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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

8 mai 2017 1 08 /05 /mai /2017 09:01

En Afghanistan, des archéologues explorent un vaste site bouddhiste qui sera détruit par l'industrie minière. Par Florence Evin et Julien Bouissou, (New Delhi, correspondance) le 5 mai 2017 pour Le Monde.

Vue du site de Mes Aynak, perché à 2 500 m, à 40 km au sud de Kaboul. Au premier plan, le monastère de Kefiriat Tepe

Vue du site de Mes Aynak, perché à 2 500 m, à 40 km au sud de Kaboul. Au premier plan, le monastère de Kefiriat Tepe

Quartier Montparnasse à Paris, chez Iconem, start-up spécialisée dans le patrimoine en péril, quatre jeunes ingénieurs sont au travail dans un silence religieux. Yves Ubelmann, le fondateur et patron, revenu de Kaboul (Afghanistan), est tout à son affaire devant un écran géant sur lequel défilent des images à couper le souffle d'un chaos de montagnes pelées couleur sable, sur lequel rien ne pousse. Ces photos ont été prises avec différentes techniques – avec un drone, au scanner laser, à la perche et au ras du sol –, à 40  kilomètres au sud de la capitale afghane, dans la province du Logar. A cet endroit, les sommets sont couronnés par les ruines des monastères bouddhistes de Mes Aynak, littéralement " Cuivre et source  d'eau " (Ier siècle av. J.-C. - VIIe siècle apr. J.-C.).

De ces vestiges, bientôt, il ne restera rien. Les moines s'étaient installés sur un trésor : probablement la deuxième réserve mondiale de cuivre, dont l'exploitation a été confiée à la Chine par les Afghans. " D'un montant global de8  milliards de dollars, le contrat a été remporté en  2007 par la compagnie chinoise China Metallurgical Corporation, écrit le 5  août 2009 Frédéric Bobin, correspondant du Monde. Il confirme les ambitions mondiales de Pékin visant à sécuriser à travers la planète les approvisionnements en matières premières nécessaires à sa croissante galopante. " Déjà, à cette date, Roland Besenval, directeur de la Délé-gation archéologique française en Afghanistan (DAFA), mort en 2014, s'alarmait : " Le site boud-dhique d'Aynak est embléma-tique ", son démantèlement constituerait une perte équi-valente " à la destruction des boud-dhas de Bamiyan " par les talibans en  2001.

Face à cette perspective, le gouvernement afghan décida de repousser l'exploitation du cuivre pour permettre la mise en place d'une campagne de fouilles. -Philippe Marquis, alors directeur (de 2009 à 2014) de la DAFA, fut chargé par le ministère afghan des mines de l'expertise scientifique et technique du projet de fouille. Le chantier commencé en  2011, qui a permis le dégagement d'une dizaine de monastères défensifs, bâtis comme des forteresses en nid d'aigle, est " la plus belle révélation archéolo-gique de ces 40  dernières années en Afghanistan ", selon Philippe Marquis.

Un des bouddhas à la robe au drapé doré à la feuille. ICONEM/MINISTÈRE AFGHAN DES MINES, DAFA

Un des bouddhas à la robe au drapé doré à la feuille. ICONEM/MINISTÈRE AFGHAN DES MINES, DAFA

Un relevé en 3D

Le conservateur en chef du patrimoine, aujourd'hui à -Paris, ajoute : " Il faut faire en sorte que le site puisse être livré à l'exploitation minière vierge de vestiges archéologiques, ces derniers devant être documentés et mis à l'abri autant que possible. Plusieurs milliers de statues ont été trouvées, puis transférées au Musée national à Kaboul, ou stockées sur place. " Un riche mobilier archéologique était encore en place, décors architecturaux, fresques, céramiques, monnaies, et même un trésor, de bijoux de perles et lapis-lazuli, qui a échappé aux pillages du début des années 2000.

" La menace d'un démarrage imminent de l'exploitation minière nous a obligés à aller vite, indique à Kaboul Thomas Lorain, secrétaire scientifique à la DAFA. Et nous a contraints à mener des fouilles de sauvetage plutôt que des fouilles programmées. La zone comprend une centaine de sites archéologiques. Ceux qui ont été étudiés en priorité se -situaient dans la “zone rouge” d'exploi-tation minière. " Celle-ci est très visible sur les photos aériennes d'Yves Ubelmann, par la couleur rougeâtre des scories de la première exploitation minière par les moines.

Aujourd'hui, il reste la moitié des crêtes montagneuses du secteur à explorer, sur lesquelles siègent plus de dix monastères avec leurs ateliers, entrepôts et zones d'habitat. Ces 4  kilomètres carrés perchés entre 2 300 et 2 500  m d'altitude sont difficiles d'accès et dangereux. Situé à une heure de Kaboul, Mes Aynak est en effet situé sur un axe qu'empruntent les talibans depuis le Pakistan voisin et où ils contrôlent de nombreux districts. On y accède sous escorte policière ; le site -lui-même est surveillé par une centaine de soldats.

Dans le local exigu d'Iconem, Yves Ubelmann dévoile l'ampleur des vestiges, grâce aux dizaines de milliers de photos rapportées depuis dix ans, leur traitement numérique par des algorithmes permettant d'obtenir un relevé en 3D de la zone archéologique. " On s'est lancé dans la construction d'un modèle hypercomplexe nécessitant beaucoup d'ingénierie avec un outil de visualisation très simple à utiliser ", explique Yves Ubelmann en pointant un détail, comme dans un jeu vidéo, pour " zoomer " sur un ensemble de bâtiments. Du survol du site, nous voici circulant dans les ruines, jusqu'à pénétrer virtuellement dans les chapelles et stupas en partie écroulés, comme si on visitait les lieux jusqu'aux moindres détails.

Puis, nouveau zoom dans le monastère de Tepe Kafiriat, jusqu'aux sculptures de l'âge d'or de l'empire Kouchan (Ier  siècle av. J.-C. - IIIe apr. J.-C.). Resplendit alors le large plissé rouge rehaus-sé de dorure à la feuille d'une robe drapant un bouddha debout de six mètres de haut, comme les figures monumen-tales polychromes en terre qui l'accompagnent. De place en place, le subtil feuilleté en plaques de schiste d'une stupa ; là un bouddha décapité, assis en méditation, dont la tête a été trouvée à proximité ; plus loin une statue dont il ne reste que les pieds, ou encore un squelette figé pour l'éternité dans ce climat très sec.

Le modèle en 3D est un support d'informations à enrichir sans fin, par des images prises sur le vif, et par les archives des archéologues, plans et relevés. " C'est une première mondiale en termes de quantité de données et de méthodologie ", affirme Yves Ubelmann. Documenter l'immense site bouddhique avant sa destruction est l'obsession de cet architecte passionné d'Afghanistan. " Le passage du drone a permis de repérer des monastères dans des décrochements très doux de la topographie, qui n'avaient jamais été identifiés ", note-t-il.

Nouvelles perspectives

Du Ier au Ve siècle, le cuivre est massivement extrait de Mes Aynak et transformé sur place. Les moines frappent monnaie et développent l'artisanat. Ont aussi été dégagés des autels du feu zoroastrien, les deux religions ayant probablement cohabité aux VIe et VIIe  siècles. Si l'exploitation du cuivre s'arrête au VIIe  siècle, certains monastères sont fréquentés jusqu'aux XIe ou XIIe  siècles. L'approvisionnement en combustible pour l'opération de chauffe du minerai a-t-il fait défaut ? L'arrivée de l'islam aurait-elle entraîné une recomposition des routes d'échanges ?

" Ces questions ouvrent de nouvelles perspectives, souligne Philippe Marquis. Le bouddhisme accompagne le développement économique, les monastères jouent le rôle d'un réseau bancaire à longue distance. C'est la première fois que l'on comprend le lien très étroit entre pouvoirs religieux et politique, ainsi que le fonctionnement de ces communautés dans lesquelles le bouddhisme contrôle la matière première, les métaux, frappe monnaie au nom du souverain Kouchan et a les moyens d'une production artistique élaborée. " En témoignent les peintures murales et sculptures polychromes à la riche palette, dans le style local du Gandhara tardif, comme les décorations des maisons aux poutres sculptées.

" L'arbre qui cache la forêt "

Dans ce pays aux immenses ressources naturelles, " Mes Aynak pourrait être l'arbre qui cache la forêt. Il y a probablement des centaines de monastères de ce type, juge Philippe Marquis.  Mes Aynak a permis de comprendre que le bouddhisme afghan, ce n'est pas seulement des monastères, mais quelque chose de beaucoup plus complexe. "

Principal bailleur de fonds, la Banque mondiale a permis l'ouverture de la fouille en  2011 avec le ministère afghan des mines. " Mais l'ampleur du site archéologique a été sous-estimée ", souligne Rafael Sequeira, coordinateur international du projet archéologique Mes Aynak. Avec des spécialistes afghans formés sur le terrain par la DAFA et des équipes internationales, plus de six cents personnes ont travaillé sur le chantier. " L'Unesco assiste depuis un an le gouvernement afghan dans le cadre d'un programme d'archéologie préventive, de formation, documentation et conservation, qui pourrait être optimisé ", indique Maria Rita Aceitoso, représentante onusienne à Kaboul.

Vendredi 31  mars, les fouilles ont été suspendues et les bureaux scellés. Personne ne sait quand -elles vont reprendre. Il reste la moitié du secteur à explorer. Les Chinois sont-ils en train de renégocier le contrat de concession dans le fragile contexte sécuritaire qui règne sur place ? Pour l'heure, seul un baraquement bleu, cerné d'un haut mur, signale leur présence. Aucune route d'accès n'a été aménagée pour les travaux gigantesques à venir. Ni la voie ferrée promise aux Afghans, ni la centrale thermique qui devait alimenter Kaboul en électricité, ni l'unité de transformation sidérurgique, prévue elle aussi.

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5 mai 2017 5 05 /05 /mai /2017 15:52

L’entrée en vigueur, l’été 2016, du volet de la loi Macron consacré aux prud’hommes entraîne des interrogations sur la chute des saisines par les salariés ou les chômeurs observée dans plusieurs villes. Des avocats en droit social sont vent debout contre les nouvelles procédures, qui compliquent fortement l’accès aux juges. Par Manuel Jardinaud et Dan Israel le 3 mai 2017 pour Mediapart.

Ce sont des mots qui sonnent comme une ritournelle lorsque l’on parle de la justice : engorgement, congestion, saturation. Des termes qui qualifient notamment les conseils de prud’hommes (CPH). Il y a en France 216 de ces « tribunaux » de proximité, où la justice est rendue par des juges non professionnels, issus des organisations syndicales et patronales, sur les contentieux qui opposent salariés et employeurs. Depuis des années, à l’instar d’autres juridictions, ils croulent sous les dossiers. Certes, selon les territoires, les différences de traitement peuvent être fortes, mais la moyenne du parcours d’un dossier reste excessivement élevée.

Selon le rapport de la mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice prud’homale, remis au premier ministre le 19 avril 2017, « la durée moyenne des affaires traitées au fond étaient en 2016 de 21,9 mois et […] il est exceptionnel qu’un conseil de prud’hommes traite les affaires en moins de neuf mois ». Celui de Nanterre pulvérise les records avec une durée globale de 31,3 mois en 2016, quand celui de Saint-Omer réussit l’exploit de boucler un jugement au fond en 8 mois.

Le rapport d’où sont tirés ces chiffres tombe à propos. Il fait le point sur une réforme passée relativement inaperçue dans le cadre de la loi Macron d’août 2015, grand fourre-tout économique et social du quinquennat de François Hollande. Il s’agissait notamment, pour le volet concernant cette juridiction, de « réduire les délais de jugement et les taux d’appel excessivement élevés », selon l’exposé des motifs présentés à l’époque. Un bien bel objectif. Sauf que certains tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme sur les conséquences de cette réforme. C’est le cas d’Anne Dufour, présidente (CFDT) du CPH de Paris. Le 28 avril dernier, elle dénonçait sur France Inter une chute de 40 % du nombre de saisines devant les conseils de Lyon et Paris entre août et décembre 2016. Le président du CPH de Lyon, Bernard Augier (CGT), indique à Mediapart avoir plutôt observé une baisse de l’ordre de 20-25 % entre août 2016 et février 2017.

Une évolution qui rebute les salariés

Malgré la divergence de chiffres, le constat est identique. Selon les deux syndicalistes à la tête de ces juridictions, nombre de salariés renoncent désormais à leur possibilité de saisine à la suite de la complexification de la procédure. Avec le décret du 20 mai 2016, chaque personne doit désormais remplir un formulaire de six pages détaillant « les événements liés au litige » et les « demandes chiffrées », ainsi qu’écrire un « exposé sommaire des motifs », accompagné des pièces nécessaires. Avant la loi, qui est réellement entrée en vigueur en août dernier, un salarié ou un chômeur se contentait de saisir le CPH très simplement (en cochant quelques cases dans un document) et pouvait constituer son dossier, accompagné ou non d’un avocat, jusqu’au jour de l’audience.

« Ce changement rebute les salariés, pas tous armés quand ils n’ont pas d’avocat », constate Frédéric-Paul Martin, conseiller prud’homal CFE-CGC au CPH de Paris. « Ce décret nécessite de saisir par voie de requête motivée, ce qui est loin de la simplification présentée », détaille l’avocat en droit social David Métin. En clair : il faut désormais monter, documenter et rédiger un dossier presque aussi complet que lorsque l’on se présente devant les conseillers le jour de l’audience. Une gageure pour un individu isolé.

De nombreux avocats spécialisés dans la défense des salariés sont vent debout contre cette nouvelle procédure. « Rien que pour nous, c’est déjà un casse-tête, alors imaginez pour un salarié, déplore Lilia Mhissen, qui défend notamment la CGT d’Air France. Motiver en fait et en droit, c’est plus compliqué que de remplir des cases. C’est un vrai bazar, un vrai cauchemar. »

« Il est évident qu’il y a une baisse des saisines, cela se voit à l’œil nu quand on se rend au conseil des prud’hommes », ajoute Rachel Saada, avocate spécialisée très expérimentée. Elle dénonce une fracture qui s’établit entre les cadres, souvent conseillés et mieux à même de comprendre le dispositif, et les plus précaires. Sa consœur Isabelle Taraud témoigne, elle aussi, de la baisse de fréquentation des CPH : « En février, la dernière fois que je suis allée au CPH de Créteil, il y avait énormément moins d’affaires en audience que d’habitude, seulement quatre contre dix à douze habituellement. » L’avocat David Métin évalue la baisse d’activité des cabinets spécialisés à environ 30 % depuis huit mois, même s’il reconnaît être lui-même moins impacté par cette tendance.

Rachel Saada, très critique contre la réforme, observe le même mouvement : « Financièrement, ça devient compliqué. Les cabinets spécialisés sont des microstructures, avec peu de trésorerie. Même pour mon cabinet, je commence à être inquiète. La nouvelle procédure empêche de constituer les dossiers au fil de la procédure, et est plus pointilleuse. Non seulement le client doit nous payer d’un coup, lorsqu’on ouvre la procédure, mais en plus nous devons augmenter nos tarifs. » Elle dénonce ainsi un double mur érigé par la loi Macron – l’un lié à la procédure, l’autre à l’argent –, qui pénalise les plus fragiles.

Une tendance historique à l’éloignement du juge

Denys Robiliard, soutien de Benoît Hamon et rapporteur de ce volet du projet de loi à l’Assemblée nationale, ne croit pas à une telle influence du décret Macron sur le volume des saisines : « Notre volonté avec cette loi était d’accélérer les procédures, mais en aucun cas de les rendre plus difficiles d’accès. Et je ne vois pas comment le texte de loi aboutirait mécaniquement à une baisse du nombre de saisines. » Il convient cependant que « dans certaines juridictions », les demandes des greffes en direction des salariés vont plus loin que ce qui a été fixé dans les décrets d’application de la loi, et « parfois, dépassent ce qui était attendu ». Selon Bernard Augier, du CPH de Lyon, le gouvernement a commencé à travailler sur un nouveau décret afin d’améliorer certains dysfonctionnements. Mais l’alternance politique risque d’ensevelir ce texte.

« Il y a aussi, sans doute, un télescopage avec l’entrée en application de la loi de sécurisation de l’emploi, qui a raccourci les délais de prescription, indique Denys Robiliard. La première date d’effet de cette nouvelle prescription est arrivée justement en juin, et il est possible que des procédures aient dû être abandonnées. » Ce texte, porté par l’ancien ministre du travail Michel Sapin en 2013, réduit la capacité de demander des arriérés de salaires, passant d’un délai de cinq ans à trois ans. En réalité, cela joue à la marge. Selon la dernière étude du ministère de la justice sur « les litiges individuels du travail », parue en août 2015, les demandes ciblées sur les créances salariales ne représentaient que 0,6 % des litiges en 2013…

Le fameux décret Macron serait donc le seul responsable de cette spectaculaire baisse des saisines ? L’avocate Savine Bernard, tout en reconnaissant la complexification qu’il peut entraîner, nuance l’analyse. « Il faut également ajouter une autre loi, de 2008, portant déjà sur la prescription, qui rend moins intéressantes certaines procédures », complète-t-elle. Elle observe par ailleurs que le contentieux prud’homal est en baisse depuis déjà 2009, date de la mise en place de la rupture conventionnelle. Cette année-là, il atteignait un pic de 225 000 affaires, contre environ 200 000 aujourd’hui.

Selon elle, la loi Macron a surtout pour effet de rigidifier les procédures en appel, moins en première instance. Ce qui, sans le dire de cette manière, était l’un des buts de la loi. « L’esprit est de verrouiller l’accès au juge », résume Savine Bernard. Elle cite la cour d’appel de Versailles très pointilleuse sur la procédure, alourdissant ainsi le travail des avocats. Ce que Rachel Saada généralise par la formule : « Lorsque le législateur intervient, c’est toujours pour éloigner le juge du justiciable. »

Les moyens de la justice en question

Globalement, c’est plus une accumulation de textes qui fait aujourd’hui s’éloigner la justice prud’homale des victimes du monde du travail. Après la mise en place de la rupture conventionnelle (2009), de la loi de sécurisation de l’emploi (2013) et de la loi Macron (2015), celle dite El Khomri (2016) a institué le barème indicatif, qui devrait induire une baisse des dommages et intérêts. Et donc rendre moins intéressantes certaines procédures. Emmanuel Macron promet d’instaurer un barème obligatoire, celui contenu dans sa loi d’août 2015 ayant été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Cet arsenal législatif, voté au fil des ans sous des gouvernements de droite et de gauche, favorise les transactions de gré à gré, entre salariés et employeurs. Avec un risque : une privatisation de la justice. « Moins de contentieux, cela veut dire moins de jurisprudence qui fait avancer le droit. Cela signifie aussi une justice privée qui n’éclaire pas le droit, analyse Isabelle Taraud. C’est problématique. Nous sommes inquiets. »

Cette tendance historique à mettre des obstacles entre le citoyen et les CPH a-t-elle un effet sur les délais de traitement des jugements, objectif premier de la loi Macron ? Impossible aujourd’hui d’y répondre en raison du manque de recul. Mais la vraie question se trouve peut-être ailleurs, dans les moyens de la justice prud’homale. Sur ce point, le rapport sur le suivi de la loi Macron est éclairant : « Le plan de soutien à la mise en place de la réforme prud’homale prévoit une dotation de 1 512 postes informatiques, soit 7 postes pour chacun des 216 conseils de prud’hommes […]. Le raccordement des postes informatiques à l’intranet est en cours. Toutefois, seuls le président et le vice-président du conseil de prud’hommes bénéficieront de cet accès. Pour des raisons budgétaires, il n’est pas prévu pour l’instant un raccordement général, ne serait-ce que celui des présidents et vice-présidents de section. » En outre, les conseillers prud’homaux n’ont un accès en ligne aux documentations que depuis mars 2017… Des éléments qui donnent une image nette du dénuement de ces juridictions et de leur inaptitude à gérer efficacement les dossiers. Et là se trouve certainement le vrai nœud du problème.

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2 mai 2017 2 02 /05 /mai /2017 13:44

La nouvelle convention sur l’assurance chômage va s’imposer la semaine prochaine dans l’indifférence générale. Hélène Crouzillat, membre du collectif les Matermittentes, et Rose-Marie Pechallat, présidente de l’association de défense des chômeurs Recours radiation, tentent d’alerter sur les dangers de ce texte. Par Hélène Crouzillat et Rose-Marie Pechallat le 28 avril 2017 pour Politis à lire sur www.politis.fr .

photo : JACQUES DEMARTHON / AFP

photo : JACQUES DEMARTHON / AFP

À l’heure où les consignes de vote pour le second tour des présidentielles fleurissent comme des coquelicots, une course de vitesse se joue dans les salons de la République pour l’agrément par la ministre du Travail de la nouvelle convention d’assurance chômage. Vous n’êtes pas au courant ? C’est normal. Personne n’a intérêt à vous informer de ce qui vous attend si, par malchance, le marché du travail ne voulait plus de vous.

Cette nouvelle convention d’assurance chômage fait suite à un protocole d’accord signé le 29 mars dernier, par les « partenaires sociaux » gestionnaires de l’Unédic, l’organisme qui gère et encadre les conditions d’indemnisation des chômeurs. Il prévoit l’économie de 900 millions par an sur les trois prochaines années pour pallier un déficit estimé à 4 milliards d’euros par an.

Quelques voix – des organisations de chômeurs – à peine audibles, annoncent le tableau : les premiers chômeurs touchés par les économies sont les femmes, les seniors et les salariés sous contrat courts ou travaillant à temps partiel, du public comme du privé. On aurait pu penser qu’une hausse des cotisations patronales, un déplafonnement des cotisations sur les hauts salaires ou encore une hausse du salaire des femmes pour atteindre celui des hommes, pourraient suffire à remplir la caisse. (...)

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21 avril 2017 5 21 /04 /avril /2017 09:12

De droite ou de gauche, chacun pronostique le retour de la croissance. Par Jérôme Gleizes le 19 avril 2017.

De gauche ou de droite, les candidats affichent de nombreuses contradictions dans leur programme économique, notamment entre l’analyse de la crise et les solutions, et donc leur action conjoncturelle ou structurelle. Les journalistes économiques résument (naïvement) la question à une articulation entre politiques d’offre et de demande. Du côté de la droite, de Fillon à Macron, on réhabilite la loi des débouchés de Say : « L’offre crée sa propre demande. » Il suffirait de produire pour que cette production s’échange sur les marchés, quitte à diminuer les prix de vente. Pour les défenseurs de cette thèse, il s’agit de baisser le coût du travail, notamment les « charges » sociales, pour améliorer la compétitivité des entreprises. Keynes avait en son temps montré l’inanité de cette formule. Les candidats droitiers feraient mieux d’étudier le premier postulat classique de la causalité entre productivité et salaire, que Keynes considérait comme juste. Ils comprendraient pourquoi un ouvrier coréen est mieux payé que son homologue français ! Mieux un ouvrier est formé, plus il fabrique des produits compétitifs et meilleur est son salaire. Le téléphone Samsung Galaxy permet davantage de rémunérer correctement un ouvrier qu’une voiture Logan. Il vaut mieux défendre la compétitivité qualité que prix.

Du côté de la gauche, de Hamon à Mélenchon, la question écologique est intégrée, et l’idée de retrouver la croissance des Trente Glorieuses est écartée. Toutefois, dans le chiffrage de leur cadrage macroéconomique, chacun des candidats envisage des taux de croissance élevés. Leur programme serait plus efficace et leur relance meilleure grâce à un multiplicateur keynésien. Un euro dépensé générerait plus d’un euro de revenu. On loue la politique du carnet de commandes et on se réjouit des taux de croissance donnés par les modèles économétriques. Ces taux nominaux (en incluant l’inflation) dépassent les 4 %, du jamais vu depuis quinze ans en France ! C’est oublier aussi bien la « contrainte de Kaya », qui nécessite une déconnexion entre croissance économique et émission des gaz à effet de serre, que la critique structurelle du modèle de production/consommation [1].

Si une croissance temporaire est possible, comme en 2010-2011, elle reste illusoire. Résoudre la crise écologique nécessite de changer de modèle économique et donc de modifier les paramètres des modèles économétriques qui prédisent des taux de croissance élevés. Il faut sortir de ce syllogisme fallacieux : « Ma politique est meilleure car elle permet le meilleur taux de croissance. » Une politique structurelle, celle qui modifie notre mode de production, doit rester la priorité, car elle seule permet une compatibilité entre la production et la survie de l’humanité. De droite ou de gauche, chacun pronostique le retour de la croissance grâce à sa politique qui permet mécaniquement de baisser le taux d’endettement de la France et de respecter les critères de Maastricht. Il est difficile d’être un économiste écologiste ! Si Mélenchon et Hamon ont compris l’enjeu de l’Anthropocène, il leur manque la cohérence d’une société post-croissance.

[1] Voir notre analyse de la crise, avec Yann Moulier-Boutang, « Une lecture écologiste de la crise, la première crise socio-écologique du capitalisme », Ecorev’ n° 32, mai 2009.

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 09:08

Avec sept autres associations, l’organisation attaque le décret de 2007 autorisant le réacteur nucléaire de Flamanville. Par Erwan Benezet et Vincent Vérier le 19 avril 2017 pour Le Parisien.

Flamanville (Manche), le 24 janvier 2014. Fabriquée à l’usine Areva du Creusot, où il y a eu des dysfonctionnements, la cuve de l’EPR est plus fragile que prévu. PHOTOPQR/« OUEST FRANCE »/GILLES COLAS

Flamanville (Manche), le 24 janvier 2014. Fabriquée à l’usine Areva du Creusot, où il y a eu des dysfonctionnements, la cuve de l’EPR est plus fragile que prévu. PHOTOPQR/« OUEST FRANCE »/GILLES COLAS

La France doit-elle poursuivre la construction du réacteur nucléaire de nouvelle génération, l’EPR, sur le site de Flamanville (Manche) ? Pour les associations de défense de l’environnement, Greenpeace en tête, mais aussi Réseau sortir du nucléaire, France Nature Environnement, la Criirad…, la réponse est non. Hier, huit d’entre elles ont attaqué le décret du 10 avril 2007 qui a autorisé le lancement des travaux de l’EPR. Pour ce faire, elles ont adressé au Premier ministre un recours gracieux. Objectif : stopper définitivement les travaux. Si ce premier assaut ne suffit pas, les associations veulent saisir le Conseil d’État.

Dans le document transmis à Matignon, que nous avons consulté, elles estiment que EDF — le constructeur —, Areva — qui fabrique une partie des pièces importantes du site — et, surtout, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) — chargée de vérifier que les différents intervenants respectent les règles — ont volontairement caché aux Français des informations importantes. Des éléments graves qui, selon Greenpeace, « entachent d’illégalité les conclusions » de l’enquête publique réalisée entre le 15 juin et le 31 juillet 2006, aboutissant au décret neuf mois plus tard.

Un coût qui a triplé

Selon des éléments dévoilés récemment dans la presse et repris par les associations, il apparaît que les deux entreprises et le gendarme du nucléaire étaient au courant depuis 2005 des dysfonctionnements à la forge du Creusot (Saône-et-Loire) d’Areva. Or, c’est sur ce site que la cuve et le couvercle de l’EPR, des éléments vitaux du réacteur, ont été fabriqués. Des pièces dans lesquelles on découvrira, fin 2014, des teneurs en carbone trop importantes qui les rendent plus fragiles que prévu. « Si le public avait été informé de tous ces éléments, il est fort probable que jamais l’autorisation de lancer le chantier de l’EPR n’aurait été donnée », affirme Cyrille Cormier, de Greenpeace.

Pour les associations, ces informations cachées « confirment l’incapacité d’Areva et d’EDF à assurer dans des conditions satisfaisantes » la construction de l’EPR. « Le nouveau réacteur de Flamanville va devenir le plus puissant du monde, mais c’est aussi celui qui concentre le plus d’anomalies depuis le début », prévient Cyrille Cormier avant d’énumérer une multitude de défauts de bétonnage, de soudures s’ajoutant aux malfaçons sur la cuve et le couvercle. Le réacteur, prévu à l’origine pour 2012, ne sera d’ailleurs pas en service avant 2018. Et, son prix a triplé pour atteindre plus de 10 Mds€. Ces aléas n’inquiètent pas EDF, pour qui ils sont propres à « toute tête de série », l’EPR de Flamanville étant le premier de sa génération. « L’État doit arrêter de jouer avec la sécurité des Français, dénonce pourtant Cyrille Cormier. On fait croire que tout est sous contrôle, alors que, depuis dix ans, EDF nous cache que le projet est vérolé. »

Un avenir incertain

Si les associations écologistes ne parviennent pas à faire annuler le décret autorisant le lancement des travaux de l’EPR de Flamanville, un autre couperet pourrait tomber : celui de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En septembre, elle doit dire si les défauts constatés sur la cuve et le couvercle du réacteur sont de nature à remettre en cause la sûreté des installations. En cas de réponse positive, deux scénarios se dessineraient. Soit remplacer les pièces, ce qui prendrait au moins sept ans de plus, pour un coût de 1 Md€ par an. Soit arrêter les frais et démanteler le chantier. Deux alternatives aux conséquences financières dramatiques pour EDF. Car elles hypothéqueraient l’avenir des cinq autres EPR en construction dans le monde : les deux de Hinkley Point, en Angleterre, celui d’Olkiluoto, en Finlande, et les deux EPR chinois. Avec à la clé, des  dédommagements à plusieurs milliards d’euros.

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15 avril 2017 6 15 /04 /avril /2017 09:27

Neuf réacteurs sont déjà en déconstruction en France. Le chantier est colossal et les défis techniques immenses. Par Pierre Le Hir le 13 avril 2017 pour Le Monde.

Lire aussi Tout est bon à EDF pour ne pas toucher à son parc nucléaire !, La double supercherie démasquée du nucléaire , Nucléaire : EDF veut reporter le démantèlement,et Le nucléaire français face à ses contradictions.

Réacteur nucléaire de Chooz A en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Chooz A en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Faire, défaire. Ainsi va la vie. Ainsi va désormais le nucléaire. Avec la fermeture annoncée de la centrale alsacienne de Fessenheim à la fin de la décennie – si EDF et le futur gouvernement n'en décident pas autrement –, " un vaste chantier industriel de démantèlement va pouvoir démarrer ", se félicite la ministre de l'environnement et de l'énergie, Ségolène Royal.

Pour l'entreprise publique, c'est une nouvelle page de l'histoire de l'atome qui s'ouvre. L'ouvrage qui l'attend est colossal, les défis techniques immenses, le coût considérable. Ses ingénieurs n'en sont toutefois pas à leur coup d'essai. Ils ont commencé à se faire la main sur plusieurs réacteurs à l'arrêt, dont celui de Chooz A, dans les Ardennes.

Chooz – prononcer chô – est un concentré de la filière électronucléaire française. La vitrine, justement, de ce qu'elle sait faire et défaire. Nous sommes ici dans une boucle de la Meuse, à l'extrême pointe d'une étroite bande de terre, le " doigt de Givet ", planté comme un coin dans l'Ardenne belge.

Ce matin d'avril au ciel plombé, on aperçoit d'abord, gris sur gris, deux colonnes de béton dont le panache de vapeur d'eau se mêle aux nuages : les tours de refroidissement de la centrale de Chooz B, formée de deux unités de 1 450 mégawatts (MW) qui, couplées au réseau en 1996 et 1997, sont parmi les plus modernes du parc hexagonal. Mais un troisième réacteur se cache, sur l'autre rive du fleuve, enfoui sous une colline piquée de bouleaux.

Chooz A, chantier pilote

Chooz A, le " petit Chooz ", est un modèle réduit, de 305 MW, des 58 réacteurs à eau pressurisée aujourd'hui exploités en France, dont la puissance est de trois à cinq fois supérieure. Le premier de cette technologie à avoir été mis en service, en 1967, il a aussi été le premier débranché, en 1991, après avoir rempli sa fonction de démonstrateur. Son démantèlement constitue donc un chantier pilote, même si son implantation souterraine, dans deux cavernes protégées par 300 mètres de roche, en fait un cas singulier.

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Une galerie menant vers la salle du réacteur. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Une galerie menant vers la salle du réacteur. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Pour y accéder, il faut s'enfoncer dans une galerie d'une centaine de mètres où courent des rails servant à l'évacuation des matériaux et des gaines de ventilation. Un sas maintient en dépression l'ensemble du site, pour éviter que ne s'en échappent des particules radioactives.

Nous sommes entrés en " zone contrôlée " mais, précise Sébastien Albertini, chef du projet de déconstruction, classée en " nucléaire propre ", où ne subsiste qu'un faible niveau de contamination. Nous sommes même, selon le code de couleurs en vigueur dans cette industrie, en " zone radiologique verte ", la moins exposée dans une gamme comprenant aussi le jaune, l'orange et le rouge.

Lavage chimique et décontamination

Car le gros des opérations a déjà été réalisé. Dans les premières années qui ont suivi l'arrêt du réacteur, le combustible usé a été déchargé et transféré vers les usines de retraitement de La Hague (Manche), les circuits et les tuyauteries vidangées, ce qui a permis d'éliminer 99,9 % de la radioactivité. Pour autant, souligne notre guide, " le niveau d'exigence en termes de sûreté et de radioprotection reste le même que pendant la phase d'exploitation ".

Il faut donc, avant de poursuivre plus avant, se livrer à un rituel immuable, auquel s'astreignent quotidiennement la centaine d'ouvriers et de techniciens troglodytes qui s'affairent toujours dans les entrailles de la terre. On passe successivement d'un vestiaire " froid ", où l'on se déshabille des pieds à la tête, hommes et femmes séparément, pour ne conserver que ses sous-vêtements, à un vestiaire " chaud " où l'on enfile tee-shirt, combinaison, chaussettes, chaussures, charlotte, casque et lunettes de protection, qui seront ensuite envoyés vers des laveries spécialisées. On s'équipe encore d'un dosimètre, qui nous avertirait par un signal sonore d'un taux anormal de radioactivité.

Nous voilà enfin dans le saint des saints : la caverne principale, haute de 45 mètres, longue de 40 et large de 25, où a été construit le réacteur, entre des parois rocheuses renforcées par une armature de béton et isolées par un revêtement de tôle inoxydable. " Notre difficulté principale est l'exiguïté de l'espace, qui nous a obligés à faire de la place, puis à construire avant de pouvoir déconstruire ", explique Sébastien Albertini.

Il a fallu aménager dans la grotte des paliers sur cinq niveaux, pour y installer des ateliers de découpe des composants et des silos de conditionnement des déchets. L'une des manœuvres les plus délicates a été l'extraction de leurs puits des quatre énormes générateurs de vapeur – des pièces de 14 mètres de haut et de 120 tonnes –, qui ont été sortis d'un bloc et, après lavage chimique et décontamination par projection de sable, acheminés vers le centre de stockage des déchets de très faible activité de Morvilliers (Aube).

Des robots télécommandés pour cisailler la cuve

Le démantèlement est aujourd'hui entré dans sa phase finale, ou terminale, puisqu'il s'agit bien d'une fin de vie. Il reste à enlever la pièce maîtresse, la cuve d'acier de 220 tonnes où se produisait la réaction de fission et dont le couvercle de 70 tonnes a été déposé, début mars, par un puissant pont de levage.

Pour limiter l'exposition aux radiations de cette chaudière et de ses structures internes, chargées en cobalt 60, l'opération se fera sous eau, dans une piscine de dix mètres de profondeur où l'on entrevoit en se penchant, à la lumière de projecteurs bleuâtres, une grappe de barres de métal hérissées, telles les tentacules d'une pieuvre géante tapie dans l'obscurité. Leur découpe, bout par bout, doit s'étaler jusqu'en 2022.

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Avant de sortir de la zone contrôlée tous les vêtements et objets contaminés sont déposés dans des corbeilles. Ce matériel ne sort jamais hors de la zone contrôlée. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Chooz A, en démantèlement par EDF sur la commune de Chooz dans les Ardennes, le 5 avril. Avant de sortir de la zone contrôlée tous les vêtements et objets contaminés sont déposés dans des corbeilles. Ce matériel ne sort jamais hors de la zone contrôlée. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Il y faudra des robots télécommandés, munis de scies circulaires ou à ruban qui cisailleront la cuve et ses structures internes en morceaux. Ceux-ci seront plus tard expédiés vers le centre de stockage de déchets de faible et moyenne activité à vie courte de Soulaines-Dhuys (Aube), pour la plus grande partie d'entre eux, ou, pour les 20 tonnes de déchets de moyenne activité à vie longue restants, vers un nouveau site, l'installation de conditionnement et d'entreposage des déchets activés, qu'EDF prévoit d'ouvrir mi-2018 dans le Bugey (Ain).

" Appartement témoin "

La seconde caverne, que l'on rejoint par des galeries transversales, a déjà été vidée de la plupart de ses équipements : piscine de refroidissement du combustible, systèmes de sauvegarde, pompes, circuits et auxiliaires divers. N'y restent plus que cinq casemates en béton, qui contiennent encore des résines et des effluents contaminés. Assis devant un pupitre de commande, deux employés, jouant de la manette comme on manie un joystick, actionnent à distance un bras robotisé, surnommé " Predator ", dont les pinces et les lames sectionnent tôles, bidons, tuyaux, vannes et robinets.

Pour signifier que les travaux avancent à bon train, EDF s'est offert le luxe d'aménager un " appartement témoin d'un démantèlement achevé " : un boyau aux murs de béton brut où a été effacée toute trace des activités passées.

« Prouesse technologique »

Si tout va bien, la déconstruction complète de Chooz A devrait être achevée d'ici à cinq ans, permettant le déclassement du site de son statut d'installation nucléaire et sa réhabilitation. Il demeurera toutefois plusieurs années encore sous surveillance, pour contrôler le niveau de tritium des eaux s'infiltrant dans les cavernes.

Que deviendra-t-il ensuite ? On y imaginerait volontiers un musée ou une galerie d'art moderne. Mais nous sommes dans une enclave nucléaire, et EDF prévoit de combler les galeries pour empêcher qu'elles ne s'effondrent. Une large partie des 40 000 tonnes de déchets, ferraille et gravats, produits ici, dont 80 % sont conventionnels, c'est-à-dire non radioactifs, pourraient y trouver un exutoire naturel.

En attendant, il s'agit de vérifier, sur notre dosimètre, la dose de radioactivité à laquelle nous avons été exposés en près de deux heures : un microsievert seulement, le millième de la dose autorisée pour le public sur une année entière, la limite étant vingt fois supérieure pour les travailleurs du nucléaire. Mais on ne retrouvera l'air libre qu'après être passé par trois détecteurs de plus en plus sensibles, des portiques de contrôle 1, 2 et 3 qui sondent mains, pieds, torse et dos, pour vérifier que l'on n'emporte pas de poussières radioactives collées sur ses vêtements ou sous ses semelles.

" Ma plus grande satisfaction, commente Sébastien Albertini, c'est de conduire ce chantier selon le planning prévu, dans le strict respect des règles de sûreté. "" Avec Chooz A, ajoute Gilles Giron, directeur adjoint des projets de déconstruction d'EDF, nous montrons que nous savons mener à bien le démantèlement d'un réacteur à eau pressurisée et que nous saurons donc le faire pour notre parc en exploitation. Le construire a été une prouesse technologique. Le déconstruire est aussi une prouesse technologique. "

Superphénix, un démantèlement ardu

La nouvelle aventure qui attend l'industrie nucléaire est-elle alors parfaitement sous contrôle ? Ce n'est pas l'avis de la mission parlementaire conduite par Barbara Romagnan, députée (PS) du Doubs, et Julien Aubert, député (Les Républicains) de Vaucluse, qui, dans un rapport rendu public le 1er février, a jugé qu'EDF se montrait " trop optimiste " quant à la " faisabilité technique ", selon elle " pas entièrement assurée ", du démantèlement du parc atomique. Et a pointé les retards pris par plusieurs chantiers. Car si celui de Chooz A, le plus simple à mener, paraît en bonne voie, l'électricien est aussi engagé dans d'autres opérations, beaucoup plus ardues.

Dans la salle du réacteur nucléaire de Creys-Malville dit « Superphénix », en démantèlement par EDF sur la commune de Creys-Mépieu en Isère, à l'intérieur de l'ancienne cuve, le 24 mars. Les dimensions sont impressionnantes, il s'agit du plus gros réacteur jamais construit par EDF. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Dans la salle du réacteur nucléaire de Creys-Malville dit « Superphénix », en démantèlement par EDF sur la commune de Creys-Mépieu en Isère, à l'intérieur de l'ancienne cuve, le 24 mars. Les dimensions sont impressionnantes, il s'agit du plus gros réacteur jamais construit par EDF. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

" immense gâchis "

Tel est le cas pour le réacteur à neutrons rapides Superphénix de Creys-Malville, en Isère. Ce prototype de 1 240 MW – une puissance à l'époque inédite –, mis en service en 1986, avait été baptisé du nom de l'oiseau mythique renaissant de ses cendres car il était censé, en mode surgénérateur, convertir de l'uranium naturel en plutonium et produire ainsi davantage de combustible qu'il n'en brûlait ou, en mode inverse, pouvoir consommer une partie du combustible usé d'autres centrales.

Las, il n'a cessé d'accumuler les avaries, avant que Lionel Jospin, alors premier ministre, ne décide, en 1997, de mettre fin à un fiasco industriel dont la Cour des comptes a chiffré en son temps le coût à 60 milliards de francs (environ 12 milliards d'euros d'aujourd'hui).

" Un immense gâchis ", estime encore Christian Gonin, ouvrier mécanicien à la -retraite qui, depuis son pavillon du hameau de Faverges, voit tous les matins, en ouvrant ses volets, le mastodonte de béton posé -devant les premiers contreforts des monts du Bugey. Il n'a rien oublié de cette histoire tumultueuse, encore moins de la grande manifestation antinucléaire européenne du 31 juillet 1977 qui vit la mort d'un jeune enseignant, Vital Michalon, victime de l'explosion d'une grenade offensive tirée par des forces de l'ordre déployées en masse.

" Un gaspillage énorme ", dit lui aussi Maurice François, agriculteur retraité, presque nonagénaire, qui, du temps où il menait la fronde écologiste, s'était équipé, par conviction autant que par bravade, d'une chaudière au biogaz alimentée par le lisier d'une porcherie.

Travail de bénédictin

Que reste-t-il aujourd'hui de Superphénix ? Une installation nucléaire hors normes, où tout est démesuré : un bâtiment de moitié plus haut (85 mètres) que celui d'un réacteur standard de 900 MW, une cuve six fois plus large (24 mètres de diamètre), des composants deux fois plus volumineux (43 mètres de hauteur pour les générateurs de vapeur). Ce qui en fait, vante EDF, " le plus grand réacteur en démantèlement au monde ". Mais, plus encore que ce gigantisme, explique Damien Bilbault, responsable du site, c'est l'utilisation de sodium liquide comme fluide de refroidissement qui s'est transformée en casse-tête pour les déconstructeurs.

Ce métal fondu, dont la cuve et les circuits contenaient 5 500 tonnes, s'enflamme spontanément au contact de l'air et explose en présence d'eau. Pour le neutraliser, il a fallu un travail de bénédictin consistant à l'injecter au goutte-à-goutte dans une solution de soude aqueuse afin de le transformer en soude ensuite incorporée, comme eau de gâchage, à 68 000 tonnes de béton. Lequel, très faiblement radioactif, devra rester entreposé sur place pendant une vingtaine d'années avant de pouvoir rejoindre un centre de stockage.

Réacteur nucléaire de Creys-Malville, en démantèlement, le 24 mars. Le panneau de sécurité que l'on retrouve à l'entrée de toutes les usines, dont les centrales électriques. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Réacteur nucléaire de Creys-Malville, en démantèlement, le 24 mars. Le panneau de sécurité que l'on retrouve à l'entrée de toutes les usines, dont les centrales électriques. ANTONIN LAINE / DIVERGENCE POUR LE MONDE

En comparaison, le reste des interventions – retrait de pompes de 125 tonnes, d'échangeurs de 70 tonnes ou d'un sas de manutention du combustible de 775 tonnes – a presque été un jeu d'enfant. Même s'il a fallu concevoir des machines et des robots spéciaux pour éliminer les poches résiduelles de sodium dans les multiples boucles et circuits d'une pile atomique extraordinairement complexe.

Et qu'en novembre 2014, à la suite d'une plainte du réseau Sortir du nucléaire, le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu (Isère) a condamné EDF pour n'avoir pas respecté une mise en demeure de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui lui enjoignait d'améliorer la gestion des situations d'urgence, telles qu'un incendie.

Reste à finir le travail. Une fois débarrassée de ses dernières traces de sodium par injection de petites doses de gaz carbonique humide, la cuve doit être mise en eau, fin 2017, avant d'être disséquée, d'ici à 2025, par des engins téléopérés.

À l'horizon 2030, Superphénix devrait enfin avoir rendu l'âme. Sans espoir, cette fois, de renaissance ? Pas tout à fait. Demeureront en place le bâtiment du réacteur, ainsi qu'un atelier pour l'entreposage du -combustible, où se trouve une piscine contenant non seulement un cœur déjà brûlé – dont 4,8 tonnes de plutonium –, mais -également un cœur tout neuf, prêt à servir. Car EDF n'exclut pas d'installer ici, un jour, un nouveau réacteur de quatrième génération, à neutrons rapides lui aussi. Et ce, alors que le modèle de troisième génération, l'EPR en construction à Flamanville -(Manche), n'a toujours pas livré ses premiers kilowattheures.

Un des innombrables portiques de sécurité pour l'accès au site du réacteur nucléaire de Creys-Malville, celui-ci à badge et code. Antonin Lainé / Antonin Lainé/ Divergence pour Le Monde

Un des innombrables portiques de sécurité pour l'accès au site du réacteur nucléaire de Creys-Malville, celui-ci à badge et code. Antonin Lainé / Antonin Lainé/ Divergence pour Le Monde

Le réacteur de Brennilis, autre épine dans le pied d’EDF

Autre épine dans le pied d'EDF, le petit (70 MW) réacteur à eau lourde de Brennilis, dans les monts d'Arrée (Finistère). Mis en service en 1967, stoppé en 1985, il attend toujours, dans la lande battue par les vents, un démantèlement qui ne devrait pas s'achever avant 2032. Près d'un demi-siècle se sera donc écoulé entre sa fin d'activité et la fin des travaux. Et plus de trente ans dans le cas de Superphénix, autant dans celui de Chooz A. Peut-on vraiment, dans ces conditions, affirmer que les délais sont tenus ?

Ce dérapage du calendrier a certes pour raison principale un changement de stratégie d'EDF. Alors que l'électricien prévoyait au départ de procéder à un démantèlement différé, pour laisser la radioactivité décroître pendant quelques dizaines d'années et faciliter ainsi l'intervention humaine, il a, au début des années 2000, opté pour un démantèlement immédiat.

Et ce, justifie Gilles Giron, " pour bénéficier de la mémoire de ceux qui ont exploité les centrales, et parce que des techniques de téléopération étaient disponibles ". Les dossiers de démantèlement ont alors été constitués, ce qui a demandé plusieurs années, avant que soient publiés les décrets autorisant la déconstruction des îlots nucléaires. En se référant à la date de ces décrets, EDF considère donc que la durée effective d'une déconstruction est de l'ordre de quinze ans seulement.

On en est pourtant très loin, avec les six réacteurs de la première génération du parc français (Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Saint-Laurent A1 et A2), eux aussi en cours de démolition. Des monstres d'un autre temps, vingt fois plus gros qu'un réacteur actuel et d'un fonctionnement incroyablement complexe. D'une technologie dite à uranium naturel graphite gaz, ils recèlent au total 17 000 tonnes de graphite, dont l'extraction sera aussi longue que difficile et qui générera des déchets de faible activité mais à vie longue, pour lesquels il n'existe pas encore de centre de stockage.

Quand ces ancêtres ont été mis à la retraite, EDF avait prévu de terminer leur démantèlement vers 2040. Mais, consultées par appel d'offres sur la méthode retenue – un retrait du graphite sous eau –, les entreprises sous-traitantes se sont déclarées incapables de mener à bien cette tâche. En 2016, EDF a fait volte-face et annoncé qu'elle envisageait désormais une extraction sous air, reportant du même coup l'élimination complète de ces réacteurs au début du siècle prochain.

" XXIIe siècle " - L’électricien sèchement tancé par l’ASN

" Les difficultés techniques évoquées sont réelles, mais repousser l'échéance au début du XXIIe siècle ne nous paraît absolument pas raisonnable, ni très conforme à la doctrine du démantèlement immédiat. Ou alors, la notion d'immédiateté a changé ", s'est fâché le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet, auditionné, le 22 février, par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale.

Au-delà de ce cas particulier, le gendarme du nucléaire a sèchement tancé l'électricien pour le " manque d'informations " fournies sur la stratégie de démantèlement du parc actuel. " Entre les trois exploitants - EDF, Areva et le CEA - celui sur lequel on a le moins d'éléments techniques pour porter un jugement sur la nature des opérations futures, sur leur faisabilité, sur leur crédibilité, y compris en termes de calendrier, c'est clairement EDF ", s'est-il irrité.

Et de brandir le dossier d'EDF, cinq fois moins épais que celui du CEA. D'autant, insiste M. Chevet, que chaque réacteur a une histoire particulière et qu'il est " indispensable d'identifier, site par site, les éventuels problèmes spécifiques qu'il a pu rencontrer ", par exemple " les pollutions diverses, à l'intérieur de l'installation ou sur les sols ".

Responsable de la production nucléaire et thermique à EDF, Dominique Minière n'en assure pas moins que " la faisabilité technique du démantèlement des réacteurs à eau pressurisée est d'ores et déjà acquise ". Et que sur les anciennes filières, comme celle à graphite-gaz, elle est " à notre portée ", même si aucun réacteur de puissance de ce type n'a encore été totalement déconstruit.

La réalité est pourtant que l'industrie -nucléaire n'avait aucunement anticipé la fin de vie de ses réacteurs, pas davantage que la gestion de leurs déchets ultimes. Sûre qu'elle était que, le moment venu, ses ingénieurs sauraient trouver les solutions. Ce n'est que depuis 2006 que la loi exige que, lors de la création d'une installation atomique, soient définis " les principes généraux proposés pour le démantèlement ". " La filière nucléaire a été incapable d'envisager son déclin, juge Yves Marignac, directeur de l'agence d'information sur le nucléaire -WISE-Paris. Or, comme en montagne, c'est souvent dans la descente, quand l'attention se relâche, que surviennent les accidents. "

  Le bâtiment de Superphénix vu depuis le hameau de Malville. Les « ailes » de couleur jaune abritent les quatre générateurs de vapeur, hauts de 20 mètres. La petite construction au toit conique, sur la gauche, est un ancien kiosque d'accueil du public, comportant un espace d'exposition et depuis lequel les visiteurs avaient une vue générale du site. Il est fermé depuis de nombreuses années.

Le bâtiment de Superphénix vu depuis le hameau de Malville. Les « ailes » de couleur jaune abritent les quatre générateurs de vapeur, hauts de 20 mètres. La petite construction au toit conique, sur la gauche, est un ancien kiosque d'accueil du public, comportant un espace d'exposition et depuis lequel les visiteurs avaient une vue générale du site. Il est fermé depuis de nombreuses années.

Une déconstruction hors normes et hors de prix

Le grand chantier de la déconstruction a bien sûr un coût. La facture est estimée à 1 milliard d'euros, au bas mot, pour Superphénix, l'ancien réacteur de Creys-Malville (Isère), près de 500 millions d'euros pour Brennilis (Finistère), 400 millions pour Chooz A (Ardennes) et environ 300 millions pour un réacteur classique. Pour l'ensemble des 58 réacteurs en activité et des neuf pionniers à l'arrêt, EDF chiffre l'addition finale à 60 milliards d'euros, gestion des -déchets et des derniers cœurs comprise. Afin de disposer de cette somme le moment venu, le groupe avait provisionné 24,4 milliards d'euros au 31 décembre 2016, une enveloppe dont Dominique Minière, responsable de la production -nucléaire et thermique à EDF, rappelle qu'elle a été validée par plusieurs audits.

Mais la mission parlementaire sur " la faisabilité du démantèlement des installations nucléaires " a rendu, en février 2017, des conclusions bien différentes. Elle estime que " les charges de démantèlement sont sous-évaluées " et relève que les provisions constituées par l'électricien français " sont parmi les plus basses - des pays - de l'Organisation de coopération et de développement économiques, sans filet de sécurité en cas d'écart sur les coûts ".

Un alléchant marché international

En 2012, la Cour des comptes avait elle-même calculé que, rapportés au parc français, les coûts de démantèlement prévus par les États-Unis étaient jusqu'à deux fois plus élevés et ceux retenus par l'Allemagne jusqu'à plus de trois fois selon certaines études. " L'expérience de l'Allemagne et du Royaume-Uni montre que, lorsque ces pays sont passés d'une hypothèse de coût de démantèlement à un devis opérationnel, avec des entreprises prestataires, la note a été multipliée par deux ou par trois ", prévient aussi Yves Marignac, directeur de l'agence d'information sur le nucléaire WISE-Paris.

Pour EDF, cette charge est toutefois une forme d'investissement. Quelque 110 réacteurs ont déjà été définitivement arrêtés dans le monde et 200 autres pourraient l'être d'ici quinze ans, sur les près de 450 aujourd'hui en fonctionnement. Mais très peu d'entre eux ont été démantelés : six l'ont été complètement aux États-Unis, une quinzaine sont en passe de l'être. C'est donc un alléchant marché international qui s'ouvre, sur lequel le français espère bien tenir une place de choix, grâce aux compétences acquises dans l'Hexagone. Une façon aussi de compenser en partie les emplois perdus lors de la fermeture d'une centrale, dont le démantèlement occupe entre cinq et dix fois moins de salariés que son exploitation.

Au reste, l'électricien projette déjà de bâtir sur le territoire national, pour remplacer les unités en fin de course, " trente à quarante " EPR, qu'il faudra eux-mêmes raser un jour. Faire et défaire. Encore et encore.

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21 mars 2017 2 21 /03 /mars /2017 09:01

C’est une première : une usine française va recycler les cellules photovoltaïques. De nouveaux produits seront fabriqués avec les matériaux. Par Frédéric Mouchon le 19 mars 2017 pour Le Parisien.

Du neuf avec les vieux panneaux solaires

UNE BOUTEILLE en plastique, un emballage en carton, une boîte de conserve, des piles, un appareil électronique, un panneau solaire… Cherchez l’intrus.

Un petit indice : on le voit de plus en plus fleurir au milieu de champs producteurs d’électricité. Les entreprises et les particuliers adorent en installer sur leurs toitures. Mais contrairement à la plupart des produits de consommation courante, il n’est pas recyclé. Trois ans après la création de PV Cycle France, premier organisme chargé par les pouvoirs publics de collecter et traiter les panneaux photovoltaïques usagés, l’entreprise Veolia vient de signer un contrat de quatre ans pour recycler le matériel abîmé ou en fin de vie.

Dotée d’une technologie unique en France, une usine de traitement installée à Rousset (Bouches-du-Rhône) sera en mesure d’ici la fin de l’année de valoriser plus de 1 400 t de matières premières. Car un panneau solaire, c’est 75 % de verre mais aussi de l’aluminium, du cuivre et du silicium. Autant d’éléments qui partaient jusqu’ici à la poubelle ou étaient  parfois recyclés en Belgique.

55 000 tonnes de panneaux posés en France chaque année

Lorsque le panneau usagé arrivera dans l’usine, il sera entièrement démonté et chaque élément réutilisable envoyé vers une filière adaptée. « Le but de ce contrat est de rapatrier le traitement de ces déchets en France où l’on pourra recycler 96 % des matériaux qui composent un panneau photovoltaïque », explique le directeur général de PV Cycle France, Nicolas Defrenne.

Si cette usine a vu le jour, c’est parce que la loi stipule que tout importateur ou fabricant de panneaux à énergie solaire se trouve dans l’obligation de les collecter et de les traiter lorsqu’ils arrivent en bout de course. Or la surface de toiture couverte de panneaux photovoltaïques n’a cessé de progresser depuis 2006, passant de 4 ha à 6 772 ha l’an dernier ! « Chaque année, 55 000 t de panneaux sont posés en France, et la puissance installée va tripler d’ici à 2023 », souligne Bernard Harambillet, directeur général recyclage et valorisation des déchets au sein de Veolia France.

Loin de se pincer le nez devant des déchets, qu’ils soient ménagers ou électroniques, cette entreprise s’est fait une spécialité de les considérer comme une ressource dont on peut extraire des matériaux pour fabriquer de nouveaux produits. « D’ici trente ans (NDLR : la durée de vie maximale d’un panneau), nous devrions pouvoir recycler 60 000 t de panneaux chaque année en France », estime Nicolas Defrenne. Et cela concernera aussi Monsieur et Madame Tout-le-Monde. « Lors de la dépose de sa toiture solaire, un particulier peut demander la reprise de ses panneaux usagés par son installateur pour qu’ils soient recyclés », rappelle Nicolas Defrenne.

« C’est exactement le même principe que votre cafetière, explique le président du Syndicat des énergies renouvelables, Jean-Louis Bal. Une fois qu’elle est arrivée en fin de vie, vous n’êtes pas censé la mettre à la poubelle mais la ramener au magasin qui se charge de l’envoyer dans une filière de recyclage. »

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12 mars 2017 7 12 /03 /mars /2017 10:07
Emmanuel Macron, l’économie en marche arrière

Notes par Dany Lang et Henri Sterdyniak le 7 Mars 2017.

Après plusieurs mois de suspense, Emmanuel Macron vient de présenter son programme. Le programme économique est hélas sans surprise. Comme l’avait annoncé Jean Pisani-Ferry, ce n’est pas un programme socialiste, c’est-à-dire un programme qui voudrait donner plus de pouvoir aux citoyens dans la cité et aux travailleurs dans l’entreprise ; ce n’est pas non plus un programme écologiste qui prendrait la mesure des efforts à réaliser pour la transition écologique. C’est un programme néo-libéral, « progressiste » uniquement pour ceux qui pensent que le progrès consiste à imposer à la France d’aller vers le modèle libéral.

Ce n’est donc pas non plus un programme de rupture, puisqu’il s’inscrit dans la continuité de la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, des 40 milliards de réduction d’impôts sans contrepartie pour les entreprises à la loi Travail. Ce programme nous propose d’accepter les demandes du grand patronat, en espérant que celui-ci daigne investir et embaucher en France.

Ainsi, les classes dirigeantes auront-elles le choix entre deux stratégies lors de ces élections. D’une part, la stratégie forte avec François Fillon, consistant en un choc brutal de destruction du droit du travail, de baisses des dépenses publiques et sociales, de réduction d’impôts pour les plus riches et les entreprises. De l’autre, la stratégie plus gradualiste d’Emmanuel Macron, les mêmes mesures étant prises plus progressivement, mais, in fine, dans la même direction.

 Dans le premier cas, il s’agit de mobiliser le petit patronat, les indépendants avec le Medef contre l’État social et les acquis sociaux (en faisant oublier la responsabilité de la mondialisation et de la financiarisation dans leurs difficultés) ; dans le second, on fait miroiter une société dynamique, libérée, d’initiative individuelle, d’enrichissement personnel, en s’appuyant sur les classes montantes d’entrepreneurs ou d’actifs indépendants. Mais sur le fond, les projets sont proches.

À travers Macron, l’élection présidentielle est l’occasion pour la technocratie de Bercy de faire passer ses réformes miracles comme la baisse des retraites et des prestations chômage, comme la réduction de l’autonomie des collectivités locales, comme les organismes paritaires. Macron est le porte-parole rêvé de cette technocratie étroitement liée aux milieux financiers qui rêve de voir appliquer ces idées rétrogrades sous des apparences civilisées.

Pour lire cette note dans son intégralité, téléchargez le PDF Notes Macron.

 

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9 mars 2017 4 09 /03 /mars /2017 09:15

Aménagement   Le premier bilan d'activité des missions régionales d'autorité environnementale montre que l'artificialisation des sols reste toujours au programme de nombreux documents d'urbanisme. L’évaluation des impacts environnementaux d’infrastructures de transport ou de commerces reste parcellaire, relève l’Autorité environnementale dans son rapport annuel. Par Laurent Radisson le 7 mars 2017 sur Actu-environnement.com et Marie-Noëlle Bertrand le mercredi 8 Mars 2017 pour l'Humanité.

Beaucoup de projets autoroutiers ne prennent pas en compte leur impact climatique. Photo : Jean-Pierre Muller/AFP

Beaucoup de projets autoroutiers ne prennent pas en compte leur impact climatique. Photo : Jean-Pierre Muller/AFP

C’est mieux, mais ce n’est pas encore bien. L’Autorité environnementale (AE) a rendu public, hier, un rapport annuel mitigé cochon d’Inde concernant la prise en compte des impacts environnementaux des infrastructures d’aménagement du territoire. Certes, depuis 2008, collectivités ou industriels ont progressé en la matière, relève l’AE. Les évaluations environnementales des futures autoroutes, lignes ferroviaires ou autres zones commerciales se sont nettement améliorées. Elles restent cependant très souvent parcellaires, insiste l’organisme, dont le rapport énumère les lacunes le plus souvent rencontrées. Celle qui arrive en tête n’est pas des moindres, en ces heures de réchauffement climatique et de pics de pollution. « L’AE a relevé de façon systématique la faiblesse, voire l’absence » de prise en compte des émissions de gaz à effet de serre ou de particules fines induites par les aménagements, relève son rapport, « y compris pour un nombre significatif de projets routiers et autoroutiers ».

Créée en 2009, épaulée, depuis un an, par des missions régionales d’autorité environnementale (MRAE) indépendantes, l’AE a ainsi épluché, en 2016, les dossiers de la ZAC du Triangle de Gonesse, du CDG Express ou encore de la liaison autoroutière Castres-Toulouse. Plus généralement, AE et MRAE « évaluent les évaluations » de projets d’aménagement commun, offrant un instantané de la façon dont les maîtres d’œuvre publics ou privés se sont emparés des enjeux environnementaux.

À l’échelle nationale, la qualité de l’air et les objectifs climatiques sont donc « très mal traités », insiste Philippe Ledenvic, président de l’AE. Les évaluations de certains projets autoroutiers « ne reposent pas sur des scénarios explicites de déplacement », précise le rapport. « Certains dossiers postulent même l’amélioration de la situation par la fluidification du trafic, sans prendre en compte l’effet indirect en termes d’augmentation de la fréquentation de l’infrastructure. »

Des efforts pour les logements pas pour les ZAC

La consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers n’est guère mieux lotie. « Certains projets envisageant l’artificialisation directe de sols n’en tiennent tout simplement pas compte », reprend Philippe Ledenvic. En outre, si des efforts réels ont été réalisés quand il s’agit de réduire l’impact de construction de logements, par exemple, il n’en va pas du tout de même concernant les zones d’activité commerciale. « Les projets de ZAC se poursuivent, relève le président de l’AE, sans certitude, au reste, que ces espaces auront une réelle utilité. » Parfois, des structures du même type existent déjà à proximité et sont sous-utilisées. Ainsi, concernant le projet de mégacentre commercial du Triangle de Gonesse, dans le Val-d’Oise, contesté en ce qu’il prévoit d’artificialiser près de 300 hectares de terres agricoles, « l’avis de l’AE recommande de justifier sa raison d’être alors que des locaux vacants existent juste à côté ».

De façon plus globale, l’AE constate que l’évitement de la dégradation de l’environnement est le parent pauvre des perspectives d’aménagement. « Les études d’impact sont généralement réalisées trop tard et le fractionnement des projets ne permet pas toujours de les évaluer dans leur globalité », énumère le président de l’AE. Quant à leurs alternatives, elles sont rarement débattues, voire pas toujours étudiées.

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8 mars 2017 3 08 /03 /mars /2017 15:40
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Vous trouvez que les questions d'égalité réelle entre femmes et hommes et de lutte contre les violences faites aux femmes ne sont pas assez prises en compte par les candidats à la présidentielle ?
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« À l’issue de l’ensemble des investigations il apparaît que les faits dénoncés, aux termes de déclarations mesurées, constantes et corroborées par des témoignages, sont pour certains d’entre eux susceptibles d’être qualifiés pénalement. Ils sont cependant prescrits », a conclu ce lundi le procureur de la République, François Molins, à propos de l’enquête préliminaire initiée quelques mois plus tôt contre le député écologiste (ex EELV) Denis Baupin, pour agression sexuelle, harcèlement sexuel et appels téléphoniques malveillants. Que les faits soient prescrits, les quatre élues écologistes qui ont témoigné le savaient, mais que le procureur se fende d’un communiqué pour indiquer que des faits auraient pu être qualifiés pénalement, cela leur a mis du baume au cœur. « Il y a eu un avant « l’affaire Baupin » et il y aura surtout un après », ont réagi ensemble Isabelle Attard, députée, Elen Debost, maire-adjointe au Mans, Sandrine Rousseau, porte-parole nationale d’EELV, et Annie Lahmer, conseillère régionale EELV du Val-de-Marne.

« Si les faits ne sont pas poursuivis, la Société, elle, a compris. Et c’est bien plus important. Au cours des derniers mois, les appels vers les associations de défense des droits des femmes se sont multipliés, les médias ont abordé le sujet aux heures de grande écoute et des collaboratrices parlementaires ont brisé la loi du silence, tout comme de nombreuses femmes dans tous les secteurs d’activité. Aucun parti politique ne pourra plus prétendre ignorer ce fléau quotidien qui va du sexisme ordinaire aux violences sexuelles. La honte change de camp. Nous sommes heureuses et fières que nos témoignages à visage découvert aient pu contribuer à mettre en lumière et sur la place publique des agissements que l’on voudrait croire d’un autre temps« , déclarent les quatre militantes qui appellent désormais les candidats à la présidentielle à mettre au cœur de leurs projets la « lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes et contre toutes les violences faites aux femmes ».

Hashtag mon vote si

Pour montrer la voie, les quatre femmes lancent une campagne d’interpellation baptisée « Vous aurez #mon vote si », qui propose une série d’interpellations à envoyer aux candidats, sur les questions d’égalité de salaire, de parité au sein du futur gouvernement, de lutte contre les violences sexuelles, les stéréotypes de genre… Détails sur la page Facebook du programme.

Cécile Dubois le 7 mars 2017 pour 94 Citoyens.

Publié sur ce blog le 8 mars à 15h40, l'heure symbolisant l'écart de 26% des salaires des hommes et des femmes.

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