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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

13 septembre 2018 4 13 /09 /septembre /2018 09:40

Appel collectif largement signé par de nombreux économistes et écologistes de tous bords, paru le 4 septembre 2018 dans Alternatives économiques, que vous pouvez signer ici ! Lire aussi  Nous en appelons aux décideurs politiques et #PasUnEuroDePlus pour les énergies du passé !

Au nom de la sauvegarde du bien commun, nous demandons au gouvernement de lancer d’urgence un grand programme d’investissement public en faveur de la transition écologique et bas carbone, dont le montant serait isolé du déficit budgétaire.

L’été 2018, avec ses canicules, ses incendies dévastateurs, ses inondations, nous a encore rappelé combien la lutte pour conserver la biodiversité, respecter les limites planétaires et atténuer le changement climatique et ses impacts est vitale afin d’éviter une catastrophe écologique globale.

C’est aussi une lutte pour le mieux-être de tous. Nous affranchir des pesticides et d’autres polluants, du charbon, du pétrole, du gaz fossile… est impératif si nous voulons préserver notre santé, notre économie, la capacité d’agir des futures générations et construire une société résiliente. 

Les dépenses que nous affectons à nos importations d’hydrocarbures, de produits chimiques ou d’autres matières premières non renouvelables doivent aller aux emplois locaux – notamment en développant les économies d’énergie et de matières, les énergies renouvelables et une agriculture durable. Et cela au profit des territoires, sans lesquels la transition écologique ne se fera pas. Or, les émissions de gaz à effet de serre ont crû en France de 3 % en 2017, alors que le respect de l’accord de Paris imposerait qu’elles décroissent de 5 % par an. Il faut donc changer d’échelle et mobiliser des moyens nouveaux.

Cette lutte pour un développement vert et riche en emplois requiert de mettre en mouvement de nombreux leviers. Certes, il faut une régulation et une fiscalité qui donnent les bons signaux ; certes, il faut cesser d’allouer des capitaux à des actifs non durables ; mais il est fondamental d’accroître l’investissement, dans les infrastructures physiques comme dans les compétences. C’est indispensable pour réussir cette transition écologique et l’accompagner sur le plan social.

Il est urgent de mettre en place un grand programme d’investissement vert et d’isoler les fonds publics affectés à ce programme du déficit budgétaire

Pour la France, les investissements publics et privés nécessaires à l’atteinte de ces objectifs climatiques ont été estimés par le think tank I4CE entre 45 et 75 milliards d’euros par an (entre 2 % et 3 % du PIB). Or, aujourd’hui, nous ne dépensons que 31 milliards d’euros répartis à parts égales entre ménages, entreprises et acteurs publics : le compte n’y est pas. 

Pour boucler l’équation du financement de la transition bas carbone, il est nécessaire de mobiliser l’épargne des ménages et des entreprises. Celle-ci ne manque pas et les ménages cherchent un sens à leur épargne. Or, cette mobilisation ne pourra être optimisée sans un surcroît d’investissement public.

Rappelons que l’un des principaux postes à financer pour réussir cette transition est la rénovation des logements. Sans aides publiques, les ménages ne s’engageront pas dans des travaux lourds dont le temps de retour est très long.

On ne fera pas plus (d’écologie) avec moins (de moyens). C’est pourquoi il est urgent de mettre en place un grand programme d’investissement vert. ll est par ailleurs nécessaire, dans le contexte actuel de forte contrainte budgétaire, d’isoler les fonds publics affectés à ce programme du déficit budgétaire, comme le ferait toute entreprise privée qui ne confond pas ses investissements avec ses dépenses de fonctionnement.

La France doit prendre cette mesure immédiatement. Rien ne le lui interdit vraiment. Et rien ne l’empêche, avec les autres Etats membres convaincus, d’engager dès à présent des négociations pour libérer l’investissement vert au niveau de l’Union européenne.

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 17:27

La question est à nouveau posée depuis la démission fracassante du ministre de la Transition écologique du gouvernement français. Gaël Giraud, chef économiste de l’Agence Française de Développement, y répond. Un entretien lumineux par Caroline Broué pour France Culture le 1er septembre 2018 à écouter sur Economie/écologie : l'impossible conjugaison ?.

 

 

 

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27 août 2018 1 27 /08 /août /2018 14:27
Le bêtisier d'Europacity, 5 : à quoi bon embellir l'enveloppe, si elle est vide ?

Lire aussi L'État fait appel de l'annulation de la ZAC de Gonesse - venez à la Fête des terres de Gonesse, le dimanche 27 mai et Le projet EuropaCity jugé peu compatible avec l'environnement.

Cet été, des nuages noirs et menaçants sont arrivés dans le ciel de Gonesse

Le gouvernement et Grand Paris Aménagement menacent de passer en force

Nous avons reçu le 30 juillet la notification de la Cour d’appel de Versailles des deux appels faits contre l’annulation par le Tribunal administratif (TA) de Cergy de la création de la ZAC Triangle de Gonesse : appels du ministre Jacques Mézard et de Grand Paris Aménagement (GPA). Nous avons 2 mois pour répondre. Cet appel est complété d’une demande de sursis à exécution dont nous avons eu notification le 6 août et nous avons seulement 1 mois pour répondre. Toujours dans le domaine juridique nous avons à répondre au mémoire de la commune de Gonesse en réponse à notre recours contre l’adoption du PLU.

On se souvient aussi que le 11 juillet l'Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF) poursuivait notre collectif, le CPTG, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Pontoise, où il espérait obtenir des juges un OQTG (Ordre de Quitter la Terre de Gonesse) à l'encontre des choux, radis, carottes, courges, courgettes et autres cucurbitacées qui s'épanouissent là depuis mai 2017.

Merci à la bonne trentaine de sauveteur-e-s des terres présent-e-s de bon matin le 11 juillet au TGI de Pontoise

Merci à la bonne trentaine de sauveteur-e-s des terres présent-e-s de bon matin le 11 juillet au TGI de Pontoise

Le CPTG n’ayant pas encore de réponse à la demande d’aide juridictionnelle, le Président du CPTG lui-même a demandé le report de cette audience et le tribunal de référé a décidé le report au mercredi 12 septembre à 9h, date à laquelle nous passerons une nouvelle fois en référé au TGI de Pontoise.

Mais pour 2018-2019, le pire peut venir de la ligne 17 nord, vu que selon le directeur de GPA, le Triangle de Gonesse pourrait servir à déposer des déchets BTP ( pierres écrasées, câbles, morceaux de béton, etc.) provenant du chantier de construction de la gare de l’aéroport du Bourget. Par tous les moyens nous aurons à empêcher l’ouverture d’une telle décharge sur le Triangle, alors que la gare du Triangle n’est envisagée que pour 2027 avec toujours une incertitude sur EuropaCity et sur la ZAC.

L’enquête publique préalable à la DUP

Le commissaire enquêteur, 5 mois après la fin de l’enquête publique a donné un avis favorable à la demande de DUP (déclaration d’utilité publique de la ZAC du Triangle de Gonesse). Ceci en totale contradiction avec l’avis défavorable lors de l’enquête publique sur la révision du PLU de 2017 et la décision de mars 2018 du tribunal administratif (TA) de Cergy d’annuler la création de la ZAC. Mais rien n’est joué et on ne lâche rien !

Depuis l’annonce du projet en 2010 EuropaCity multiplie les opérations de publicité à chaque évolution même minime de son projet architectural, mais ils se gardent bien d’apporter la moindre précision sur le type d’activités qui pourraient trouver leur place à l’intérieur des surfaces commerciales, ou des espaces cirque ou exposition … alors que subsiste toujours la piste de ski.

D'autres dates à noter

Samedi 8 septembre : Un groupe musical du 93 organise une soirée et une nuit sur le Triangle. Ils feront référence à l’action contre EuropaCity. Cet événement, après la fête que nous organisons le 1er septembre, montre bien que nous n’avons pas besoin d’Auchan ni de Wanda pour que des animations voient le jour sur le Triangle.

Dimanche 16 septembre de 14h30 à 16h à la fête de l’Humanité, sur le stand de la fédération du PCF du Val d’Oise, présentation et débat sur le Triangle de Gonesse et le projet CARMA.

Vendredi 21 septembre de 18h à 22h : Fête des Possibles avec CARMA et le Labo de l’ESS à Villiers-le-Bel, maison de quartier Boris Vian.

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Le bêtisier d'Europacity 5. A quoi bon embellir l'enveloppe, si elle est vide ?

Pour séduire les habitants du territoire, le maître d'ouvrage d'Europacity ne lésine pas sur l'embellissement de son projet, afin de déclencher l'adhésion par un effet "Waouh". Il a même changé de nom. Mais les oppositions grandissent, malgré l'avis favorable de la dernière enquête publique. Quant au contenu du projet, il reste désespérément vide. Par Jacqueline Lorthiois le 1er août 2018, qui fait suite aux chapitres 1, Le Bêtisier d'Europacity, chapitre 1 : Images d'Épinal, 2, Le Bêtisier d'Europacity, chapitre 2 : La prolifération d'emplois fantômes, et 3 et Le bêtisier d'Europacity, 3. Des emplois inaccessibles à la population locale.

Le feuilleton continue, pour la huitième saison consécutive. Bien entendu, il faut des rebondissements pour maintenir les spectateurs en haleine. En témoignent deux derniers épisodes : après une bataille gagnée par un groupement d’associations opposées à Europacity (réunies autour du Collectif CPTG) [1] qui a obtenu l’annulation de l’arrêté préfectoral de création de la ZAC du Triangle de Gonesse par le Tribunal Administratif de Cergy –mais contestée en appel [2] -, la balle repasse cette fois dans le camp adverse, avec un avis favorable du commissaire-enquêteur chargé de l’enquête publique préalable à la DUP de cette même ZAC. Toutefois, le scénario a beau être chaotique, plus le temps passe et plus les arguments sur le caractère « inutile pour les habitants » de ce grand projet se renforcent ; et plus son caractère « utile pour les spéculateurs » se dévoile…

Pour entretenir l’illusion auprès des résidents du territoire et de ses partenaires et calmer la montée des oppositions, la société « Belle Etoile » - porteuse de ce complexe immobilier géant - a lancé depuis deux ans une nouvelle vague d’opérations marketing à double stratégie : répéter en boucle les promesses mirifiques - sans les justifier davantage – d’appréciables retombées économiques devant ruisseler sur cette banlieue pauvre ; faire oublier l’absence de preuves par un relooking de l’aménagement d’ensemble, destiné à distraire les habitants par la magie d’une invitation au rêve… Afin de provoquer ce que les conseillers marketing d’Auchan ont baptisé « l’effet Waouh », complaisamment décrit dans le livre « Europacity, l’aventure d’un projet » [3]. Dans une luxueuse édition, l’ouvrage nous présente ce « grand mix des cultures et des flux3 » magnifiquement emballé, propre à susciter « un mélange d’admiration et d’étonnement pour le visiteur3». Déclenchant un effet de sidération devant tant de splendeur, à la manière du loup de Tex Avery dont les yeux sortent des orbites, tandis qu’il pousse un hurlement (Waooooooouuuuhhh !!!) de plaisir admiratif… Un dessin suggestif (figure 1) nous présente le site assimilé à une huître, contenant la « perle » de ce merveilleux OVNI. Notons au passage que ce croquis (contrairement aux maquettes d’architectes présentées sur le site du maître d’ouvrage) n’évacue ni le survol des avions de Roissy, ni les entrelacs des réseaux routiers…

Figure 1 © François Maumont, in EuropaCity, l'aventure d'un projet, Ed L'Aube

Figure 1 © François Maumont, in EuropaCity, l'aventure d'un projet, Ed L'Aube

Mais tenter de mettre des étoiles dans les yeux des chalands potentiels… suffit-il à gommer les nécessaires réponses à deux questions de fond - posées dès 2011, lors de l’émergence de ce centre commercial et de loisirs - et restées depuis lors en suspens :

- 1/ Comment satisfaire tout à la fois les besoins en activités, emplois, formations, mobilité des populations locales voisines ?

- 2/… Et simultanément, comment préserver l’ensemble de ce patrimoine agricole et nourricier exceptionnel [4] ?

Dernière recette bien connue des grands groupes pratiquant généreusement la valse des étiquettes [5], le promoteur décide de débaptiser le patronyme connoté de son ancienne structure immobilière : exit Immochan, voici CEETRUS ! Tel est le nom de scène du nouvel acteur de la troupe Auchan qui fait son entrée, admirablement costumé dans un habillage reconditionné, dont on a peaufiné fioritures et paillettes… Mais hélas, à l’intérieur, nous nous heurtons toujours au même vide abyssal de contenu sur les questions qui fâchent (cf. 1 et 2) !!

CEETRUS : valse d’étiquettes dans la grande distribution [6]

L’explication du changement de titre vaut son pesant de cacahuètes. Dans une novlangue mêlant le franglais et le latin de cuisine, nous découvrons que ce nom proviendrait d’une mixture composant le menu d’un quatre-quarts : ¼ C comme City ; ¼ « See » (observer), ¼ « Trust » (confiance) et ¼ Us (co-construction) !! Le tout contracté ensuite, à la manière d’une compression du sculpteur César. Avec un sous-titre pré-Brexit digne du sketch de Coluche sur les publicités de lessive : «with citizens, for citizens » (« avec et pour les citoyens »). Tout-à-fait le slogan adéquat pour rallier les habitants des banlieues populaires du nord-est francilien !! Car CEETRUS prend ses distances avec Auchan et va presque jusqu’à renier sa filiation, pour pouvoir mieux transférer « ailleurs » le soi-disant concept futuriste mis au point avec Europacity. Sept ans de réflexion qui ont permis l’émergence d’une fonction sublimée de « développeur global », une sorte de « couteau suisse » à compétences multiples décrit par Benoît Lheureux, son directeur général : « à la fois aménageur, promoteur, gestionnaire et exploitant d’actifs commerciaux »… permettant à l’ancien professionnel de la grande distribution de se diversifier vers « les activités de loisirs, le logement, les bureaux, les espaces de santé ou de coworking [7]. » Par ce descriptif dithyrambique, CEETRUS entreprend de séduire ses futurs usagers, tout autant que les pouvoirs publics et les collectivités territoriales. Mais il susciterait plutôt chez ses détracteurs un regain de méfiance et d’incrédulité…

Car nous sommes en droit de nous interroger sur l’avenir de cette portion de banlieue nord : les concepteurs-packaging du nouvel emballage conçu par Ceetrus sont-ils si pertinents (« see » = observer !) qu’ils le prétendent ? Qualifier de City un lieu où est interdite la première fonction urbaine qu’est l’habitat… n’inspire guère confiance (« trust ! »). C’est d’ailleurs pour cette raison que nous écrivons Europacity avec un petit « c » et non pas comme l’exigerait la marque déposée EuropaCity avec un grand C – car cette majuscule est à nos yeux parfaitement usurpée : la seule grandeur qu’il convient de concéder à ce complexe démesuré est… son immense inutilité pour les « citizens »!

Une accumulation de dispositifs dits de “concertation”

Depuis 2010 et l’annonce par Auchan de son projet pharaonique, lors du débat public sur le réseau du Grand Paris Express, les consultations concernant cette nouvelle implantation se succèdent à un rythme d'enfer. Tout d’abord 2 ans de réunions de « concertation alibi » - dites « règlementaires » - organisées par l’Établissement Public d’Aménagement (EPA) Plaine de France qui se sont déroulées uniquement dans la ville de Gonesse (comme s’il s’agissait d’un équipement local, alors qu’il se revendique comme un atout du « Grand Paris – ville monde »), sans doute dans l’objectif d’éviter la procédure du débat public et de ne pas avoir à organiser une enquête publique préalable à la création de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC). Finalement le débat public a bien eu lieu, conduit pendant 4 mois par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) en 2016. Suivi en 2017 par un mois d'enquête publique sur le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de Gonesse (ici encore une procédure locale [8], pour un pôle d’envergure métropolitaine). Puis un mois ½ pour une nouvelle enquête préalable à la DUP (Déclaration d’Utilité Publique) de la ZAC du Triangle de Gonesse (janvier-février 2018), dont l'avis du commissaire-enquêteur a été repoussé à trois reprises, pour rendre finalement le 13 juillet un rapport favorable. Sans compter une autre enquête publique (du 23 avril au 24 mai dernier) portant sur la demande d’autorisation environnementale de la future ligne 17 Nord du métro automatique Le Bourget-Roissy, comprenant la gare "Triangle de Gonesse" [9]. Un dossier de plus de 1500 pages en A3, si volumineux et technique, que seule une dizaine de téméraires (dont notre Collectif !) s’est risquée à une réponse sur internet [10]. Et ce n’est pas fini : nous avons été saisis d’une nouvelle enquête publique qui s’est achevée le 11 juillet 2018… pour le centre de maintenance des lignes de métro 16 et 17, situé principalement à Aulnay-sous-Bois. Par ailleurs, dans le cadre de la première phase de l’élaboration de son Schéma de Cohérence Territorial (SCOT)[11], la Communauté d’agglomération Roissy-Pays de France (CARPF) organise actuellement des réunions publiques d’information. Une intercommunalité au périmètre fortement agrandi, adjoignant désormais 17 communes seine-et-marnaises aux deux anciens EPCI de l’est 95. Cet élargissement intempestif n’est pas sans nous faire craindre des ambitions de bétonnisation démultipliées : on est notamment en droit de s’inquiéter qu’une gare de métro implantée au Mesnil-Amelot (844 habitants en 2013) ne se traduise par un tartinage [12] généralisé au nord de celle-ci, mettant en grand danger ce bijou écologique qu’est la vallée de la Goëlle !!

Ainsi, nous parvenons aujourd’hui à une situation de « saturation dépassée » : nous sommes accablés par cette pléthore de gesticulations administratives successives dites de « concertation » extrêmement chronophages, ne réunissant jamais l’ensemble des acteurs concernés, dans la plus pure tradition française du "saucissonnage », condamné à maintes reprises par la Commission Européenne. Consistant à charcuter les dispositifs tout autant que notre patience, à restreindre le nombre de participants, dans le but inavoué de faire mieux avaler la potion indigeste d'un bétonnage généralisé du territoire, par petites gorgées successives, avec le moins de résistance possible.

Un entêtement sourd et aveugle

Pendant ce temps, la locomotive Auchan progresse coûte que coûte dans la poursuite de son objectif initial, tel que présenté sur le site de la CNDP en 2016, concédant quelques retouches de forme à la marge, mais négligeant toujours de répondre aux deux questions fondamentales citées plus haut. Et ceci malgré la multiplication des alertes incitant le maître d’ouvrage à modifier très significativement la teneur de son Grand Projet Inutile et Imposé (GPII) [13], voire à l’abandonner. En témoignent successivement : d’abord un rapport très critique émanant de l'Autorité Environnementale (mars 2016), ensuite un avis défavorable de la Commission Départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) du Val d’Oise (avril 2017). Puis en Août 2017, le commissaire chargé de l'enquête PLU remet à son tour un avis défavorable, jugeant les orientations :

« - incompatibles avec le pilier environnemental par ses impacts sur le changement climatique, la destruction de ressources et l'atteinte à la biodiversité ;

- modérément compatibles avec le pilier économique. En effet, la création d'emplois et de richesses annoncée est mise à mal par des études extérieures. Elle pourrait se faire au détriment des activités présentes sur les territoires voisins (…)

- peu convaincantes sur le pilier social. L'insertion envisagée n'est pas suffisamment argumentée et même remise en question. Les objectifs en matière d'emploi sont peu en phase avec le niveau de formation local. »

Enfin, le 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Cergy - saisi par le groupement d’associations citées plus haut1 - prononce l’annulation de l’arrêté de ZAC pris par le Préfet du Val d’Oise. Le 4 mai, l’État fait appel, mais d’ici le jugement, la zone d’aménagement est bel et bien annulée… Ce qui n’a pas empêché depuis… le commissaire chargé de l’enquête-DUP de rendre lui-même en juillet un avis favorable !

Ainsi, à moins d’un an d’intervalle, deux enquêtes publiques concernant le même sujet ont abouti à deux positions différentes. Ceci n’est pas sans rappeler le rapport final de la CNDP, qui faisait état de deux visions du monde diamétralement opposées. D’un côté une conception issue du passé, reposant sur « une société attachée aux modes de vie urbains ou aspirant à y avoir accès, mais taraudée par le chômage, et pour laquelle seul un modèle plus classique de croissance et de développement économique permet d’apporter des solutions durables14 ». De l’autre, une conception tournée vers le futur, « une société qui s’affranchirait de la course à la consommation pour aller vers davantage de sobriété et s’engagerait vers une transition écologique et énergétique [14] … » A mettre en relation avec l’interview de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire sur l’antenne d’Europe 1, se positionnant clairement dans le débat : « C’est la folie des grandeurs du XXème siècle. C’est exactement ce que je ne veux plus demain. » [15].

Visiblement, cette deuxième perception, centrée sur l’avenir, semble attirer de plus en plus d’adeptes. Nous sommes loin de ces « groupuscules associatifs » tournés en dérision par M. Blazy, maire de la commune d’accueil, lors d’une manifestation le 28 septembre 2014 contre l’urbanisation du Triangle [16]. En témoigne lors de l’enquête PLU, la remise par le CPTG de deux pétitions d’opposants, l’une numérique de 1583 signatures (dont 933 validées) et l’autre sur papier de 1012 signatures, dont 370 gonessiens (à comparer à la pétition de la mairie de Gonesse avec 145 signatures, dont on ignore la proportion de gonessiens). Et en 2018, lors de l'enquête sur la DUP, les avis atteignent un nombre record, avec 3450 réponses [17] déposées sur internet, positionnées très largement en défaveur du projet (88% « Contre »), avec seulement 379 opinions favorables. Sans compter le dépôt d’une pétition numérique avec près de 2300 signatures exprimant leur refus. On trouvera ci-après un tableau effectué par l’un de nos militants, basé sur l’analyse des contributions faisant l’objet d’une rédaction personnelle des auteurs (1150 personnes), qui compare les points de vue des partisans et des opposants, selon différents critères (voir figure 2). Distinction qui n’a pas été effectuée par le commissaire-enquêteur, qui se contente d’une analyse des avis en deux pages sur un total de 192 ( !), alors qu’il s’étend longuement sur le point de vue de Grand Paris Aménagement sur des dizaines de pages. Sa mission était pourtant de faire remonter l’expression de la société civile, plutôt que la position de l’organisme aménageur, à la fois juge et partie.

Figure 2 © Franck Deboise, CPTG

Figure 2 © Franck Deboise, CPTG

Tandis que depuis quelque temps « les nuages s’amoncellent [18] » au-dessus d’Europacity, on pourrait supposer que la structure porteuse s’attache en priorité à répondre aux critiques, à prendre mieux en compte les souhaits exprimés, ou encore à mettre en œuvre les conditions de faisabilité réclamées dans les différentes enquêtes publiques. Dans le tableau ci-dessus, la colonne de droite indique que le premier argument arrivé largement en tête des avis favorables, avec 38 %, est le critère EMPLOI. C’est pourquoi on s’attendrait à ce que le directeur général M. Chang, qui claironne partout la décision inébranlable de poursuivre l’objectif, puisse le justifier en s’attelant en urgence à renforcer cette dimension majeure. Il n’en est rien : le thème semble frappé d’une étrange léthargie depuis 2016. Le maître d’ouvrage se contente d’adopter la rondeur rassurante d’un « 10 000 emplois » - un chiffre « brut » et non net - estimé à la louche par un expert nommé par la CNDP, estimant sans doute qu’un organisme public représente une garantie suffisante pour se dispenser de plus amples approfondissements. En ne daignant même pas procéder à la réactualisation de l’étude Emploi du cabinet Sémaphores effectuée pour le compte du groupe Auchan, avec ses chiffres hautement contestables de 2009 (qui auront seulement la bagatelle de 18 ans d’âge pour une ouverture désormais repoussée en 2027 ! [19] ). J’ai analysé en détail les nombreuses incohérences et lacunes de ce document au cours des chapitres précédents (2, 3 et 4). Mais nous reviendrons plus longuement sur cette impasse regrettable.

Un malentendu fâcheux

Malgré ces données aussi approximatives qu’obsolètes, la direction d’Europacity persiste à se focaliser sur l’amélioration du critère « image », qui ne venait pourtant qu’en deuxième position, loin derrière l’Emploi chez les internautes ayant formulé un avis favorable (17,7 % des « Pour », un supporter sur 6). De plus, il semble exister un malentendu savamment entretenu entre les protagonistes sur la signification du terme. D’un côté, les habitants expriment un sentiment d’abandon, se plaignent de la mauvaise réputation de leur lieu de résidence, notamment auprès des employeurs : ils évoquent non seulement le taux élevé du chômage, la pauvreté des populations, mais aussi leur éloignement des pôles majeurs de la métropole. C’est pourquoi ils rêvent de ce grand pôle de culture et de loisirs attractif qu'on leur fait miroiter et qui serait censé redorer radicalement le blason de leur territoire, à une vaste échelle qu’on pourrait apparenter au Grand Roissy (600 000 habitants). A l’inverse, la société porteuse se soucie peu de modifier l’image - au sens «réputation» du terme - d’une portion de banlieue qui se considère reléguée, mais se concentre sur l'amélioration de l'image du complexe lui-même - au sens «séduction» et «attractivité» du mot - et à l’échelle restreinte du Triangle de Gonesse, non pas à destination des populations locales, mais de millions de visiteurs potentiels, originaires du monde entier. D’où la décision pour le moins arbitraire d’effectuer en 2017 une reprise du plan-masse, une amélioration du concept d’aménagement interne et un embellissement de l’architecture. Autant d’actions nullement réclamées par les participants à la consultation, y compris ceux qui ont exprimé un avis favorable. Mais on leur fait croire que cette reconfiguration est effectuée à leur bénéfice, comme le déclare M. Chang : « EuropaCity sera une nouvelle destination touristique, unique au monde, mêlant comme nulle part ailleurs du loisir, de la culture, du sport et des commerces [20]. Une destination qui va accueillir plus de 30 millions de visiteurs et renforcer la place de Paris dans la compétition entre les villes mondes. C’est parce que ce projet a une ambition mondiale qu’il créé une ambition nouvelle pour un territoire qui, apparemment, n’a pas le droit d’en avoir… » [21] Lapsus révélateur : est-ce à dire qu’en dehors de l’ambition portée par les groupes Auchan-Wanda, les populations ne pourraient pas en souhaiter une autre, qui leur serait destinée, par exemple ?

Europacity, à son tour bientôt débaptisé ?

Qu’une multinationale ait une visée mondiale, nous n’en doutons absolument pas, mais en quoi cela démontre-t-il que ce méga-pôle de commerces et de loisirs soit « with citizens, for citizens » du nord-est francilien ? Car pour répondre aux préoccupations des habitants, l’implantation d’un grand équipement suffit-elle à valoriser l’image d’un territoire ? Qu’il nous soit permis d’en douter : dans le cas de Disney, la direction a rapidement troqué son titre d’EuroDisney pour Disneyland-Paris. Combien de visiteurs ont déjà entendu parler de la commune d’accueil de « Chessy » sur laquelle le parc de loisirs est localisé ? De même, il est clair que si jamais Europacity voyait le jour, les publicitaires chercheraient au maximum à mettre en avant sa proximité avec Paris. C’est d’ailleurs déjà le cas dans le choix de la présentation du projet sur internet, où les distances paraissent abolies, puisque l’implantation est positionnée soi-disant « entre Paris et Roissy », alors que la capitale se trouve à 15 kms de là et que le nord du Triangle se situe sur la commune de Roissy !

L’origine du titre viendrait de l’objectif initial de rassembler sur un même pôle les plus célèbres grands magasins des différentes capitales d'Europe : on souhaitait par exemple voir figurer Harrods aux côté des Galeries Lafayette. Mais rapidement cette première hypothèse a été abandonnée, car les centres commerciaux « classiques » ne font plus recette et les enseignes ont exprimé leur refus. En témoigne l’avis très négatif déposé lors de l’enquête publique sur la ZAC du Triangle de Gonesse, par l’Union du Grand Commerce de Centre-Ville (UCV) qui regroupe les Galeries Lafayette, le Printemps, le BHV, le Bon Marché et  Monoprix [22]. Pourtant le nom d’origine a été conservé, au grand regret d'un certain nombre de partisans qui souhaitent valoriser une attractivité emblématique, à l’échelle non pas européenne, mais « mondiale » : « Quelle idée de s’appeler Europacity ! Ils sont à Paris, l’une des marques les plus fortes au monde et ils choisissent de s’appeler Europacity ! Comme s’ils étaient en Haute-Marne ou en Bavière ! Dans une Ile-de-France où il y a plus de visiteurs internationaux que d’habitants » se désolait Jean-Pierre Blat, ancien Directeur Général du Comité Régional du Tourisme Paris Ile-de-France.

Des gains environnementaux fantaisistes, une destruction irrémédiable

Quant à l’image véhiculée par la conception architecturale, le promoteur a beaucoup misé sur le prestige de l’architecte danois Bjarke Ingels, fondateur de l’agence BIG (quoi de mieux qu’une agence nommée BIG pour un équipement XXL ?), architecte vedette mondialement célèbre (classé dans le Top 100 des personnalités les plus influentes de l’année 2016 selon le Times), lauréat de grands concours internationaux (la deuxième tour du World Trade Center – 2WTC - ; le siège social de Google) … Et une réputation de spécialiste de bâtiments à haute qualité environnementale, notamment avec la réalisation d’un grand centre d’incinération à Copenhague, considéré comme un modèle d’innovation et de développement durable. D’où la promesse d’un Europacity auto-suffisant en énergie, grâce à un système sophistiqué de compensation entre deux équipements phares : la production de froid de la piste de ski devant annuler les besoins de chaleur du lagon tropical. En réalité, cette fable a été assez rapidement démontée par nos experts : les besoins s’additionnent et l’ensemble représenterait la consommation énergétique d’une ville de 140  000 habitants [23], soit la taille de Clermont-Ferrand.

De même, il est affirmé avec aplomb qu’après avoir fait disparaître 80 ha de terres agricoles, il suffirait des récoltes des 7 ha de la « ferme urbaine » pour alimenter en produits frais (et bien entendu à label biologique) les convives des 20 000 m2 d’espaces de restauration… Tandis que nos adversaires répandent la rumeur que les terres actuelles du Triangle seraient irrémédiablement polluées, parce qu’occupées par des cultures traditionnelles de céréales, utilisatrices de pesticides : quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage ! La réalité est bien plus prosaïque : quand il n’y a pas de futur, il ne peut y avoir de projet ! Comment des agriculteurs frappés d’expropriation, cultivant un sol à titre provisoire pourraient-ils opérer une reconversion de leurs modes de production, avec une telle épée de Damoclès au-dessus de leur tête depuis 40 ans? Il suffit de 3 ans de mise au repos pour passer d’une agriculture conventionnelle au bio. Mais se lancer dans cette filière suppose un minimum de sécurité : disposer d’un temps suffisant pour supporter des années sans revenus et récolter ensuite sur la durée les bénéfices d’un tel investissement. Il s’agit donc d’un argument totalement fallacieux : des agriculteurs précaires n’ont pas de choix !

Reste une certitude : si ces terres sont bétonnées, leur destruction est irréversible. Rappelons que les pédologues estiment entre 18 000 et 20 000 ans le temps qu’il a fallu pour bonifier ces sols, d’une profondeur exceptionnelle qui retient l’eau et dispense d’arrosage (en moyenne, en France, un sol a une profondeur comprise entre 30 et 100 cm [24] ; ici par endroits, elle est de 6 mètres)… Si une grotte préhistorique avait été découverte sur le territoire, il aurait été interdit de l’urbaniser. Mais sous prétexte que c’est la nature qui a permis la lente constitution d’un tel patrimoine, il est considéré comme sans valeur. Car l’homme est d’une incroyable prétention : quand il n’est pas présent sur un lieu, il considère que l’espace est « vide ». En témoigne la visite sur les terres de Gonesse en novembre 2016 de M. Fromantin, chargé du projet d’Exposition Universelle heureusement abandonné, s’extasiant devant le spectacle de cette séduisante «page blanche» [25]! On est en droit de s’indigner qu’aujourd’hui en France - une nation qui a accueilli la COP 21 - cette richesse millénaire ne soit pas sanctuarisée au titre de « qualités agronomiques exceptionnelles » comme le réclame la politologue Alice Leroy [26].

Les terres agricoles en piégeant le carbone, en retenant l'eau, en constituant des îlots de fraîcheur dans un espace trop minéralisé permettent aux riverains de survivre. Non seulement elles approvisionnent l’espèce humaine, mais elles s’insèrent dans toute une chaîne alimentaire, végétale et animale. Il ne s’agit pas de n’importe quel territoire qu’il est possible de sacrifier sans remords : c’est la dernière « pénétrante » dans la zone agglomérée du nord-est de l’Ile-de-France (figure 3). Il n’y en a pas d’autres. On ne peut pas préserver un autre espace de nature de cette taille en banlieue nord.

Figure 3 © Source : Projet CARMA

Figure 3 © Source : Projet CARMA

Un visuel attractif, mais on a oublié la bande-son !

Fallait-il - dans un tel contexte – mettre autant de moyens techniques, financiers, pour modifier en hâte la composition architecturale d’Europacity ? Qu’il soit permis d’en douter au vu du nouvel aménagement proposé. Au départ, il s’agissait d’un « immense anneau de béton, d’acier et de verre, incliné vers le Bourget [27] », un vaste édifice clos, abritant sous une bulle différents équipements et activités, avec des toits végétalisés (certains ont même prétendu que leur biodiversité serait supérieure aux terres agricoles sacrifiées !) Une forme initiale à caractère extra-terrestre, qui avait fait l’objet de remarques moqueuses, relatées pour la première fois en septembre 2011 dans les Echos : « les opposants dénoncent (…) un complexe déconnecté de son environnement, une « soucoupe volante » dont les habitants des quartiers enclavés ne profiteront pas ». [28] De même, lors d’une émission sur France-Inter [29], l’architecte-urbaniste David Mangin avait vivement critiqué le caractère « introverti » - fermé sur lui-même - de cet ensemble compact. D’où la décision des promoteurs de reprendre le plan-masse, d’entreprendre un traitement cosmétique de rafraîchissement de l’image. Une véritable « fuite en avant ».

Car l’aménagement reconfiguré par BIG nous laisse rêveurs : finalisé à l’été 2017, le nouveau « plan directeur » consiste d’après la présentation sur internet du maître d’ouvrage à « faire évoluer la conception architecturale générale du projet, afin de renforcer son ouverture physique sur son environnement immédiat et d’améliorer ses accroches urbaines ». Pour effacer l’allure martienne initiale, il est validé une nouvelle forme éclatée en fragments, à ciel ouvert, avec des places et des rues organisées autour d’un noyau central constitué par un parc avec bassins et plantations (« de la taille du jardin des Tuileries » précise Thierry Lajoie [30]), comme un quartier de ville nouvelle. Bien que « la galerie circulante commerciale n’existe plus30 », constatons que la programmation n’a pas bougé, même si les surfaces commerciales (230 000 m2 auxquels il convient d’ajouter 20 000 m2 de restauration), sont désormais dispersées, elles représentent toujours la majorité du bâti [31].

A cet ensemble ont été adjoints en 2017, huit objets architecturaux intitulés pompeusement « bâtiments iconiques » disséminés dans l’espace (centre de congrès, salle de concert, cirque, hôtels, etc.), qui ont fait l’objet d’un concours international, dont les équipes gagnantes ont été présentées lors d’une exposition à Paris. Malgré la réputation des lauréats (« la fine fleur de l’architecture contemporaine » ironise Télérama [32]), constatons que la programmation de ces équipements a été effectuée sur une base hypothétique : nous ne disposons - cette fois encore - d’aucune étude de faisabilité sur l’existence d’une demande locale suffisante. Et ce n’est pas la poignée d’habitants triés sur le volet qui ont participé à un simulacre de « co-construction » qui peut remplacer une véritable étude de marché, basée notamment sur l’inventaire des équipements existants. A quoi bon la prouesse technique d’un mastodonte commercial et de loisirs qui ne correspondrait à aucun besoin des populations auxquelles il prétend être destiné ? (Le journaliste Pascal Priestley souligne ironiquement le prétendu «caractère presque philanthropique du projet » [33].) Exemple : quelle faisabilité d’un « centre culturel du 7ème art », à quelques encablures de la Cité du Cinéma de Luc Besson (Saint-Denis) qui peine à s’affirmer, dans une intercommunalité (Plaine Commune) dont le Contrat de Développement Territorial est dédié à « l’image » et validé comme « Territoire de la Culture et de la Création » ? Mais une sorte de “croyance magique” semble régner que l’offre engendrerait spontanément une demande… Comme s’il suffisait de plonger un animal dans l’eau pour qu’il lui pousse des nageoires !

Dans un dossier du Moniteur de 2015 à la louange d’Europacity [34], l’architecte-urbaniste François Leclercq affirme : « Il faut que ces projets d’aménagement franchissent les infrastructures, que la nature passe et créé un lien continu, il faut sortir d’une logique de plaques ». Ce dernier terme est ainsi défini par Franck Vallérugo : « une succession de projets sans lien entre eux mais très consommateurs d’espaces (aéroports, site industriel PSA, grands ensembles d’habitat populaire, zones pavillonnaires, terres agricoles interstitielles, parc d’exposition) [35] » qui rendent l’espace « illisible et difficilement praticable35 ». Or, force est de constater que le méga-pôle en question est bien conçu comme « une plaque » supplémentaire, posée sur le territoire. Car, dans le dossier d’enquête de DUP, nous constatons qu’apparaissent seulement les voiries du centre d’affaires, sans aucun raccordement avec les 80 ha du pôle, dont on attend toujours le schéma interne de rues, avenues transversales, places, etc. Par ailleurs, il n’y a pas non plus d’insertion de la ZAC dans l’environnement plus large, notamment avec l’autoroute A1 (échangeur ?) et au niveau du Boulevard Intercommunal du Parisis (BIP), nous cherchons vainement une stratégie de liaison entre le tronçon soi-disant « apaisé » traversant le Triangle à vitesse réduite et le tronçon à caractère autoroutier à l’ouest (que deviennent les camions ?)

Quant à l’« ouverture vers l’extérieur » du site, on peut s’interroger sur la pertinence d’un tel choix pour une zone aussi exposée à la pollution sonore d’un atterrissage ou d’un décollage d’avion toutes les 90 secondes. Pire encore, on prévoit un mouvement toutes les minutes, avec la mise en service en 2021 de la nouvelle aérogare T4 de Roissy-Charles de Gaulle, permettant d’accueillir 30 millions de passagers supplémentaires, venant s’ajouter aux 69,5 millions actuels (2017). Le Triangle de Gonesse, coincé entre deux aéroports, est interdit à l’habitat en raison de l’intensité du bruit du trafic aérien, auquel s’ajoutent les grondements de l’autoroute à grande circulation A1 [36] qui longe le territoire à l’est. Est-ce à dire que la pollution sonore très élevée (classée par les français en tête de toutes les nuisances) considérée comme insupportable pour des habitants, deviendrait miraculeusement soutenable pour des travailleurs ou des visiteurs ? On peut certes isoler les locaux, mais à condition d’y rester confinés, y compris en n’ouvrant pas les fenêtres, en ne sortant pas dehors. Alors comment comprendre les nombreuses activités de plein-air, vantées dans les images 3D sur le serveur du maître d’ouvrage (outre la ferme urbaine, des espaces de cueillette ou de promenade, des terrasses de cafés-restaurants, des allées pour piétons et cyclistes, des bancs pour s’asseoir, une balustrade pour admirer le point de vue sur la tour Eiffel - par temps clair, oublie-t-on de préciser ! -)

L’équipement-phare de BIG fait « flop »

Autre avatar : la réputation d’innovation et de développement soutenable de l’architecte star Bjarke Ingels a été sérieusement écornée en 2017, avec le fiasco du grand centre de traitement des déchets de Copenhague - soi-disant dernier cri – porté par l’agence BIG et qui menace faillite, après une mise en service de quelques mois. Intitulé « Amagger Bakke » (figure 4), il a été validé en 2010 par l’Agence de Traitement des déchets de l’agglomération, passant outre l’opposition de la ministre de l’environnement. Il devait fournir de l’électricité à 62 500 foyers et de l’eau chaude à 160 000 autres, tout en résolvant la délicate gestion des ordures ménagères de la capitale. Au départ, le concept semblait extrêmement innovant : un grand bâtiment en triangle, doté sur un côté d’un des plus hauts murs d’escalade du monde (80 m), des rampes en pente à l’air libre accueillant des pistes de ski, ainsi que des parcours végétalisés pour piétons et vélos et sur le toit un café panoramique et des plantations. Mais « l’image avant-gardiste de la construction se fissure [37] », l’incinérateur se révèle être un gouffre financier, avec « une facture d’un demi-milliard d’euros à la charge des contribuables37 » relate un récent article de Libération. En effet, l’équipement, pensé dans un autre contexte, se révèle aujourd’hui largement surdimensionné : le prix de l’électricité a baissé ; les habitants ont adopté un comportement plus vertueux que prévu, en pratiquant de substantielles réductions de leurs déchets à la source. Résultat : pour pouvoir fonctionner, l’usine doit importer (essentiellement du Royaume-Uni) 110 000 tonnes de déchets par an. Ce qui représente un surcoût financier et un gâchis écologique considérables. « Les ordures non triées des britanniques comportent beaucoup plus de matières plastiques et de composants chimiques que les déchets danois recyclés au préalable37 » venant aggraver la pollution générée par l’incinérateur, avec des conséquences catastrophiques pour l’environnement, notamment en mer Baltique. Un échec monstrueux qui compromet peut-être définitivement les efforts des danois pour atteindre l’objectif de « Copenhague, ville sans carbone en 2025 » !

Figure 4 © Agence BIG Ammagger Bakke, architecte : Bjarke Ingels

Figure 4 © Agence BIG Ammagger Bakke, architecte : Bjarke Ingels

On pourrait objecter qu’au Danemark, il s’agit d’un investissement public, à la différence d’Europacity, dont les groupes privés Auchan-Wanda supportent le risque financier. C’est oublier qu’un pôle prétendant attirer 31 millions de visiteurs ne peut voir le jour que s’il dispose d’une excellente desserte, ici grâce à une ligne de métro dotée d’une gare et un raccordement routier avec l’autoroute A1. Ce qui d’après les calculs du CPTG représenterait la modique somme… d’un milliard d’euros de fonds publics. Sans compter les réserves que l’on peut formuler sur les impacts très problématiques de flux importants (au moins 42 000 personnes/jour utilisant la voiture) raccordés à une autoroute saturée (200 000 véhicules/jour à hauteur de Blanc-Mesnil).

Faire une ville sans habitants ?

Pour conclure, comment peut-on prétendre agir « avec les citoyens, pour les citoyens » en urbanisant un territoire sans habitant ? Comment peut-on présenter le nouveau concept d’aménagement comme un « quartier », alors qu’il n’y a pas et qu’il ne peut y avoir de « Ville » ? Lors d’un débat organisé le 23 Mai 2018 par Mediapart [38] entre M. Lebon (directeur du développement d’Europacity) et Jean-Yves Souben, vice-président du CPTG, a eu lieu un échange assez vif entre les deux protagonistes. A M. Lebon qui évoquait une fois de plus la volonté de sa direction de faire une « ville », M. Souben rétorquait : «il ne peut y avoir de ville sans habitant ! » Réponse sidérante de son interlocuteur : « Dans les villes, il y a des cimetières : il n’y a pas d’habitant ! »

Bévue révélatrice de l’énorme inutilité de ce méga-complexe : les Auchan, Wanda et consorts auront beau s’échiner à faire « repeindre en vert » leur soucoupe volante, où même à la disperser « façon puzzle » à la manière des Tontons Flingueurs : EUROPACITY N’A PAS ET N’AURA PAS DE DESTINATAIRE. Ses promoteurs font croire que le but recherché est le bien-être, la réputation, l’emploi des populations locales. Lesquelles ? Le slogan « with citizens, for citizens » risque de revenir en pleine face de ses auteurs comme un boomerang. Avec les citoyens ? Pour les citoyens ?? Impossible !! Si un tel centre était destiné à fournir des loisirs, de la culture, des activités aux résidents du territoire, il serait construit en cœur de ville, là où sont les habitants !

Dans son excellent article paru dans TV5Monde, Pascal Priestley ironisait sur le caractère « presque » philanthropique du projet, à en croire la présentation faite par le maître d’ouvrage, qu’il résumait ainsi : « secourir un coin pourri de territoire désolé, œuvrer pour la France mais aussi pour la culture » ! Justement, pour éviter que le Triangle de Gonesse ne devienne un immense cimetière… Il faut à tout prix empêcher cet énorme GPII de s’y implanter ! Tel est le sens du cri d’alarme poussé par Marie Desplechin, écrivaine, qui dénonce « une croissance à l’ancienne, fondée sur le bétonnage des terres, le développement des aéroports, du transport routier, du tourisme de masse et de la consommation [39] »… Et qui s’insurge contre l’avis positif rendu par le dernier commissaire-enquêteur : « ce monsieur donne ses conclusions, alors que (…) il est désormais acquis que se succéderont, dans les années qui viennent, avec une violence croissante, les épisodes catastrophiques de chaleur et de sécheresse et les très grandes tempêtes39. »

A l’inverse, avec son projet agri-urbain [40], le Collectif CARMA vise à sauvegarder la vocation agricole de ces terres fertiles, dont la localisation est hostile à l’implantation humaine (et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles n’ont pas été urbanisées !) mais dont par contre la qualité est particulièrement propice à l’accueil, au développement de toute cette vie qui, comme l’a très bien souligné Alice Leroy21, grouille sous la surface. Malheureusement, elle reste « invisible », donc niée par les professionnels et politiciens bétonneurs, dont l’autisme pousse à persévérer dans l'erreur et à minimiser la gravité de la crise écologique qui s’accélère. Je me souviens du geste respectueux de ce pédologue qui, saisissant d’une main délicate cette précieuse « terre du pays de France » s’émerveillait : « Dans une poignée comme celle-ci, il y a autant de micro-organismes vivants que d’hommes sur la planète !! »

Europacity, c’est comme Attila : là où le béton passe, l’herbe ne repousse plus ! Les promoteurs immobiliers ont beau rajouter des paillettes à leur « faux quartier » éclaté, à leurs « objets architecturaux » inanimés… impossible d’y faire pousser une âme. Il ne peut y avoir sur un tel site que des visiteurs de passage, dans une ville-fantôme désolée, comme un cimetière. Tandis que, sous nos pieds, « la vie est là, calme et tranquille » ... [41]

Europacity reconditionné ? … Une enveloppe vide.

Notes

[1] Ce regroupement - sous la bannière du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) - comprend des associations nationales (France Nature Environnement qui fédère 3500 associations, Les Amis de la Confédération Paysanne) régionale (FNE Ile-de-France), départementales (Val-d’Oise Environnement, Mouvement National de Lutte pour l’Environnement 93) et locales (Vivre mieux à Aulnay-sous-Bois, AFCEL 95, association familiale de Gonesse).

[2] Par le Ministre de la Solidarité des Territoires et par Grand Paris Aménagement.

[3] Voir page 26 et suivantes, in Franck Vallérugo, Jean-Pierre Gonguet, Jean-Michel Guénod, « Europacity, l’aventure d’un projet », éditions de l’Aube, 2016. 

[4] Compte tenu de l’exceptionnelle qualité de ses terres et de la rareté de sa situation (la seule pénétrante dans la zone urbanisée du Nord-Est francilien), sa préservation devrait couvrir la totalité de la partie agricole.

[5] Comme Veolia, Vinci, Vivendi, Engie, Kering, Safran, Enedis, etc.

[6] Précisons toutefois que cette mutation structurelle ne va pas jusqu’à changer de dirigeant, qui reste Vianney MULLIEZ, neveu de Gérard MULLIEZ, fondateur de la dynastie Auchan.

[7] Daniel BICARD, « Immochan devient Ceetrus, développeur global d’immobilier », in LSA Commerce & Consommation, du 05/06/2018.

[8] Rendue possible par l’absence de SCOT. Voir note 10 sur son annulation rocambolesque.

[9] Voir le dossier https://www.enquetes-publiques.com/Enquetes_WEB/FR/CONSULTER-A.awp?P1=EP18121

[10] Voir site du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) http://nonaeuropacity.com/wp-content/uploads/2018/05/Avis_CPTG_Ligne_17Nord_23.05.2018_VF.pdf

[11] Rappelons l’existence d’un ancien SCOT Est du Val-d’Oise (SIEVO), approuvé en 2006, mis en révision par une enquête publique en 2014, qui a fait l’objet d’un avis défavorable de la Commission d’enquête. Venant contredire les regrets exprimés par les élus, il n’aurait jamais pu être validé, car il oubliait les deux communes de Gonesse et Goussainville, soit la bagatelle de 59 000 habitants (ce qui n’a pas empêché la ville de Gonesse de voter le SCOT sans sourciller !...) Une édifiante histoire relatée dans la présentation de l’avis du CPTG : http://j-lorthiois.fr/wp-content/documents/pdf/scotsievo.pdf

[12] En langage d’urbaniste, urbanisation de faible densité qui s’étale comme du beurre sur une tartine.

[13] « Grand Projet Inutile et Imposé », voir dossier très complet sur le site de Reporterre.

[14] Compte-rendu du débat public, CNDP, page 88.

[15] Nicolas HULOT, in Europe 1, le 5 juillet 2018.

[16] Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=2bozAwjNkXI

[17] Dont 3188 exploitables, d’après l’analyse effectuée par F. DEBOISE pour le CPTG. Voir les deux annexes de l’article de Pierre SASSIER, « rapport d’expert sur la DUP d’Europacity : une étude critique », blog de Mediapart du 26 Juillet 2018.

[18] Interview de Bernard LOUP, président du CPTG par Maïram GUISSÉ, in Le Parisien du 8 Juillet 2018.

[19] A cette échéance, les chiffres ne seraient pas seulement « anciens », mais devenus carrément blettes !

[20] Notons au passage que le loisir (100 000 m2 avec le sport) et la culture (50 000 m2) sont ici mis en avant, mais l’essentiel des surfaces (250 000 m2 - surfaces de restauration comprises -) sont consacrées au commerce !!

[21] Tribune « EuropaCity, sortir de l’hypocrisie et de la caricature », in Libération du 8 déc. 2017, en réponse à une pétition « Contre la folie EuropaCity, cultiver le bien commun » signée par 159 personnalités, in Libération, le 30 nov. 2017.

[22] Avis n° 3085 du 20 février 2018.

[23] Livre blanc « Europacity, le climat et la famille Mulliez », Collectif inCOPruptibles, nov.2017, www.inCOPruptibles.org

[24] Source : Groupement d’Intérêt Scientifique GISsol : https://www.gissol.fr/publications/rapport-sur-letat-des-sols-de-france-2-849

[25] Voir la vidéo de cette visite du 14 Novembre 2016 sur le site du Conseil Départemental 95 : http://www.triangledegonesse.valdoise.fr/actualite/434/1940-visite-du-triangle-de-gonesse.htm

[26] Cf. Tribune d’Alice LEROY, « Que pèsent les champs de la plaine de France face à des rêves de bâtisseur ? », in Le Monde, 26 juillet 2018.

[27] Pascal PRIESTLEY, « Europacity, le méga-projet urbain contesté qui embarrasse le pouvoir français », in TV5Monde, 12 Juillet 2018

[28] Catherine SABBAH, « Auchan a présenté son mégaprojet Europa City » in Les Echos, le 22/09/2011

[29] Emission « CO2 mon amour » sur France Inter, le Samedi 26 mars 2016.

[30] PDG de Grand Paris Aménagement, organisme aménageur de la ZAC. Interview cité dans l’article de Nathalie Moutarde, « Le nouvel Europacity, un quartier de ville au cœur du Triangle de Gonesse », in Le Moniteur, 27 septembre 2017.

[31] A comparer à 150 000 m2 d’espaces de loisirs et 50 000 m2 de culture.

[32] Luc LE CHATELIER « Les archis sauveront-ils Europacity ? », Télérama, 11 avril 2018.

[33] Op.cit. note n° 22.

[34] « Europacity, une destination de loisirs stratégique pour le Grand Paris », in Le Moniteur, 15 mars 2015.

[35] Op.cit. note n°3

[36] Avec 90 000 véhicules/jour à hauteur de Roissy et 200 000 de Blanc-Mesnil jusqu’à porte de Paris.

[37] Elena BLUM, « A Copenhague, l’incinération des déchets dans la tourmente » in Libération, 1er avril 2018.

[38] « Le mégaprojet Europacity en débat », Mediapart, le 23 Mai 2018.

[39] Invitée par BibliObs, « Europacity, c’est le projet tout entier qui débloque ! », le 30 Juillet 2018.

[40] CARMA: Coopération pour une Ambition agricole, Rurale et Métropolitaine d'Avenir. Voir site http://carmagonesse.com

[41] Verlaine, « Le ciel est par dessus les toits ».

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29 juin 2018 5 29 /06 /juin /2018 17:42

Après la mise en liquidation de la SNEM, les riverains et parents d’élèves ont remporté une victoire. Ils demandent désormais à Airbus et Safran de payer la dépollution. D'après Stéphane Mandard le 28 juin 2018 pour Le Monde.

Arrêt après liquidation judiciaire de « l’usine toxique » de Montreuil grâce à la mobilisation des riverains

Après un an de mobilisation pour réclamer sa fermeture, les riverains de l’usine SNEM, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ont remporté une première victoire. Elle est à l’arrêt depuis que le tribunal de commerce de Versailles a confirmé mercredi 27 juin sa mise en liquidation judiciaire.

Implantée en pleine zone résidentielle, à quelques dizaines de mètres de plusieurs groupes scolaires, cette installation vétuste classée pour la protection de l’environnement (ICPE) suscitait une vive inquiétude depuis qu’un nouveau cas de leucémie (le troisième en quinze ans) avait été identifié chez un enfant, comme Le Monde l’avait révélé dans son édition du lundi 3 juillet 2017. Après l’avoir longtemps appelée « l’ usine verte » en référence à la couleur de la tôle de ses murs, les habitants de ce quartier de l’Est parisien l’avaient rebaptisée « l’usine toxique ».

Pour le compte des groupes aéronautiques Airbus et Safran, la SNEM a pendant des années traité des pièces métalliques d’A380, A350 ou A320 avec des procédés hautement toxiques. Tétrachloroéthylène, acide nitrique, acide sulfurique, acide fluorhydrique… selon les dernières données disponibles sur le Registre des émissions polluantes. La SNEM déclarait produire en 2015 plus de 37 tonnes de « déchets dangereux ».

L’enquête du Monde a montré que les salariés continuaient à manipuler une substance particulièrement nocive : le chrome 6. Classé cancérogène, reprotoxique et mutagène, le règlement Reach en interdit définitivement l’usage dans l’Union européenne depuis septembre 2017 mais Safran et Airbus avaient obtenu une dérogation pour prolonger son utilisation.

« On ne les lâchera pas »

Le collectif des parents d’élèves et des riverains se félicite de la fermeture de la SNEM. Il regrette cependant qu’elle n’ait pas été décidée pour « faire prévaloir le principe de précaution et le respect de l’environnement sur les intérêts industriels et financiers » mais « pour des raisons commerciales : l’abandon de la SNEM par ses donneurs d’ordre [Airbus et Safran] qui ont cessé de lui passer commande ». Un « abandon » que le collectif associe à la divulgation dans Le Monde de pratiques frauduleuses dans le processus de contrôle des pièces traitées par la SNEM (Le Monde du 8 novembre 2017).

Les licenciements de la douzaine de salariés qui travaillaient encore sur place interviendront dans les prochains jours. Les habitants et la mairie de Montreuil demandent leur reclassement ainsi que la dépollution du site. En début d’année, le maire (PC), Patrice Bessac, avait écrit à Airbus et Safran pour les « interpeller » sur la situation de l’usine. « Les deux groupes, en réponse à cette double interpellation, ont adressé une fin de non-recevoir sans assumer leurs responsabilités sociales et environnementales », déplore aujourd’hui l’équipe municipale.

« C’est à Airbus et à Safran de payer les coûts de la dépollution, estime Antoine Peugeot, du collectif des riverains et responsable local de la FCPE. On ne les lâchera pas. » Contactés, les deux groupes aéronautiques n’ont pas souhaité faire de commentaires. Les dirigeants de la SNEM restaient injoignables.

Les élus de Montreuil en appellent « à la responsabilité de l’Etat quant à la dépollution de ce site classé ICPE et donc placé sous sa compétence directe ». Premier effet de « l’affaire SNEM », le conseil municipal a inscrit fin 2017 dans le plan local d’urbanisme l’interdiction définitive d’installation de toute nouvelle ICPE sur le territoire de la commune.

La préfecture de Seine-Saint-Denis précise pour sa part que si les terrains étaient rachetés en vue d’une utilisation autre qu’industrielle, « il appartiendrait à l’aménageur de faire les éventuels travaux de dépollution supplémentaires permettant ce changement d’usage ». Elle précise qu’un diagnostic des sols réalisé par l’exploitant en janvier avait certes mis en évidence une pollution par des solvants chlorés et des métaux mais que le site était « compatible avec son usage actuel ».

La crainte du scénario Wipelec

La préfecture s’est toujours voulue rassurante dans ce dossier. Elle assure que sur la base d’une inspection effectuée le 26 juin, « le site ne présente pas de risque particulier ». Ce n’est pas l’avis des riverains. Une étude commandée par la municipalité a montré un niveau élevé de contamination des sols, notamment au chrome 6 et étendue hors du site. Les habitants du quartier craignent désormais de vivre le même scénario que leurs voisins de Romainville où la société Wipelec a laissé derrière elle un site complètement souillé après la cessation de ses activités en 2003.

Une crainte d’autant plus forte que Wipelec était également spécialisée dans les traitements de surfaces des métaux pour l’industrie aéronautique et avait le même donneur d’ordre, Safran. Les associations de riverains de Romainville ont décompté 23 cancers dont 21 décès depuis 1990. Elles déplorent que les travaux de dépollution n’aient commencé qu’en mai 2017. Et s’inquiètent aujourd’hui qu’ils génèrent un regain de pollution dans le quartier. Des niveaux de trichloroéthylène 140 fois supérieurs aux normes ont été mesurés dans certains logements.

A Montreuil, les parents d’élèves restent mobilisés pour la rentrée. Un nouveau collège doit ouvrir ses portes en septembre. Des études ont relevé la présence de solvants chlorés et de métaux lourds dans les sols. Des travaux de dépollution sont en cours. Le collège se situe à 150 mètres de « l’usine toxique ».

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29 juin 2018 5 29 /06 /juin /2018 09:09

Partout dans le monde, des villes et des régions explorent la question des « communs ». Entre contrôle de l’Etat et mécanismes du marché, cette troisième voie, qui propose de repenser la propriété des biens universels, implique une autre approche économique et politique. D’après Catherine Vincent le 21 juin 2018 pour Le Monde. Lire aussi Judith Rochfeld : « La raréfaction des ressources naturelles a obligé à les envisager comme des biens communs » et Les communs, un projet ambigu.

Une barricade mobile de lettres sur la ZAD (JJ)

Une barricade mobile de lettres sur la ZAD (JJ)

La vie reprendrait-elle son cours normal à Notre-Dame-des-Landes ? Fermée depuis six ans, la D 281, ou « route des chicanes », a été officiellement rouverte à la circulation le 14 juin. Dix jours plus tôt, quinze conventions d’occupation précaire avaient été signées en préfecture des Pays de la Loire, qui permettront à diverses exploitations (élevage, maraîchage, culture céréalière, pépinière, apiculture) de faire leurs preuves.

Mais les habitants de la ZAD, ex- « zone à défendre », espèrent plus qu’une simple acceptation de leurs projets personnels. Ils souhaitent créer des synergies, un écosystème. Et ils ne sont pas les seuls. Depuis l’abandon par le gouvernement du projet d’aéroport, en janvier, de nombreuses voix, et non des moindres, se sont élevées pour défendre les revendications des zadistes. Car leur projet collectif a relancé avec force la question des utopies concrètes, et avec elle la notion des communs. Les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ont mis en lumière la question de la propriété de ces biens universels qu’il nous faut partager et préserver. L’eau, la forêt, mais aussi un savoir, un logiciel ou une centrale électrique : quelle gouvernance imaginer pour ces ressources ?

Débats citoyens

« Dans les interactions entre habitants historiques, paysans, squatteurs, voisins (…) s’est construit un territoire commun, au-delà de la propriété, des habitudes et des appartenances », constate ainsi un collectif d’intellectuels, parmi lesquels la philosophe Isabelle Stengers et l’anthropologue au Collège de France Philippe Descola (Mediapart, 6 avril). Une démarche « collective, construite comme un “commun”, au sein de laquelle les individualités trouvent leur propre énergie », appuient l’ingénieur des Ponts et Chaussées Olivier Frérot et le géographe Luc Gwiazdzinski (Libération, 20 avril).

« Pourquoi ne pas reconnaître aux ­zadistes un droit à l’expérimentation ? Ils pourraient ainsi promouvoir une autre approche de la propriété qui est celle des “commons”, c’est-à-dire un dispositif fondé sur un collectif identifié et porteur d’un territoire », insiste l’économiste Bernard Paranque (Le Monde, 18 mai).

La question des communs ne s’invite pas seulement dans le bocage nantais. Une Université du bien commun a été lancée à Paris en octobre 2017, dont le premier cycle de conférences et de débats citoyens a rencontré un franc succès. « Nous pensons que ce succès est lié, non seulement à la qualité des intervenants, mais également au fait que nous essayons d’articuler l’analyse et la recherche avec des pratiques de terrain et des initiatives en cours sur les biens communs (semences, eau, agriculture urbaine, logiciels libres, logement, etc.) », précise Cristina Bertelli, cofondatrice de l’université.

Pour son film Nul homme n’est une île, sorti en avril, le documentariste Dominique Marchais a parcouru l’Italie, l’Autriche et la Suisse, en quête d’initiatives d’entraide et de sauvegarde des territoires allant à contre-courant des modèles économiques dominants. Et il ne se passe pas un mois sans que sorte un nouvel ouvrage consacré à l’économie ou à la gouvernance des biens communs. Ces derniers font donc un retour en force dans le monde des idées. Mais de quoi parle-t-on précisément ?

Ressources partagées

« Un bien commun, c’est un bien universel auquel tout le monde a droit, mais c’est un bien fragile, qui peut disparaître si on s’en sert mal », éclaire Gaël Giraud, chef économiste de l’Agence française de développement (AFD). Il prend l’exemple d’un étang, et d’une tribu qui vit là de la pêche : « Si quelqu’un vient braconner la nuit et attrape tous les poissons, il n’y en aura plus, mais vous ne pouvez pas mettre un gendarme derrière chaque arbre. La consommation des produits de l’étang est donc rivale (comme les biens privés), mais leur accès ne peut pas être limité (comme les biens publics). » Pour le dire autrement : un commun est une ressource partagée, gérée et maintenue collectivement par une communauté, dans le but de pérenniser cette ressource tout en permettant à tous de l’utiliser.

Ces ressources peuvent être naturelles (une forêt, un cours d’eau), matérielles (un jardin partagé, un habitat, une centrale électrique) ou immatérielles (un savoir, un logiciel). Les considérer comme biens communs (d’une ville, d’un pays, de l’humanité) suppose essentiellement deux choses : sur le plan économique, privilégier la valeur d’usage plutôt que la valeur d’échange ; sur le plan politique, dépasser la dichotomie entre l’Etat et le marché. Une voie désormais explorée par un nombre croissant de villes et de régions dans le monde, car considérée comme une alternative prometteuse aux deux modèles concurrents généralement mis en œuvre pour la gestion des ressources ou des services : le contrôle par l’Etat d’une part, les mécanismes de marché de l’autre.

Dans la ville médiévale de Gand (Belgique), les ruines de la très ancienne abbaye Saint-Bavon sont ainsi devenues un lieu culturel florissant sous l’impulsion d’une initiative citoyenne. Dirk Holemans, à la tête du conseil municipal qui a accompagné ce projet, est convaincu de l’intérêt de cette troisième voie.

Dans un article publié en novembre 2016 dans le Green European Journal, il propose de visualiser un triangle dont chacune des trois pointes correspond à une société extrême : une société totalement orientée vers le marché (en bas à droite), une société contrôlée à 100 % par l’Etat (en bas à gauche) ou une société exclusivement gérée par des citoyens autonomes (en haut). « L’axe horizontal “gauche-droite” est typique des sociétés industrielles modernes, mais il faut tenir compte de cette ligne qui va jusqu’au sommet du triangle et qui dépeint la société actuelle, postindustrielle, qui encourage d’autres formes de participation à la vie sociale, estime-t-il. Là réside, en plein, le domaine des biens communs. »

Renaissance d’un concept

D’autres exemples ? En Allemagne, des coopératives citoyennes d’énergie renouvelable (REScoops) commencent dès les années 1990, grâce à un cadre juridique adéquat, à transformer le système énergétique à l’échelle nationale. A Bruxelles, les potagers collectifs sont encouragés dans le cadre d’une stratégie politique de long terme du Service public régional, baptisée « Good Food ».

En Italie, Bologne fut la première ville à adopter, en 2014, un règlement des communs, principe qui s’est depuis lors diffusé à plusieurs dizaines de municipalités. En Europe comme ailleurs dans le monde, on pourrait à foison multiplier les exemples d’expériences qui témoignent de la renaissance de ce concept, inventé en un temps très ancien, où la notion de propriété était bien différente d’aujourd’hui.

Car les communs ont une longue histoire, qui se joue en trois actes. Les deux derniers sont récents et théoriques ; le premier est politique, et commence au Moyen Age.

Dans les contrées rurales occidentales, les « communaux » représentaient alors les terrains – landes, forêts, garrigues, prés – gérés en commun. Les paysans usaient sur eux d’un droit coutumier d’usage, y coupant du bois, récoltant du miel ou faisant paître leurs bêtes sans avoir à payer de contrepartie.

Cette organisation traditionnelle commença d’être mise à mal à la fin du XVIe siècle dans certaines régions de l’Angleterre, du fait du commerce de la laine alors en pleine expansion. De riches propriétaires fonciers se mirent à clôturer certains communaux pour y faire paître leurs troupeaux de moutons, entraînant un très fort appauvrissement de la population rurale. Ce « mouvement des enclosures », entériné aux siècles suivants par les Enclosure Acts, marqua la fin des droits d’usage. Il se répandit par la suite dans la plupart des pays européens, transformant peu à peu l’agriculture de subsistance en une agriculture capitaliste.

Le deuxième acte se situe en 1968, et tient tout entier dans un article publié par le biologiste et écologue américain Garrett Hardin (1915-2003), dans la revue Science, sous le titre « The Tragedy of the Commons ». Dans ce texte célèbre, récemment traduit en français dans son intégralité (La Tragédie des communs, PUF, 94 p., 8 €), Hardin soutient que les enclosures furent une solution rationnelle aux problèmes d’épuisement des ressources et de rejets d’effluents dans la nature.

Manipulation factuelle

Selon lui, les communs constituent un « panier alimentaire » où chacun, se servant librement, participerait à son épuisement. De même, la nature devient une « fosse d’aisances », chacun pouvant sans limite y rejeter ses déchets. Seule solution, à ses yeux, pour empêcher cette tragédie des communs : l’instauration de droits de propriété empêchant le libre accès et le libre usage, qu’elle soit le fait du marché (propriété privée) ou de l’Etat (propriété publique).

« Pour Hardin, les rapports sociaux instaurés par la privatisation n’ont pas besoin d’être justes s’ils sont efficaces : la préservation de la nature peut s’accommoder d’inégalités touchant certaines parties de la population », précise Michel Renault, enseignant-chercheur à la faculté des sciences économiques de l’université Rennes-I. Dans un article publié en mars 2017 dans la revue Projet, il estime toutefois qu’il y a, en filigrane de cette grille de lecture, une forme de manipulation factuelle.

« Car l’histoire des enclosures n’est pas celle-là : c’est bien le mouvement de privatisation des terres qui a repoussé les plus pauvres sur les pâtures communes, conduisant à leur surexploitation. Loin d’être une solution, la privatisation serait en fait une cause de ces tragédies », affirme-t-il. L’article d’Hardin n’en devint pas moins une référence pour les économistes comme pour les écologistes, contribuant à justifier la gestion directe, soit par le marché, soit par les Etats, des éléments naturels que sont l’eau, la mer ou la forêt. Jusqu’à ce que survienne le troisième acte : la reconnaissance des travaux d’Elinor Ostrom (1933-2012), Prix Nobel d’économie 2009, sur la gouvernance des biens communs.

« Propriété-habitation »

Peu convaincue par la thèse de la tragédie, cette économiste et politiste américaine reprend la question sur la base d’observations empiriques (gestion collective des réseaux d’irrigation en Californie du Sud, de la forêt au Népal, de la pêche en Indonésie). Contrairement aux prédicats d’Hardin, elle montre que ces ressources communes peuvent être gérées de façon durable par des communautés locales. Dans un ouvrage majeur écrit en 1990, La Gouvernance des biens communs (de Boeck, 2010), Elinor Ostrom détaille les principes qui doivent être respectés pour y parvenir. Peu critiqués à ce jour, ses travaux continuent d’irriguer la réflexion de ceux, de plus en plus nombreux, qui défendent le développement d’une économie des communs.

Au cœur de ce modèle figure une notion-clé, celle de propriété. « Si le capitalisme peut être défini comme étant l’appropriation privée des moyens de production, on comprend que l’alternative à celui-ci ait spontanément été définie comme l’appropriation collective des moyens de production. Or ce terme d’“appropriation” porte en lui une ambiguïté profonde », précise l’essayiste Benoît Borrits (Au-delà de la propriété. Pour une économie des communs, La Découverte, 248 p., 19 €). La propriété, en effet, est excluante par nature – y compris lorsqu’elle est collective, comme dans le régime des coopératives. C’est cette conception issue du droit romain, selon laquelle le propriétaire a un pouvoir complet sur la chose dont il est le maître (plena in re potestas), que l’économie des communs propose de remettre en question.

Comment ? En réinvestissement le collectif et le partage. En proposant comme horizon politique la primauté du droit d’usage sur celui des propriétaires. En accordant, comme le suggère la juriste Sarah Vanuxem dans son récent ouvrage La Propriété de la terre ­ (Wildproject, 150 p., 15 €), des droits à certains lieux d’accueil – forêt, lac ou pâturage. Pour cette spécialiste de l’environnement à l’université Nice-Sophia-Antipolis, cela permettrait de sortir, à l’intérieur même de notre droit, de la conception occidentale moderne de la propriété (le pouvoir souverain d’un individu sur les choses), et de faire émerger la notion de « Propriété-habitation » : il s’agit de regarder les choses comme des demeures, des milieux, plutôt que comme des objets, et dès lors de signifier avec cette notion qu’on peut occuper ce milieu, y avoir une place privilégiée sans exclure un usage et une gestion partagés avec d’autres habitants.

Une gouvernance complexe

Quelle gouvernance imaginer pour ces communs ? Quelle articulation instaurer entre les citoyens, la puissance publique et le secteur privé ? Tout dépendra du bien considéré, et de l’urgence à le préserver. Pour Gaël Giraud, de l’AFD, l’une des priorités doit aller à l’eau et aux services qui lui sont associés, tant cette ressource, vitale et rare, est susceptible de faire l’objet d’une surexploitation.

Fort des travaux de recherche menés par l’AFD dans divers pays (Jordanie, République démocratique du Congo, Bolivie), il rappelait en mars, à l’occasion du Forum mondial de l’eau qui se tenait au Brésil, que des communautés d’usagers se sont structurées en de multiples lieux pour mettre en place des règles communes de gestion et de partage de l’eau. « Cela ne veut pas dire que l’Etat ou le secteur privé n’aient aucun rôle à jouer, bien au contraire, précisait-il. L’Etat crée le cadre juridique propice à l’émergence des communautés d’usagers et doit rester le premier garant du droit d’accès de tous à l’eau potable et à l’assainissement. Le secteur privé peut contribuer de son côté, notamment dans l’aménagement des infrastructures. »

En somme, les communs, qu’ils soient matériels ou immatériels, ne sont pas la solution miracle à la gestion des ressources ou des services. Ils supposent une gouvernance complexe, un collectif identifié autour d’une ressource, un ensemble de droits et d’obligations, une articulation avec l’Etat et les acteurs du marché. Mais ces laboratoires de démocratie locale, fortement teintée d’écologie politique, ouvrent une perspective politique. Leur culture reste à bâtir.

A lire

Dictionnaire des biens communs, sous la direction de Marie Cornu-Volatron, Fabienne Orsi et Judith Rochfeld (PUF, 2017).
Que sont les « communs », les « biens communs », les « patrimoines communs », les « choses communes » ? Quel changement social supposent-ils ? Comment modifient-ils le rôle de l’Etat et de la propriété ? Un précieux outil de compréhension, à mi-chemin entre lexique et encyclopédie.

Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, de Pierre Dardot et Christian Laval (La Découverte, 2015).
Respectivement philosophe et sociologue, les auteurs montrent comment le principe du « commun » réunit la lutte anticapitaliste et l’écologie politique, et désigne de nouvelles formes d’expression de la démocratie.

Commonwealth, de Michael Hardt et Antonio Negri (Folio essais, 2014).
Troisième ouvrage issu de la collaboration entre le politiste américain et le philosophe italien, ce livre poursuit la critique du triumvirat république-modernité-capital, en affirmant la nécessité d’instituer et de gérer un monde de richesses partagées.

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25 mai 2018 5 25 /05 /mai /2018 13:42
Le 26 Mai, défilons aussi pour le climat et la nature !

Il n’y a pas de planète B et la Terre, son climat et sa biodiversité ne seront ni sauvés par les formules creuses, les déclarations d’intention et les grand-messe du gouvernement ; ni par la spontanéité des entreprises, qui agiraient sans encouragement ni contrainte des pouvoirs publics.

Le 26 Mai, défilons aussi pour le climat et la nature !

Notre conviction est que le temps des constats est dorénavant passé. L’urgence est d’agir.
Et c’est pour cela que nous irons dans la rue le 26 mai, lors de la «
Marée populaire » : pour exiger du président et du gouvernement qu’ils agissent.
Dans cette marée humaine, nous représenterons donc aussi les non-humains : parce que les animaux, les plantes, les océans, l’air, les sols et les générations futures ne peuvent s’exprimer, c’est à nous de le faire !

Dans la ligne des revendications portées le 26 mai et du Collectif lilasien pour les services publics, nous distribuerons aussi les tracts de soutien à la SNCF et ceux sur le droit du travail.

Le 26 Mai, défilons aussi pour le climat et la nature !
Le 26 Mai, défilons aussi pour le climat et la nature !
Le 26 Mai, défilons aussi pour le climat et la nature !
Le 26 Mai, défilons aussi pour le climat et la nature !
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17 mai 2018 4 17 /05 /mai /2018 11:24

C’est au bout du délai de 2 mois ouvrant la possibilité de faire appel du jugement du TA de Cergy-Pontoise du 6 mars 2018 annulant l’arrêté préfectoral de création de la ZAC, cf.  EuropaCity: la justice annule la création du mégacomplexe commercial au nord de Paris sur ce blog, vendredi 4 mai, qu'a été prise en catimini et au niveau interministériel la décision de faire appel. Retrouvons-nous pour la Fête sur le triangle de Gonesse, dimanche 27 mai pour dire NON à EuropaCity ! OUI au projet alternatif CARMA ! Cf. http://nonaeuropacity.com/.                         Lire aussi Contre la folie EuropaCity, cultiver le bien commun et Le projet EuropaCity jugé peu compatible avec l'environnement.

L'État fait appel de l'annulation de la ZAC de Gonesse - venez à la Fête des terres de Gonesse, le dimanche 27 mai

Pendant plusieurs jours les médias n'ont pas réussi à avoir confirmation de la décision, jusqu'au 9 mai au matin où sur France Bleu le ministère de la Cohésion des territoires (ministre Jacques Mézard) a assumé pour la première fois cette décision de faire appel : "Le gouvernement confirme l'intérêt de l'aménagement de la ZAC du Triangle de Gonesse". Puis le soir même à 17h47 il y a eu une brève de l'AFP. Voir notre Revue de presse des 9 et 10 mai.

Deux jours plus tôt, le 7 mai, Le Monde publiait un article intitulé "Macron : sur l’environnement, une parole forte, mais des gestes faibles". Cette décision de faire appel de l'annulation de la ZAC du Triangle de Gonesse est l'illustration que les actes ne suivent pas les belles déclarations d'intention.

Au moment où la question de l’agriculture urbaine est sur toutes les lèvres pour assurer l’approvisionnement en produits frais et de proximité d'une population de plus en plus urbaine, quel paradoxe de voir le Ministère de la Cohésion des territoires se faire le défenseur du projet le plus destructeur de cohésion qui soit apparu sur ce territoire. Faut-il rappeler ici que le projet rencontre l'opposition des principales communes limitrophes de Gonesse, de l'unanimité du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et provoque la mobilisation de 600 commerçants de Gonesse et des environs, qui viennent de se constituer en Collectif des commerçants et des salariés en colère « Europasdutout » !

Alors que la toute nouvelle Agence francilienne de la biodiversité -à peine installée par la Présidente de Région, Valérie Pécresse, en présence des Préfets d'Île-de-France et de Paris- vient d'annoncer son opposition au projet EuropaCity, la décision interministérielle de faire appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise confirme une nouvelle fois que le Ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, n’a pas pu, ou n’a pas su, faire prévaloir sa position  et celles des différentes autorités environnementales qui sont défavorables à l’urbanisation du triangle de Gonesse : le Ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, en charge du dossier du "Grand Paris" et plus largement le gouvernement Macron-Philippe ont manifestement sacrifié le droit et l’écologie pour satisfaire certains élus du Val d'Oise qui sont piégés depuis 10 ans, dans les filets des illusionnistes milliardaires Mulliez et Wanda, pour la création d’EuropaCity.

Or la preuve est faite aujourd'hui que quiconque se penche sérieusement sur le projet Europacity en constate l’absurdité et le caractère anachronique, alors que depuis un an le nouveau Président de la République multiplie les discours sur l’exemplarité climatique et tente de refonder toute la politique étrangère française autour du respect des engagements de la COP21 et de son « Make the planet great again ! » à l'adresse du Président des USA.

Heureusement cet appel de l'État n'est pas suspensif de la décision - prise le 6 mars par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise - d'annuler la création par le préfet du Val d'Oise de la ZAC de 280 ha du Triangle de Gonesse. La décision de la cour d'appel ne sera pas connue avant plusieurs mois. En attendant cette échéance, l'ensemble de la ZAC (dont EuropaCity pour 80 ha) reste interdite et la légitimité demeure du côté des opposants.

L'appel du gouvernement contre une décision de justice ne peut qu'encourager tous ceux qui sont conscients de l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique et de la richesse que représentent les terres agricoles à proximité des villes, tous les défenseurs de la biodiversité et tous les amateurs de produits maraichers de proximité de venir nombreux participer à la Fête sur le triangle de Gonesse, le dimanche 27 mai pour dire NON à EuropaCity ! OUI au projet alternatif CARMA !

Le 27 mai nos amis cyclistes parisiens organisent un accompagnement à vélo vers la fête : départ 9h place de l'Insurrection à Vanves, 9h20 Place Denfert Rochereau (XIVème), 10h place de la bataille de Stalingrad  (XIXème).

Environ 20 km (1h30) depuis Stalingrad par le Canal St-Denis, le Parc de La Courneuve, Dugny, Bonneuil-en-France et Gonesse. Retour à Stalingrad vers 19h00. Pas d'inscription obligatoire : il suffit d'être aux rdv avec son vélo et sa bonne humeur.

L'État fait appel de l'annulation de la ZAC de Gonesse - venez à la Fête des terres de Gonesse, le dimanche 27 mai
L'État fait appel de l'annulation de la ZAC de Gonesse - venez à la Fête des terres de Gonesse, le dimanche 27 mai
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15 mai 2018 2 15 /05 /mai /2018 13:46

La réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait générer quatre fois plus d’emplois dans le monde qu’elle n’en détruirait. D’après Rémi Barroux pour Le Monde le 15 mai 2018.

La création de 2,5 millions de postes pour le renouvelable compenserait largement la destruction de 400 000 emplois dans le fossile. STEPHANE MAHE / REUTERS

La création de 2,5 millions de postes pour le renouvelable compenserait largement la destruction de 400 000 emplois dans le fossile. STEPHANE MAHE / REUTERS

Créer 18 millions d’emplois dans le monde, voilà ce que permettrait la lutte pour réduire les émissions de CO2 – afin de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2 °C, tel que le préconise l’accord de Paris conclu le 12 décembre 2015.

Dans le rapport « Emploi et questions sociales dans le monde 2018 : une économie verte et créatrice d’emploi », rendu public lundi 14 mai au soir, l’Organisation internationale du travail (OIT) a réalisé une estimation des pertes et des créations d’emplois induites par cette évolution de l’économie, qu’elle juge inéluctable. Elle considère que celle-ci pourrait se solder par 24 millions de nouveaux postes tandis que 6 millions disparaîtraient; le solde induit par la généralisation de la transition verte serait donc de 18 millions d’ici à 2030.

L’unique agence tripartite des Nations unies – regroupant les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés de 187 Etats membres – avait déjà, dans le passé, travaillé sur la question des emplois verts et du travail décent. En 2013, lors de la Conférence internationale du travail, qui se tient chaque mois de juillet à Genève, elle avait produit un rapport indiquant « des gains nets en matière d’emplois supplémentaires, entre 2010 et 2030, de 0,5 % à 2 % ».

Catherine Saget, économiste à l’OIT et principale auteure du rapport publié lundi, prévient qu’« il ne s’agit pas ici de comptabiliser les emplois verts à venir, mais d’étudier les gains et pertes dans tous les secteurs touchés par la mutation de l’économie ». Ainsi l’OIT estime que « l’action visant à limiter le réchauffement climatique à 2 °C va se traduire par suffisamment de créations d’emplois pour compenser largement les six millions de suppressions d’emploi faites ailleurs ».

Bénéfice en Amérique, Asie et Europe, perte en Afrique

Le bénéfice net se concentre dans les Amériques, en Asie et dans la zone Pacifique, ainsi qu’en Europe, s’élevant respectivement à trois millions, à quatorze millions et à douze millions d’emplois. A contrario, le Moyen-Orient et l’Afrique en perdraient respectivement environ 300 000 et 350 000 (soit – 0,48 % et – 0,04 % du total dans chacune des deux régions du monde), « en raison de leur dépendance à l’égard, respectivement, des énergies fossiles et des mines », précise l’OIT.

Sur les 163 secteurs économiques étudiés, seuls quatorze vont subir des suppressions supérieures à dix mille postes à l’échelle mondiale. L’extraction pétrolière et le raffinage afficheraient des pertes supérieures à un million d’emplois. Dans le secteur de l’électricité, la création de 2,5 millions de postes pour les énergies renouvelables compenserait largement la destruction de 400 000 emplois dans la production basée sur les combustibles fossiles.

L’économie circulaire, avec les activités de recyclage, de tri, la réparation, la location et la réutilisation d’objets générerait six millions d’emplois. Dans ces domaines, l’OIT insiste aussi sur la nécessité d’assurer la qualité du travail, bien souvent précaire, dangereux et dénué de protection sociale dans des secteurs informels.

Avec les activités de tri et de recyclage, la réparation, la location et la réutilisation d’objets générerait six millions d’emplois. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Avec les activités de tri et de recyclage, la réparation, la location et la réutilisation d’objets générerait six millions d’emplois. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Renforcer les formations et les protections sociales

Plus difficile à quantifier, la montée en puissance de l’agriculture bio et de l’agriculture de conservation (qui permet de maintenir et d’augmenter le potentiel agronomique des sols en limitant les intrants, par exemple, et en organisant les rotations culturales) devrait aussi permettre d’embaucher davantage de monde. En Europe, l’emploi agricole a augmenté de 1,1 % avec les conversions en bio. « Le passage à des systèmes agricoles plus durables créerait des emplois dans des fermes bio de taille moyenne ou grande et permettrait aux petits exploitants de diversifier leurs sources de revenu, surtout si les fermiers disposent des compétences adéquates », écrivent les auteurs du rapport.

Pour limiter les impacts négatifs et les réductions de personnel à court terme induits par les mesures climatiques, il faut impérativement, insiste l’OIT, développer des « politiques appropriées », s’agissant notamment des revenus des travailleurs, d’une assurance sociale renforcée et des formations nécessaires pour accompagner la mutation de l’économie.

De nombreux exemples d’aides possibles sont présentés dans ce rapport, comme la mise en place, au Kenya, d’un système qui organise des transferts de cash, de l’ordre de 50 dollars (42 euros) tous les deux mois, versés à 25 % des familles en cas de sécheresse. Ou le programme Bolsa verde, créé au Brésil en 2011, qui encourage la préservation de l’environnement, en augmentant le niveau de revenu de familles en situation d’extrême pauvreté. Celles-ci doivent réaliser des activités comme l’utilisation durable des ressources naturelles ou l’entretien de l’extension forestière.

Solde positif dans la construction et les services

« Les pays à faible revenu et certains pays à revenu intermédiaire ont encore besoin d’aide pour développer la collecte des données, pour adopter et financer des stratégies en faveur d’une juste transition vers une économie durable sur le plan environnemental et une société qui inclut chacune et chacun, dans toutes les couches de la société », souligne Catherine Saget.

Les pays aux économies développées ne sont pas oubliés. En France, l’organisation internationale estime qu’environ 2,1 millions de postes (représentant 8 % de l’emploi total) « dépendent directement de la gestion efficace et de la durabilité d’un environnement sain ». Dans le domaine de l’énergie, les pertes pourraient atteindre quelque 42 000 emplois, compensées par la création de 155 000 autres. Les secteurs qui connaîtraient un solde positif sont la construction (86 500), le secteur manufacturier (33 400) et les services (32 000).

Au niveau mondial, l’agence des Nations unies étudie aussi les impacts négatifs du changement climatique sur l’économie. Dans le domaine de l’agriculture, le réchauffement se traduit par des épuisements et des pertes économiques sèches. Les auteurs du rapport estiment que « le stress thermique va provoquer une perte mondiale de 2 % des heures travaillées d’ici à 2030 pour cause de maladie ». Un argument supplémentaire pour l’OIT qui pousse les Etats à développer des modèles économiques conformes à l’ambition climatique affichée en 2015 et aux normes qu’elle prône pour un travail décent.

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5 avril 2018 4 05 /04 /avril /2018 09:04

Plusieurs départements de gauche vont consulter leurs habitants au sujet de la mesure phare de Benoît Hamon en 2017 avant une éventuelle expérimentation en 2019. Par Bérangère Lepetit le 4 avril 2018 pour Le Parisien. Lire aussi Revenu garanti, l’invité-surprise, Reprenons le mouvement de réduction du temps de travail et instaurons le revenu universel d'existence, Le revenu garanti et ses faux amis et Comprendre le Mouvement Français pour un Revenu de Base.

L’idée actuelle des départements serait de verser entre 545 euros et 845 euros par mois à chaque individu. LP / LUCAS BARIOULET

L’idée actuelle des départements serait de verser entre 545 euros et 845 euros par mois à chaque individu. LP / LUCAS BARIOULET

La Gironde avait initié le mouvement en 2016. Aujourd’hui, ce sont treize départements socialistes*, parmi lesquels la Seine-Saint-Denis, l’Aude ou la Nièvre, qui veulent expérimenter sur leur territoire le revenu de base, versement mensuel unique versé sans condition de ressources à toute la population.

Première étape : le lancement d’une grande enquête citoyenne en ligne en partenariat avec le groupe de réflexion Jean-Jaurès auprès de 8 millions d’habitants jusqu’en juin. Un même échantillon de population qui pourrait ensuite servir de cobaye pour toucher d’ici 2019, pour la première fois en France, ce filet de sécurité. Explications.

Le revenu de base, qu’est-ce que c’est ?

L’idée actuelle des départements serait de verser entre 545 euros et 845 euros par mois « à chaque individu, jeune ou moins jeune, du SDF au PDG », résume André Viola, président (PS) du conseil départemental de l’Aude. Aux internautes consultés de déterminer l’âge minimum - 18,21 ou 25 ans - des bénéficiaires. Cette somme mensuelle unique serait versée sans conditions de ressources ni d’emploi, et de façon dégressive selon les revenus de chacun. L’idée : remplacer ou être fusionné avec les minimas sociaux comme le RSA, jugé peu efficace par ces élus. Car plus de 30 % de ceux qui ont droit au RSA n’en feraient pas la demande. « Les agriculteurs, par exemple, refusent de le demander pour des raisons culturelles », déplore Jean-Luc Gleyze, le président (PS) du conseil départemental de Gironde.

A quoi ça sert ?

« L’idée est d’apporter un complément de revenu aux personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté (NDLR percevant moins de 846 euros par mois). Aider ceux qui restent au bord du chemin n’est pas incompatible avec la valeur travail », défend Jean-Luc Gleyze, le chef de file des élus PS à l’origine de l’initiative. Les élus intéressés citent les artisans, les agriculteurs mais aussi les personnes en reconversion professionnelles ou les jeunes précaires. Nombreuses seraient les personnes intéressées, tous profils confondus. Sur les modalités de versement des aides, de nombreuses questions restent en suspens mais la Caisse nationale d’allocation familiale (Cnaf) pourrait notamment gérer les fonds.

Une expérience en France, quand et comment ?

C’est là que le bât blesse. Le revenu de base est aujourd’hui testé dans de nombreux pays comme la Finlande, depuis le 1er janvier 2017. Mais en France, la loi ne permet toujours pas aux collectivités locales de lancer une telle expérience. Dans le cadre de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron, un volet concerne l’assouplissement du « droit à l’expérimentation » pour les collectivités locales. L’objectif de ces élus : proposer une loi d’ici l’été pour commencer l’expérience au premier semestre 2019. Avant cette date, l’ensemble des résultats de l’enquête en ligne seront analysés début juin à Bordeaux.

* Treize départements veulent expérimenter : La Gironde, l’Ardèche, l’Ariège, l’Aude, la Dordogne, le Gers, la Haute-Garonne, l’Ille-et-Vilaine, les Landes, le Lot-et-Garonne, la Meurthe-et-Moselle, la Nièvre, la Seine-Saint-Denis.

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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 09:07

Paysan, écrivaine, sociologue, député européen ou maire, ils veulent repenser l’Europe quand le repli sur soi nationaliste semble sur le point de s’imposer. Une Union européenne qui s’appuie sur des valeurs et pas seulement sur l’économie. Par Marie Desplechin, écrivaine, Yannick Jadot, député européen, Dominique Méda, sociologue, Benoit Biteau, paysan et Damien Carême, maire de Grande-Synthe, publiée le 25 mars 2018 dans Libération.

Le drapeau européen projeté sur la Grand Place de Bruxelles le 31 janvier. Photo: EMMANUEL DUNAND/AFP

Le drapeau européen projeté sur la Grand Place de Bruxelles le 31 janvier. Photo: EMMANUEL DUNAND/AFP

Aujourd’hui pour nous, demain pour nos enfants, leur avenir et leurs rêves, nous avons deux solutions : le repli sur soi, cette peste politique et mentale qui s’empare de l’Italie, après la Grande-Bretagne, l’Autriche et tant d’autres ; ou la réinvention du monde, via celle d’une Europe démocratique et solidaire. Créer l’Europe verte et sociale dont nous rêvons ou se résoudre à disparaître.

Nos démocraties risquent de s’éteindre faute de porter le moindre projet de civilisation, de dépérir faute de dessein commun. Il nous faut porter cette Europe « matrie » dont parle le sociologue Bruno Latour, édifier la maison commune qui protège la planète, cultive le vivant et nous réconcilie les uns avec les autres, et donc d’abord avec nous-mêmes. Nos enfants méritent qu’on se batte pour leur offrir le monde.

Pour ce faire, nous devrons combattre les replis et les haines, les fausses promesses de frontières réductrices qui ne seront protectrices de rien et les nostalgies régressives de l’Etat national et total. Mais aussi rejeter le statu quo des rentiers du vieux monde qui pilotent aujourd’hui ce qui reste de l’ancien projet européen et sacrifient notre futur à tous aux habitudes et aux intérêts de quelques-uns. Il nous faut, pour sauver l’idée européenne, oser rompre avec le « machin » qui prétend l’incarner, et en l’incarnant si mal, l’avilit.

Quelle est cette Union qui laisse un jeune sur cinq au chômage, un sur trois en Italie et en Espagne, un sur deux en Grèce ? Quelle est cette politique qui multiplie les travailleurs pauvres et précaires, abandonne les quartiers populaires comme les zones rurales, sacrifie les services publics, refuse de prendre au sérieux la transition écologique ? C’est une politique menée au nom de l’Europe qui mine la démocratie. Et l’Europe.

Comment promouvoir l’ouverture au monde quand la mondialisation lance salariés et territoires les uns contre les autres ? C’est bien parce qu’elle abandonne ici les classes populaires pour mieux les exploiter là-bas que cette mondialisation produit défiance et phobie. Pour sortir de ce cercle vicieux, nous avons besoin de l’Union européenne. Et loin de nous en sortir, elle semble nous y enfoncer.

Comment faire émerger un imaginaire européen si l’Europe martyrise les Grecs, légitime le dumping social et fiscal, se plie aux lobbys des pesticides, du nucléaire, du pétrole ou du diesel, se divise face à Poutine, à Erdogan ou à Trump, implose lorsque frappe à nos portes une part, juste une infime part de la misère du monde ?

Le « cercle de la raison » qui prétend faire l’Europe à « petit pas » la défait, en réalité, à grande vitesse. Son modèle de développement est périmé, dangereux, mortifère. Face à une telle aporie, ceux qui s’accrochent à leur pouvoir et à leurs vieilles lunes organisent la culpabilisation et la compétition des laissés-pour-compte : ruraux contre quartiers populaires, usagers contre services publics, travailleurs pauvres et précaires contre chômeurs, nationaux contre migrants. Si rien ne change, tout s’effondrera.

Or, une autre voie est possible. Et nécessaire. L’Europe peut créer des millions d’emplois à haute qualité sociale. Elle peut offrir à un million de jeunes l’opportunité de réaliser un projet professionnel, associatif, culturel, sportif ou universitaire dans un autre pays de l’Union. Elle doit être immédiatement protectrice et mobiliser l’ensemble de son arsenal de politiques publiques pour protéger la santé, le climat et la biodiversité en accompagnant l’innovation, la modernisation et la conversion de l’économie, de l’énergie, de l’agriculture et de la pêche.

La Banque centrale européenne (BCE) rachète chaque mois pour 30 milliards d’euros de dettes publiques sur le marché secondaire avec un impact très marginal sur le financement de l’activité réelle. Utilisons cette ressource gaspillée pour un « Green New Deal » qui financera prioritairement la transition énergétique, la santé et la jeunesse, soit des investissements immédiatement utiles pour les Européens.

Ça tombe bien : la transition écologique - dans l’énergie, l’agriculture, la mobilité, l’industrie - et la création d’un service public européen de la santé sont les deux secteurs les plus intensifs en emplois et les mieux répartis sur tous les territoires ! C’est le pilier d’un nouveau contrat européen de progrès et de protection, la condition indispensable pour s’attaquer aux crises de solidarité qui détruisent le projet européen.

Renforçons cet objet politique extraordinaire que pourrait, que devrait être l’Union. Son espace de délibération démocratique est unique, qui dépasse les frontières nationales pour construire des souverainetés partagées. L’Europe est une communauté de droits et de règles à même, si elle le désire, de réguler la mondialisation plutôt que de la subir. Elle est l’échelle indispensable pour sortir de l’âge du carbone ou des pesticides. Pour combattre les paradis fiscaux ou réguler les Gafa. Pour bâtir un socle commun de droits sociaux. Pour préserver la paix.

Mais l’Europe doit être beaucoup plus que cela : un projet de civilisation en perpétuelle construction. Un projet subversif de liberté et de droits qui, face aux nouvelles menaces, offre de nouvelles sécurités individuelles et collectives. Cette Europe existe déjà. Sous forme d’embryons éparpillés. De villes en quartiers, d’associations en entreprises, de fermes en centres de recherche, elle germe et grandit. Elle s’expérimente, s’invente, se dessine et ne demande qu’à naître vraiment. Mettons cette énergie vitale au cœur de l’agenda.

Le grand débat sur l’Europe s’ouvre donc. Il est crucial pour nous, pour la planète. Nous allons y contribuer avec ferveur, ambition, détermination. Sans rien céder ni aux tenants du statu quo ni aux partisans du repli. Soyons des « semeurs de civilisation », pour reprendre l’expression de Victor Hugo l’Européen. Ensemble, nous sommes l’Europe !

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