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29 avril 2021 4 29 /04 /avril /2021 16:07

Les animaux sont des êtres doués de sensibilité qui ont le droit de vivre dans de bonnes conditions : l’idée s’est imposée dans la réflexion éthique et la loi mais les faits résistent aux principes. Car la place de l’humain dans le monde, et ses relations avec les autres vivants sont toujours en question. Par Claire Legros le 30 janvier 2021 pour Le Monde. Lire aussi Antispécisme, écologie, comment en finir avec ce Carnage ?  Philosophie politique de la nuitLe « chthulucène » de Donna Haraway et Jane Goodall : « Nos actes individuels peuvent aider à changer le monde ».

Peter Hill Beard (January 22, 1938 - March/April 2020) " hog ranch front lawn, night feeder (2:00am) with maureen gallagher & mbuno " (fév. 1987)

Peter Hill Beard (January 22, 1938 - March/April 2020) " hog ranch front lawn, night feeder (2:00am) with maureen gallagher & mbuno " (fév. 1987)

Depuis deux ans, une nouvelle étiquette est apparue sur des emballages de volailles dans les supermarchés. Une lettre majuscule y évalue de A à E le « bien-être » qu’a pu connaître, de son vivant, l’animal dont les cuisses ou les filets s’étalent désormais sur les linéaires : densité de l’élevage, soins apportés, accès à un parcours extérieur et à la lumière naturelle, insensibilisation au moment de l’abattage…

La démarche est portée par des organisations de protection animale, associées à des distributeurs et des producteurs, afin d’encourager « les consommateurs à orienter leurs achats vers des produits plus respectueux du bien-être animal, et les producteurs à renforcer l’intégration de la protection animale dans leurs pratiques ».

La notion s’est imposée en quelques années dans le débat public. Elle est au cœur d’un mouvement d’opinion d’une ampleur inédite. Plus des deux tiers des Français souhaitent que soit mieux pris en compte le bien-être des animaux, selon un sondage de la Fondation Brigitte Bardot publié en août 2020.

Un sujet devenu politique

Hier circonscrit au champ des sciences de la nature, le sujet est devenu politique. Après un rendez-vous manqué en octobre 2020, une proposition de loi sur la protection des animaux de compagnie et de cirque a été adoptée vendredi 29 janvier à l’Assemblée nationale.

La condition animale a aussi investi le champ des sciences sociales dans de nouveaux cursus à la croisée du droit, de la philosophie et de l’histoire, inspirés des animal studies américaines. Elle est même au programme, cette année, de l’épreuve de culture générale du concours d’entrée aux écoles de commerce.

« On constate une diffusion constante de la réflexion depuis vingt ans, et une évolution profonde de la société sur ce sujet », note la philosophe Florence Burgat, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et autrice de L'Humanité carnivore (Seuil, 2017). Pourtant, trois millions d’animaux continuent d’être soumis chaque jour en France à la violence ordinaire de l’abattoir, dont 83 % naissent et grandissent dans des élevages intensifs. Il ne se passe pas une semaine sans qu’une organisation de défense des animaux dénonce une situation de souffrance intolérable.

Florence Burgeat, L'humanité carnivore (2017)

Florence Burgeat, L'humanité carnivore (2017)

Dans les supermarchés, l’étiquetage « bien-être » des volailles reste soumis au bon vouloir des producteurs et « la meilleure catégorie récompense des élevages intensifs dont la densité est de dix poulets au mètre carré, ne risque-t-on pas de tromper le consommateur en présentant cette catégorie comme l’excellence ? », s’interroge Nicolas Treich, directeur de recherche à l’Inrae et à la Toulouse School of Economics. L’économiste s’inquiète d’« une initiative contre-productive qui risque de contribuer à maintenir un niveau élevé de consommation de viande, plutôt que d’inciter à la diminuer ».

« Incohérence éthique de notre société »

Pour la philosophe Florence Burgat, « il existe une forme d’incohérence éthique de notre société : on peut collectivement affirmer dans le code civil que les animaux sont des “êtres vivants doués de sensibilité” – c’est le cas depuis 2015 –, tout en continuant à les considérer juridiquement comme des choses. De la même façon, on peut revendiquer de ne pas supporter la souffrance des animaux, tout en perpétuant des modes de consommation qui les soumettent aux pires traitements, comme si la réalité de ce qu’ils vivent ne nous concernait pas ».

Comment expliquer ce paradoxe ? Que dit-il de notre relation à l’animal ? Que recouvre l’idée de bien-être et jusqu’où va-t-elle ? Est-elle compatible avec l’utilisation domestique et la mise à mort ? A la croisée du droit, de la philosophie, des sciences et de l’économie, la notion de bien-être animal oblige à repenser les droits des bêtes et leur statut moral, mais elle interroge aussi « la place de l’humain dans le monde, et ses relations aux autres vivants », affirme la philosophe Corine Pelluchon, spécialiste de la question animale.

La réflexion puise aux origines même de la pensée et a jalonné l’histoire des idées. « On peut assurément parler d’un débat universel, constate Florence Burgat, même s’il ne se développe pas au même rythme dans toutes les traditions ni avec les mêmes concepts ; la façon dont la tradition orientale pense la non-violence à l'égard des animaux – par exemple dans le jaïnisme, en Inde, le plus explicite sur la condition animale – diffère de la façon dont l’Occident a posé le débat. »

La tradition occidentale est marquée par le stoïcisme, avant même le christianisme, et l’idée que la nature a été faite pour l’homme, supérieur à l’animal par son intelligence. Mais dès l’Antiquité, des philosophes grecs livrent des textes majeurs sur les relations entre l’humain et l’animal. « Des penseurs du droit des animaux comme Plutarque, au Ier siècle, dans son traité S’il est loisible de manger chair, ou le philosophe Porphyre (IIIe siècle), défendent une attitude juste envers eux, allant jusqu’à s’interroger, par exemple, sur la question morale de l’acte carnivore, observe Florence Burgat. Ces philosophes justifient déjà leur propos en montrant, par la seule observation des comportements, que les animaux sont capables d’enchaîner les raisonnements, ce qui indique l’existence d’une vie psychique et d’une intelligence. »

A l’âge classique, c’est sur la sensibilité des bêtes que Montaigne fondera leurs droits, notamment dans son Apologie de Raimond Sebond. « Pour ce grand penseur de la bienveillance à l’égard des animaux, à partir du moment où les humains et les animaux peuvent tous pâtir de la souffrance, la même bienveillance est due aux uns et aux autres », note la philosophe.

Un siècle plus tard, les Lumières prolongeront sa réflexion dans des textes d’une grande richesse. Pour Condorcet, la sensibilité des animaux leur donne naturellement le droit de n’être pas maltraités. Rousseau assure de son côté que la qualité d « être sensible », « commune à la bête et à l’homme », « doit au moins donner à l’un le droit de ne pas être maltraité inutilement par l’autre ». Une formule qui, « bien avant que les éthologues n’observent les capacités psychiques et cognitives des animaux, résume le concept sur lequel repose le droit des animaux aujourd’hui, non pas fondé sur l’intelligence mais sur la sensibilité », note Florence Burgat.

Des espèces conçues pour être mangées

Pour autant, si les débats sur la condition animale traversent l’histoire des idées, la révolution industrielle va marquer une étape majeure. Certes, la contention et la sélection animale existent depuis la domestication. Mais le développement de moyens techniques et scientifiques va démultiplier les pratiques. Les premiers abattoirs modernes du Middle West américain, qui inspireront à Henry Ford les chaînes de montage des premières usines automobiles, ouvrent une nouvelle ère.

De la cadence infernale des mises à mort à la généralisation de l’élevage intensif au XXe siècle dans les pays industrialisés, on assiste à une rupture profonde du lien entre l’humain et l’animal qui, jusque-là, cohabitaient souvent dans les mêmes espaces.

« La moitié de la population française pratiquait l’agriculture après la première guerre mondiale, contre 3 % aujourd’hui. La majorité est aujourd’hui totalement coupée des animaux », note l’anthropologue Jean-Pierre Digard, auteur de L’animalisme est un anti-humanisme (CNRS Editions, 2018). Dans le même temps, la consommation de viande explose. Les progrès génétiques ouvrent la voie à la sélection d’espèces conçues pour être mangées, lapins cloués au sol par leur corps trop lourd, dindes aux cuisses hypertrophiées qui les empêchent de marcher.

Pour la philosophe Corine Pelluchon, « avec cette industrialisation forcenée de la nature, qui s’accélère encore après les pénuries alimentaires de la première puis de la seconde guerre mondiale, on entre dans un système d’exploitation illimitée des autres vivants, miroir d’une rationalité devenue folle et qui nous déshumanise ».

A ces pratiques fait écho, dans la deuxième moitié du XXe siècle, un renouveau de la réflexion éthique sur l’animal, qui contribue à re­connaître les animaux comme des êtres doués de sensi­bilité, voire comme des sujets ayant des droits.

Dans les pays anglo-saxons, la philosophie s’empare de façon frontale de la question de la condition animale. En 1975, le livre du philosophe australien Peter Singer, La Libération animale (HarperCollins), joue un rôle important dans la prise de conscience par le grand public de la réalité des abattoirs et des laboratoires qui pratiquent l’expérimentation animale.

Peter Singer, La Libération animale (1975)

Peter Singer, La Libération animale (1975)

De la violence à l’égard des bêtes

Pour Singer, qui s’inscrit dans la philosophie utilitariste, la sensibilité à la souffrance et au plaisir est un critère plus pertinent de considération morale que l’intelligence ou l’appartenance à une espèce. Il lui paraît injustifié de se nourrir du corps des animaux, alors que cette consommation ne constitue pas un besoin vital pour nous et entraîne des souffrances disproportionnées pour eux. En popularisant le terme de « spécisme », forgé en analogie avec les termes « racisme » et « sexisme », Singer va contribuer au développement de l’antispécisme, une théorie qui condamne l’exploitation animale au nom d’une égalité de considération des intérêts des individus, qu’ils soient humains ou non.

Le débat se déplace aussi sur le terrain de la philosophie des droits. En 1983, dans son ouvrage Les Droits des animaux (traduit de l’américain par Enrique Utria, Paris, Hermann, « L’avocat du diable », 2013), le philosophe américain Tom Regan définit les mêmes droits pour tous ceux qu’il appelle les « sujets-d’une-vie ». Ils ont en commun « des croyances et des désirs, une perception, de la mémoire et un sens du futur, y compris de leur propre futur, une vie émotionnelle ainsi que des sensations de plaisir et de douleur, des intérêts en rapport aux préférences et au bien-être, la capacité d’initier une action en vue de leurs désirs et de leurs buts, une identité psychophysique au cours du temps ; et un bien-être individuel (…) ». Pour le philosophe, il ne fait pas de doute que les animaux font partie de cette catégorie.

En France, c’est Jacques Derrida, dans sa philosophie de la déconstruction, qui pose la question de la violence à l’égard des bêtes en s’attaquant à la thèse de l’« animal machine » de Descartes, dénué de conscience et de pensée. Dans un livre posthume, L’Animal que donc je suis (Galilée), publié en 2006, il dénonce « l’assujettissement de l’animal par l’homme [qui] a pris depuis deux siècles des proportions absolument inouïes, d’une violence sans précédent, que nous n’avons plus le droit d’ignorer ». Si l’on a pu légitimer de tels traitements, assure-t-il, c’est parce qu’on a nommé « par un terme unique, “l’animal”, cette multitude hétérogène d’êtres vivants » qui n’existent que pour être exploités et tués, traçant de la sorte « une seule et unique limite (…) qui définirait le “propre de l’homme” et qui autoriserait le traitement infligé aux animaux ».

Jacques Derrida, L’Animal que donc je suis (2006)

Jacques Derrida, L’Animal que donc je suis (2006)

Ces réflexions s’appuient sur les formidables avancées scientifiques qui, à la même époque, révèlent la richesse de l’univers psychique des animaux. Les progrès de l’éthologie – l’étude scientifique des comportements animaliers – ont contribué à mieux comprendre ce qu’ils ont en commun avec le genre humain : leurs capacités d’anticipation, d’entraide et d’organisation, mais aussi leur affectivité et leur sensibilité. De multiples travaux ont montré qu’ils sont sujets à la joie et à la tristesse, à la souffrance, physique et psychique, et qu’ils sont attachés à leur vie.

Conscience animale

En 2012, la Déclaration de Cambridge sur la conscience, cosignée par des scientifiques internationaux de premier plan, marque un tournant. Elle affirme qu’« une convergence de preuves indique que les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques qui produisent la conscience. Les animaux non humains, soit tous les mammifères, les oiseaux, et de nombreuses autres créatures, comme les poulpes, disposent des substrats neuro-anatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques des états conscients ainsi que la capacité d’exprimer des comportements intentionnels… ».

Cinq ans plus tard, en France, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) publie une expertise scientifique collective sur la conscience animale qui conclut : « Les acquis scientifiques dans ce domaine invitent à reprendre les réflexions morales concernant les relations que les hommes entretiennent avec les animaux [et particulièrement avec les animaux domestiques]. »

Pour l’économiste Nicolas Treich, l’affaire est entendue : « Il n’existe aucun argument moral pour ignorer la souffrance d’un animal. Or, c’est ce que fait aujourd’hui la recherche en économie qui ne prend pas en compte le bien-être animal dans les critères de décision. » Le chercheur a recensé dans la littérature économique les articles qui s’intéressent aux animaux et à leur bien-être, et le constat est sans appel. « La recherche en économie ne s’intéresse pas au sujet, affirme-t-il, et lorsqu’il est évoqué en économie agricole ou de l’environnement, le bien-être animal n’est étudié qu’à travers le prisme anthropocentrique de celui des humains. Les animaux y sont considérés comme des produits ou des ressources renouvelables, sans grande différence avec l’eau ou les plantes. » Pour le chercheur, « il est temps de remettre les animaux dans une fonction de bien-être social ».

Entre welfarisme et abolitionnisme

Comment conduire les sociétés humaines à un comportement plus éthique avec les animaux ? La réflexion s’organise de part et d’autre d’une ligne de fracture entre deux grands courants de pensée.

D’un côté, le welfarisme (de l’anglais welfare, c’est-à-dire bien-être), mouvement réformiste, qui vise à limiter la souffrance des animaux en revendiquant des pratiques d’élevage plus éthiques, mais sans remettre en cause leur exploitation. « On peut défendre le bien-être d’un animal tout en assumant l’acte de l’utiliser et de le tuer, estime ainsi le philosophe Etienne Bimbenet, auteur du Complexe des trois singes. Essai sur l’animalité humaine (Seuil, 2017). C’était d’ailleurs le cas dans l’éthique utilitariste des années 1970 où Peter Singer n’excluait pas la mort de l’animal. Il existe des éleveurs qui défendent la cause des animaux tout en entretenant avec eux une relation de cotravail, dans une tradition d’élevage artisanal aux antipodes des méthodes intensives. Mais cette idée est difficile à entendre aujourd’hui car la mise à mort est devenue l’un des marqueurs les plus puissants de la cause animaliste. »

De l’autre, le courant abolitionniste défend au contraire l’idée qu’il ne peut exister de « bon élevage », et qu’aucune morale ne peut justifier la privation de liberté ni la mise à mort d’un être vivant doué de sensibilité. « Pourquoi faudrait-il en tuer un peu et “bien” les tuer ? », s’interroge Florence Burgat, qui voit dans le welfarisme « une pensée difficile à fonder du point de vue philosophique. On en arrive à des aberrations comme de revendiquer un “bien-être” des animaux dans les abattoirs parce qu’on les étourdit pour leur éviter la conscience de leur égorgement –  un étourdissement, en outre, loin d’être indolore, contrairement à ce que laisse entendre le terme – alors qu’on en est juste à éviter le pire ».

Le welfarisme s’appuie sur la définition rédigée en 1992 par l’ONG britannique Farm Animal Welfare Council (FAWC), et qui fait aujourd’hui référence dans les milieux scientifiques et associatifs. Le bien-être animal y repose sur cinq grands principes connus sous le nom des cinq « libertés fondamentales » : un animal ne doit pas souffrir de faim, de soif ni de malnutrition ; ne pas subir de stress physique ou thermique grâce à un environnement approprié ; il doit être indemne de douleurs, de blessures et de maladies, grâce à la prévention et l’accès à des traitements ; il doit avoir la liberté d’exprimer les comportements naturels propres à son espèce ; et être protégé de la peur et de la détresse.

« La difficulté, c’est que cette définition peut faire l’objet d’interprétations différentes, constate Emilie Dardenne, responsable du diplôme universitaire  Animaux et société à l’université Rennes-II, qui reproche à la filière de production animale de « détourner le terme, par exemple en justifiant l’épointage des dents des porcelets par le fait qu’elle peut leur être bénéfique en réduisant les blessures dans des espaces étroits, alors qu’elle est douloureuse et génère du stress, et que c’est une pratique qui est envisagée dans une perspective anthropocentrée. Le bien-être animal est toujours à lire dans un certain contexte et en fonction du type de relation qu’on établit avec les animaux ».

La domestication pour satisfaire les besoins humains

De son côté, l’anthropologue Jean-Pierre Digard souligne « une ambiguïté » dans la définition car « si les espèces animales doivent être libres d’exprimer les comportements propres à leur espèce, on ne peut plus les domestiquer ». Pour le chercheur, qui a consacré une partie de ses recherches à l’animal domestique, aux techniques d’élevage et, plus largement, aux relations de l’homme avec l’animal, la domestication, justement, vise à adapter les animaux afin de satisfaire les besoins humains. « Cela implique depuis sept millénaires de les sélectionner en fonction de leur acceptation sans crainte de la présence de l’homme, afin de pouvoir les approcher, ne serait-ce que pour traire une vache. »

Au-delà de la dimension éthique, la distinction entre welfarisme et abolitionnisme est surtout anthropologique. « L’organisation de la mise à mort massive des animaux, alors que nous avons la possibilité de survivre autrement, soulève une question essentielle, métaphysique, constate Florence Burgat : pourquoi les préférons-nous morts plutôt que vivants ? La réponse tient à la manière dont l’humanité s’est définie contre, et non avec, les animaux. Elle semble avoir besoin de les dominer de façon absolue. Si l’on n’avance pas sur la condition des animaux, c’est que nous avons peur d’y perdre du pouvoir. »

A travers la relation à l’animal, c’est la place de l’humain dans le monde des vivants qui est interrogée. Critique à l’égard de l’antispécisme, le philosophe Etienne Bimbenet revendique « l’exceptionnalisme humain », convaincu qu’« on peut prendre en charge le bien-être animal sans considérer qu’une forme de vie sensible résumerait notre condition fondamentale à tous, animaux et humains. Notre commune sensibilité n’est pas plus importante que ce qui fait nos différences, notamment la condition langagière ou l’engagement pour des idéaux, propres à l’humain. On n’a pas la même vie. »

L’urgence de l’élevage intensif 

A l’ère des pandémies et de la crise de la biodiversité, Corine Pelluchon, qui vient de publier Les Lumières à l’âge du vivant (Seuil, 2020), plaide de son côté pour « un humanisme de l’altérité et de la diversité. Notre modèle de développement fondé sur la réification des autres vivants a fait la démonstration qu’il est contre-productif du point de vue écologique, sanitaire, social, affirme-t-elle. Il s’agit maintenant d’inventer un nouveau rapport aux autres vivants, de repenser notre manière de cohabiter avec les animaux en respectant leurs normes éthologiques et leur subjectivité. Cela ne veut pas dire que les hommes et les animaux sont identiques. Ce sont les humains qui confèrent des droits aux animaux, lesquels tiennent compte de ce qu’ils sont et indiquent les limites que nous ne devons pas transgresser dans nos interactions avec eux. Cela suppose que nous cessions de nous octroyer une souveraineté absolue sur le reste de la création et que nous acceptions le fait que nous partageons la Terre avec les autres vivants. »

Comme elle, une partie des abolitionnistes prône une attitude pragmatique de soutien au welfarisme. Ils considèrent que la fin de l’exploitation animale prendra du temps et nécessitera des étapes. « Le conflit entre abolitionnistes et welfaristes a du sens sur le plan théorique car ils n’ont pas le même horizon. Mais d’un point de vue pratique et dans le contexte actuel, il est stérile car tout le monde n’est pas prêt à renoncer à une alimentation carnée », estime l’autrice du Manifeste animaliste - Politiser la cause animale (Alma, 2017).

La première cause de souffrance animale étant l’élevage intensif et les mutilations qu’il implique, « l’urgence est de mettre fin à ces pratiques, dont on connaît, en outre, le coût sanitaire et environnemental majeur ». Une approche imparfaite, concède-t-elle, mais qui a le mérite de « tracer des limites aux droits des propriétaires d’user comme bon leur semble des animaux ».

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commentaires

J
Peut-on avoir toutes les indulgences pour le loup qui égorge un mouton (parce qu'il faut bien que cet animal protégé puisse se nourrir) , et en même temps, sévèrement condamner le mangeur de côtelettes ?
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