Le Conseil d’Etat annule en partie l’arrêté de 2017 encadrant l’utilisation des pesticides, notamment parce qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains. D’après Générations futures et Stéphane Mandard pour Le Monde le 26 juin 2019. Lire aussi Des résidus de pesticides dans les 3/4 des fruits et 43% des légumes non bio, Les pesticides perturbateurs endocriniens présents dans les eaux de surface en France et Les cartes de la consommation française de pesticides et les Glyph’Awards de Générations Futures.
L’arrêté ministériel du 4 mai 2017 régissant l’usage des pesticides contesté devant le Conseil d’Etat. AFP/PHILIPPE HUGUEN
Nouveau revers pour le gouvernement sur le front environnemental. Quelques heures après le premier rapport du Haut Conseil pour le climat, accusant l’Etat de ne pas tenir ses engagements, c’est au tour du Conseil d’Etat de rendre une décision défavorable. Dans un jugement prononcé mercredi 26 juin, la haute juridiction administrative a annulé en partie l’arrêté qui régit l’usage des pesticides, estimant qu’il ne protège pas suffisamment la santé des citoyens et l’environnement.
Le Conseil d’Etat a décidé de retoquer plusieurs dispositions de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, comprendre les pesticides. Le gouvernement a six mois pour revoir sa copie.
Entre juillet 2016 et mai 2017, après des mois de débats, la France s’est dotée d’un nouvel arrêté encadrant l’utilisation des pesticides [1]. Les associations Eau et rivières de Bretagne, Générations Futures et l’Union Syndicale Solidaires, soutenues par des associations impliquées sur le territoire [2], ont engagé une action juridique, jugeant cet arrêté non conforme à la loi et trop peu ambitieux sur la question de la protection de la ressource en eau et des riverains. Avec de l’aide leurs avocats Maîtres Eva JOLY et François LAFFORGUE, ils ont déposé contre ce texte le 3 novembre 2017 trois recours juridiques (en annulation et modification) devant le Conseil d’État [3].
Le 5 juin lors de l’audience au Conseil d’Etat, le rapporteur public, dans ces conclusions avait purement et simplement demander l’annulation de l’arrêté « en tant qu’il ne prévoyait pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques. » concluant aussi à la nécessité de renforcer les zones non traitées et les délais de rentrée à tous les modes d’application des pesticides faisant « injonction aux ministres de prendre les mesures réglementaires induites par la présente décision dans un délai de six mois ».
Victoire !
Le conseil d’État vient de rendre aujourd’hui sa décision et nos associations se félicitent de cette dernière. En effet, le Conseil d’Etat dans son jugement suit une grande partie des attentes des ONG, des conclusions du rapporteur public et demande l’annulation d’une partie de l’arrêté “en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques.” Le juge indique en outre que l’Etat devra verser à l’Associations Générations futures et à l’association Eau et rivières de Bretagne, une somme de 2 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les jugent rappellent que les seules mesures de protection existantes ne portent que sur certains lieux fréquentés par des publics vulnérables comme les aires de jeu destinées aux enfants en bas âge, les établissements de santé, les maisons de retraite ou les espaces de loisirs ouverts au public.
La haute juridiction administrative estime également que ce texte ne protège pas les cours ou points d’eau contre les risques de pollution liés à l’usage des pesticides, en particulier sous la forme d’épandage de granulés ou d’injection de produits dans les sols, qui représentent une menace, y compris pour les eaux de surface en dehors des sites traités. Autre lacune relevée par les juges, l’arrêté ne prévoit pas de mesures précises pour éviter ou pour réduire le risque de pollution par ruissellement en cas de fortes pluies.
« Illégal »
Le Conseil d’Etat juge enfin que l’arrêté est « illégal » dans la mesure où il limite l’application des « délais de rentrée » (les périodes pendant lesquelles il est interdit de pénétrer dans les zones où ont été utilisés des pesticides) aux seuls cas où ces produits sont utilisés sur une végétation en place, sans rien prévoir lorsque les mêmes produits ont été utilisés sur des sols vierges de végétation.
Cette décision intervient à la veille d'une réunion du groupe de travail 3 du plan Ecophyto II « protection des populations et de l’environnement » au ministère de l’agriculture portant notamment sur les chartes de « bon voisinage ». L’occasion de saisir la balle au bond et de tenir compte de ce jugement lors de la rédaction du nouvel arrêté et des textes encadrant les chartes.
Pour les associations requérantes, Eau & Rivières de Bretagne, Génération futures, l’Union Syndicale Solidaires ainsi que pour les organisations de terrain impliquées sur ces dossiers et soutenant cette action, c’est une nouvelle victoire qui devra avoir pour effet une meilleure prise en compte des riverains et des milieux exposés à ces pesticides dangereux. Elles restent déterminées pour qu’enfin soit atteint un haut niveau de protection des populations vulnérables exposées et des milieux impactés par ces produits !
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