropique, tandis que 40 % seraient des rejets naturels. Les émissions de méthane créées par les activités humaines pourraient être réduites de 45 % en dix ans, permettant ainsi le respect de l’Accord de Paris sur le climat. Et cette réduction n’aurait pas que des effets bénéfiques sur le climat : elle en aurait aussi sur la santé humaine et les rendements agricoles.

Éviter 0,3 °C du réchauffement climatique global d’ici 2045

Commençons par le climat. Le rapport indique que les émissions anthropiques de méthane sont causées par les énergies fossiles (l’extraction, la transformation et la distribution du pétrole et du gaz à 23 % ; les mines de charbon à 12 %), la décomposition des déchets organiques (selon l’Ademe, en 2017, 21 % des émissions françaises de méthane ont été produites par les décharges hexagonales) et l’agriculture (l’élevage à 32 % et la riziculture à 8 %).

Les auteurs proposent plusieurs solutions pour changer la situation.

Rapport « Global methane assessment : benefits and costs of mitigating methane emissions »

Rapport « Global methane assessment : benefits and costs of mitigating methane emissions »

Lire le rapport « Global methane assessment : benefits and costs of mitigating methane emissions »

Pour le secteur des énergies fossiles, ils mettent en avant la détection des fuites de méthane (c’est un gaz incolore et inodore), via des mesures satellites par exemple, et la réparation des installations industrielles concernées. Pour les autres secteurs, ils recommandent de séparer les déchets organiques des autres, afin qu’ils ne finissent pas dans les décharges, et suggèrent de changer l’alimentation du bétail dans les élevages. D’autres propositions « indirectes » sont évoquées, comme la réduction de la consommation de viande et le développement des énergies renouvelables.

D’après cette nouvelle étude, « environ 60 % » des mesures ciblées de réduction des émissions des méthane ont des « coûts d’atténuation faibles » et « un peu plus de 50 % d’entre elles ont des coûts négatifs – les mesures se rentabilisant rapidement en économisant de l’argent ».

« Réduire les émissions de méthane est le plus fort levier que nous ayons pour ralentir le changement climatique au cours des vingt-cinq prochaines années, et complète les efforts nécessaires pour réduire les émissions de CO2, affirme dans un communiqué de presse Inger Andersen, la directrice exécutive de l’Unep. Les bénéfices pour la société, l’économie et l’environnement sont nombreux et dépassent de loin le coût. »

En tout, le CCAP et l’Unep estiment que les émissions de méthane pourraient être réduites de 45 % en dix ans, et permettraient d’éviter presque 0,3 °C du réchauffement climatique global d’ici 2045. C’est un des points positifs du méthane : même s’il possède un fort effet de réchauffement, il a une courte durée de vie dans l’atmosphère (une dizaine d’années, contre une centaine d’années pour le CO2).

Des morts prématurées et des pertes agricoles

Pour la première fois, ce rapport ne se contente pas de faire le lien entre émissions de méthane et climat. Il évoque également les effets de ce gaz sur la santé humaine et les rendements agricoles.

Selon Marielle Saunois, enseignante-chercheuse au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) : « Le méthane a une durée de vie d’une dizaine d’années, car il est détruit par réaction photochimique dans l’atmosphère. Cette oxydation du méthane va produire de l’ozone, qui a un effet néfaste sur la santé car c’est un oxydant. Il est responsable d’irritations, de problèmes d’asthme, etc. ». Ainsi, le rapport estime qu’une réduction de 45 % des émissions de méthane permettrait d’éviter 260 000 morts prématurées dans le monde et 775 000 visites à l’hôpital pour des problèmes d’asthme.

Quant aux rendements agricoles, « des quantités trop importantes d’ozone altèrent aussi le feuillage de certaines cultures, ce qui entraîne une diminution du rendement agricole ». Le rapport indique que la réduction des émissions de méthane permettraient d’éviter la perte de 25 millions de tonnes de récoltes agricoles par an.

« Cette étude permet de mettre en évidence le cumul d’effets positifs qu’aurait une réduction massive des émissions de méthane, pas seulement sur le climat, conclue Marielle Saunois. Cela peut toucher plus de monde et avoir plus d’impact politique et économique. »

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5 mai 2021 3 05 /05 /mai /2021 16:16

Nouvel article pour exposer les propositions des écologistes pour les élections régionales des 20 et 27 juin.  Nous serons également présents physiquement  sur le marché Bio le vendredi après-midi, et le marché dimanche matin. Vous voulez en savoir plus ? Rendez-vous sur http://idfecologie.fr/.

Elections régionales : Nourrir l'Île-de-France
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4 mai 2021 2 04 /05 /mai /2021 09:09

Le rapport du Réseau international pour l’élimination des polluants constate que les rejets de l’homme impactent l’ensemble de la vie océanique, végétaux et faune marine, du plancton aux oiseaux. D’après le Réseau International pour l'élimination des Polluants Organiques Persistants IPEN et Martine Valo pour Le Monde le 27 avril 2021. Lire aussi Pour un observatoire de nos paysages sous-marins, Les microplastiques sont omniprésents dans les grands fleuves européens comme dans les océansLe réchauffement des océans accélère et La pollution chimique gagne les abysses.

Polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, rapport de l'IPEN, mai 2021, disponible ci-dessous.

Polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, rapport de l'IPEN, mai 2021, disponible ci-dessous.

Le diagnostic se précise sur les maux dont souffre le monde aquatique. Pas ceux de demain, que le réchauffement climatique va rendre de plus en plus aigus, mais ceux d’aujourd’hui, directement liés à ce que les humains déversent dans l’eau depuis des décennies. Engrais, pesticides, métaux lourds, hydrocarbures, résidus de médicaments, milliers de tonnes de crème solaire et plastique sous toutes ses formes, sans compter les sédiments chargés de divers produits chimiques y juxtaposent ou synthétisent leurs effets délétères. Ils entraînent des anomalies de développement, des pertes de réponse immunitaire et une baisse de la fertilité chez les espèces aquatiques. Exposés à de nombreux perturbateurs endocriniens (PE), privés de leurs frayères et de leurs nourriceries détériorées, la faune et les végétaux pâtissent des déséquilibres qui menacent des chaînes alimentaires entières, du plancton jusqu’aux oiseaux marins.

Mises bout à bout, les publications scientifiques qui rendent compte de l’irrémédiable dégradation des écosystèmes marins et d’eau douce composent un tableau consternant. Plus de deux cents de ces études sont résumées dans un rapport sur les Polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, publié mardi 27 avril. Ce recensement a été réalisé pour le Réseau international pour l’élimination des polluants (IPEN), qui regroupe plus de 600 ONG dans plus de 120 pays, avec l’organisation australienne pour un avenir sans toxiques (National Toxics Network, NTN).

La surexploitation reprochée à la pêche ne constitue qu’une partie du problème de l’affaiblissement des ressources halieutiques. « En réalité, l’ensemble du réseau alimentaire aquatique a été sérieusement compromis, avec de moins en moins de poissons au sommet, des pertes d’invertébrés dans les sédiments et dans la colonne d’eau, moins d’algues marines, coraux, et d’autres habitats sains, ainsi qu’une prolifération de bactéries et des apparitions d’algues toxiques », déclare Matt Landos (Sciences vétérinaires, Université de Sydney), l’un des auteurs de ce rapport avec Mariann Lloyd-Smith et Joanna Immig (NTN) .

Les Polluants aquatiques dans les océans et les pêcheries, rapport de l'IPEN, mai2021.

Changement de comportement des animaux dénutris

Comme les bars de Virginie et certains gastropodes marins d’Australie, nombre de poissons, grenouilles, reptiles, mollusques ne se reproduisent plus, car ils ont développé des caractéristiques sexuelles à la fois masculines et féminines. L’arthropode Gammarus pulex, exposé à de faibles doses d’un néonicotinoïde, voit ses déplacements entravés et en meurt… de faim. D’autres animaux ne trouvent plus à s’alimenter faute de larves d’insectes qui ont disparu, tandis que les huîtres, moules, concombres de mer, crabes, homards sont dénutris à force d’ingérer des microplastiques. Sous l’effet de pesticides organophosphorés, le flet, un poisson plat, échoue dans sa métamorphose, ce qui le prive d’yeux.

La taille n’est pas en jeu : phoques, otaries, ours polaires, tortues caouannes souffrent d’une moindre résistance aux infections compte tenu de leurs expositions chimiques. Les biologistes ont aussi constaté que le développement cardiaque des larves de thon et du martin-pêcheur est affecté par des hydrocarbures provenant de déversements pétroliers. D’autres espèces changent de comportement sous l’effet des perturbateurs endocriniens (PE). Tous ces phénomènes « altèrent la capacité de survie d’un animal et affectent à leur tour la dynamique des populations », notent les rapporteurs.

Plus de 690 espèces marines pâtissent du plastique

Ces derniers soulignent qu’il existe aujourd’hui de 100 000 à 350 000 produits chimiques disponibles dans le commerce. Une fois qu’ils sont arrivés dans l’océan par le biais des rivières, des pluies, des pulvérisations aériennes, des ruissellements ou des poussières d’industrie minière, les insecticides, par exemple, ne déciment pas que les abeilles. Pyréthroïdes et néonicotinoïdes s’avèrent également toxiques pour les écrevisses, escargots, vers et insectes aquatiques, ainsi que divers crustacés, et même pour le zooplancton, y compris à de très faibles doses. Or, l’océan ne connaît pas de frontière. L’endolsulfan – un insecticide polluant organique persistant utilisé dans la culture du coton désormais banni –, a été retrouvé, par exemple, dans 40 % d’un échantillon de krill de l’océan Austral.

Masques et plastiques

L’industrie a sa part. Très répandus bien qu’interdits dans de nombreux pays, les polychlorobiphényles (PCB), qui figurent parmi les PE les plus toxiques, continuent de contaminer les lointains milieux polaires : leurs concentrations et celles de leurs métabolites augmentent dans certains poissons d’Antarctique. On en a trouvé dans le corps d’amphipodes vivant à plus de dix kilomètres sous la surface de l’océan. Ces contaminations peuvent toucher plusieurs générations d’animaux. Une équipe néerlandaise l’a constaté avec la difficile survie de descendants de poissons zèbres (Danio rerio) à la suite d’une exposition au PFOS (un composé perfluoré aux très nombreux usages).

La généralisation du plastique est, elle, largement documentée. On recense plus de 690 espèces marines qui en pâtissent : zooplancton, bernaches, bivalves, crustacés, poissons, mammifères et oiseaux marins… Une étude a, par exemple, conclu que tous les échantillons de poissons d’eau profonde de la mer de Chine méridionale étaient contaminés par des microplastiques. Et la pandémie de Covid-19 aggrave encore la situation, en raison notamment de la pollution générée par l’usage intensif de masques de protection.

Les particules de plastique peuvent fixer dans leurs périples toutes sortes d’autres contaminants, comme les PCB et le DDT (pour dichloro-diphényl-trichloro-éthane, un pesticide). Produits chimiques toxiques et métaux peuvent par ailleurs s’amplifier à mesure qu’ils remontent dans la chaîne alimentaire, pour atteindre, finalement, des concentrations très élevées chez les grands prédateurs : requins, flétans, thons. Quant à l’aquaculture, elle va devoir évoluer pour répondre aux besoins croissants de l’appétit des humains. Et cesser de se développer dans des eaux déjà polluées, sous peine d’affronter des maladies à répétition comme celles qui frappent déjà les élevages intensifs de crevettes.

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3 mai 2021 1 03 /05 /mai /2021 15:36

Les banques et investisseurs s’entêtent à prêter massivement à l’une des industries les plus sévèrement frappées par la crise, et les plus nocives pour les populations, l’environnement et le climat : les pétrole et gaz de schiste nord-américains. Laisser les banques créer de la monnaie, c’est ne pas contrôler les finalités des investissements, affirme Jérôme Gleizes dans cette tribune publiée dans Politis le 29 avril 2021. Lire aussi « La place financière de Paris au fond du puits », le rapport des Amis de la Terre France et de Reclaim Finance publié le 11 mai 2020, à télécharger ci-dessous. Lire aussi Qu'est-ce qu'on attend pour remettre la finance à sa place ?  Paradis fiscaux et destruction environnementale : une étude montre l’ampleur des flux financiers et La Société générale exporte des gaz de schiste des États-Unis vers l’Europe.

Vers une épargne verte contre l’investissement des banques dans les pétroles et gaz de schistes

Au conseil de Paris d’avril, les écologistes ont fait adopter la création d’un dispositif de financement participatif vert et citoyen au bénéfice de la transition écologique. Comment utiliser l’épargne des classes populaires pour financer des projets de transition ? L’épargne n’est ni capitaliste ni anticapitaliste. Aristote fut l’un des premiers à décrire les échanges avec la chrématistique. La monnaie mesure uniquement la valeur des marchandises. Elle n’est que l’instrument de leur circulation et ne crée aucune valeur. Aristote fait la différence entre la valeur d’usage, celle qui détermine l’intérêt de posséder une marchandise et la valeur d’échange, celle qui détermine la capacité à échanger une marchandise contre une autre. Une épargne permet de créer des valeurs d’usage écologiste ou non. Mais elle peut être nécessaire comme avance en capital pour créer des valeurs d’usage futur, pour financer un investissement. Des panneaux photovoltaïques doivent être achetés avant de produire de l’électricité solaire. Il y a toujours un délai entre le moment du financement et le temps de la production.

L’alternative au financement par l’épargne est celui de la création monétaire, par les prêts des banques. Avec des taux aujourd’hui négatifs sur les marchés monétaires, cela pourrait se révéler pertinent. Keynes s’opposait au principe de l’école néoclassique de l’épargne préalable pour financer l’investissement. Il pensait au contraire que l’investissement devait être financé par la création monétaire, car il allait engendrer des revenus futurs permettant de générer une épargne ex-post pour rembourser l’emprunt initial.

Mais l’époque de Keynes était celle de la croissance sans crise écologique. Il faut aujourd’hui passer à la post-croissance et à de l’investissement qualitatif. Keynes défendait également l’équation de Cambridge, qui montre qu’il y a une équivalence entre le PIB en valeur et la quantité de monnaie multipliée par la vitesse de circulation de celle-ci. En effet, un euro qui circule dans une économie permet de réaliser une opération, comptabilisée dans le PIB. Ce même euro permet de réaliser plusieurs opérations économiques. Sur une année, cet euro achète plus ou moins rapidement selon la vitesse de transaction v, qui dépend des habitudes de paiement (liquide, chèques, carte bleue…). v est stable à court terme. Donc, pour avoir de la croissance, la hausse du PIB, il faut également une hausse de la monnaie en circulation, ou plus exactement avoir plus de création monétaire (nouveaux prêts) que de destruction monétaire (remboursement de prêts). Laisser les banques créer de la monnaie, c’est ne pas contrôler les finalités des investissements, or les banques sont accusées d'écocide [lire ci-dessous]. Donc on n’agit pas sur la crise.

Jérôme Gleizes, Enseignant à Paris-8.

« La place financière de Paris au fond du puits », rapport des Amis de la Terre France et de Reclaim Finance publié le 11 mai 2020.

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30 avril 2021 5 30 /04 /avril /2021 13:57

Nous commençons sur ce blog une série d'articles pour exposer les propositions des écologistes pour les élections régionales des 20 et 27 juin.  Nous serons également présents physiquement  sur le marché Bio le vendredi après-midi, et le marché dimanche matin. Vous voulez en savoir plus ? Rendez-vous sur http://idfecologie.fr/.

Elections régionales : un plan de santé pour l'Île-de-France
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15 avril 2021 4 15 /04 /avril /2021 17:51

Alors que la majorité et la gauche se divisent sur le nucléaire, la droite et l’extrême droite affichent leur soutien à la filière en vue de la présidentielle de 2022. Commandé par le gouvernement, un rapport conjoint de RTE et l’Agence internationale de l’énergie démontre qu’un mix électrique basé à 100 % sur le solaire, l’éolien et l’hydraulique, par exemple, est techniquement possible. D’après l’Agence Internationale de l’Energie, RTE et Lucas Martin-Brodzicki pour l’Humanité le 27 janvier 2021. Lire aussi La transition énergétique troublée par le Covid-19, L’accord qui protège les pollueursPourquoi ne pas investir dans des usines photovoltaïques plutôt que dans de nouveaux EPR ? et Votre fournisseur d’électricité est-il vraiment vert ?

Couverture du rapport AEI-RTE sur les énergies renouvelables paru le 27 janvier 2021

Couverture du rapport AEI-RTE sur les énergies renouvelables paru le 27 janvier 2021

Mercredi 27 janvier, à midi, 62 % de l’électricité consommée en France l’était grâce à l’atome. L’hydraulique et ses barrages arrivaient en deuxième position, avec 17 %. Quant à l’éolien et au solaire, ils n’atteignaient même pas 10 % à eux deux. Pourtant, ces deux énergies renouvelables devraient produire d’ici à 2050 une grande partie de l’électricité française. C’est du moins techniquement possible, selon un rapport de RTE et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) présenté mercredi.

Commandés fin 2019 par le ministère de la Transition écologique, ces travaux étaient très attendus. Car le débat sur l’avenir du mix électrique français fait rage. Aujourd’hui, le nucléaire en représente environ 70 %. Mais les centrales vieillissent. Certains réacteurs sont mis définitivement à l’arrêt, comme à Fessenheim en 2020, après quarante-­trois ans de service.

Le défi d’un nouvel équilibre

Selon les conclusions de RTE et de l’AIE, un système électrique à forte part d’énergies renouvelables à horizon 2050 est faisable, mais à de multiples conditions techniques et industrielles. Et plus la proportion sera importante, voire intégrale, « plus ces défis d’industrialisation seront grands », prévient Xavier Piechaczyk, le président de RTE. La principale difficulté concerne la gestion de la variabilité, surtout à l’échelle d’un pays entier. Contrairement au nucléaire, le solaire et l’éolien sont des énergies intermittentes. En clair, sans soleil et sans vent, pas d’électricité. Mais, tout comme le nucléaire, elles sont aussi des énergies « décarbonées » : elles ne rejettent pas de CO2 dans l’atmosphère lors de la production. Il va donc falloir trouver un nouvel équilibre entre toutes ces sources d’électricité. Libre aux prochains gouvernements de prendre leurs responsabilités politiques.

Synthèse du rapport Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050

« L’AIE est plutôt conservatrice sur les questions énergétiques. Ce rapport va donc dans le bon sens. Il vient contrarier un peu plus la position française, pour qui la seule solution pour un mix électrique bas carbone, c’est le nucléaire », analyse Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique chez Greenpeace France. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs assumé lors d’un discours au Creusot, en décembre 2020 : « Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire. »

Le besoin d’un débat démocratique

Le sujet fait l’objet d’intenses discussions chez les spécialistes. Chaque rapport – d’autres doivent suivre cette année – permet d’apporter de nouvelles cartouches aux argumentaires. Celui-ci constituerait même « un moment copernicien pour le monde de l’énergie », selon la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

« Quel mix électrique veut-on ? Pour quels coûts, quelle faisabilité industrielle et écologique ? Ce qu’on demande au gouvernement, c’est un vrai débat démocratique sur ces questions », relance Nicolas Nace. Pour Greenpeace, le nucléaire est loin d’être la voie royale. Au-delà des dangers liés à la prolongation de centrales vieillissantes et du stockage des déchets radioactifs, l’ONG pointe depuis quelques années le coût économique de cette technologie. Le fiasco de l’EPR de Flamanville, objet de multiples retards et surcoûts, est régulièrement cité, alors que le gouvernement a remis au prochain quinquennat la décision de construire ou non de nouveaux EPR.

Mais la transition énergétique vers les énergies vertes n’est pas un long fleuve tranquille. La France accuse un certain retard par rapport à ses objectifs, selon le baromètre 2020 de l’Observatoire des énergies renouvelables. Sur le développement de l’éolien en mer notamment, le pays est à la traîne. Dans le sud, les projets de fermes photo­voltaïques se font au détriment de tout bon sens écologique, entraînant parfois la déforestation de centaines d’hectares de forêt. Surtout lorsqu’ils sont aux mains d’acteurs privés, pour qui le déploiement des énergies renouvelables est une source de profit comme une autre.

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10 avril 2021 6 10 /04 /avril /2021 09:52

Les ammonitrates, engrais moins émissifs en ammoniac, produits dans des usines classées Sevezo et stockées dans les exploitations agricoles, sont le maillon faible de la politique de prévention des risques industriels. D'après Stéphane Mandard le 8 avril 2021 pour Le Monde. Lire aussi Les engrais azotés empoisonnent l'eau et l'airLa loi « aussi vite que possible » (ASAP) continue à démanteler le droit de l’environnement et La bataille de l’ammoniac.

Le port de Beyrouth après l'explosion du stock de 2 750 tonnes d'ammonitrates.

Le port de Beyrouth après l'explosion du stock de 2 750 tonnes d'ammonitrates.

« C’est le choix qui s’impose à tous les agriculteurs soucieux à la fois de leur rendement et de l’environnement. » Ce « choix », vanté par Yara, leader mondial des fabricants d’engrais, ce sont les ammonitrates. Moins émissifs en ammoniac que les autres types d’engrais azoté de synthèse (urée et solution azotée), certes, mais beaucoup plus dangereux, en raison de leur potentiel explosif. Les Libanais sont encore sous le choc de l’explosion du stock de 2 750 tonnes entreposé dans le port de Beyrouth, qui a ravagé la ville et tué plus de 200 personnes, le 4 août 2020. Et les Toulousains n’ont pas oublié AZF et ses 31 morts, le 21 septembre 2001.

La France est le premier consommateur d’ammonitrates (également appelés nitrates d’ammonium) en Europe et le deuxième à l’échelle de la planète. Le géant norvégien Yara possède trois sites de production en France, tous classés Seveso seuil haut : au Havre (Seine-Maritime), à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) et à Ambès (Gironde).

Depuis dix ans, l’usine de Montoir-de-Bretagne fait l’objet d’arrêtés préfectoraux de mise en demeure pour des rejets excessifs de poussières dans l’air et d’azote dans l’eau. La dernière remonte à juin 2020. Le site d’Ambès, à une trentaine de kilomètres de Bordeaux, est aussi visé par plusieurs mises en demeure : celle du 18 décembre 2020 reproche notamment à l’exploitant de n’avoir réalisé « aucune surveillance » des rejets de polluants atmosphériques depuis 2018.

Grandpuits, Petit-Mesnil, Mont-Cauvaire…

A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), excédés par les émanations d’ammoniac, les riverains de l’usine Timac Agro, filiale du groupe Roullier (cinq sites en France), et des associations écologiques ont saisi la justice fin mai 2020. A Mazingarbe (Pas-de-Calais), ce sont les salariés qui se relaient pour surveiller l’immense cuve remplie de 750 tonnes d’ammoniac depuis que le patron, le groupe espagnol Maxam, a abandonné le site après la mise en liquidation judiciaire en janvier. A Grandpuits (Seine-et-Marne), la fuite d’ammoniac survenue le 6 octobre 2020 sur l’un des deux sites de production de nitrate d’ammonium de Borealis (maison mère de GPN, l’ex-AZF), tout proche de la raffinerie Total, est l’objet du premier rapport, publié mi-mars, du tout nouveau Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels (BEA-RI).

Le BEA-RI a été créé en décembre 2020 par le ministère de la transition écologique après l’incendie de Lubrizol. Cinq jours après l’accident, la mise à l’arrêt du deuxième site de Borealis, dans la zone portuaire de Rouen, après un problème de transformateur, avait fait craindre aux habitants un scénario à la AZF. Parmi les huit enquêtes ouvertes par le BEA-RI depuis sa création, une autre concerne les ammonitrates : l’incendie survenu le 3 décembre 2020 dans un élevage bovin à Petit-Mesnil (Aube). Environ 120 tonnes d’engrais étaient stockées près du hangar parti en fumée.

Plus récemment, le 21 mars, il a fallu près de 80 pompiers pour maîtriser un incendie dans un bâtiment agricole à Mont-Cauvaire, à 20 km de Rouen. Près de 40 tonnes d’engrais à base d’ammonitrates étaient entreposées juste à côté. Elles ont fondu sans exploser. « Il est déplorable qu’après Beyrouth il ne soit pas interdit aux agriculteurs de stocker du nitrate d’ammonium dans des bâtiments contenant des matières combustibles et inflammables, comme du foin, ou dans des bâtiments attenants », estime Jacky Bonnemains, de l’association Robin des bois.

Des exploitations non surveillées

Selon les estimations du ministère de l’écologie, entre un et dix incendies se déclareraient chaque année sur des sites de stockage d’ammonitrate, majoritairement dans des exploitations agricoles. Ces dernières sont le principal maillon faible de la politique de prévention des risques industriels. La plupart entreposent moins de 250 tonnes d’ammonitrates et échappent à toute surveillance. Seuls les sites stockant plus de 500 tonnes – ils sont 250 selon le ministère de l’écologie, dont près de 200 dépassant les 1 250 tonnes de stock – sont soumis à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement et donc sujets à d’éventuelles inspections.

Après le drame de Beyrouth, les ministères de l’écologie et de l’environnement ont missionné leurs services pour évaluer les contrôles de flux d’ammonitrates (60 % sont importés) dans les ports français, y compris fluviaux, comme celui de Saint-Malo, où transiteraient chaque année entre 40 000 et 60 000 tonnes de nitrate d’ammonium. Un rapport doit être remis ce printemps. Mais il fera l’impasse sur un autre maillon faible, le transport routier et ferroviaire, ainsi que sur les sites de production et les exploitations agricoles.

« Au même titre que les ports, les exploitations agricoles et les sites de production sont très dangereux. Or, la France minimise le danger, regrette Paul Poulain, président du Groupement des entreprises d’études en sécurité et prévention contre les risques d’incendie. Aux Etats-Unis, tous les stockages de plus de 1 000 pounds [454 kg] sont équipés de systèmes d’extinction automatique. »

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9 avril 2021 5 09 /04 /avril /2021 14:51

Nocifs dans l'eau, les fertilisants chimiques sont aussi responsables de pics de pollution atmosphérique et émettent des gaz à effet de serre. L’instauration d’une redevance a peu de chance d'aboutir à l’Assemblée nationale. D'après Stéphane Mandard le 8 avril 2021 pour Le Monde. Lire aussi La pollution de l’air est un « facteur aggravant » des impacts du Covid­19, Les engrais azotés sont un poisonLe cadmium, ce " tueur " caché dans les engrais et La bataille de l’ammoniac.

Engrais composés conditionnés en gros sacs de 600 kg. Photo Cjp24 CC BY-SA 3.0

Engrais composés conditionnés en gros sacs de 600 kg. Photo Cjp24 CC BY-SA 3.0

Le tracteur déploie ses immenses bras mécaniques, et commence à pulvériser le champ de colza, puis l’orge, puis le blé. « Allez, c’est parti ! », lance David Forge, au volant de son engin, 145 chevaux sous le capot et flambant rouge comme la combinaison de l’agriculteur. C’est parti… pour « la grande saison des engrais azotés », indique la vidéo, publiée le 2 mars. David Forge est un jeune agriculteur souriant qui a repris l’exploitation familiale (168 hectares) en Indre-et-Loire et lancé sa « chaîne agricole » sur YouTube (108 000 abonnés).

« Les cultures se réveillent » et vont avoir « beaucoup besoin » d’engrais azotés pour se développer, explique, très pédagogue, le céréalier. Sous un hangar, 20 000 litres sont stockés sous forme liquide (solution azotée) dans une vielle cuve en acier et le reste dans une poche XXL. Aujourd’hui, David Forge a programmé son pulvérisateur sur 3 200 litres, soit près de 4 tonnes de chargement. Il y aura deux ou trois autres « apports » en fonction des cultures.

Chaque année, de mi-février à avril, les épandages de fertilisants (engrais chimiques mais aussi lisiers) battent leur plein dans la ferme France. Et ce que ne précise pas la vidéo, c’est que l’azote qui n’est pas absorbé par les plantes est à la source d’une pollution polymorphe. Sous trois formes principales. La première est dénoncée depuis longtemps : les nitrates, qui contaminent les eaux, à l’origine des algues vertes dans la Manche et sur le littoral  atlantique. Les deux autres sont beaucoup moins connues, mais tout aussi dangereuses : le protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2), et l’ammoniac, à l’origine notamment de pics de pollution de l’air au printemps.

Une menace planétaire. Environ 130 millions de tonnes d’azote sont produites chaque année dans le monde sous forme d’engrais. La moitié seulement est absorbée par les plantes. « Les retombées de la pollution par l’azote sont considérées comme l’une des plus grandes externalités globales auxquelles le monde est confronté, impactant l’air, l’eau, les sols et la santé humaine », souligne la Banque mondiale dans un rapport publié en septembre 2019.

« Une bombe climatique et sanitaire », alerte Claude Aubert. Ingénieur agronome, pionnier de l’agriculture biologique, il vient de publier Les Apprentis sorciers de l’azote (Terre vivante, 144 pages, 15 euros). Le père des apprentis sorciers s’appelle Fritz Haber. En 1909, le chimiste allemand, associé à l’industriel Carl Bosch, synthétise l’ammoniac, matière première de tous les engrais chimiques : ammonitrates (qui ont explosé dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020), solution azotée (utilisée dans les champs de David Forge), urée…

« Un poison mortel pour l’environnement et pour l’humain »

« L’invention la plus importante de l’histoire de l’agriculture », pour Claude Aubert. En améliorant de façon spectaculaire les rendements, elle a permis de nourrir une planète en pleine explosion démographique après la seconde guerre mondiale. Elle a bouleversé profondément le modèle agricole en précipitant l’avènement de la monoculture et de l’élevage intensif : 80 % de l’azote sert à la production de nourriture pour l’élevage.

« Des transformations qui ont fait d’un élément vital, l’azote, un poison pour l’environnement et pour l’humain », affirme l’agronome, signataire, avec une vingtaine d’autres agronomes et une cinquantaine d’agriculteurs, d’une tribune dans Le Monde appelant à rompre avec l’addiction aux engrais de synthèse.

Depuis 1960, leur consommation a été multipliée par neuf dans le monde. En Europe, la France est le plus gros consommateur (2,3 millions de tonnes par an) avec l’Allemagne. Entre 2007 et 2018, la quantité d’azote apportée par hectare est passée de 81,6 kg à 86,9 kg. Corollaire, avec près de 700 000 tonnes par an, la France est aussi le plus gros émetteur d’ammoniac.

Dans son dernier rapport sur la pollution de l’air, publié en janvier, la Commission européenne s’inquiète de la relative stagnation des émissions d’ammoniac, issues à plus de 90 % de l’agriculture (fertilisants et élevage). En France, les émissions des principaux polluants issus des autres secteurs (industriel, transports, résidentiel) ont tous chuté depuis 2000 : 80 % pour le dioxyde de soufre (SO2), 56 % pour les oxydes d’azote (NOx), 60 % pour les particules fines (PM2,5). Tous sauf pour l’ammoniac qui n’a baissé que de 8 %.

L’ammoniac est l’angle mort des politiques communautaires. Les objectifs de réduction fixés aux Etats sont faibles : la France doit réduire ses émissions de seulement 14 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005 quand il lui est assigné d’atteindre – 77 % pour le SO2, – 69 % pour les NOx ou – 57 % pour les PM2,5. Et même peu ambitieux, cet objectif semble hors de portée : les émissions n’ont baissé que de 2 % depuis 2005. De l’aveu même de l’Union des industries de la fertilisation, « si les pratiques d’épandages actuelles perdurent (…), les émissions d’ammoniac augmenteraient de 2,4 % ».

L’enjeu sanitaire est pourtant important. En se combinant avec les NOx issus du trafic routier ou le S02 de l’industrie, l’ammoniac contribue à la formation des particules fines, les plus dangereuses pour la santé car elles pénètrent profondément l’organisme. Les périodes d’épandage sont ainsi propices à des pics de pollution entre février et avril. Les derniers remontent au début du mois de mars. Et même en plein confinement, alors que le trafic et l’activité industrielle étaient à l’arrêt, l’Ile-de-France ou le Grand-Est ont été touchés en mars 2020 par des pics de particules fines. Des épisodes de pollution qui, selon plusieurs publications scientifiques, aggravent l’épidémie de Covid-19. Des associations avaient saisi le Conseil d’Etat pour obtenir la suspension des épandages. En vain.

Dangereux pour la santé, les engrais chimiques le sont aussi pour le climat. Avec les engrais organiques, ils sont à l’origine d’environ 70 % des émissions de protoxyde d’azote (N2O), selon les estimations des chercheurs du Global Carbon Project. Après le CO2 et le méthane, le N2O est le troisième gaz à effet de serre (GES) le plus abondant dans l’atmosphère où il reste une centaine d’années. Et sa concentration a augmenté de 30 % depuis 1980. A ce bilan carbone, il faut ajouter les émissions liées à la fabrication des engrais chimiques : ils absorbent à eux seuls 5 % de la consommation mondiale en gaz naturel. Soit l’équivalent d’un kilo de pétrole pour produire un kilo d’azote.

A l’échelle de la France, le N2O (issu à 90 % de l’agriculture) est responsable d’un peu plus de 10 % des émissions de GES du pays. Les fertilisants azotés représentent environ 45 % des GES de l’agriculture. Et ces émissions n’ont baissé que de 9 % depuis 1990. Elles font de la France le premier émetteur de l’Union européenne.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France s’est fixé pour objectif de réduire de 45 % les émissions de N2O à l’horizon 2050 et de 15 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2015. Cette cible, ainsi que la trajectoire de réduction des rejets d’ammoniac de 13 % d’ici à 2030, figure dans le projet de loi Climat et résilience.

Le débat sur les engrais azotés minéraux devrait avoir lieu dans les prochains jours à l’Assemblée nationale. La bataille se cristallise sur l’instauration d’une redevance. Soutenue depuis plusieurs années par la Cour des comptes, la mesure a été reprise par la convention citoyenne sur le climat. Selon l’étude d’impact réalisée par le gouvernement, la redevance permettrait d’éviter 2 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit environ 15 % de l’effet attendu par le projet de loi.

« C’est maintenant qu’il faut prendre des mesures fortes »

Pourtant, l’exécutif et la majorité parlementaire préfèrent temporiser. Dans le texte soumis aux députés, la redevance est seulement « envisagée ». Et à une condition : que les objectifs de réduction ne soient pas atteints pendant deux années consécutives, ce qui reporterait sa mise en place à 2025, au plus tôt. Le texte demande en outre au gouvernement de produire un « rapport » pour analyser les conditions (taux, assiette) de sa mise en œuvre.

« Attendre encore deux ans et un nouveau rapport, ce n’est pas acceptable. Face à l’urgence climatique, c’est maintenant qu’il faut prendre des mesures fortes », dénonce Sandrine Le Feur, députée (La République en marche) du Finistère. Son amendement en faveur de la création immédiate d’une redevance a été rejeté en commission. Elle en présentera un nouveau en séance. « Depuis vingt ans et la première directive nitrate, les politiques publiques ont toutes échoué », rappelle l’élue qui ne « veut pas vivre un troisième renoncement après le glyphosate et les néonicotinoïdes. » Mme Le Feur défend une « redevance équitable » : à 27 centimes d’euro le kilo, elle permettrait de dégager 618 millions d’euros par an entièrement reversés aux agriculteurs pour les aider à prendre le virage de « l’agroécologie » en privilégiant notamment le retour à l’azote sous forme organique (nettement moins émetteur) dans leurs cultures.

La députée connaît son sujet. Elle est agricultrice. Installée en bio depuis 2015 près de Morlaix, Mme Le Feur cultive en rotation longue des légumes de plein champ (choux, pommes de terre, salades, courgettes…), des céréales (blé, seigle, épeautre, orge, avoine…), des tomates, poivrons, aubergines et concombres sous serres (non chauffées), et fait paître toute l’année ses vaches et moutons sous ses vergers de pommiers et poiriers. Ses apports en azote se résument à du « fumier de bovins bio » fourni par un voisin éleveur. Ici, pas de « grande saison des engrais azotés ».

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8 avril 2021 4 08 /04 /avril /2021 09:31

Gouverner la transformation énergétique - 2ème partie de cette étude à la riche dimension historique et géostratégique. Jorge E. Viñuales revient sur les dimensions multiples de ce vaste processus de transformation qui s’exprime de plus en plus par le droit. Une initiative visant à tracer des lignes de front (juridiques), à comprendre leur configuration politique plus profonde, à établir des priorités d’action et, sur cette base, à définir une politique juridique étrangère claire et cohérente est nécessaire, voire urgente pour de nombreux pays, et pour l’Union européenne tout particulièrement. Ce texte d’après son livre The International Law of Energy, à paraître en 2021 chez Cambridge University Press, a été traduit par Hugo Pascal et publié le 19 mars 2021 par Le Grand Continent. Lire Géopolitique de la transition énergétique (1ère partie), et aussi Penser une sortie vertueuse de l’âge moderne, Pourquoi ne pas investir dans des usines photovoltaïques plutôt que dans de nouveaux EPR ? et Aux origines climatiques des conflits.

La Coopérative Electrons solaires a mis en service le 10 février 2020,117 panneaux photovoltaïques pour produite 36 MWh/an sur l'école Waldeck-Rousseau aux Lilas.

La Coopérative Electrons solaires a mis en service le 10 février 2020,117 panneaux photovoltaïques pour produite 36 MWh/an sur l'école Waldeck-Rousseau aux Lilas.

4. Gouverner la transformation énergétique

4.1 Les « lignes de front » juridiques

Dans les changements de pouvoir décrits dans les paragraphes précédents, le droit international (et le droit en général) est un « champ de bataille » essentiel. Le vaste processus de transformation de l’énergie peut être particulièrement turbulent d’un point de vue juridique. À l’heure actuelle, il est important d’identifier, avec un certain degré de spécificité, les principales « lignes de front » juridiques où la concurrence géopolitique trouve son expression en termes juridiques. Cette identification est un point de départ nécessaire pour une stratégie juridique systématique, une « politique juridique étrangère »39, à développer en ce qui concerne la géopolitique de la transformation énergétique et pour explorer les voies adéquates de coopération internationale.

Dans les paragraphes suivants, je fournis quelques illustrations choisies dans différents contextes juridiques. Ces exemples peuvent être regroupés en trois grandes catégories, à savoir l’utilisation du droit international, en relation avec : les tensions découlant du contrôle des ressources ; les défis de la transformation énergétique et la stabilité des politiques de soutien aux énergies renouvelables.

4.2 Contrôle des nouvelles ressources

Les luttes pour le contrôle des ressources clés qui sous-tendent la transition énergétique ont trouvé leur expression dans toute une série de contextes juridiques internationaux.

Une série de litiges concerne la position dominante de la Chine en tant que principal fournisseur mondial d’un large éventail de matières premières critiques et non critiques. Même lorsque certaines matières premières ont d’autres fournisseurs importants, la Chine joue souvent un rôle majeur dans les étapes ultérieures de leur chaîne d’approvisionnement, telles que le traitement des matériaux et/ou le développement de composants et/ou les assemblages. Plus une chaîne d’approvisionnement pour une matière première donnée est dominée par un pays, plus le risque de blocages potentiels et de perturbations des flux est élevé. D’où l’importance de la réglementation des exportations.

Les trois principales affaires portées devant les organes de règlement des différends de l’OMC dans ce domaine concernent les mesures à l’exportation, et elles ont été déclenchées par des plaintes émanant soit des États-Unis, dans China – Raw Materials40 et China – Rare Earths41, soit de l’UE, dans China – Duties on Raw Materials42. Les matériaux en jeu dans chaque cas comprennent certains qui sont des intrants clés des technologies de transition énergétique, comme le silicium métallique et l’indium (pour les panneaux solaires photovoltaïques), les terres rares (pour l’énergie éolienne et les véhicules électriques), et le cobalt et le graphite (pour les batteries).

Cependant, on ne peut pas dire que les litiges sont uniquement liés à la transition énergétique, étant donné l’ensemble plus large de matériaux concernés et leur application beaucoup plus large au-delà des technologies de transition énergétique. Par exemple, le molybdène, métal en jeu dans China – Rare Earths, est surtout utilisé en métallurgie pour fabriquer des alliages métalliques destinés à toute une série d’usages, notamment les foreuses, les moteurs à réaction et les turbines de production d’énergie. Dans l’industrie chimique, le molybdène est également utilisé comme catalyseur pour le traitement du pétrole. Le spath fluor, en jeu dans l’affaire China – Raw Materials, est utilisé pour les batteries mais aussi pour la production d’aluminium et dans l’industrie chimique pour produire du fluorure d’hydrogène, une matière première pour les réfrigérants, l’essence, les plastiques et les herbicides, entre autres applications.

La même mise en garde s’applique à certaines demandes d’investissement étranger découlant de projets miniers relatifs à certaines matières premières critiques et non critiques. Dans trois d’entre elles (Stans Energy v. Kirghizistan43 ; Cortec v. Kenya44 et l’avis de différent déposé par Montero Mining contre Tanzania45), l’exploitation minière des terres rares a occupé une place importante. Mais souvent, l’accent mis sur les intrants métallurgiques, tels que le molybdène (Metal-Tech v. Ubekistan46 ; Montero Mining v. Tanzania) ou le manganèse (Nabodaya Trading v. Gabon47), brouille considérablement le lien entre le litige et la transition énergétique. Dans tous les cas, cependant, la transaction sous-jacente illustre la recherche de nouveaux gisements de ces matériaux dans des pays (par exemple, le Kenya, le Kirghizstan, la Tanzanie, l’Ouzbékistan) autres que les principaux fournisseurs, principalement la Chine (pour les terres rares et le molybdène).

Une analyse plus détaillée de ces litiges et peut-être de nombreux autres pourrait mettre en évidence une autre manifestation de la transition énergétique au niveau des litiges miniers. À titre d’illustration, fin 2018, un litige est apparu entre le Chili et un investisseur américain, Albemarle Corp ALB.N, concernant le prix réduit offert par ce dernier aux entreprises produisant des métaux pour batteries au Chili. Le lithium est un élément clé de la production de batteries et tant le Chili qu’Albemarle sont des acteurs mondiaux majeurs dans la chaîne d’approvisionnement du lithium. Le Chili a menacé d’introduire une demande d’arbitrage commercial pour faire appliquer les termes d’un accord de 2016, qui exigeait le prix réduit, mais finalement le litige a été géré par le biais de négociations48. Pourtant, en 2020, les tensions sont réapparues, cette fois-ci d’une manière qui révèle plus clairement les profondes implications géopolitiques de tels litiges. Comme l’a fait remarquer un commentateur : «  La querelle aux enjeux élevés survient alors qu’Albemarle s’efforce d’augmenter la production au Chili et de prendre le contrôle de Greenbushes en Australie, la plus grande mine de lithium au monde, afin de répondre à une demande qui devrait tripler pour le métal clé des batteries d’ici 2025, les constructeurs automobiles produisant davantage de véhicules électriques  »49. Les réserves de lithium sont fortement concentrées en Amérique du Sud, dans le «  triangle du lithium » (Argentine, Bolivie et Chili), suivi par l’Australie et la Chine50. Un litige comme celui-ci et le régime juridique qui lui est applicable ont donc une importance plus large pour la transition énergétique, et donc pour la transformation énergétique également.

Une dernière illustration est fournie par le régime de l’exploitation minière des grands fonds marins, c’est-à-dire l’exploitation de la « Zone », plus précisément des fonds marins et du sous-sol au-delà de la juridiction nationale51. Les principales cibles sont les nodules polymétalliques (PMN), les encroûtements de ferromanganèse riches en cobalt (CFC) et les sulfures massifs des fonds marins (SMS), qui contiennent toute une série de matériaux critiques et non critiques allant du cobalt, du manganèse, du nickel et du tungstène au lithium, au germanium, au molybdène et aux terres rares utilisées dans les batteries, les technologies d’énergie renouvelable et les véhicules électriques. L’extraction de ces ressources est coûteuse, dangereuse et nuisible à l’environnement. Toutefois, l’importance géopolitique croissante de certains des minéraux présents dans la Zone a stimulé les investissements dans cette activité52.

4.3 Remettre en question la transformation énergétique

Les défis de la transformation socio-économique induite par la transition énergétique révèlent toute une série de potentialités des institutions juridiques existantes, tant internationales que nationales, qui apparaissent ainsi comme des lignes de front particulièrement pertinentes dans ce processus.

Le débat sur la compatibilité commerciale des subventions aux combustibles fossiles d’une part et aux énergies renouvelables d’autre part en est une illustration éclatante. Selon une étude de l’IRENA53, le total des subventions énergétiques directes (transferts financiers) aux combustibles fossiles, aux énergies renouvelables et à l’énergie nucléaire s’élevait à au moins 634 milliards de dollars en 2017. Les subventions aux combustibles fossiles s’élevaient à 447 milliards de dollars, tandis que les subventions aux énergies renouvelables représentaient 128 milliards de dollars (pour la production d’électricité) et 38 milliards de dollars (pour les biocarburants). Les externalités négatives non chiffrées des subventions aux combustibles fossiles (effets négatifs causés par les transactions de combustibles fossiles et non pris en charge – internalisés – par les participants aux transactions) se sont élevées à la somme astronomique de 3.100 milliards de dollars la même année, soit 19 fois les subventions aux énergies renouvelables (électricité et biocarburants confondus).

Dans ce contexte, on pourrait s’attendre à ce que le droit du commerce international favorise l’abandon des subventions aux combustibles fossiles ou, du moins, les place juridiquement et pratiquement sur un pied d’égalité avec les subventions aux énergies renouvelables. Pourtant, les conclusions d’une étude détaillée sur le traitement de ces deux types de subventions dans le cadre du droit du commerce international suggèrent que le droit du commerce international est plus permissif et plus indulgent pour les subventions aux combustibles fossiles que pour les subventions aux énergies renouvelables54. En substance, les subventions aux énergies renouvelables sont plus vulnérables aux contestations en vertu du droit du commerce international parce que les régimes d’aide utilisés sont plus spécifiques (et donc plus « actionnables » dans la terminologie du droit du commerce international) et qu’ils reposent souvent (pour des raisons politiques) sur des exigences de contenu local (LCR)55. En revanche, les subventions aux combustibles fossiles sont ciblées sur les consommateurs et n’introduisent pas de différenciation claire entre les bénéficiaires, ce qui les rend plus difficiles à contester dans le cadre du droit du commerce international existant.

Ces conclusions illustrent comment le droit du commerce international peut non seulement soutenir mais aussi entraver la transformation énergétique, bien que, comme nous le notons, les subventions aux combustibles fossiles aient été abordées dans une certaine mesure dans les négociations d’adhésion à l’OMC57. Dans le cas présent, les différents régimes – en pratique – de subventions aux combustibles fossiles et de certaines subventions aux énergies renouvelables en vigueur suggèrent que certaines règles fondamentales du droit du commerce international (par exemple, la norme de traitement national57, l’interdiction plus spécifique des LCR58 ou l’accord sur les subventions et les droits compensatoires59) sont interprétées de manière à restreindre la politique industrielle, y compris la « politique industrielle verte », c’est-à-dire les politiques adoptées par un État pour fournir un soutien ciblé à certaines industries et certains secteurs afin de réaliser des avantages comparatifs latents60. En revanche, les importantes subventions aux combustibles fossiles accordées par de nombreux États ont été négligées ou ont fait l’objet de droits acquis implicites, ou encore ont été délibérément laissées dans l’incertitude quant à leur réglementation dans le cadre du droit du commerce international.

Une autre ligne de front est illustrée par certaines demandes d’investissement introduites par des entreprises affectées par les politiques de transformation de l’énergie. Il est difficile de déterminer exactement si les mesures en jeu dans les différents litiges visent à poursuivre la transition énergétique ou sont déclenchées par d’autres considérations. Je donne ici deux exemples possibles de ces litiges, qui concernent l’énergie nucléaire et la production d’électricité à partir du charbon. Le premier exemple concerne une longue série de réclamations de l’investisseur suédois Vattenfall contre l’Allemagne en rapport avec des mesures limitant ses activités de production d’électricité à partir du charbon61 et l’abandon progressif de l’énergie nucléaire62.

La première réclamation a été réglée et la seconde est toujours en cours, mais elles reflètent toutes deux l’utilisation de certains instruments juridiques, en l’occurrence les normes de protection des investissements du Traité sur la charte de l’énergie63, pour contester les changements réglementaires au niveau du droit national, européen et international. La demande en cours découle plus précisément de la décision de l’Allemagne de 2011 de mettre fin à l’exploitation nucléaire, suite à l’accident de Fukushima64, qui a fixé à 2022 la date limite pour arrêter tous les réacteurs nucléaires restants, y compris ceux de Vattenfall. Le 29 septembre 2020, la Cour constitutionnelle allemande s’est prononcée en faveur de Vattenfall65, concluant que la clause de compensation de la loi sur la sortie du nucléaire était partiellement inconstitutionnelle et qu’un amendement de cette loi en 2018, requis par une décision de 201666, n’était pas suffisant pour mettre la loi en conformité avec la constitution. Dans sa décision de décembre 2016, la Cour avait estimé que les dates de fermeture fixées en 2011 étaient incompatibles avec le droit de propriété protégé par l’article 14, paragraphe 1, de la Constitution allemande67, notamment parce que la mesure en question ne prévoyait pas de compensation adéquate pour les volumes d’électricité résiduels non utilisés. Hormis certains aspects procéduraux importants, le cœur de la décision réside dans l’appréciation de la proportionnalité. Selon la Cour, la subordination de la compensation pour les volumes d’électricité résiduels non utilisés (électricité invendue à la suite de la fermeture) aux efforts raisonnables déployés par Vattenfall pour vendre cette capacité à une autre société n’était admissible que si les conditions de la vente étaient suffisamment claires, ce qui n’était pas le cas en droit.

Le deuxième exemple illustre plus clairement la manière dont la loi sur les investissements étrangers peut être utilisée pour tenter de récupérer la valeur des actifs qui ont perdu de la valeur en raison de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Il concerne une entreprise américaine d’extraction de charbon, Westmoreland Coal Co. qui, comme d’autres entreprises d’extraction de charbon, a connu des difficultés financières en raison de la transition énergétique68. La plainte69 conteste une politique du gouvernement de l’Alberta, au Canada, axée sur le changement climatique, qui réduit la durée de vie des centrales électriques au charbon et affecte ainsi la rentabilité des mines qui fournissent du charbon aux centrales électriques adjacentes. Il convient de noter que l’investisseur ne semble pas contester la suppression progressive elle-même, mais plutôt la politique de compensation prétendument discriminatoire : « Westmoreland reconnaît et ne conteste pas que le Canada et l’Alberta sont en droit d’adopter des règlements pour le bien public. Toutefois, lorsqu’ils le font, ils doivent être équitables envers les investisseurs étrangers  »70. Il réclame un minimum de 470 millions de dollars, plus les intérêts71. Le litige est en cours et, indépendamment de son bien-fondé, qui sera évalué en temps utile, il illustre très clairement comment les réclamations des investisseurs étrangers peuvent être utilisées spécifiquement pour récupérer des investissements réalisés sans tenir suffisamment compte du rythme rapide de la transformation énergétique. Ce n’est là qu’une des manifestations de ce qui semble être un type émergent de réclamations d’investissement contre les politiques de transformation énergétique72.

4.4 Stabilité des politiques de soutien aux énergies renouvelables

Entre 1972 et 2020, au moins 178 demandes d’investissement étranger ayant une composante environnementale ont été déposées73, sur un total de 1061 litiges connus (conclus et en cours)74. Les réclamations à composante environnementale sont définies comme celles qui découlent de l’activité des investisseurs étrangers (i) sur les marchés environnementaux (par exemple, traitement des déchets, énergies renouvelables, conservation de la nature, etc.) et/ou (ii) dans d’autres activités, lorsque leur impact sur l’environnement fait partie du litige et/ou (iii) lorsque l’application du droit national ou international de l’environnement est en jeu75. Environ 80 % (143) de ces litiges ont été introduits après 2008, et plus de la moitié d’entre eux (76) concernent la transition énergétique, principalement (61) des projets d’énergie renouvelable (solaire, éolienne et géothermique).

La principale question juridique en jeu dans l’écrasante majorité de ces litiges est la difficulté de s’adapter aux conditions changeantes des marchés, comme le marché de la production d’énergie renouvelable, qui n’est pas seulement réglementé mais repose sur un marché construit par la réglementation. Il existe plus de soixante-dix litiges relatifs aux investissements étrangers qui remettent en cause les ajustements du cadre réglementaire des énergies renouvelables dans des pays tels que l’Albanie, la Bulgarie, le Canada, la République tchèque, l’Allemagne, l’Italie, le Kenya, la Roumanie, l’Espagne ou la Tanzanie76, et peut-être beaucoup d’autres qui ne sont pas divulgués. L’étendue géographique des pays confrontés à de tels défis donne une indication de l’ampleur du phénomène.

En dépit de leurs nombreuses différences, la question fondamentale que soulèvent ces litiges est la même. Au lendemain de la crise économique de 2008, alors que les bonnes opportunités d’investissement étaient rares, de nombreuses entreprises mais aussi des intermédiaires financiers ont investi massivement dans des projets d’énergie renouvelable soutenus par des politiques industrielles vertes. Ces politiques étaient considérées comme offrant un retour sur investissement relativement prévisible, sûr et très important, en particulier si on les compare aux alternatives d’investissement moins alléchantes disponibles à l’époque. Le taux de participation a été si élevé que plusieurs pays ont eu du mal à payer les subventions, qui, dans certains cas, ont été perçues comme offrant des bénéfices exceptionnels pour les investisseurs à une époque de restrictions économiques nationales.

Dans un tel contexte, une série de mesures ont été adoptées pour limiter le retour sur investissement à des niveaux plus soutenables. Ces mesures comprenaient des taxes, des prélèvements ainsi que des ajustements du taux tarifaire, du volume et de l’horizon temporel des investissements. Ces mesures ont eu des répercussions sur la rentabilité de nombreux investisseurs, qui ont cherché à s’appuyer sur des accords d’investissement pour récupérer les bénéfices escomptés.

L’issue de ces affaires varie considérablement selon les pays, les mesures, les instruments juridiques invoqués et les circonstances factuelles spécifiques. Dans l’ensemble, cependant, elles fournissent deux indications importantes pour comprendre le lien entre le droit international et la transformation énergétique. Premièrement, les demandes d’investissement étranger sont de plus en plus souvent présentées par des acteurs qui incarnent les secteurs émergents à faible intensité de carbone. Dans la plupart des cas, elles ne concernent pas la légalité, au regard du droit international, de mesures contraignantes pour limiter les externalités négatives de la transaction mais, bien au contraire, elles concernent la protection d’un nouveau type de transaction énergétique contre les fluctuations du cadre réglementaire sur lequel elles reposent.

Cela distingue les litiges relatifs à la transformation énergétique de l’ensemble plus large des litiges relatifs aux investissements ayant des composantes environnementales. Deuxièmement, ces litiges portent essentiellement sur la stabilité des règles qui facilitent l’avènement et la consolidation de la production d’énergie renouvelable et, partant, la demande d’équipements, de technologies et de main-d’œuvre dans ce secteur.

5. Quelques propositions

En guise de conclusion, je voudrais formuler quelques propositions de base découlant des considérations faites dans cet article, qui, je l’espère, pourront intéresser le large cercle des lecteurs de la Revue européenne de droit.

La première conclusion concerne la transformation énergétique en cours. J’ai passé en revue certains des éléments pertinents pour établir si une transformation est en cours et ses multiples facettes. Il est clair que cette transformation est liée à de nombreux facteurs, notamment la « transition » énergétique en tant que processus technologique, mais aussi les dimensions beaucoup plus larges découlant de la dégradation de l’environnement (le changement climatique et ses conséquences), les considérations économiques (par exemple, les risques financiers liés à l’immobilisation des combustibles fossiles) et les impératifs sociaux (tant la demande d’un environnement plus propre que les craintes suscitées par l’ajustement structurel et le chômage dans certains secteurs de la population).

La deuxième conclusion est que ce vaste processus de transformation s’exprime de plus en plus sur le plan juridique. Je me suis concentré dans cet article sur le droit international, étant donné sa pertinence pour la géopolitique mondiale. Les manifestations de la transformation énergétique de ce point de vue sont extrêmement diverses et dispersées dans différents contextes juridiques. Le droit du commerce et de l’investissement est, assez intuitivement, en première ligne, mais il en va de même pour d’autres contextes juridiques, tels que le régime juridique des fonds marins et du sous-sol au-delà de la juridiction nationale. Parmi les nombreux autres domaines qui ne sont pas abordés dans cet article, on peut citer le droit de l’environnement (des négociations sur le changement climatique à la réglementation des émissions du trafic aérien et maritime, en passant par la conservation de la nature et la protection de la biodiversité), mais aussi le respect des droits de l’homme (pour soutenir certaines politiques de transformation de l’énergie, mais aussi pour s’en prémunir), le droit de la concurrence (avec les efforts visant à dissocier l’approvisionnement et le transport de l’énergie), le droit de la propriété intellectuelle (avec l’accélération de la procédure de « brevets verts »), et bien d’autres domaines où la lutte s’exprime.

Tout comme les politiques juridiques étrangères qui ont été développées par une série de pays producteurs et consommateurs en ce qui concerne le pétrole et le gaz à partir des années 1950, une politique juridique étrangère traitant spécifiquement de la transformation énergétique avec ses nouvelles dimensions géopolitiques serait utile. De nombreux travaux ont été réalisés pour définir certaines de ces dimensions d’un point de vue empirique. Mais il existe une lacune majeure sur les aspects juridiques de cette transformation, notamment en ce qui concerne les lignes de front juridiques à privilégier au niveau d’un État ou d’un groupe tel que l’UE.

Une initiative visant à tracer ces lignes de front, à comprendre leur configuration politique plus profonde, à établir des priorités d’action et, sur cette base, à définir une politique juridique étrangère claire et cohérente est, à mon avis, nécessaire, voire urgente pour de nombreux pays. Pour l’UE en particulier, dont l’avenir socio-économique mais aussi géopolitique est fortement engagé dans la transformation énergétique, une politique juridique étrangère intégrée de ce type serait fondamentale. La Commission européenne a accompli un travail considérable à cet égard, sur lequel on pourrait s’appuyer dans un effort de cartographie, d’intégration et de hiérarchisation des priorités. L’énergie est fortement mais pas clairement réglementée en droit international, et les implications juridiques de la transformation énergétique de ce point de vue ne peuvent être évaluées qu’en adoptant une approche intégrative.

Sources

39. v. G. de Lacharrière, La politique juridique extérieure, Economica, 1983.

40. China – Measures Related to the Exportation of Various Raw Materials, AB Report, 30 janvier 2012, WT/DS394/AB/R WT/DS395/AB/R WT/DS398/AB/R 30.

41. China – Measures Related to the Exportation of Rare Earths, Tungsten, and Molybdenum, AB Report, 7 août 2014, WT/DS431/AB/RWT/DS432/AB/RWT/DS433/AB/R.

42. China – Duties and other Measures concerning the Exportation of Certain Raw Materials – Request for the establishment of a panel by the EU, 27 oct. 2016, WT/DS509/6.

43. Stans Energy Corp. and Kutisay Mining LLC v. Kyrgyz Republic, PCA Case No. 2015-32, Award (20 août 2019).

44. Cortec Mining Kenya Limited, Cortec (Pty) Limited and Stirling Capital Limited v. Republic of Kenya, ICSID Case No. ARB/15/29, Award (22 octobre 2018).

45. Montero Mining and Exploration Ltd. v. United Republic of Tanzania (Canada-Tanzania BIT), Notice of Intent to Submit a Claim to Arbitration (17 janvier 2020).

46. Metal-Tech Ltd. v. Republic of Uzbekistan, ICSID Case No. ARB/10/3, Award (4 octobre 2013).

47. Navodaya Trading DMCC v. Gabon, UNCITRAL Rules (OIC Investment Agreement), déposée en 2018, en cours.

48. A. De la Jara, ‘Exclusive : Chile to delay arbitration with top lithium producer Albemarle’, Reuters, 27 décembre 2018.

49. D. Sherwood, ‘Exclusive : Lithium giant Albemarle locks horns with Chile over reserves data’, Reuters, 10 septembre 2020.

50. v. S. Kalantzakos, “The Race for Critical Minerals in an Era of Geopolitical Realignments”, 55 The International Spectator 1, 2020, pt 7.

51. United National Convention on the Law of the Sea, 10 décembre 1982, 1833 UNTS 397 [UNCLOS], Part XI.

52. Sur les contrats d’exploration concernant ces ressources, voir le site de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui répertorie les contrats relatifs aux PMN, aux CFC et aux sulfures polymétalliques [date de consultation : 20 décembre 2020]. Sur l’exploitation minière des grands fonds marins, voir : Commission européenne, Communication : Croissance bleue – opportunités de croissance durable dans le domaine marin et maritime, 13 septembre 2012, COM(2012) 494 final, section 5.4 ; ECORYS, Étude visant à examiner l’état des connaissances sur l’exploitation minière des grands fonds marins (2014).

53. M. Taylor, Energy subsidies : Evolution in the global energy transformation to 2050 (Abu Dhabi : IRENA, avril 2020) [Taylor, Energy subsidies], pt 8ff.

54. H. B. Asmelash, “Energy Subsidies and WTO Dispute Settlement : Why only Renewable Energy Subsidies are Challenged”, 18 Journal of International Economic Law 261 [Asmelash, Energy Subsidies], 2015.

55. v. Canada – Certain Measures Affecting the Renewable Energy Generation Sector (Plaignant – Japan), Requête pour consultation (Japon), 13 sept. 2010, AB Report, 6 mai 2013, WT/DS412/AB/RWT/DS426/AB/R (la procédure a également porté sur une plainte distincte de l’UE déposée en 2011) ; India – Certain Measures Relating to Solar Cells and Solar Modules (Plaignant : États-Unis), Requête pour consultation, 6 février 2013, AB Report, 16 sept. 2016, WT/DS456/AB/R, WT/DS456/AB/R/Add.1.

56. Asmelash, Energy Subsidies, pt 281-282.

57. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, 15 avril 1994, Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), annexe 1A, 1867 UNTS 187 [GATT], article III.

58. GATT, article III, paragraphes 4 et 5, et Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce, 15 avril 1994, Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, annexe 1A, 1868 UNTS 186, articles 2.1, 2.2 et annexe (liste illustrative), paragraphe. 1(a).

59. Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, 15 avril 1994, Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, annexe 1A, 1869 UNTS 14, article 3.1(b).

60. M. Wu, J. Salzman, “The Next Generation of Trade and Environment Conflicts : The Rise of Green Industrial Policy”, 108 Northwestern University Law Review 401, 2014.

61. Vattenfall AB, Vattenfall Europe AG, Vattenfall Europe Generation AG v. Federal Republic of Germany, ICSID Cas No. ARB/09/6, Sentence (11 mars 2011) (qui concrétise l’accord de règlement des parties à la même date).

62. Vattenfall AB and others v. Federal Republic of Germany, ICSID Case No. ARB/12/12, en cours.

63. Traité sur la charte de l’énergie, 17 décembre 1994, 2080 UNTS 100.

64. Treizième loi portant modification de la loi sur l’énergie atomique, 31 juillet 2011, Journal officiel fédéral, 2011, p. 1704.

65. Ord. de la Cour constitutionnelle fédérale (29 sept. 2020), 1 BvR 1550/19.

66. Seizième loi portant modification de la loi sur l’énergie atomique (16. Gesetz zur Änderung des Atomgesetzes – 16. AtG-Novelle, 16e modification AtG), article 1.

67. Arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale (6 décembre 2016), BVerfGE 143, 246, par. 1, 2 et 4 (dispositif).

68. Communiqué de presse de Westmoreland, “Westmoreland emerges from Chapter 11”, Westmoreland News Release, 15 mars 2019, KL2 3116482.5.

69. Westmoreland Coal Company v. Government of Canada, UNCITRAL Rules (NAFTA Dispute), Notification d’arbitrage et demande introductive d’instance, 19 novembre 2018 [Westmoreland NoA], §. 4-6.

70. Westmoreland NoA, § 12.

71. Westmoreland NoA, § 105.

72. V. par exemple, D. Charlotin, “Netherlands poised to face its first investment treaty claim, over closure of coal plants”, IAR Reporter, 7 September 2019 ; v. aussi TransCanada Corporation and TransCanada PipeLines Limited v. The United States of America, ICSID Case No. ARB/16/21, interrompu le 24 mars 2017 (mais peut-être réactivé par les décrets signés par l’administration Biden en janvier 2020).

73. Les chiffres présentés dans cette section sont basés sur un ensemble de données compilées par l’auteur.

74. Voir le navigateur de la CNUCED pour le règlement des différends en matière d’investissement (à partir du 5 janvier 2021).

75. J. E. Viñuales, Foreign Investment and the Environment in International Law, Cambridge University Press, 2012, pt 17.

76. Pour un aperçu de certains de ces litiges, voir M. Scherer, C. Amirfar (eds.), International Arbitration in the Energy Sector, Oxford University Press, 2018.

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